Eric Schmitt, Julian E. Barnes et Adam Goldman ont
contribué à ce reportage
Traduit par Fausto
Giudice, Tlaxcala
Les agents israéliens voulaient
tuer le principal scientifique nucléaire iranien depuis des années. Puis ils
ont trouvé un moyen de le faire sans la présence d'agents sur place.
Mohsen Fakhrizadeh, le père
du programme nucléaire iranien, gardait un profil bas, et les photos de lui
étaient rares. Cette photo est apparue sur des affiches de martyrs après sa
mort. Photo : Arash Khamooshi pour le New York Times
Le plus grand
scientifique nucléaire iranien s'est réveillé une heure avant l'aube, comme il le
faisait presque tous les jours, pour étudier la philosophie islamique avant de
commencer sa journée.
Cet après-midi-là, lui et sa femme quittent
leur maison de vacances au bord de la mer Caspienne et se rendent dans leur
maison de campagne à Absard, une ville bucolique à l'est de Téhéran, où ils ont
prévu de passer le week-end.
Les services de renseignement iraniens
l'avaient averti d'un possible complot d'assassinat, mais le scientifique,
Mohsen Fakhrizadeh, l'avait balayé d'un revers de main.
Convaincu que M. Fakhrizadeh dirigeait les
efforts de l'Iran pour fabriquer une bombe nucléaire, Israël voulait le tuer
depuis au moins 14 ans. Mais il y avait eu tant de menaces et de complots qu'il
n'y prêtait plus guère attention.
Malgré sa position
éminente dans l'establishment militaire iranien, M. Fakhrizadeh voulait vivre
une vie normale. Il avait envie de petits plaisirs domestiques : lire de la
poésie persane, emmener sa famille au bord de la mer, faire des promenades à la
campagne.
Et, passant outre
les conseils de son équipe de sécurité, il se rendait souvent à Absard dans sa
propre voiture au lieu de se faire conduire par ses gardes du corps dans un
véhicule blindé. C'était une grave violation du protocole de sécurité, mais il
a insisté.
Ainsi, peu après midi, le vendredi 27
novembre, il s'est glissé au volant de sa berline Nissan Teana noire, sa femme
sur le siège passager à ses côtés, et a pris la route.
Jugal K. Patel
Une
cible insaisissable
Depuis 2004, lorsque le gouvernement israélien
a ordonné à son agence de renseignement étrangère, le Mossad, d'empêcher l'Iran
d'obtenir des armes nucléaires, celle-ci a mené une campagne de sabotage et de cyberattaques contre les installations iraniennes
d'enrichissement du combustible nucléaire. Le Mossad a également éliminé méthodiquement les experts censés diriger le programme
d'armement nucléaire de l'Iran.
Depuis 2007, ses agents ont assassiné cinq
scientifiques nucléaires iraniens et en ont blessé un autre. La plupart des scientifiques
travaillaient directement pour M. Fakhrizadeh sur ce que les responsables des
services de renseignement israéliens considèrent comme un programme secret de
construction d'une ogive nucléaire, notamment pour surmonter les difficultés
techniques considérables que pose la fabrication d'une ogive suffisamment
petite pour être montée sur un des missiles à longue portée iraniens.
Les agents israéliens ont également tué le général iranien chargé du
développement des missiles et 16 membres de son équipe.