Où est le procureur général militaire ? Le chef d’état-major de l’armée israélienne ? La procureure générale ? Le chef de l’opposition à la Knesset ? Le président de la Knesset ? Le président ? Silence. Nous sommes en train de massacrer.
Hagai El-Ad,Haaretz, 20 juillet 2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Ils disent aux gens affamés de
venir chercher de la nourriture à 11 heures, mais ceux-ci, indisciplinés et
affamés, arrivent à 10 heures. Alors ils ordonnent aux soldats de les
bombarder, de les mitrailler, de les abattre. Et les soldats, soldats juifs disciplinés,
les bombardent, les mitraillent, les abattent. Par dizaines, par centaines.
Avez-vous un enfant qui sert sur
un bateau lance-missiles israélien ? Peut-être avez-vous un enfant qui est un
criminel de guerre. Artilleur ? Tireur d’élite ? Et bien sûr, avant tout,
pilote ?
Réfléchissez-y : vous pourriez
être les parents d’un criminel de guerre. Si votre enfant ne l’était pas, il ne
bombarderait pas des gens indisciplinés et affamés qui se sont présentés une
heure plus tôt. Des gens qui sont venus une heure plus tôt parce qu’ils avaient
faim, affamés parce que nous les avons affamés.
C’est pire que Kafr Qasem –le
tristement célèbre massacre de 1956 de 47 citoyens palestiniens d’Israël
qui ont été abattus par la police des frontières pour avoir enfreint sans le
savoir un couvre-feu.
C’est bien pire. Pas seulement à
cause du « drapeau noir » marquant les ordres
manifestement illégaux qui a été réduit à l’état de chiffon, et pas
seulement à cause de l’ampleur terrifiante et infiniment plus grande des crimes
commis. C’est bien pire encore à cause du silence – et du soutien public
général en Israël, de part et d’autre du mur.
Après tout, il est clair pour
tous ceux qui vivent ici qu’il n’y aura pas d’autre procès de Kafr Qasem, et qu’il
n’y aura certainement pas de procès de Nuremberg pour nos criminels de guerre –
le haut commandement militaire et les dirigeants politiques. Il n’y aura rien,
pas même une amende de 10 centimes, comme la peine infligée au commandant de
brigade jugé responsable de Kafr Qasem.
Où est l’avocate
générael militaire ? Elle reste silencieuse. Elle doit être occupée à
améliorer le mécanisme de dissimulation – pardon, je veux dire « d’enquête » –
des Forces de défense israéliennes.
Et le chef d’état-major de l’armée
israélienne ? Il est certainement en train de chercher dans le dictionnaire la
signification de cette expression désormais courante, « être guidé par des
valeurs ». Mais il n’y trouve que du vide, car c’est précisément pour ça que
nous avons inventé cette expression. Pour ne pas parler de moralité, pour
oublier : « Tu ne tueras point ».
Et où est la procureure générale
? Occupée
avec Bibi, et le défendant devant la Cour internationale de La Haye. Et où
est le chef de l’opposition à la Knesset ? Laissez-nous rire. Et où est le
président de la Knesset ? C’est une bonne blague. Le président ? Bof. Silence,
nous sommes en train de massacrer.
Vous souvenez-vous de tous les
discours prononcés à l’occasion du 50e anniversaire de la guerre du
Kippour, quelques jours avant le 7 octobre, dans lesquels on affirmait avoir
compris le « poids de la responsabilité » et tiré les leçons du passé ? Et
comment tout ce verbiage s’est révélé être un ramassis de conneries, de mots
vides de sens, dans les kibboutzim près de la frontière avec Gaza, à Sderot, à
Ofakim et au festival Nova ? Des fleuves de sang et d’horreur impossibles à
comprendre et qui ne le seront jamais.
Au-dessus de tout cela règne une
leadership qui n’a rien appris, un Premier ministre machiavélique qui a l’honneur
de détrôner Golda Meir de son titre de pire Premier ministre de l’histoire d’Israël
– un gouvernement composé des pires nullités qui tiennent des discours
grandiloquents, derrière lesquels il n’y a rien non plus. Une démonstration de
leçons apprises au lieu de modestie et de bon sens.
Vous vous souvenez de tout ça ?
Alors souvenez-vous aussi de tous les discours prononcés lors de la Journée
internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, de toutes les
cérémonies, de tous les cours à l’école. Nous avons appris de l’Holocauste non
seulement que les Juifs ne seraient plus jamais sans défense, mais aussi que
les soldats juifs ne seront jamais comme eux. Vous vous souvenez ? Voici un
autre océan de paroles creuses, un autre tas de conneries. Des prétentions
vides d’engagement envers les valeurs humaines fondamentales – et une réalité
faite de corps brisés partout dans la bande de Gaza.
Des mots comme du sable, pourris
jusqu’aux fondations – et les corps pourrissent sous le sable.
On peut déjà imaginer la montagne
de détritus qui va s’accumuler au sujet de la « nécessité militaire », du
danger probable, de la complexité de la situation et de l’évaluation des
renseignements. Et bien sûr, la proportionnalité et les procédures qui ont été
clarifiées, ah, les procédures !
Mais comment est-il possible de
supporter tous ces mots blanchis ? Après tout, tout le monde connaît la «
nécessité » ; nous savons tous ce qu’Israël fait à Gaza : détruire autant que
possible, tuer autant que possible.
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