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13/08/2025

LYNA AL TABAL
Anas Al-Sharif : la couverture continue

 Lyna Al-TabalRai Al Youm, 12/8/2025

Traduit par Tlaxcala

Chers lecteurs, vous n’êtes donc pas encore fatigués de ces vieux mensonges sur la mer qui protégerait la ville ? Allons… la mer ne protège personne. Elle n’a ni parti, ni camp, ni mémoire. Elle n’est que de l’eau, vouée à s’évaporer, et ses vagues ne sont rien d’autre qu’un balancement physique dénué de sens. Gaza, noyée dans son sel, dans son sang, c’est pas une légende… Gaza, c’est du vrai, du dur, une réalité qui fait mal.

Enterrement de l'équipe d'Al Jazeera assassinée. Photo Omar Al-Qattaa/AFP/Getty Images

C’est de là qu’il est sorti, Anas al-Sharif. Qui a dit que c’était le héros d’une vieille histoire ? Non… C’était un jeune homme du camp de Jabaliya, il filmait le réel, rien que ça. C’est la seule histoire qui compte. Anas, pas un héros des contes, mais le type qui fabrique une nouvelle légende : celle de la vérité.
Le voilà, Anas, venu de là-bas, l’armure sur le dos, avec marqué dessus : « PRESS » Une armure en tissu épais, dessous des plaques serrées, compressées… une amulette moderne, en kevlar, en céramique… censée tenir les balles à distance. Mais, comme toutes les amulettes de cette époque pourrie, ça sert à rien… quand c’est Israël qui tire. Anas… comme Ismaël… comme Shireen .. Hamza, Abdel Hadi, Salam, Hani, Mohammed, Ahmed, Majid, Shimaa, Ola, Duaa, Hanan, Samer... comme des centaines d'autres journalistes pris pour cible par Israël, a été témoins de ses crimes et de ceux de son armée qui se discrédite chaque jour en tuant les témoins.

Israël, l'État qui se vend au monde comme un havre de démocratie, bat un nouveau record au Guinness des records de la mort...

Imaginez-vous qu'en moins de deux ans, Israël a tué à Gaza plus de journalistes que toutes les guerres entre 1861 et 2025 ? Pouvez-vous accepter ce chiffre ? Cette période comprend la guerre civile américaine, la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale, la guerre de Corée, la guerre du Vietnam, la guerre du Cambodge et la guerre du Laos... Ajoutez à cela les guerres de Bosnie-Herzégovine, de Croatie et du Kosovo, la guerre d'Afghanistan, la guerre d'Irak et la guerre en Ukraine...

Hier, c'était le tour d'Anas... Anas al-Sharif est tombé en martyr... C'est la phrase habituelle, le slogan que nous répétons pour tenir le coup. Car ici, à Gaza, la mort est une routine quotidienne, comme le pain, ou plutôt comme l'absence de pain. C'est comme la faim, comme la peur, comme la couleur sombre du sang lorsqu'il se mélange à la cendre. Tout ce qui est mauvais ici se répète... Tout ce qui est mauvais se répète sans cesse, sauf le sourire d'Abou Mazen, qui s'élargit à mesure que le siège sur Gaza se resserre.

De loin, Gaza ressemble à un tableau aux couleurs cendrées, ses rues sont des trous noirs sans début ni fin, et le vent transporte une odeur de poudre mêlée à un peu de sel marin... Un mélange que connaissent bien les Gazaouis, mais aussi les pilotes israéliens... qui reviennent bombarder.

Ici, à Gaza, la parole est interdite, la nourriture aussi... La liberté d'expression pour les Israéliens signifie la liberté de tuer tous ceux qui parlent. Israël ne parle pas de déontologie, il ne connaît qu'un seul métier : l'occupation... et le meurtre. Israël tue les journalistes parce qu'il a peur de ce que la caméra montre : des cadavres d'enfants, des visages de mères, des yeux qui disent au monde : « Regardez, c'est un génocide ». Israël tue les journalistes parce qu'il sait que l'histoire sera écrite à travers leurs objectifs et que les procès seront documentés par leurs photos.

Finalement, Anas al-Sharif a été tué et enterré. C'est désormais une image gravée dans la mémoire de Gaza : un corps recouvert d'un linceul blanc, des mains qui le soulèvent rapidement avant que le prochain raid ne commence, une caméra silencieuse qui accompagne le corps, son objectif toujours ouvert, témoin de la mort de son propriétaire comme elle a été témoin de sa vie... Mais désormais, elle ne filme plus rien. Sans image ni son, mais #la_couverture_continue, comme tu l'as demandé, Anas... La vérité ne meurt pas, elle passe d'un objectif à l'autre, d'un collègue à l'autre, d'un martyr à un encore vivant en direct... Et nous sommes tous des martyrs qui attendons notre tour sur la route de Jérusalem.

À cette heure même, les fonctionnaires de l'ONU se disputent la formulation d'une déclaration exprimant leur profonde inquiétude. Certains pleureront, d'autres feindront d'être émus, puis ils retourneront boire leur café infect dans leurs bureaux climatisés.

Netanyahou, noyé jusqu'aux oreilles dans les dossiers de corruption et les rêves de grandeur, sait que l'image transmise par Anas est plus dangereuse que n'importe quel missile, plus dangereuse que mille déclarations des Nations unies. La caméra était la dernière arme dont disposait Anas face au monde, quelque chose que le dôme de fer ne pouvait arrêter. Il tirait avec son appareil photo comme un combattant tire un missile Yassin, des images et des vidéos que ni la fronde de David ni les Patriot ne pouvaient intercepter.

Netanyahou s'est tenu debout, avec un sourire à moitié déformé, pour déclarer qu'Israël combattait le terrorisme. Le monde écoutait en silence, comme toujours. Mais Anas savait que la fin allait venir, et il savait peut-être aussi que le monde allait faire la risette à Israël quelques heures après son martyre. Il savait qu'après sa mort, rien ne changerait. Le blocus resterait un blocus, et les Palestiniens resteraient en vie, juste assez pour mourir le lendemain.


Anas avec Sham et Salah

Savez-vous qu'Anas avait appelé sa fille « Sham* » pour dire que la Palestine ne connaît pas de frontières ? Il l'avait fait pour dire au monde : la Palestine ne se résume pas à une ligne de cessez-le-feu, ni à un mur de séparation, ni à une carte sur laquelle s'amusent des politiciens obsédés. La Palestine est contre toute occupation et contre toute violation du droit de l'homme à être libre. La patrie est plus grande que Gaza, et la blessure arabe est unique, à Khartoum assiégée, à Beyrouth détruite, à Bagdad sinistrée, à Damas survolée par les avions ennemis qui bombardent et repartent... Partout où il y avait de la douleur, il y avait la Palestine.

Non, mon ami, nous n'avons pas besoin d'un miracle. Les miracles n'existent plus, et s'ils existent, ils sont ennuyeux. Nous avons besoin d'autre chose, de beaucoup moins romantique, de beaucoup plus cruel : du temps, par exemple... ou peut-être l'effondrement complet du système mondial. En réalité, les héros de Gaza sont le miracle qui n'étonne personne, car le monde s'est habitué à les voir mourir.

Nous avons besoin d'un droit international qui poursuive Israël et lui impose des sanctions, et d'un monde qui cesse de jouer les sympathisants. Ce que nous voulons, c'est que le monde cesse de se mentir à lui-même... même si ce n'est qu'une courte pause avant le prochain mensonge. Y a-t-il une trêve dans les mensonges ?

Au final, la mer restera, la ville restera, mais les visages disparaîtront. C'est toujours ainsi que les choses se passent. La mer est témoin de la mort de ceux qu'elle ne peut sauver, et la ville s'effondrera encore, encore et encore. Tout reviendra comme avant, car le temps à Gaza tourne en rond et n'avance pas... Ici, le temps se répète sans pitié.

Mais ce n'est pas si mythique que ça. La survie de Gaza n'est pas un miracle, c'est simplement une réalité dérangeante. Et la vérité, c'est que la survie de Gaza est une victoire en soi. Gaza vaincra parce qu'il y a des choses qui ne peuvent pas être tuées.

Vous entendez ?

Des choses qui ne peuvent pas être tuées...

Il y a des choses plus simples et plus décourageantes : comme la vérité, comme la mer qui, contrairement à la plupart des politiciens de la région, comprend que la prochaine vague sera inévitablement plus grande que la précédente.

Oui, la mer de Gaza qui, malgré votre silence et votre complicité, continue d'envoyer des vagues plus grandes que les précédentes, signe évident que cette fin est le début de Gaza et votre fin.

NdT

*Sham : Bilad al-Sham, le pays “à main gauche” (depuis le Hijaz) par opposition au Yemen, le pays “à main droite”, désignait traditionnellement la “Grande Syrie“, englobant la Syrie, le Liban, la Palestine et la Jordanie d’aujourd’hui.

11/08/2025

LORENZO TONDO
Anas al-Sharif, destacado corresponsal de Al Jazeera, entre los cinco periodistas asesinados en un ataque aéreo israelí en Gaza

Israel admite el ataque deliberado contra el periodista, conocido por su cobertura en primera línea, en un ataque contra una tienda de campaña situada fuera del hospital al-Shifa

Lorenzo Tondo en Jerusalén, The Guardian, 11-8-2025
Con Reuters y Agence France-Presse
Traducido por Tlaxcala

Las Fuerzas de Defensa de Israel afirman que Anas al-Sharif, que había expresado su miedo a ser asesinado, era el líder de una célula de Hamás. Fotografía: Al Jazeera

Un destacado periodista de Al Jazeera que había sido amenazado anteriormente por Israel ha muerto junto con cuatro compañeros en un ataque aéreo israelí.

Anas al-Sharif, uno de los rostros más reconocibles de Al Jazeera en Gaza, murió mientras se encontraba dentro de una tienda de campaña para periodistas frente al hospital al-Shifa, en la ciudad de Gaza, el domingo por la noche.

Según la cadena con sede en Catar, en el ataque murieron siete personas en total, entre ellas al-Sharif, el corresponsal de Al Jazeera Mohammed Qreiqeh y los operadores de cámara Ibrahim Zaher, Mohammed Noufal y Moamen Aliwa.

Las Fuerzas de Defensa de Israel admitieron el ataque y afirmaron que el reportero «había sido jefe de una célula terrorista de la organización terrorista Hamás y era responsable de promover ataques con cohetes contra civiles israelíes y las Fuerzas de Defensa de Israel».

Afirmaron que tenían información de inteligencia y documentos encontrados en Gaza como prueba, pero los defensores de los derechos humanos dijeron que había sido blanco de un ataque por sus reportajes en primera línea de la guerra de Gaza y que la afirmación de Israel carecía de pruebas.


La tienda de campaña frente al hospital Al-Shifa, donde Anas al-Sharif y otras seis personas murieron en un ataque israelí. Israel admitió el ataque, alegando que era un militante de Hamás, una afirmación que la ONU ha calificado de infundada. Fotografía: Ebrahim Hajjaj/Reuters

Al Sharif fue calificado como «uno de los periodistas más valientes de Gaza» y Al Jazeera afirmó que el ataque era «un intento desesperado de silenciar las voces en previsión de la ocupación de Gaza».

El mes pasado, el portavoz del ejército israelí, Avichai Adraee, compartió un video de al-Sharif en X y lo acusó de ser miembro del ala militar de Hamás. En ese momento, la relatora especial de la ONU sobre la libertad de expresión, Irene Khan, lo calificó de «afirmación sin fundamento» y de «ataque flagrante contra los periodistas».

En julio, al-Sharif declaró al Comité para la Protección de los Periodistas (CPJ) que vivía con la «sensación de que podía ser bombardeado y martirizado en cualquier momento».

Tras el ataque, el CPJ se declaró «consternado» al conocer la muerte de los periodistas.

«La costumbre de Israel de tildar a los periodistas de militantes sin aportar pruebas creíbles plantea serias dudas sobre sus intenciones y su respeto por la libertad de prensa», declaró la directora regional del CPJ, Sara Qudah.

«Los periodistas son civiles y nunca deben ser blanco de ataques. Los responsables de estos asesinatos deben rendir cuentas».

El Sindicato de Periodistas Palestinos condenó lo que calificó de «crimen sangriento» de asesinato.

En enero de este año, tras un alto el fuego entre Hamás e Israel, al-Sharif llamó la atención de todo el mundo cuando, durante una transmisión en vivo, se quitó el chaleco antibalas mientras estaba rodeado por decenas de residentes de Gaza que celebraban el cese temporal de las hostilidades.

Pocos minutos antes de su muerte, al-Sharif publicó en X: «Última hora: Un bombardeo israelí intenso y concentrado con “cinturones de fuego” está golpeando las zonas este y sur de la ciudad de Gaza».

En un último mensaje, que según Al Jazeera había sido escrito el 6 de abril y que fue publicado en la cuenta de X de al-Sharif tras su muerte, el reportero decía que había «vivido el dolor en todos sus detalles, probado el sufrimiento y la pérdida muchas veces, pero nunca dudé en transmitir la verdad tal y como es, sin distorsiones ni falsificaciones».

«Alá será testigo contra aquellos que permanecieron en silencio, aquellos que aceptaron nuestro asesinato, aquellos que nos ahogaron y cuyos corazones no se conmovieron ante los restos esparcidos de nuestros niños y mujeres, sin hacer nada para detener la masacre a la que se ha enfrentado nuestro pueblo durante más de un año y medio», continuó.

El joven de 28 años deja atrás a su esposa y dos hijos pequeños. Su padre murió en un ataque israelí contra la casa familiar en el campo de refugiados de Yabalia, en la ciudad de Gaza, en diciembre de 2023. En ese momento, al-Sharif dijo que seguiría informando y se negó a abandonar el norte de Gaza.

Otro periodista de Al Jazeera en Gaza, Hani Mahmoud, dijo: «Esta es quizás la noticia más dura que he dado en los últimos 22 meses. No estoy lejos del hospital Al-Shifa, a solo una manzana, y pude oír la enorme explosión que tuvo lugar hace aproximadamente media hora, cerca del hospital Al-Shifa.

«Pude verlo cuando iluminó el cielo y, en cuestión de segundos, corrió la noticia de que se trataba del campamento de periodistas situado en la entrada principal del hospital Al-Shifa».

Al-Sharif y sus colegas llevaban informando desde Gaza desde el inicio del conflicto.

«Es importante destacar que este ataque se produce solo una semana después de que un oficial militar israelí acusara directamente a Anas y lanzara una campaña de incitación contra Al Jazeera y los corresponsales sobre el terreno por su trabajo, por su implacable cobertura de la hambruna, la inanición y la desnutrición», añadió Mahmoud.

Israel ha asesinado a varios periodistas de Al Jazeera y a miembros de sus familias, entre ellos Hossam Shabat, asesinado en marzo, e Ismail al-Ghoul y su camarógrafo Rami al-Rifi, asesinados en agosto.

La esposa, el hijo, la hija y el nieto del corresponsal jefe Wael al Dahdouh fueron asesinados en octubre de 2023 y él mismo resultó herido en un ataque semanas después en el que murió el camarógrafo de Al Jazeera Samer Abu Daqqa.

Israel, que no permite la entrada de periodistas extranjeros en Gaza y que ha atacado a reporteros locales, ha matado a 237 periodistas desde que comenzó la guerra el 7 de octubre de 2023, según la oficina de prensa del Gobierno de Gaza. El Comité para la Protección de los Periodistas afirmó que al menos 186 periodistas han sido asesinados en el conflicto de Gaza. Israel niega haber atacado deliberadamente a periodistas.







15/10/2024

REINALDO SPITALETTA
Qui se soucie que des Palestiniens soient tués ?

Reinaldo Spitaletta, El Espectador, 15/10/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Qu'est-ce que cela peut nous faire, même si nous assistons à un « génocide en temps réel », que des hordes de soldats, qui en plus se prennent en selfies devant les villes et les villages qu'ils rasent, tuent des Palestiniens. Peu importent leurs coups de canons, leurs bombardements, leurs snipers. Tout ça semble aller pour le mieux, car ce sont les bâtiments, les rues, les hôpitaux, les écoles, les habitants de Gaza qui tombent sous le feu sacro-saint du « peuple élu », de la « fureur de Yahvé », ou peut-être, également en temps réel, de deux héros de mauvais augure qui font couler le sang par tous leurs pores : Joe Biden et Benjamin Netanyahou.

Que nous importe qu'une jeune fille décharnée, transpercée par toutes les angoisses, crie sur le caméraman qui filme tout ce malheur d'un peuple, si cela n'intéresse personne. Et, à la longue, qui se soucie, par exemple, qu'un Palestinien arbitrairement emprisonné par des soldats israéliens soit déshabillé, dégradé, forcé de se tourner face contre terre et qu'on lui verse un liquide sur les fesses. Ensuite, ils lâchent un énorme chien qui, excité par l'odeur d'une substance qui l'excite démesurément, viole la victime sans défense.

Ceux d'entre nous qui ont vu le documentaire Gaza, réalisé par Al Jazeera, pourraient rester sans voix, même si, dis-je, ces barbaries ne semblent importer à personne, malgré toute l'infamie qui y est montrée, malgré cette sauvagerie qui a toutes les teintes, les contours et les essences d'un génocide. On pourrait dire, pourquoi pas, que les souffrances anciennes du peuple palestinien, qui remontent au moins à 1948, n'intéressent aujourd'hui, selon l'insensibilité de cette atrocité qu'on appelle « l'Occident », ni les cours et tribunaux internationaux, ni personne d'autre.

Qui s'émouvra, par exemple, lorsque des petits cons d'Israéliens enregistrent une série de singeries sur Tik Tok pour se moquer des enfants palestiniens qui, au milieu de grimaces moqueuses, s'enduiraient de sauce ou d'encre rouge, autrement dit simuleraient des blessures pour poser devant les caméras. Ou ce que font les soldats israéliens, avec des gestes satisfaits, en rasant des cuisines, des salons, des vitrines, des maisons civiles, puis en posant avec toute la « grâce » du « mannequinat » devant leurs photographes portraitistes propagandistes.

Ce terrible documentaire questionne, parmi tant d’infamies de l'armée israélienne, l'utilisation des réseaux sociaux sur lesquels les militaires partagent des photos et des vidéos de leurs actions sans cœur à Gaza. Bien qu’on le sache déjà, Gaza montre comment les USA, l'Allemagne, le Royaume-Uni et d'autres pays occidentaux soutiennent la boucherie israélienne. Mais, comme on le sait, aucun organisme de défense des « droits humains » ni aucun tribunal international ne les condamnera.

Le documentaire est déchirant, provocateur, voire larmoyant, et, pourquoi pas, on peut même lancer des filsdeputes bruyants contre les meurtriers en uniforme, mais, pour en revenir à notre mépris traditionnel pour ce qui arrive aux autres, on s'en moque. C'est du moins ce que semble comprendre Susan Abulhawa, écrivaine et journaliste palestinienne : « Les Palestiniens savent qu'ils ont été abandonnés, que le monde qui parle de droits de l'homme et de droit international ment, que ces concepts sont destinés aux Blancs ou aux Occidentaux, que l'obligation de rendre des comptes n'est pas destinée à obliger les oppresseurs à rendre des comptes, qu'ils ont en fait été jetés comme des ordures ».

Et oui, cet « Occident » civilisé, celui qui, au cours des deux seules guerres mondiales, a causé un nombre de morts sans précédent dans l'histoire, celui qui a depuis longtemps démoli l'édifice de la raison pour ériger des monuments à la barbarie, regarde avec complaisance la destruction de Gaza, la brutalité à l'encontre des Palestiniens. Ah, et pas seulement : il les promeut. C'est comme si le mot d'ordre était d'anéantir ce peuple. De les exterminer. Le documentaire d'Al Jazeera, qui rend également hommage aux journalistes morts, témoigne de la manière terrifiante dont un peuple, une culture, est en train d’être dévasté.

Il permet aussi de déceler certaines sophistications dans le génocide. L'intelligence artificielle au service de la destruction. Grâce à un système appelé « Where's Daddy », des personnes sont suivies à la trace, un niveau de menace leur est attribué et leur domicile est ciblé avec une grande précision. Des familles entières ont ainsi été annihilées.

Quoi qu'il en soit, ce sont des images douloureuses dans ce documentaire, qui constitue un puissant réquisitoire. À quoi cela servira-t-il ? Au moins à dire au monde qu’on ne s’en sortira pas, après tout, avec l'excuse qu’on ne savait rien de ce qui se passait dans ces régions (pour certains très éloignées). Oh oui, des Palestiniens ont été et sont encore tués. Point barre. Ce n'est pas de notre truc. C'est leur affaire.

Autre chose : la plupart des victimes, sur les plus de 41 000 tués par Israël, étaient des femmes et des enfants. Le droit international a été déchiqueté par Israël et ses parrains. Comment faire pour que nous nous en soucions ?

12/09/2024

“Jusqu'à notre dernier souffle” : le journaliste Anas al-Sharif raconte comment il a documenté le génocide israélien à Gaza tous les jours pendant onze mois consécutifs

Le correspondant d’Al Jazeera a refusé de quitter le nord de la bande de Gaza, alors même qu’Israël l’a menacé et a tué ses collègues.

Sharif Abdel Kouddous, Drop Site News, 11/9/2024
Abdel Qader Sabbah, journaliste au nord de Gaza, a contribué à ce rapport.
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 


Anas al-Sharif (au centre) et des personnes en deuil portant des pancartes « presse » entourent le corps du journaliste arabe d’Al Jazeera Ismail al-Ghoul, tué avec son caméraman Rami al-Refee lors d’une frappe israélienne le 31 juillet 2024. Photo Omar Al-Qattaa/AFP via Getty Images.

Anas al-Sharif est devenu l’un des visages les plus reconnaissables de la télévision dans le monde arabe. Au cours des onze derniers mois, le correspondant d’Al Jazeera, âgé de 27 ans, a réalisé des reportages depuis les premières lignes de l’assaut génocidaire d’Israël contre Gaza, qui est aujourd’hui l’endroit le plus meurtrier pour les journalistes dans l’histoire moderne. Selon certains chiffres, plus de 160 journalistes ont été tués à Gaza depuis octobre, soit un journaliste tué tous les deux jours depuis près d’un an. Al-Sharif a personnellement fait l’objet de menaces de mort et son domicile a été la cible d’une attaque israélienne qui a coûté la vie à son père.

Al-Sharif est l’un des rares reporters à être resté dans le nord de la bande de Gaza depuis le 7 octobre, une zone d’où, quelques jours seulement après le début de la guerre, le gouvernement israélien a ordonné à 1,1 million de personnes d’évacuer et qui a été la plus lourdement bombardée par Israël. Un journaliste a déclaré à Drop Site News qu’il ne restait plus qu’une trentaine de journalistes en activité dans le nord de Gaza aujourd’hui.

Al-Sharif a été une présence presque constante à la télévision et en ligne, rapportant presque chaque jour les frappes aériennes, les bombardements, les massacres, les déplacements, la famine, la mort et le démembrement - et, chaque fois qu’il le peut, les lueurs d’espoir et la résilience des Palestiniens. Prenez le temps de parcourir les messages qu’il a postés sur X ou Instagram ces derniers jours, ou regardez ce reportage vidéo du 10 septembre, par exemple (avertissement : âmes sensibles s’abstenir).

Un post partagé par @anasjamal44

Comme de nombreux Palestiniens de Gaza, al-Sharif a été contraint d’endurer l’inimaginable. En novembre, il a déclaré avoir reçu plusieurs appels d’officiers de l’armée israélienne lui ordonnant de cesser sa couverture et de quitter le nord de Gaza. Il a déclaré avoir également reçu des messages et des messages vocaux sur WhatsApp révélant sa position. Dans son rapport, il termine en disant : « Je suis l’un des rares journalistes dans le nord à couvrir ce qui se passe. Malgré les menaces, je ne quitte pas le terrain et je continuerai à faire des reportages dans le nord de Gaza ».

Moins de trois semaines après les appels de l’armée israélienne, la maison de sa famille dans le camp de réfugiés de Jabalia a été bombardée, tuant son père Jamal al-Sharif, âgé de 90 ans. Anas al-Sharif, qui effectuait des reportages en continu, n’était pas rentré chez lui depuis 60 jours. Le Comité pour la protection des journalistes a déclaré à l’époque à propos de l’assassinat de son père : «Le CPJ est profondément alarmé par le fait que les journalistes de Gaza reçoivent des menaces et que, par la suite, les membres de leur famille soient tués ».

Al-Sharif a de nouveau été menacé le mois dernier après avoir diffusé le carnage d’une attaque aérienne israélienne du 10 août sur une école de la ville de Gaza où des milliers de Palestiniens déplacés cherchaient refuge, tuant plus de 100 personnes. « Je ne peux pas décrire ce qui se passe », a déclaré al-Sharif. « Nous parlons de près de 100 martyrs dans l’école de Tabaeen dans la ville de Gaza, un grand massacre ».

 

En réponse à un autre journaliste d’Al Jazeera qui a loué la couverture courageuse d’al-Sharif, l’armée israélienne a publié un communiqué ciblant son travail. « Il couvre les crimes du Hamas et du Jihad [islamique] qui s’abritent dans les écoles. Je suis convaincu qu’il connaît les noms d’un grand nombre de terroristes du Hamas parmi ceux qui ont été tués dans l’école« , a répondu Avichay Adraee, porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, sur X. « Mais il présente un mensonge dont la motivation n’a rien à voir avec les habitants de Gaza ». Ces commentaires ont incité Al Jazeera à condamner ce qu’elle a appelé « un acte flagrant d’intimidation et d’appel au meurtre » d’Israël à l’encontre d’al-Sharif, et le CPJ à publier une déclaration disant qu’il était « profondément inquiet » pour sa sécurité.

Les journalistes et les médias occidentaux sont restés relativement silencieux face au nombre record de journalistes palestiniens tués. Dans certains cas, Israël a ouvertement admis avoir tué des journalistes et les a accusés d’être membres du Hamas.

Un peu plus d’une semaine avant l’attentat contre l’école de Tabaeen, Ismail al-Ghoul, ami proche d’Al-Sharif et collègue d’Al-Jazeera, a été tué dans la ville de Gaza lors d’une attaque de drone israélien contre sa voiture, ainsi que son caméraman Rami al-Refee et un jeune homme de 17 ans qui faisait du vélo à proximité. Al-Ghoul a été décapité lors de la frappe. En signe de protestation, les journalistes de Gaza ont jeté leurs gilets pare-balles en tas sur le sol. Al-Sharif s’est adressé à la foule en brandissant le gilet pare-balles mutilé d’Al-Ghoul, déclarant : « Ce gilet de presse est le gilet dont les institutions mondiales et locales font l’apologie. Ce gilet n’a pas protégé notre collègue Ismail. Il n’a protégé aucun de mes collègues non plus. Comme vous pouvez le voir, le gilet est taché du sang et de la chair d’Ismail. Qu’a fait Ismail ? Qu’a-t-il fait ? Diffuser l’image ? Diffuser la souffrance des gens ? Désolé Ismail, nous continuerons à diffuser le message après toi ».

 

Anas al-Sharif continue à faire des reportages tous les jours depuis le nord de Gaza. Drop Site lui a demandé de réfléchir à son travail à Gaza au cours des 11 derniers mois. Il a envoyé un message vocal de 10 minutes en réponse. Dans l’enregistrement, sa voix est lasse mais ferme. Il brosse un tableau dévastateur de la vie d’un journaliste à Gaza.

Ces commentaires ont été traduits de l’arabe et légèrement modifiés pour plus de clarté.

Message d’Anas al-Sharif depuis Gaza

Anas al-Sharif : Notre couverture en tant que journalistes pendant cette guerre contre Gaza a été complètement différente. Nous avons été confrontés à des difficultés extrêmes, à des menaces, nous avons été complètement déconnectés du monde extérieur en raison de la coupure de l’Internet et des signaux téléphoniques. Nous vivons des circonstances tragiques et difficiles en tant que journalistes et nous sommes toujours confrontés à des difficultés pour envoyer des messages, des rapports et tout autre matériel en général.

Bien entendu, le journaliste palestinien vit dans des conditions pénibles et difficiles, comme le reste de son peuple, entre les déplacements, les bombardements et les destructions. Un grand nombre de nos collègues journalistes ont perdu leur famille, des membres de leur famille, des parents, des amis et des êtres chers. Cela a mis beaucoup de pression sur les journalistes pendant la guerre, surtout parce que l’occupation israélienne ne fait pas de distinction entre les journalistes, les enfants, les médecins, les infirmières - tout le monde est pris pour cible en permanence.

Dans le nord de Gaza en particulier, mes collègues et moi-même avons été totalement coupés du monde extérieur dès le début de la guerre. Cela a créé une énorme responsabilité, un énorme problème pour nous. Il était difficile d’envoyer des rapports ou tout autre contenu. Nous devions nous rendre dans des zones très dangereuses pour envoyer nos reportages, notre contenu. Pour poursuivre notre couverture et envoyer des images et des histoires, nous devions nous rendre dans de grands immeubles pour trouver un signal Internet ou un signal téléphonique grâce à des cartes SIM électroniques et envoyer ainsi les reportages, le contenu ou les scènes que nous avions documentés, avec la qualité la plus faible, afin de les diffuser au monde et de montrer au monde ce qui se passait ici dans la bande de Gaza. Ce n’est là qu’une des difficultés que nous avons rencontrées.

Nous avons également dû faire face à des menaces constantes de la part de l’armée d’occupation israélienne. Personnellement, l’armée d’occupation israélienne m’a menacé et m’a dit que je devais cesser mes reportages dans le nord de la bande de Gaza et aller dans le sud. Mais j’ai refusé leur ordre, et je n’ai pas arrêté ma couverture un seul instant malgré les menaces, malgré les bombardements, malgré le siège. Parce que je n’ai pas arrêté et que j’ai continué à couvrir l’actualité, l’occupation israélienne a pris pour cible ma maison et celle de ma famille, ce qui a conduit au martyre de mon père, que Dieu ait pitié de lui. Les circonstances étaient cruelles, difficiles et douloureuses pour moi, et douloureuses pour nous tous, mais cela n’a fait que renforcer ma détermination à poursuivre le reportage. Nous avons une cause [la cause palestinienne] avant d’avoir un message à cet égard. Après cela, c’est devenu une responsabilité qui nous a été confiée, une responsabilité qui m’a été confiée personnellement, celle de continuer à faire des reportages, malgré tous les dangers et toutes les difficultés auxquels nous sommes confrontés.

Peut-être que le monde n’agira pas, peut-être que le monde ne nous aidera pas, mais il y a peut-être un motif pour arrêter cette guerre - chaque fois que je documente un massacre, un événement ou un bombardement, je pense que peut-être, grâce à ce bombardement ou à cette image, la guerre pourrait s’arrêter et cette guerre se terminerait.

Tous les journalistes de Gaza ont souffert de ces circonstances. Dans le cadre de nos reportages, nous sommes confrontés à de grandes difficultés en raison du ciblage des zones dans lesquelles nous nous trouvons, du ciblage à proximité de nous, du ciblage direct. Malgré tout cela, mes collègues et moi-même, dans le nord de la bande de Gaza, n’avons pas cessé de couvrir la situation. Bien sûr, ce n’est un secret pour personne que mes collègues et moi avons vécu des circonstances tragiques et difficiles. Nous avons dormi dans des hôpitaux, nous avons dormi dans des abris, nous avons dormi dans les rues et sur les autoroutes, nous avons dormi dans des véhicules et des voitures. Nous avons été déplacés plus de 20 fois, d’un endroit à l’autre, d’une zone à l’autre - notre situation était la même que celle du reste de notre peuple. Nous avons été confrontés à de grandes difficultés. Bien sûr, la situation dans le nord était particulièrement difficile pour les journalistes, car il n’y avait pas de matériel disponible, pas de fournitures pour la presse. Nous avons dû nous contenter de moyens limités et de nos simples téléphones pour rapporter l’histoire, envoyer l’image et rendre compte des crimes de l’occupation israélienne.

Le travail des journalistes à Gaza est un travail ardu, épuisant et très difficile que personne ne peut supporter plus d’une heure. Le travail est continu. Nous ne dormons pas pendant des jours à cause des bombardements et des tirs d’artillerie incessants. Bien sûr, il est souvent difficile de se rendre sur le site d’un incident car il n’y a pas de véhicules ou de voitures disponibles, nous devions aller en charrette ou à pied pour atteindre un endroit qui était visé.

Les circonstances que nous avons vécues sont des circonstances qui ne peuvent pas être exprimées. Je tiens à dire dans cet enregistrement que nos circonstances sont encore très cruelles et difficiles. Mes collègues et moi avons vécu dans l’atmosphère de la famine qui a frappé le nord de Gaza. Parfois, mes collègues et moi passons des jours sans trouver un seul repas. Nous nous déplaçons d’un endroit à l’autre pour essayer de trouver avec beaucoup de difficultés quelque chose qui devrait être facile. Tout est extrêmement cher dans le nord.

Ce dont je parle n’est qu’une petite partie de ce que nous pouvons enregistrer, de ce que nous pouvons dire, de ce que nous pouvons documenter. Et pourtant, la souffrance est bien plus grande, la souffrance est difficile et tragique pour nous et notre peuple. Pourtant, malgré ces souffrances, nous nous sommes engagés, nous tous les journalistes, à poursuivre sur cette voie, à continuer à rendre compte au monde, et c’est ce qui nous a poussés à continuer jusqu’à aujourd’hui. Cette guerre dure depuis plus de 330 jours et les bombardements et les massacres se poursuivent sans relâche.

Et pourtant, malgré toutes ces difficultés et toutes ces circonstances tragiques, nous tous, journalistes, continuons chaque jour et chaque heure à rendre compte de ce qui se passe. C’est ce qui nous pousse à continuer, c’est notre cause. Il est du devoir du monde de voir et d’être témoin de ce que nous documentons et de ce que nous rapportons. Peut-être que le monde n’agira pas, peut-être que le monde ne nous aidera pas, mais il y a peut-être un motif pour arrêter cette guerre - chaque fois que je documente un massacre, un événement ou un bombardement, je pense que peut-être, grâce à ce bombardement ou à cette image, la guerre pourrait s’arrêter et cette guerre se terminer. C’est ce qui nous pousse à poursuivre notre travail jusqu’à notre dernier souffle.

Bien sûr, comme je l’ai mentionné, l’occupation israélienne a délibérément ciblé les journalistes de manière continue et nous parlons maintenant de près de 180 journalistes qui ont été ciblés à Gaza. Il est clair que l’occupation israélienne ne veut pas que l’image sorte, ne veut pas que le mot sorte, ne veut pas que nous documentions les crimes qu’elle commet sur notre peuple, comme ce qui est arrivé à notre cher ami et collègue, le correspondant d’Al Jazeera Ismail al-Ghoul, après qu’il a été assassiné par l’occupation israélienne alors qu’il documentait ce qui se passait et les crimes de l’occupation israélienne - l’occupation israélienne l’a donc ciblé de manière directe pour qu’Ismail ne puisse pas continuer sa couverture. Mais ce que l’occupation ne sait pas, c’est qu’après le martyre d’Ismail, nous, ses collègues journalistes, sommes encore plus déterminés à poursuivre la voie d’Ismail et à transmettre son message, malgré les circonstances tragiques, malgré les menaces et malgré le danger de la situation.

Nous pourrions être pris pour cible et bombardés à tout moment, mais notre situation est la même que celle de tout notre peuple, la même que celle des hommes, des femmes et des enfants qui sont martyrisés à chaque instant à Gaza.