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10/06/2023

GIANFRANCO LACCONE
Défendre les sols : une mission impossible dans le système de marché mondial

Gianfranco Laccone, climateaid.it, 8/6/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

L’imperméabilisation des sols (leur recouvrement permanent par des couches imperméables de bâtiments, de routes asphaltées, de parkings, etc.) entraîne une perte irréversible de leurs fonctions écologiques. Les villes sont de plus en plus touchées par des vagues de chaleur dues au manque d’évaporation en été.


Nous devons nous demander pourquoi les appels à la protection des sols tombent dans l’oreille d’un sourd. Il est désormais devenu courant (et stérile) de communiquer chaque année, à l’occasion de la Journée mondiale des sols [5 décembre], des données sur la quantité de sol encore consommée par les routes et les constructions. Je me souviens avoir écrit en 2015 que « sur le territoire de l’Union européenne, environ 1 000 km2 de sol sont soustraits pour la construction de logements, d’industries et de réseaux autoroutiers, ce qui, en termes d’impact, provoque un changement irréversible du sol et de ses fonctions biologiques ». Bien des années auparavant, soucieux d’impressionner les gens, le WWF avait écrit dans l’une de ses publicités : « Cette année, nous avons perdu une Autriche » (en référence à la zone déboisée de l’Amazonie).

Des études ont montré, il y a déjà une dizaine d’années, que l’équilibre entre l’environnement naturel et l’agriculture polluante était compromis, prédisant que dans notre pays, il y avait un risque de désertification à hauteur de 21,3 % du sol italien et de 41,1 % du sol dans les régions centrales et méridionales. Au cours des 50 dernières années, les phénomènes de dégradation des sols ont entraîné une réduction de plus de 30 % de leur capacité à retenir et à réguler l’eau, amplifiant encore le risque hydrogéologique et l’occurrence d’événements catastrophiques.

Cette tendance non durable menace la disponibilité de sols fertiles et de réservoirs d’eau souterraine pour les générations futures. L'imperméabilisation des sols (leur recouvrement permanent par des couches imperméables de bâtiments, de routes asphaltées, de parkings, etc.) entraîne une perte irréversible de leurs fonctions écologiques. L'eau ne pouvant ni s'infiltrer ni s'évaporer, cela augmente le ruissellement, entraînant des inondations catastrophiques.

Les villes sont de plus en plus touchées par des vagues de chaleur, en raison du manque d’évaporation en été. Les paysages sont fragmentés et les habitats deviennent trop petits ou trop isolés pour accueillir certaines espèces. En outre, le potentiel de production alimentaire des terres est perdu à jamais. Le Centre commun de recherche de la Commission européenne estime que quatre millions de tonnes de céréales sont potentiellement perdues chaque année à cause de l’imperméabilisation des sols. Or, contrairement à d’autres ressources telles que l’air et l’eau, il n’existe toujours pas de législation spécifique au niveau de l’UE pour protéger les sols.

L'Acropole d'Athènes bétonnisée

Je pense que nous devons nous demander pourquoi les appels à la protection des sols tombent dans l’oreille d’un sourd et pourquoi, comme d’autres biens que tout le monde aurait intérêt à maintenir en bon état, les sols font eux aussi l’objet d’une négligence inexplicable d’un point de vue rationnel et apparemment incompatible avec les objectifs que toute activité productive reposant sur les sols est censée atteindre.

La réponse à ces questions doit être recherchée dans les mécanismes déclenchés par une société fondée sur les règles du marché financier appliquées à toutes les relations et transactions possibles. Le vivant, dont la caractéristique est d’être cyclique, s’adapte mal à ces systèmes rectifiés, aux relations très simplifiées ; ce qui en souffre en premier lieu, c’est l’agriculture, système créé par l’humain pour augmenter la quantité de nourriture disponible, et qui repose sur l’utilisation de deux facteurs : la terre et l’eau et la circularité des relations créées entre eux, avec la formation de vapeur, de nuages, de vents, par la rotation de la terre.

Le sol agricole est donc un bien primordial qu’il faut toujours protéger, et d’innombrables études ont identifié les points critiques des transformations qui se sont produites dans les sols agricoles de la planète : l’érosion, la salinisation des sols et la désertification de vastes zones de la planète causée par l’action de l’homme représentent des effets qui doivent être combattus par le biais de plates-formes internationales d’accord entre les États. Tout le monde converge sur la nécessité de restaurer certains aspects de l’efficacité et de la fertilité des sols agricoles que leur utilisation excessive a dissipés, et la protection des sols apparaît donc comme un objectif largement partagé.

Il convient d’ajouter qu’au cours des 70 dernières années, la prise de conscience scientifique du lien essentiel entre la terre et l’eau et, par conséquent, la nécessité de défendre les sols non utilisés à des fins “humaines” (forêts naturelles, habitats, cours d’eau) se sont ajoutées, rendant de plus en plus évident le fait que tout ce qui se trouve sur la planète ne peut pas être plié à des fins économiques. Au contraire, les recettes économiques propagées pendant longtemps tendaient à considérer la terre, et donc le sol, comme un élément susceptible d’être valorisé de manière productive par le biais d’une utilisation plus intensive. Ces recettes ne sont plus gérables car les dommages qui en résultent sont de moins en moins importants dans le temps : les bénéfices sont réduits à la fois en ampleur et en durée.

Les investissements productifs initiés dans cette perspective et soutenus pendant longtemps, bien représentés en Italie par la bonification  intégrale, ont subi le sort de toutes les politiques d’investissement de marché : ils sont devenus secondaires, considérés comme moins valables que d’autres ayant des rendements plus élevés et susceptibles d’avoir un impact immédiat sur les budgets de l’État. Dans les années de récession, les politiques de réduction des postes financiers non prioritaires, c’est-à-dire les investissements, surtout ceux à faible rendement, sont généralement privilégiées ; dans les années d’expansion, ce sont les investissements à haut rendement, souvent à haut risque, liés aux marchés financiers, qui sont favorisés. Cet abandon ne concerne plus seulement les investissements liés aux productions agricoles incluses dans les marchés de matières premières, mais aussi les activités et productions liées à un engagement de “développement durable”, qui jusqu’à présent avaient réussi à gagner un espace d’intérêt, capable de “soutenir” les activités de service liées au développement de la consommation foncière immatérielle. Il faut noter que dans les deux cas, cependant, le sol est considéré comme un support, à modeler et à modifier, et sa protection est une fonction liée à la correction des défaillances produites par son utilisation intensive.

Un premier élément de la théorie économique appliquée au domaine agricole est que la protection du sol n’est pas considérée comme une activité normale liée au cycle d’utilisation du bien, comme cela pourrait être le cas pour tout autre bien économique, dont la réintégration est normalement prise en compte par des quotas d’amortissement. Dans ce cas, la fonction de remise en état est décomposée en diverses autres fonctions, considérées non pas comme des fonctions de remise en état, mais comme des fonctions d’activité, productives ou sociales, et donc susceptibles d’une utilisation économique ou d’une utilisation pour l’intérêt collectif. Les fonctions de défense du sol sont directement liées à la valeur des productions qui y sont implantées, comme dans le cas de la fertilisation ou de la défense contre les ravageurs ; même dans le cas des investissements, le sol est valorisé pour l’amélioration de sa structure, ou pour une éventuelle dépollution ou valorisation. Dans tous ces cas, le sol n’a pas une valeur “unique” et peut même être valorisé différemment selon l’intervention envisagée.

Contrairement à ce que l’on prétend, à savoir que la division des sols ruraux et urbains permet une protection plus efficace des sols, la protection des sols se heurte avant tout à la parcellisation et à la privatisation qu’ils ont subies, ainsi qu’à la division culturelle entre ville et campagne, qui a considéré les sols existant dans une même zone géographique, voire contigus, de manière très différente selon qu’ils appartiennent à la catégorie des sols urbains ou ruraux.

L’assainissement et la protection des sols sont principalement destinés aux populations urbaines (actuellement la majorité de la population du continent européen), qui ne semblent pas se rendre compte de cet intérêt et se déchargent de tous les aspects du problème sur l’agriculture, le secteur qui occupe la plus grande partie des sols avec son activité économique.

Mais même dans le domaine de l’agriculture, la protection des sols suscite peu d’intérêt, pour de nombreuses raisons ; pour nous limiter au domaine strictement économique, l’une des principales raisons réside dans le fait que la production ne rentabilise pas un investissement dans ce sens, outre le fait que la division de la propriété rend encore moins attrayant pour les particuliers ce qui a manifestement un coût considérable non lié à un profit à court terme.

Du moins tant qu’il n’est pas question de réparer les dégâts d’une quelconque catastrophe.

 


24/05/2023

WU MING
Ce n’est pas du “mauvais temps”, c’est une malgouvernance de territoire. Qui est responsable de la catastrophe en Émilie-Romagne ? Les porcs-épics ou les bétonneurs fous ?

Wu Ming, Giap, 17/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Español : No es mal tiempo, sino «mal territorio». Las culpas del desastre en Emilia-Romaña

Ελληνικά: Δεν είναι ο κακός καιρός, είναι τo κακοποιημένο έδαφος. Οι ευθύνες για την καταστροφή στην Emilia-Romagna (Mετάφραση: Καλλιόπη Ράπτη)

Le récit des inondations en Émilie-Romagne est toxique et cache les vraies responsabilités. Des responsabilités qui ne relèvent pas de la “météo”. Ni, d’une manière générale, du “climat”, un terme utilisé par les administrateurs et les journalistes plus ou moins comme synonyme de “poisse”.


Les pluies de ces derniers jours surprennent, elles semblent plus exceptionnelles qu’elles ne le sont en réalité, parce qu’elles surviennent après un hiver et un début de printemps marqués par une sécheresse prolongée et inquiétante. Et en soi, ce ne serait pas du tout du “mauvais temps”, un concept trompeur, dérisoire et dommageable. Comme l’a dit John Ruskin, « le mauvais temps ça n’existe pas, il n’y a que différentes sortes de beau temps ». Ce qui est mauvais, c’est la situation que le temps trouve.

Nous sortons de longs mois de sécheresse : montagnes sans neige, torrents et rivières tragiquement à sec, végétation et faune en grande difficulté, agriculteurs désespérés, perspectives sombres pour l’été à venir (l’été dernier a déjà été très dur)... En théorie, nous devrions accueillir les pluies avec jubilation.

Jubilation modérée, bien sûr : ceux qui connaissent la situation savent que, pour diverses raisons, ces pluies concentrées en quelques jours ne compenseront pas la sécheresse. Cette dernière reviendra nous frapper. Dans le nord de l’Italie - l’arc alpin et la vallée du Pô - les précipitations de 2022 ont été jusqu’à 40 % inférieures aux moyennes des vingt années précédentes. C’est le nouveau climat, et il est là pour durer. Mais ce n’est pas tout : une grande partie de l’eau qui est tombée ces jours-ci ne servira à rien (nous y reviendrons dans un instant).

Malgré tout, à proprement parler, c’est une bonne chose qu’il pleuve enfin. Tout le monde aime que l’eau sorte quand on ouvre le robinet, n’est-ce pas ? D’où vient-elle, cette eau, si ce n’est du ciel ?

La raison pour laquelle la pluie a des conséquences néfastes et parfois mortelles est vite énoncée : elle tombe sur un sol asphalté, cimenté, imperméabilisé, qui ne peut en absorber une seule goutte, de sorte que cette eau non seulement ne régénère pas la vie, non seulement ne recharge pas les nappes phréatiques, mais s’accumule en surface et ruisselle, à grande vitesse, en submergeant ce qu’elle trouve. Elle déborde souvent de cours d’eau dont les berges - et souvent aussi le lit - ont été cimentées, et dont les cours mêmes ont été “rectifiés”. Des cours d’eau autour desquels, sans raison, on a construit et on construit encore.

Émilie-Romagne, territoire malgouverné

L’Émilie-Romagne est une terre de grands travaux d’assèchement, c’est pourquoi, en plus des nombreux fleuves et rivières qui descendent des Alpes et des Apennins, elle possède des milliers et des milliers de kilomètres de canaux de drainage et d’irrigation. Elle possède l’un des systèmes hydrogéologiques les plus artificiels du monde et, par conséquent, malgré une autonarration fanfaronne, bien incarnée par son guvernadåur Bonaccini, sa structure est extrêmement fragile.

Avec ces prémisses, notre territoire devrait être très peu cimenté. Mais non : l’Émilie-Romagne est la troisième région la plus cimentée d’Italie, avec environ 9 % de sols imperméabilisés - contre 7,1 % au niveau national, ce qui est déjà un pourcentage très élevé - et la troisième pour l’augmentation de la consommation de sols en 2021 : plus de 658 hectares supplémentaires couverts, ce qui équivaut à 10,4 % de la consommation de sols au niveau national cette année-là.

En 2017, l’administration Bonaccini a produit une loi définie, dans une parfaite novlangue à la 1984, “contre la consommation des sols”. Une loi faux-cul, arnaqueuse, dont le but réel était de permettre la cimentation, comme l’ont dénoncé en vain de nombreux experts - géographes, urbanistes, architectes, historiens du foncier - et associations environnementales. Voir l’ouvrage collectif Consumo di luogo. Regresso neoliberista nel disegno di legge urbanistica dell’Emilia-Romagna (Pendragon, Bologne 2017, disponible en pdf ici).

Comme on pouvait s’y attendre, même grâce à cette loi, la construction et l’asphaltage se sont poursuivis, dans un véritable délire. Et où a-t-on construit ? C’est ce que rappelle dans Altreconomia Paolo Pileri, professeur de planification territoriale et environnementale à l’école polytechnique de Milan :

« dans les zones protégées (plus de 2,1 hectares en 2020-2021), dans les zones à risque de glissement de terrain (plus de 11,8 hectares en 2020-2021), dans les zones à risque hydraulique où l’Émilie-Romagne peut se vanter d’un véritable record, étant la première région d’Italie pour la cimentation dans les zones inondables : plus de 78,6 hectares dans les zones à risque hydraulique élevé ; plus de 501,9 dans les zones à risque moyen, ce qui représente plus de la moitié de la consommation nationale de sol avec ce degré de risque hydraulique : dingue ».

C’est ce qui se passe dans nos régions, en particulier en Romagne. Il ne s’agit pas d’un “mauvais temps” mais d’une malgouvernance de territoire. Il s’agit de mille et une saloperies qui émergent, les entourloupes d’une gestion idiote et prédatrice, menée depuis des décennies par une classe dirigeante - politique et entrepreneuriale – éperdument amoureuse de l’asphalte et du ciment.

Un trio dynamique : Elly Schlein, secrétaire générale du PD, Bolonaise, Stefano Bonaccini, PD, président (gouverneur) de l’Émilie-Romagne, et Matteo Lepore, PD, maire de Bologne

Love Sory : le PD et le béton

Il s’agit d’un amour toxique, bien pire que celui du film de Caligari. Un amour qui n’est pas près de s’éteindre, car la classe dirigeante susmentionnée réserve à cette région toujours plus d’asphalte, toujours plus de ciment.

Ce qui attend le territoire bolonais - mais Bologne et son agglomération ne sont que l’épicentre, le raz-de-marée d’asphalte atteindra jusqu’à Ferrare et la Romagne - nous l’avons décrit en détail ici. Et il ne s’agit là que de la bétonnisation à grande échelle, avec un impact molaire sur le territoire. Il y a aussi la bétonnisation moléculaire, capillaire, faite de spéculation et d’urbanisation moins visible, qui s’insinue partout et dont personne ou presque ne parle. À Bologne, l’administration Lepore-Clancy [maire et vice-mairesse] poursuit un surdéveloppement violent des dernières parties de la banlieue qui n’ont pas encore été livrées à la construction.

Telle est la réalité des faits que le PD, à l’aide de médias obnubilés et souvent asservis, couvre de greenwashing et de schleinwashing.

Des “lavages” qui vont de pair avec des lavages de conscience par le biais d’un transfert de responsabilité des plus grotesques. Le maire PD de Massa Lombarda a eu son quart d’heure de célébrité nationale en attribuant les inondations aux porcs-épics et à leurs terriers*. Mais si vingt-quatre heures de pluie suffisent à provoquer des morts et des disparitions dans la région de Ravenne, il semble plus probable que les causes soient autres. Comme le rappelle Pileri,

« la province de Ravenne est la deuxième province régionale en termes de consommation de sols en 2020-2021 (plus de 114 hectares, soit 17,3 % de la consommation régionale) avec une consommation par habitant très élevée (2,95 mètres carrés par habitant et par an) ; elle est quatrième en termes de sols imperméables par habitant (488,6 m²/habitant) ».

Si ce ne sont pas les porcs-épics, alors c’est “le climat”

Ensuite, il y a la tendance à hausser les épaules et à dire : « c’est le changement climatique ». Comme pour dire : ce n’est pas de notre faute, que pouvons-nous y faire ?

Sauf que, oui, c’est de “notre” faute, ou plutôt la faute de ceux qui ont porté et portent encore sans esprit critique ce modèle de développement, alors que les effets possibles du réchauffement climatique sont évoqués depuis des décennies

Par ailleurs, il convient de préciser que cette utilisation du climat est une manœuvre de diversion.

Certes, l’alternance de longues périodes de sécheresse et de pluies intenses concentrées sur quelques jours fait partie du changement climatique, mais...

Mais, le fait qu’au printemps, il puisse pleuvoir plusieurs jours d’affilée est également mentionné dans les proverbes. L’un d’entre eux est le suivant : « Aprile, o una goccia o un fontanile  [Avril, soit une goutte, soit une fontaine] ». Que cela puisse arriver surtout après un hiver sec, idem : "Hiver doux, printemps sec ; hiver rude, printemps pluvieux". Et l’on pourrait en citer bien d’autres, dans bien des langues.

La culture européenne nous offre d’innombrables témoignages de longues pluies et d’averses au printemps. L’un des plus grands classiques du cinéma italien, Riz amer, se déroule au printemps - à la saison de la récolte du riz, en fait - et montre une pluie diluvienne qui dure plusieurs jours, battante, interminable.

Si ces pluies ont des effets de plus en plus dévastateurs en un temps de plus en plus court, c’est parce que la terre est de plus en plus défigurée. Et c’est contre ceux qui la défigurent qu’il faut se battre.

“Béton rapide pour l'aéroport de Bologne: photo de pub d’Italcementi, filiale du groupe allemand Heidelberg Cement (devenu Heidelberg Materials), 2ème plus grand groupe cimentier du monde après Lafarge

Post-scriptum

Désormais, dès que les prévisions annoncent de la pluie, les écoles sont fermées, comme cela vient d’être le cas à Bologne. Auparavant, elles ne fermaient qu’en cas de fortes chutes de neige.

À l’heure où nous bouclons cet article, en ce début d’après-midi du 17 mai, nous apprenons que la municipalité de Bologne - une ville où il bruine actuellement et où les transports publics ont continué à fonctionner - a également fermé des bibliothèques, des musées et des centres sportifs. Si vous avez une impression de déjà-vu, c’est parce que, oui, nous l’avons déjà vu.

Ces ordonnances sont justifiées par le fait que lorsqu’il pleut et que la nappe phréatique déborde - au cours du XXe siècle, les administrations bolonaises ont enterré et bétonné tous les canaux et cours d’eau qui traversaient la ville, y compris le torrent Ravone, qui a débordé ces derniers jours - la circulation est immédiatement congestionnée. Un trafic essentiellement privé et automobile, qui est à la fois la conséquence et la cause rétroactive des politiques démentes menées sur le territoire : nouvelle urbanisation, routes de plus en plus nombreuses, demande induite de déplacements en voiture, etc.

La classe dirigeante responsable de ces politiques, face aux désastres qu’elles produisent, a pour seule et automatique réponse l’Urgence. Et peut-être, plus précisément, DAD [enseignement à distance]  à chaque fois qu’il pleut.

L’urgence - comme nous l’avons vu dans les années Covid - sert à ne pas s’attaquer aux causes des problèmes, ni maintenant, parce que les événements sont pressants, ni plus tard, parce que lorsque le danger n’est plus immédiat, on passe à autre chose... jusqu’à la prochaine catastrophe.

À moins que nous ne rompions ce cercle vicieux.

NdT

* « Les techniciens à qui j’ai parlé », a déclaré le maire Daniele Bassi, « pensent que le pertuis par lequel l’eau est arrivée pourrait avoir été créé par les terriers des porcs-épics, qui sont plus larges et plus profonds que ceux creusés par d’autres animaux tels que les ragondins et les renards. On pense souvent aux ragondins, mais les porcs-épics ont également coutume de creuser des terriers sur les berges des égouts, des canaux et des rivières ».[sic, sic et resic]