Gideon
Levy, Haaretz, 9/6/2024
Traduit par Layân Benhamed,
édité par Fausto
Giudice, Tlaxcala
Somalie, Syrie, Myanmar, Boko Haram – et Israël. Ensemble, et pas par hasard. La décision du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, d’ajouter Israël à la liste noire des pays qui portent atteinte aux enfants a insulté et choqué Israël.
Nous et la Syrie dans le même sac ?
Une enfant palestinienne est assise sur des
décombres, dans la bande de Gaza, en juin. Photo Mohammed Salem/Reuters
Oui, nous et la Syrie. En Israël, tout le monde s’est lancé dans l’attaque, mais personne n’a demandé : qu’avons-nous pensé pendant que l’armée tuait des milliers d’enfants ? Que le monde resterait silencieux ? Que l’ONU ferait preuve de retenue ? Son rôle est de lancer des cris et c’est ce qu’elle a fait ce week-end .
Lorsqu’il s’agit de massacres d’enfants, toutes les excuses s’envolent, même celles avancées par Israël. Gilad Erdan peut continuer ses numéros grotesques à l’ONU : il a publié hier un enregistrement vidéo de sa conversation avec le secrétaire général, un acte sans précédent en termes de code de conduite diplomatique, le tout destiné aux oreilles du Comité central du Likoud, en prévision de son prochain poste.
Benjamin Netanyahu peut continuer à affirmer que « l’ONU s’est inscrite sur la liste noire de l’histoire ». L’ONU ? Combien d’enfants a-t-elle tué ? L’ armée israélienne en a tué 15 517, selon le ministère de la Santé de Gaza. Quelque 8 000 de ces décès ont été vérifiés par l’ONU. Beaucoup sont encore portés disparus.
Quelque 17 000 enfants ont perdu au moins un de leurs parents ; 3 000 ont perdu au moins un membre. Neuf enfants sur dix dans la bande de Gaza souffrent de « carence nutritionnelle aiguë », selon l’UNICEF. L’Organisation mondiale de la santé a déterminé que quatre enfants sur cinq ne mangent rien au moins un jour sur trois. En janvier, l’organisation internationale Save the Children a déterminé que 10 enfants perdaient au moins un membre chaque jour. Samedi, Al-Jazeera a diffusé une vidéo d’un garçon demandant à sa mère si son bras repousserait.
Un enfant palestinien tire un récipient d’eau dans le sud de la ville de Gaza, en juin. Photo Mohammed Salem/Reuters
Tout le monde est sur la liste noire de l’histoire, sauf Israël. Tout le monde est anti-israélien et antisémite, seul Israël est innocent. « L’armée la plus morale du monde », a encore claironné Netanyahou samedi, ce qui n’a pu que susciter un sourire embarrassé parmi ses auditeurs à travers le monde.
Les preuves sont solides, s’accumulent sans équivoque, impardonnables. Huit mois de guerre contre les enfants. Huit mois d’enfants amputés, d’orphelins, affamés, malades et en état de choc, mourants et morts. Les chiffres sont horribles, mais ’pas moins horrible que le déni total de toute responsabilité par ’Israël. La responsabilité de la mort d’au moins 10 000 enfants incombe à leurs parents, au Hamas et à l’UNICEF, mais pas à leurs assassins, ni aux soldats et pilotes des Forces de défense israéliennes, les plus morales du monde.
Lorsqu’on a atteint de tels niveaux de souffrance infligées à tant d’enfants, on aurait pu s’attendre à un certain degré de choc également en Israël. Après tout, nous avons aussi des enfants. Mais ici, le chagrin est interdit par commandement, la compassion n’est plus acceptable, les manifestations ne portent que sur le sort de nos enfants, puisqu’il n’y en a évidemment pas d’autres, tandis que des centaines de milliers d’enfants de l’autre côté sont invisibles, indignes de considération.
Un enfant palestinien déplacé est assis après que l’armée israélienne a commencé à évacuer les civils palestiniens en prévision d’une menace d’assaut contre Rafah, en mai. Photo Hatem Khaled/Reuters
Les enfants de Gaza – ceux qui survivent – n’oublieront jamais. Ils fouillent désormais dans les décombres de leurs maisons, pleurant leurs parents, leurs frères et sœurs, essayant de panser leurs blessures et leurs moignons dans un pays sans un seul hôpital en activité, rendus fous par les cauchemars. Mais ils grandiront et n’oublieront pas. L’aide humanitaire traîne toujours, les colons sabotent les camions d’aide, bloquant violemment leur ‘entrée à Gaza, et Israël reste également silencieux sur ce sujet. Mais les enfants n’oublieront jamais ce qu’Israël leur a infligé. Comment pourraient-ils ? Pas pour des générations.
Le monde les rejoint désormais. Même le monde cynique et froid est choqué par de tels meurtres d’enfants. Erdan, Netanyahou et d’autres Israéliens peuvent continuer à plaider innocent et à s’en laver les mains, mais leurs mains sont tachées du sang des enfants, qu’aucune excuse ne peut cacher.
Il faut commencer à s’’y habituer : la Somalie, la Syrie et Israël’ dans le même club. Il n’y a pas lieu d’être choqué par son adhésion, seulement par ce qui a motivé l’ajout d’Israël au club. Un ajout justifié, il faut l’admettre.
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