Mona Ali
Khalil, PassBlue, 14/9/2025
Traduit
par Tlaxcala
Mona Ali Khalil est une juriste de droit international public reconnue au niveau international, avec 30 ans d’expérience à l’ONU et ailleurs, notamment comme ancienne haute responsable juridique à l’ONU et à l’AIEA. Spécialiste du maintien et de l’imposition de la paix, du désarmement et de la lutte contre le terrorisme, elle est titulaire d’un B.A. et d’un M.A. en relations internationales de l’Université Harvard, ainsi que d’un master en relations internationales et d’un doctorat en droit de l’Université de Georgetown. Elle est fondatrice et directrice de MAK LAW INTERNATIONAL et collaboratrice du Harvard Law School Program on International Law and Armed Conflict. Elle est coauteure de plusieurs publications, dont Empowering the UN Security Council: Reforms to Address Modern Threats, the UN Security Council Conflict Management Handbook et Protection of Civilians.
Des
visiteurs observent la mosaïque « La règle d’or », inspirée d’une peinture de
l’artiste usaméricain Norman Rockwell, lors d’une visite guidée du siège de
l’ONU. On y lit : « Fais aux autres ce que tu voudrais qu’ils te fassent ».
Comme il apparaît improbable qu’Israël se conforme à l’avis consultatif de la
Cour internationale de Justice (CIJ) sur le Territoire palestinien occupé avant
la date butoir du 18 septembre, l’Assemblée générale peut néanmoins prendre des
mesures spécifiques pour faire respecter cet avis consultatif. (PHOTO ONU)
Avec la
multiplication des colonies illégales et l’explosion de la violence des colons
en Cisjordanie, et avec la famine et les bombardements incessants ayant déjà
causé la mort de plus de 64 000 Palestiniens à Gaza, en majorité des
femmes et des enfants, le monde observe ce que l’Assemblée générale peut faire
— ou non — pour garantir que des conséquences réelles soient appliquées aux
violations flagrantes par Israël des Conventions de Genève et de la Convention
sur le génocide.
Quelques
jours avant l’échéance du 18 septembre fixée par l’Assemblée générale des
Nations unies pour qu’Israël se conforme à l’avis consultatif rendu par la CIJ
— avis qui a confirmé le caractère illégal de l’occupation, de l’annexion et de
la colonisation du Territoire palestinien occupé (TPO) —, Israël n’a pas obéi.
Il n’a ni mis fin à son occupation illégale, ni démantelé ses colonies
illégales, ni évacué ses colons illégaux.
Au
contraire, le Premier ministre Benjamin Netanyahou et sa coalition d’extrême
droite ont déclaré leur intention d’intensifier exponentiellement l’activité de
colonisation et d’envisager l’annexion de la Cisjordanie, y compris
Jérusalem-Est. Ils ont également rendu publics des plans de recolonisation de
Gaza et, à cette fin, ont accéléré l’anéantissement de la bande de Gaza, menant
une campagne génocidaire de bombardements incessants, de déplacements forcés et
de famine généralisée visant l’ensemble de la population palestinienne.
Il y a près
d’un an, le 18 septembre 2024, la 10e session extraordinaire
d’urgence de l’Assemblée générale, agissant dans le cadre de la résolution «
Unis pour la paix », a adopté à une écrasante majorité une résolution
visant à mettre en œuvre l’avis consultatif de la CIJ du 19 juillet 2024. Dans
cette résolution, l’AG a réaffirmé la conclusion de la Cour selon laquelle
Israël doit se retirer du TPO, démanteler ses colonies et évacuer ses colons
aussi rapidement que possible. L’AG a fixé un délai de 12 mois pour qu’Israël
s’y conforme, qui expire le 18 septembre 2025.
Pourquoi
Israël est-il obligé de se conformer à un simple avis consultatif ?
Bien que les
avis consultatifs de la CIJ n’aient pas, en règle générale, de force
obligatoire, dans la mesure où l’avis de 2024 confirme des normes impératives (jus
cogens) et identifie des obligations contraignantes (erga omnes),
ces normes et obligations demeurent obligatoires pour tous les États, y compris
Israël.
En réalité,
la CIJ n’a pas seulement identifié des obligations contraignantes pesant sur
Israël en tant que puissance occupante, elle a également identifié des
obligations contraignantes pour tous les États et pour l’ONU
elle-même. Il appartient désormais aux États et à l’ONU — y compris au
Conseil de sécurité et, à défaut, à l’Assemblée générale — de garantir la mise
en œuvre des éléments contraignants de l’avis consultatif.
Si l’AG ne
peut imposer d’obligations contraignantes aux États membres réticents, la
résolution « Unis pour la paix » codifie son autorité à recommander une
action collective des États disposés et capables d’agir, et qui, selon la CIJ,
sont tenus d’agir. Le principe de la Responsabilité de protéger rend
cela encore plus crucial dans les situations impliquant un génocide, des crimes
de guerre, des crimes contre l’humanité et un nettoyage ethnique.
Lorsque le Conseil de sécurité est dans l’incapacité d’assumer sa responsabilité en raison d’un veto d’un ou plusieurs de ses membres permanents, l’Assemblée générale peut et doit intervenir pour défendre la Charte de l’ONU et le droit international. La 10e session extraordinaire d’urgence sur le TPO, comme la 11e sur l’Ukraine, démontre que l’AG peut agir quand le Conseil de sécurité en est empêché. Néanmoins, elle n’a pas encore exploité tout le potentiel de la résolution « Unis pour la paix ».
Un
précédent riche et solide
Née de la
crise coréenne en 1950, la résolution a été invoquée pour la première fois en
1956, quand Israël, avec le soutien de la France et du Royaume-Uni, a envahi
l’Égypte. Lors de cette première session extraordinaire, l’AG a créé la
première force de maintien de la paix de l’ONU — la Force d’urgence des
Nations unies (FUNU) — pour superviser le retrait de toutes les troupes
étrangères d’Égypte.
Lors de sa
quatrième session extraordinaire, l’AG a adopté un embargo sur les armes
concernant la situation en République démocratique du Congo. À sa cinquième
session, elle a appelé les États membres à faciliter l’assistance humanitaire
pour soulager la souffrance des civils et des prisonniers de guerre au
Moyen-Orient, et a exhorté Israël à annuler toutes les mesures visant à
modifier le statut de Jérusalem. Lors de sa huitième session extraordinaire,
l’AG a appelé les États membres à fournir une assistance militaire aux
États de première ligne ainsi qu’à l’Organisation du peuple du Sud-Ouest
africain (SWAPO) afin de renforcer sa lutte pour la libération de la Namibie.
La 10e session extraordinaire a été convoquée pour la première fois en 1997 afin de traiter des « actions israéliennes illégales dans Jérusalem-Est occupée et le reste du TPO ». Elle a été reprise plus de 20 fois entre 1997 et aujourd’hui. Elle a adopté une série de résolutions, dont certaines visant à protéger les civils et à faire respecter les obligations juridiques et humanitaires. Elle a aussi affirmé sa détermination à envisager des moyens pratiques pour garantir le respect de ces obligations.
Que peut
faire l’AG pour « garantir le plein respect » de l’avis consultatif de la CIJ ?
À compter du
18 septembre 2025, ou peu après, la 10e session extraordinaire
d’urgence peut recommander une ou plusieurs des six mesures concrètes
suivantes, sur la base de ses propres précédents :
- Exhorter les États
membres à fournir une assistance humanitaire à la population
palestinienne de Gaza et des autres parties du TPO ;
- Autoriser les États
membres à imposer des mesures diplomatiques, financières ou autres, y compris un
embargo sur les armes contre Israël ;
- Déployer une mission
de maintien de la paix de l’ONU ou une force de protection civile, à la demande ou
avec le consentement de l’Autorité palestinienne ;
- Nommer une Commission
des Nations unies et/ou un Commissaire des Nations unies pour administrer
Gaza, comme l’AG l’a fait en Namibie en attendant le retrait des forces
sud-africaines (même si la Commission n’avait pas pu être présente
physiquement en Namibie en raison du refus sud-africain) ;
- Appeler les Hautes
Parties contractantes de la 4e Convention de Genève à convoquer
une conférence
sur la situation dans le TPO, afin de remplir l’obligation de tous les
États de mettre fin à la présence illégale d’Israël dans le TPO aussi
rapidement que possible ; et/ou
- Refuser d’accepter les lettres de créance du gouvernement Netanyahou lors de la 80e session ordinaire de l’AG, comme elle l’a fait avec le gouvernement d’apartheid d’Afrique du Sud, vidant ainsi son siège à l’AG sans préjudice pour son appartenance à l’ONU.
Pour ceux qui disent que l’AG ne veut pas le faire : le droit international et la CIJ l’exigent.
Pour ceux qui disent que l’AG ne peut pas faire appliquer ses résolutions : le Conseil de sécurité ne les a pas appliquées non plus.