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10/05/2025

MURTAZA HUSSAIN /RYAN GRIM
Le nouveau président syrien a une offre à faire à Trump

Ahmed al-Charaa veut rencontrer Trump et offrir aux entreprises usaméricaines la possibilité de reconstruire la Syrie

Murtaza Hussain et Ryan GrimDrop Site News9/5/2025 
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Le président syrien Ahmed al-Charaa  a autorisé des émissaires à faire une série de concessions inédites au président Donald Trump dans l’espoir de normaliser les relations avec les USA. Cette offre vise à éviter une catastrophe financière imminente qui pourrait désintégrer l’État. Lors d’une réunion le 30 avril à Damas, al-Charaa s’est réuni avec une délégation dirigée par l’homme d’affaires usaméricain Jonathan Bass [PDG de la compagnie gazière Argent LNG  et militant républicain trumpiste, NdT] et Mouaz Moustafa, directeur exécutif de la Syrian Emergency Task Force. Bass a déclaré que des responsables saoudiens s’efforçaient de négocier la prochaine rencontre avec Trump.


Depuis qu’il a pris le pouvoir en décembre lors d’une offensive militaire surprise qui a renversé le régime de Bachar el-Assad, Charaa, anciennement connu sous le nom de guerre d’Abou Mohamed al-Joulani, s’est engagé dans une campagne de relations publiques visant à convaincre les capitales occidentales sceptiques à l’égard du nouveau régime, notamment en raison de ses anciens liens avec Al-Qaïda et l’État islamique. Il vient de se rendre à Paris, où il a été accueilli par le président français Emmanuel Macron.

Jusqu’à présent, Charaa  n’a pas croisé le chemin de Trump, mais cela pourrait bientôt changer. Les deux dirigeants devraient se rendre à Riyad, la capitale saoudienne, la semaine prochaine, où Trump arrivera à la tête d’une délégation usaméricaine qui devrait signer d’importants accords commerciaux, d’armement et d’énergie avec les dirigeants saoudiens. Selon Bass, qui a déclaré avoir été en contact avec des responsables saoudiens, le prince héritier saoudien Mohamed ben Salman s’est efforcé d’organiser une rencontre directe entre le dirigeant syrien et Trump lors de leur séjour à Riyad, ce qui constituerait un tournant pour le nouveau gouvernement de Damas.

Moustafa, s’adressant aux journalistes vendredi matin à Washington, a déclaré qu’al-Charaa avait explicitement autorisé la délégation à proposer un accord global à Trump, dont al-Charaa a dit qu’il était un « homme de paix envoyé par Dieu ». Al-Charaa espère rencontrer Trump dans les prochains jours, lorsque les deux hommes seront à Riyad. Moustafa a déclaré que le deal généreux pour les USA nécessiterait une rencontre ne dépassant pas cinq minutes.

L’accord potentiel, selon Moustafa, est rendu public parce que certains des conseillers pro-israéliens de Trump, dont le conseiller à la sécurité nationale Michael Waltz, qui a été démis de ses fonctions, ont délibérément empêché Trump de prendre connaissance des concessions que la Syrie est disposée à faire.

La Syrie a été largement détruite au cours de la guerre civile qui a duré quatorze ans. La Banque mondiale estime que la reconstruction du pays coûtera entre 250 et 400 milliards de dollars, et ses souffrances ont été aggravées par un régime de sanctions écrasantes imposé par les USA. La Chine et la Russie ont fait des démarches agressives pour obtenir des contrats de reconstruction dans le pays, en proposant de développer les réserves de pétrole et de gaz, et en construisant des infrastructures de télécommunications par l’intermédiaire de l’entreprise chinoise Huawei, a déclaré Al-Charaa. Le nouveau président syrien a néanmoins exprimé sa préférence pour un partenariat avec l’Occident.

Si les USA y sont disposés, la Syrie inviterait les entreprises usaméricaines à exploiter les ressources pétrolières et gazières du pays, et travaillerait avec des entreprises usaméricaines sur des projets de reconstruction. Bass a déclaré qu’AT&T avait été explicitement mentionnée comme un partenaire préféré à Huawei.

Dans le cadre de cet accord potentiel, la Syrie continuerait à lutter contre des groupes tels que l’État islamique et Al-Qaïda. Moustafa a déclaré qu’il y aurait davantage de possibilités d’échange de renseignements dans le cadre du rapprochement entre les USA et la Syrie. L’accord pourrait également inclure une limitation de la capacité des groupes militants palestiniens, considérés comme alignés sur l’Iran, à opérer en Syrie. Moustafa a noté que le gouvernement syrien a récemment emprisonné des responsables du Jihad islamique palestinien, ce qu’il a décrit comme un signe de la volonté du nouveau gouvernement de s’attaquer à l’Iran et à ses alliés. « Nous avons les mêmes ennemis que les USA », a déclaré Bass, résumant ce qu’al-Charaa a dit au groupe : « Nous avons les mêmes alliés potentiels que les USA ».

Charaa a déclaré que la Syrie était ouverte à la normalisation de ses relations avec Israël dans des circonstances appropriées, affirmant qu’il respectait l’accord de 1974 sur le « désengagement des forces ». Depuis son arrivée au pouvoir, Israël bombarde sans relâche la Syrie, envoie des troupes pour occuper davantage de territoires à l’intérieur du pays, y compris dans la zone tampon démilitarisée des Nations unies sur les hauteurs du Golan, en violation de l’accord de 1974, et tue des dizaines de Syriens. L’armée de l’air israélienne a également lancé une attaque sur le terrain de son palais présidentiel au début du mois de mai. Cette attaque a eu lieu 24 heures seulement après que la délégation usaméricaine se fut rendue au palais pour rencontrer al-Charaa. Des responsables israéliens ont suggéré qu’il s’agissait peut-être d’un essai pour attaquer directement le dirigeant syrien à l’avenir.

Selon d’anciens responsables usaméricains qui ont servi de médiateurs entre les deux pays, la Syrie et Israël ont envisagé de normaliser leurs relations sous l’ancien régime de Bachar el-Assad, avant le soulèvement de 2011 en Syrie. Les deux pays sont confrontés à un problème en suspens concernant la région contestée du plateau du Golan, qui constitue un important grief national à l’intérieur de la Syrie, et qu’Israël occupe depuis 1967.

Offensive de charme

Pour parvenir à un accord, la Syrie devra voir lever les sanctions américaines qui pèsent actuellement sur elle. La Syrie est actuellement soumise à des sanctions en vertu de la loi César de 2019, qui a imposé des restrictions économiques écrasantes à l’ancien régime Assad, soi-disant en raison des violations des droits humains commises par ce gouvernement. Le nouveau gouvernement et ses partisans affirment que les sanctions, qui visaient à punir Assad, punissent désormais ses victimes présumées, et qu’elles devraient être levées pour cette raison. Mais elles devraient également être levées pour que la vision de Charaa d’un « deal du siècle » avec Trump se concrétise.

Cette semaine, les USA ont annoncé une exemption de sanctions qui permettrait au Qatar de payer les salaires du secteur public syrien à hauteur de 29 millions de dollars pour les trois prochains mois, ce qui permettrait à Damas de préserver certaines de ses institutions en ruine et de renvoyer les employés du gouvernement au travail. Cette décision fait suite à de précédentes dérogations limitées aux sanctions appliquées par Washington pour permettre aux groupes d’aide d’opérer dans le pays après la chute d’Assad. L’Arabie saoudite et le Qatar avaient précédemment annoncé qu’ils rembourseraient la dette syrienne de 15 millions de dollars à la Banque mondiale - une somme relativement faible que Damas ne pouvait pas se permettre -, ce qui montre à quel point le pays s’est appauvri après plus d’une décennie de conflit.

La Syrie est toujours en proie au chaos interne, notamment à la violence sectaire, à la criminalité, à la pauvreté généralisée et au manque de services de base. Des milices liées au gouvernement ont perpétré un massacre à grande échelle de civils alaouites à la suite d’un “coup d’État avorté” dans la région côtière de la Syrie au début de l’année. Pour tenter de maintenir la situation fragile, exacerbée par les attaques extérieures, Charaa aurait également engagé des pourparlers indirects avec Israël, sous la médiation des Émirats arabes unis. Ces pourparlers auraient porté sur la demande de la Syrie qu’Israël cesse ses frappes aériennes sur le pays, se retire des territoires occupés dans le sud et cesse ses efforts pour promouvoir le séparatisme ethnique visant à provoquer la dissolution de la Syrie - un objectif déclaré de certains ministres israéliens actuels. Le gouvernement syrien a également mené une action agressive auprès des Juifs syro-usaméricains, en facilitant les voyages vers les sites historiques du pays et en s’engageant à restaurer et à protéger le patrimoine juif dans le pays.

Il reste à voir si Charaa peut réussir le délicat exercice d’équilibre consistant à apaiser suffisamment les USA pour lever les sanctions et permettre la reconstruction de la Syrie. Mais sa tentative de tendre la main à Trump en offrant une opportunité commerciale lucrative aux entreprises usaméricaines pourrait lui donner une chance. Moustafa a déclaré que les USA avaient une « opportunité en or » avec le nouveau gouvernement, qui se présente désormais comme ouvert aux affaires avec Washington.