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21/07/2025

HAGAI EL-AD
Vous avez un enfant dans l’armée israélienne ? Vous pourriez être les parents d’un criminel de guerre

Où est le procureur général militaire ? Le chef d’état-major de l’armée israélienne ? La procureure générale ? Le chef de l’opposition à la Knesset ? Le président de la Knesset ? Le président ? Silence. Nous sommes en train de massacrer.

Hagai El-Ad,Haaretz, 20 juillet 2025 

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Ils disent aux gens affamés de venir chercher de la nourriture à 11 heures, mais ceux-ci, indisciplinés et affamés, arrivent à 10 heures. Alors ils ordonnent aux soldats de les bombarder, de les mitrailler, de les abattre. Et les soldats, soldats juifs disciplinés, les bombardent, les mitraillent, les abattent. Par dizaines, par centaines.

Avez-vous un enfant qui sert sur un bateau lance-missiles israélien ? Peut-être avez-vous un enfant qui est un criminel de guerre. Artilleur ? Tireur d’élite ? Et bien sûr, avant tout, pilote ?

Réfléchissez-y : vous pourriez être les parents d’un criminel de guerre. Si votre enfant ne l’était pas, il ne bombarderait pas des gens indisciplinés et affamés qui se sont présentés une heure plus tôt. Des gens qui sont venus une heure plus tôt parce qu’ils avaient faim, affamés parce que nous les avons affamés.

C’est pire que Kafr Qasem –le tristement célèbre massacre de 1956 de 47 citoyens palestiniens d’Israël qui ont été abattus par la police des frontières pour avoir enfreint sans le savoir un couvre-feu.

C’est bien pire. Pas seulement à cause du « drapeau noir » marquant les ordres manifestement illégaux qui a été réduit à l’état de chiffon, et pas seulement à cause de l’ampleur terrifiante et infiniment plus grande des crimes commis. C’est bien pire encore à cause du silence – et du soutien public général en Israël, de part et d’autre du mur.

Après tout, il est clair pour tous ceux qui vivent ici qu’il n’y aura pas d’autre procès de Kafr Qasem, et qu’il n’y aura certainement pas de procès de Nuremberg pour nos criminels de guerre – le haut commandement militaire et les dirigeants politiques. Il n’y aura rien, pas même une amende de 10 centimes, comme la peine infligée au commandant de brigade jugé responsable de Kafr Qasem.

Où est l’avocate générael militaire ? Elle reste silencieuse. Elle doit être occupée à améliorer le mécanisme de dissimulation – pardon, je veux dire « d’enquête » – des Forces de défense israéliennes.

Et le chef d’état-major de l’armée israélienne ? Il est certainement en train de chercher dans le dictionnaire la signification de cette expression désormais courante, « être guidé par des valeurs ». Mais il n’y trouve que du vide, car c’est précisément pour ça que nous avons inventé cette expression. Pour ne pas parler de moralité, pour oublier : « Tu ne tueras point ».

Et où est la procureure générale ? Occupée avec Bibi, et le défendant devant la Cour internationale de La Haye. Et où est le chef de l’opposition à la Knesset ? Laissez-nous rire. Et où est le président de la Knesset ? C’est une bonne blague. Le président ? Bof. Silence, nous sommes en train de massacrer.

Vous souvenez-vous de tous les discours prononcés à l’occasion du 50e anniversaire de la guerre du Kippour, quelques jours avant le 7 octobre, dans lesquels on affirmait avoir compris le « poids de la responsabilité » et tiré les leçons du passé ? Et comment tout ce verbiage s’est révélé être un ramassis de conneries, de mots vides de sens, dans les kibboutzim près de la frontière avec Gaza, à Sderot, à Ofakim et au festival Nova ? Des fleuves de sang et d’horreur impossibles à comprendre et qui ne le seront jamais.

Au-dessus de tout cela règne une leadership qui n’a rien appris, un Premier ministre machiavélique qui a l’honneur de détrôner Golda Meir de son titre de pire Premier ministre de l’histoire d’Israël – un gouvernement composé des pires nullités qui tiennent des discours grandiloquents, derrière lesquels il n’y a rien non plus. Une démonstration de leçons apprises au lieu de modestie et de bon sens.

Vous vous souvenez de tout ça ? Alors souvenez-vous aussi de tous les discours prononcés lors de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, de toutes les cérémonies, de tous les cours à l’école. Nous avons appris de l’Holocauste non seulement que les Juifs ne seraient plus jamais sans défense, mais aussi que les soldats juifs ne seront jamais comme eux. Vous vous souvenez ? Voici un autre océan de paroles creuses, un autre tas de conneries. Des prétentions vides d’engagement envers les valeurs humaines fondamentales – et une réalité faite de corps brisés partout dans la bande de Gaza.

Des mots comme du sable, pourris jusqu’aux fondations – et les corps pourrissent sous le sable.

On peut déjà imaginer la montagne de détritus qui va s’accumuler au sujet de la « nécessité militaire », du danger probable, de la complexité de la situation et de l’évaluation des renseignements. Et bien sûr, la proportionnalité et les procédures qui ont été clarifiées, ah, les procédures !

Mais comment est-il possible de supporter tous ces mots blanchis ? Après tout, tout le monde connaît la « nécessité » ; nous savons tous ce qu’Israël fait à Gaza : détruire autant que possible, tuer autant que possible.

06/08/2024

HAGAI EL-AD
La partie émergée de l’iceberg : Israël ne peut blanchir les horribles abus commis par ses soldats sur les Palestiniens

Hagai El-Ad, Haaretz, 6/8/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala


Hagai El-Ad (Haifa, 1969) est un militant israélien des droits humains. Arabophone, il a effectué ses 3 ans de service militaire (1987-1991) dans l’unité d’élite 504 du renseignement militaire. Diplômé en astrophysique, il a dirigé successivement la Maison ouverte pour la fierté et la tolérance à Jérusalem, l’Association pour les droits civils en Israël et, de 2014 à 2023, l’organisation de défense des droits humains B’Tselem. Interrogé en 2021 par une journaliste belge, il a eu cette réponse :

« Œuvrer en faveur des droits de l’homme fait de vous, personnellement, mais aussi votre organisation, des « traîtres » en Israël. Comment vit-on cela ?

A quoi sommes-nous censés être loyaux ? Si l’on me demande d’être loyal envers un régime d’oppression perpétuelle d’un autre peuple, alors je suis un traître. Si l’on demande d’être loyal envers une impunité totale, envers les violations des droits humains et les crimes de guerre, je suis un traître et fier de l’être. Ce n’est pas agréable d’être traité de traître. Mais il faut mettre cela en perspective. Avec tous les désagréments auxquels nous devons faire face, je suis un citoyen privilégié, juif, avec toutes les protections qui viennent avec au sein de mon Etat. Aussi désagréable que soit parfois la situation, un défenseur palestinien des droits de l’homme peut être frappé d’une interdiction de voyager, sa famille peut perdre son permis de travail et il peut être placé en détention, abattu. Je regarde avec une profonde admiration le courage de mes collègues palestiniens, qui sont non seulement opprimés par les autorités israéliennes, mais aussi par l’Autorité palestinienne qu’ils critiquent également. » [Lire entretien ici]
Meta

 

Il n’est pas facile de commettre des crimes et de s’en tirer à bon compte. Cela nécessite une expertise juridique et un certain degré de sophistication, surtout lorsque vous devez simultanément faire face à l’opinion publique, tant locale qu’internationale.

Et non, je ne parle pas des réservistes soupçonnés d’avoir violé un détenu palestinien à la base militaire de Sde Teiman. Je parle de l’État d’Israël et de ses mécanismes sophistiqués de blanchiment. Ces mécanismes ont servi loyalement le système israélien pendant des générations. Mais il semble qu’ils aient finalement atteint leur date d’expiration et qu’ils s’effondrent maintenant sous le poids des contradictions internes qu’ils avaient réussi à contenir auparavant.

Pendant des décennies, le système israélien a perfectionné sa capacité à utiliser la violence brutale contre les Palestiniens sans avoir à en payer le prix. Il s’agit là d’une question cruciale. Après tout, il est impossible d’opprimer des millions de personnes pendant des décennies sans recourir à la violence à une échelle effroyable. Mais il est également impossible de continuer à juger ceux qui recourent à cette violence, car qui accepterait de gouverner par la force s’il est ensuite dénoncé comme un criminel ?

Alors, que faites-vous ? Vous vous engagez dans un bluff israélien typique, mais sophistiqué.

Le bluff est le système d’exploitation qui a si bien fonctionné jusqu’à présent. Des masses de plaintes sont reçues de la part de tous ceux qui prennent la peine de porter plainte. Les Palestiniens, les organisations de défense des droits humains, les agences de l’ONU allez-y, plaignez-vous. De la paperasse est générée, mais rien n’est sérieusement examiné.

Chaque incident est traité comme s’il s’agissait tout au plus d’une violation commise par les échelons inférieurs. La politique et les cadres supérieurs ne font jamais l’objet d’une enquête. Et l’ensemble du processus se déroule très lentement.

Il traîne si longtemps que tout le monde l’oublie. L’attention se déplace et les années passent. Et à ce moment-là, qui se soucie d’un adolescent palestinien que des soldats ont tué d’une balle dans le dos quelque part près de la barrière de séparation il y a de nombreuses années ? Néanmoins, nous pouvons dire : « Nous avons enquêté ».

Dans le cadre de ce système, une personne de rang inférieur est inculpée une fois toutes les quelques années et l’on en fait tout un plat. Une telle mise en accusation se produit presque toujours lorsqu’il existe des séquences vidéo ou des preuves médico-légales incontestables, alors que faire ? Et puis, c’est un scandale. L’attention est internationale. C’est le choc.

Pensez à l’agent de la police des frontières Ben Dery à Beitunia en 2014 ou au sergent Elor Azaria à Hébron en 2016. Dans les deux cas, il y avait des preuves vidéo sans équivoque, de sorte qu’il n’y avait pas d’autre choix que de les juger.

Tous deux ont tué un Palestinien. Tous deux ont été condamnés. Mais aucun d’entre eux n’a passé ne serait-ce qu’un an en prison.