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13/07/2025

NAGHAM ZBEEDAT
“C’est une forme de boycott” : pourquoi ces citoyens palestiniens d’Israël suppriment l’hébreu de leur quotidien

Malgré l’obtention de diplômes ou l’exercice d’un métier en hébreu, un sentiment croissant d’aliénation vis-à-vis de l’État israélien et des Israéliens juifs a conduit certains citoyens arabophones israéliens à renoncer complètement à l’hébreu, en particulier pendant la guerre de Gaza : « Je parle une langue dont les locuteurs natifs, bien souvent, n’acceptent même pas mon existence ».

 Nagham Zbeedat, Haaretz, 13/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Nagham Zbeedat est une journaliste palestinienne d’Israël couvrant les affaires palestiniennes et le monde arabe pour le quotidien Haaretz .@ztnagham

 

Illustration : Shumisat Rasulaev

Dans un café animé de Haïfa, un groupe d’amis passe sans effort de l’arabe à langlais, sans prononcer un mot d’hébreu. Ce n’est pas qu’ils ne le parlent pas. En fait, la plupart d’entre eux l’ont étudié pendant des années et le parlent couramment dans un contexte académique ou professionnel. Mais lorsqu’il s’agit de conversations informelles, de nombreux arabophones font désormais un choix délibéré : éviter complètement de parler hébreu.

Parmi ceux qui ont fait ce choix linguistique conscient, on trouve Ahlam, une infirmière diplômée de 26 ans originaire de la ville de Kafr Yasif, dans le nord du pays. Comme beaucoup de citoyens palestiniens d’Israël, elle a grandi en parlant arabe à la maison et a fréquenté des écoles publiques arabophones, où l’hébreu est enseigné comme deuxième langue à partir du CE2.

Ahlam a étudié les sciences infirmières à l’université de Tel Aviv et a terminé sa formation clinique dans un hôpital du centre d’Israël. Après s’être liée d’amitié avec des Palestiniens vivant à Gaza et en Cisjordanie, elle s’est rendu compte que l’hébreu s’était glissé dans son vocabulaire quotidien, même lorsqu’elle parlait arabe.

« J’ai commencé à me sentir dégoûtée de moi-même », dit-elle. « Pourquoi utilisais-je des mots hébreux avec des gens qui parlaient la même langue que moi ? Notre langue commune est l’arabe. Et pourtant, la moitié des mots que j’utilisais, ils ne les comprenaient même pas parce qu’ils étaient en hébreu. »

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Ahlam a commencé à supprimer délibérément les mots hébreux de son vocabulaire quotidien, un processus qu’elle poursuit encore aujourd’hui. « Je pense qu’il est important d’apprendre la langue, mais je ne trouve pas normal de l’utiliser entre nous [les Arabes] », explique-t-elle. « L’éducation m’a tellement éloignée de ma langue que je connais certains mots uniquement en hébreu et que je ne sais pas ce qu’ils signifient en arabe, et vice versa. Il y a des mots arabes que je ne comprends même plus. »


« Bien sûr, quand les Juifs ne parlent pas l’arabe, je suis obligée de leur parler dans leur langue. Mais on ne leur demande jamais de parler la mienne », explique Ahlam, une infirmière de 26 ans originaire de Kafr Yasif. Photo  Olivier Fitoussi

Ce qui a commencé comme un changement subtil est devenu une tendance croissante parmi les jeunes citoyens arabes d’Israël, sous la forme d’une expression culturelle et politique discrète influencée par la guerre en cours, la discrimination et un sentiment croissant d’aliénation vis-à-vis des Israéliens juifs et de la culture hébraïque.

« [Parler hébreu] était quelque chose qui m’était imposé. J’ai vécu avec. Mais maintenant que je le rejette, c’est une façon de résister, de m’accrocher à mon identité et à mes racines », dit Ahlam. « Ils ont essayé de nous dépouiller de tout, y compris de notre langue. L’hébreu représente l’occupant. Celui qui est venu, a pris mon pays et m’a imposé sa langue. »

« Bien sûr, quand les Juifs ne connaissent pas l’arabe, je suis obligé de leur parler dans leur langue. Mais on ne leur demande jamais de parler la mienne. »

Double identité

En Israël, le ministère de l’Éducation gère deux systèmes éducatifs distincts : les écoles arabophones et les écoles hébréophones. Chaque système dispose de ses propres superviseurs, budgets, établissements de formation des enseignants et systèmes de placement des enseignants. Cependant, le secrétariat pédagogique du ministère de l’Éducation élabore et supervise un programme unique pour les deux systèmes.

L’étude de l’hébreu dans les écoles arabophones est obligatoire à partir de la troisième année, voire dès la première année pour certains élèves. Ceux-ci suivent plusieurs heures de cours d’hébreu par semaine et, à la fin du lycée, ils passent des examens d’hébreu dans le cadre du baccalauréat. L’apprentissage de cette langue est obligatoire depuis la création de l’État. Mais l’apprentissage de l’hébreu n’est pas seulement une exigence éducative : il est pratiquement impossible pour les arabophones de travailler, d’étudier ou d’accéder aux services de santé et aux services sociaux sans une certaine maîtrise de l’hébreu.


Des adolescents apprenant l’hébreu dans un lycée de la ville bédouine de Sallama, dans le sud d’Israël, en 2020. Photo  Rami Shllush

Bien qu’elle ait dû acquérir un niveau élevé en hébreu pour pouvoir étudier à l’université et obtenir des diplômes en soins infirmiers, Ahlam a finalement pris la décision inhabituelle de poursuivre une carrière en dehors du système de santé israélien. Elle a préféré lancer sa propre petite entreprise en tant qu’infirmière consultante spécialisée dans l’activité physique, offrant des conseils personnalisés à des clients arabes qui cherchent à améliorer leur santé grâce à des soins axés sur le mouvement.

« Travailler dans le système de santé israélien ne me convenait tout simplement pas », dit-elle. « Même si j’aimais mon travail et que les patients m’appréciaient, je ne pouvais pas accepter de faire partie d’un système dirigé par un gouvernement qui bombarde mon peuple [à Gaza] et détruit notre secteur de la santé. »

« J’aurais adoré travailler dans mon domaine », dit-elle, « mais je ne peux tout simplement pas. Je suis sincèrement reconnaissante de ne pas vivre avec cette double identité, de ne pas devoir donner tout ce que j’ai pour combler les lacunes de leur système alors que mon propre peuple se voit refuser le droit le plus fondamental à des soins médicaux, tandis qu’Israël bombarde et arrête nos équipes médicales. »

Ironiquement, ce sont ses études universitaires qui ont perfectionné sa maîtrise de la langue. « L’éducation dans une institution israélienne a fait de l’hébreu une partie encore plus importante de ma vie quotidienne. Cela m’a éloignée de ma langue maternelle. Quand j’essaie de parler de sujets médicaux, je ne peux même pas le faire dans une autre langue, je ne sais le faire qu’en hébreu. Cela a complètement remplacé mes autres langues. Si je voulais étudier ou travailler à l’étranger, ce serait très difficile pour moi, car tout ce que j’ai appris est en hébreu. Je parle hébreu. »


Les enfants scolarisés dans le système scolaire arabophone d’Israël commencent l’apprentissage obligatoire de l’hébreu en troisième année. Photo  Tomer Appelbaum

« Une forme de boycott »

Ahlam n’est pas la seule à Haïfa à être mal à l’aise avec la présence de l’hébreu dans sa vie quotidienne. De l’autre côté de la table, Rashid, un ingénieur civil de 28 ans, acquiesce à mesure que la conversation avance. Comme Ahlam, il a pris la décision consciente de se distancier de l’hébreu dans sa vie quotidienne. « Ma mission d’éviter l’hébreu a commencé il y a huit ans », explique-t-il. « Aujourd’hui, je ne le parle plus que pour le travail. »

Travaillant dans un environnement mixte, Rashid est constamment entouré de collègues juifs israéliens et arabes qui parlent hébreu, mais il dit n’avoir jamais ressenti de pression pour l’adopter au-delà du nécessaire. « Je ne me sens pas proche de l’hébreu. J’ai toujours été distant de cette langue », explique-t-il.

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« Que ce soit pendant mes études ou maintenant au travail, être obligé d’utiliser l’hébreu suscite en moi beaucoup de sentiments contradictoires. Je ne parle pas seulement une langue qui n’est pas la mienne, je parle une langue dont les locuteurs natifs, bien souvent, n’acceptent même pas mon existence. »


Une arcade à Fattoush, un café-bar de Haïfa très prisé des jeunes citoyens palestiniens d’Israël. Photo  Hagai Frid

Pour Rashid, ce refus de parler hébreu n’est pas seulement personnel, c’est politique. « Je considère cela comme une forme de boycott », affirme-t-il avec fermeté. « Mais il ne devrait pas falloir une guerre à Gaza ou l’annexion de la Cisjordanie pour que nous prenions conscience de l’urgence de préserver notre identité et notre langue. Cela aurait toujours dû être notre mission. »

Comme Rashid, Dima, 25 ans, diplômée en génie civil du Technion, a grandi en parlant arabe et a fait ses études universitaires en hébreu ; adolescente, elle a fait le choix délibéré de garder l’hébreu à distance.

« Je me suis assurée que cela ne fasse pas partie de mon langage quotidien », dit-elle. « Je ne suis pas disposée à utiliser l’hébreu sauf si je n’ai vraiment pas le choix, pas lors d’une réunion ou avec des amis. »

Dima décrit cette frontière linguistique comme étant à la fois personnelle et politique. « Utiliser une langue qui ne me reflète pas était difficile. C’était un défi constant de la séparer de mon identité. » Son détachement vis-à-vis de l’hébreu, dit-elle, s’est accentué ces derniers mois. « Dès le début, j’avais des réserves à l’égard de cette langue et de tout ce que représente l’État. Tout cela s’est intensifié avec cette guerre. »

Pour Dima, parler arabe, en particulier dans les espaces palestiniens communs, est une forme de résistance culturelle. « Notre simple présence ici est une forme de résistance. Alors que l’État tente de judaïser tout ce qui nous touche, nous accrocher à notre langue, à nos coutumes et à notre identité est notre moyen de riposter. »


« L’éducation m’a littéralement éloignée de ma langue à tel point que je ne comprends même plus certains mots arabes », explique Ahlam. Photo  Rami Shllush

Ce sentiment d’imposition culturelle est également ressenti par Arwa, une jeune fille de 18 ans qui vient d’obtenir son diplôme d’études secondaires et se prépare à entrer à l’université dans le centre d’Israël. Comme les autres, Arwa parle couramment l’hébreu ; elle a excellé dans cette langue tout au long de sa scolarité et a obtenu de bons résultats aux examens nationaux. Mais dernièrement, elle s’est mise à le pratiquer moins, en particulier dans des situations informelles avec ses amis.

Arwa, qui vit dans la ville de Sakhnin, dans le nord du pays, explique qu’elle et ses camarades se sentent souvent exclus par leurs homologues juifs israéliens, que ce soit dans la vie sociale ou dans le milieu scolaire. « Nous ne nous sentons pas les bienvenus », explique-t-elle. « Nous avons constamment le sentiment d’être des étrangers, même si nous vivons ici, parlons la même langue et étudions dans les mêmes établissements. »

Certains diplômés arabes du secondaire ont des difficultés à étudier dans les collèges et universités israéliens où l’hébreu est la langue d’enseignement, car ils ne maîtrisent pas suffisamment cette langue. Dans les établissements d’enseignement supérieur israéliens, ils sont censés parler l’hébreu aussi couramment que les locuteurs natifs, car les cours, les examens et les devoirs sont tous en hébreu, alors que près d’un cinquième des étudiants israéliens sont de langue maternelle arabe.


Mustafa, un père de Nazareth, a du mal à convaincre son fils de prendre ses cours d’hébreu au sérieux. « La guerre à Gaza l’a profondément marqué. Depuis le 7 octobre, il s’est encore plus éloigné de cette langue. » Photo  Rami Shllush

Arwa décrit « une forte identité culturelle enracinée en Palestine », et non dans l’État israélien. Et bien que ses résultats scolaires restent solides, elle admet qu’elle appréhende d’entrer dans des espaces universitaires dominés par l’hébreu. « Je crains de ne pas être capable de tenir des conversations à ce niveau de fluidité », dit-elle. « Ce n’est pas que je ne comprends pas, c’est juste que je n’ai plus l’impression que ça m’appartient. »

Bien qu’Arwa reconnaisse son utilité, elle a commencé à associer l’hébreu à bien plus que la communication. « Après avoir été témoin de la vérité en ligne, de la guerre à Gaza, du massacre de mon peuple, tout cela documenté, j’ai cessé de voir l’hébreu comme une simple langue », dit-elle. « C’est devenu la langue de l’occupation, la langue d’une société qui exprime son racisme envers mon peuple. 

Ses parents travaillent tous deux pour le ministère israélien de l’Éducation, ce qui explique que la famille reste relativement discrète sur ses opinions culturelles et politiques en public. Mais à la maison, l’attachement à la langue arabe est évident. « Nous avons été élevés dans le sentiment d’appartenir à notre patrie, et non à l’occupant », explique-t-elle. « Nous ne parlons qu’arabe à la maison, à l’exception de quelques mots hébreux qui se sont naturellement glissés dans notre langage au fil des ans, comme mazgan [climatiseur]. »


« Nous avons constamment le sentiment d’être des étrangers, même si nous vivons ici, parlons la langue et étudions dans les mêmes établissements », explique Arwa, une jeune fille de 18 ans originaire de Sakhnin. Photo  Olivier Fitoussi

Changement de code et identité

Ce glissement subtil, l’utilisation de mots hébreux dans des conversations autrement arabes, est courant chez les citoyens palestiniens d’Israël. Bien qu’il existe des équivalents arabes (par exemple « mukayyif » pour « mazgan »), les mots empruntés à l’hébreu les remplacent souvent dans le langage courant. Ce phénomène, connu sous le nom de “code-switching” [alternance codique ou changement de code, NdT], est profondément ancré dans les habitudes linguistiques de nombreuses familles palestiniennes vivant en Israël.

Une étude publiée en 2019 dans le Global Journal of Foreign Language examine les raisons pour lesquelles l’hébreu s’immisce dans les conversations arabes dans une enquête auprès d’étudiants arabes israéliens de l’Université arabo-américaine de Cisjordanie, où les cours sont dispensés exclusivement en arabe ou en anglais.

Les étudiants ont signalé des cas de changement de code même dans un environnement entièrement arabophone, et ont indiqué que ce phénomène était souvent inconscient ; les participants ont expliqué qu’ils n’avaient pas appris les équivalents arabes de certains mots dans leur famille ni même à l’école. L’étude a également révélé que l’âge et l’origine des personnes interrogées en Israël avaient une influence significative sur leur utilisation de l’hébreu.

« Il était clair que le nord a tendance à changer de code plus que le centre d’Israël », écrivent les chercheurs, ajoutant qu’« un pourcentage important d’étudiants venant du sud d’Israël utilisent le changement de code principalement pour des raisons liées à la proximité géographique des colonies israéliennes et au fait que de nombreux citoyens druzes [qui vivent principalement dans le nord d’Israël] servent dans l’armée israélienne ».

Dans cette étude, 72 % des participants estimaient que le changement de code linguistique avait une incidence sur leur sentiment d’identité palestinienne. La langue continuant à servir non seulement d’outil de communication, mais aussi de marqueur identitaire, le choix entre les mots mazgan et mukayyif dépasse la simple question sémantique. Il devient politique.


« Que ce soit pendant mes études ou aujourd’hui dans mon travail, être obligé d’utiliser l’hébreu suscite en moi beaucoup de sentiments contradictoires », explique Rashid, un ingénieur civil de 28 ans. Photo  Rami Shllush

Mustafa, un père de 39 ans originaire de Nazareth, explique que son fils Mohammed, âgé de 13 ans, a développé une forte aversion pour l’hébreu. « Seuls quelques mots basiques lui échappent, comme mazgan, shalat (télécommande) ou haklata (enregistrement). Et même là, Mohammed ne les utilise pas beaucoup. Il n’aime pas l’hébreu, c’est la matière qu’il déteste le plus à l’école ».

« Il faut beaucoup d’efforts et de temps pour qu’il termine ses devoirs d’hébreu », admet Mustafa. « La guerre à Gaza l’a profondément marqué. Depuis le 7 octobre, il s’est encore plus éloigné de cette langue. »

Au lieu de cela, Mohammed s’est tourné vers l’anglais. « Il l’utilise beaucoup plus, surtout quand nous voyageons », explique Mustafa. « Je vois la différence dans son enthousiasme. Il passe tout en anglais : son téléphone, ses jeux vidéo, ses films. Cela le passionne. L’hébreu, en revanche, ne lui parle tout simplement pas. »

Ce fossé entre la langue et l’identité est une source de tension pour Mustafa, tant sur le plan émotionnel qu’en tant que parent. « C’est un sujet très sensible pour nous », dit-il. « D’un côté, nous essayons de l’encourager à apprendre l’hébreu : c’est nécessaire pour vivre ici. Mais d’un autre côté, je veux qu’il excelle dans quelque chose qu’il aime. Je veux qu’il ait des rêves qui dépassent les frontières de ce pays. »

Un moment qui l’a particulièrement marqué est celui où il a essayé de motiver son fils à terminer un devoir d’hébreu. « Je lui ai dit : “L’hébreu, c’est facile, c’est comme l’arabe, on est pratiquement cousins !” Et il m’a regardé et m’a répondu : “Tu n’arrêtes pas de dire qu’on est cousins, mais ils sont en train de nous tuer.” »

20/08/2024

NAGHAM ZBEEDAT
“Le retour du martyre” : Yahya Ayyash, “l’Ingénieur”, redevient “tendance”, alors que le Hamas menace d’autres attaques suicides

Célèbre pour avoir introduit les attaques suicides dans le conflit israélo-palestinien, Yahya Ayyash, tué par Israël en 1996, fait l’objet d’un regain d’attention après une tentative d’attentat à Tel-Aviv.

Nagham Zbeedat, Haaretz, 20/8/2024
Traduit par 
Fausto GiudiceTlaxcala

À la suite d’une tentative d’attentat-suicide à Tel-Aviv dimanche soir, un nom a commencé à gagner du terrain sur les plateformes de médias sociaux arabes, en particulier sur X : Yahya Ayyash. Connu sous le nom de « l’ingénieur », Yahya Ayyash était une figure clé du Hamas et l’un des cerveaux de la vague d’attaques-suicides en Israël dans les années 1990, jusqu’à son assassinat.

La police israélienne et le Shin Bet ont annoncé lundi qu’un engin explosif qui a explosé dans le sud-est de Tel-Aviv dimanche soir était une tentative d’attentat terroriste. L’attaquant, qui portait les explosifs sur lui, a été tué dans l’explosion, tandis qu’un passant a été modérément blessé et transporté à l’hôpital.


Yahya Ayyash. Photo : Reuters

Le Hamas et le Djihad islamique ont revendiqué l’explosion, déclarant qu’ils renouvelleraient les attentats suicides en Israël « tant que les massacres perpétrés par l’occupant et la politique d’assassinats ciblés persisteront ».


Le lieu de l’explosion à Tel Aviv dimanche. Photo Moti Milrod

Un quart de siècle après sa mort, le nom de Yahya Ayyash refait surface dans les discussions en ligne en langue arabe, de nombreux utilisateurs établissant des parallèles entre l’attentat de Tel-Aviv et ce qu’ils considèrent comme l’héritage de Yahya Ayyash, symbole militant de la résistance à l’occupation israélienne.

Qui était Yahya Ayyash ?

Yahya Ayyash était né le 6 mars 1966 à Rafat, près de Naplouse. Après avoir obtenu d’excellents résultats au lycée, il a poursuivi des études d’ingénieur à l’université de Birzeit, où il a obtenu une licence en génie électrique en 1988. Début 1992, Ayyash rejoint les Brigades Ezzedine Al Qassem, la branche militaire du Hamas, où il se spécialise dans la création d’explosifs à partir de matériaux disponibles localement. Il est tristement célèbre pour avoir introduit la tactique des attaques suicides dans le conflit israélo-palestinien.

Ayyash s’est rapidement imposé comme l’un des principaux artificiers du Hamas, ce qui lui a valu le surnom d’« ingénieur ». Les attentats qu’il a organisés ont causé la mort de plus de 70 Israéliens.


L’épave d’un bus israélien à Tel Aviv après un attentat suicide, octobre 1994. Photo : Jerome Delay/Associated Press

Le 5 janvier 1996, après une vaste chasse à l’homme, Ayyash est tué par le service de sécurité Shin Bet. L’agence a réussi à infiltrer le Hamas et à compromettre l’un des associés d’Ayyash, qui lui a remis un téléphone portable piégé avec des explosifs. Une fois qu’il a été confirmé qu’Ayyash utilisait le téléphone, le Shin Bet l’a fait exploser, le tuant sur le coup.


Le cercueil de Yahya Ayyash est transporté dans une mosquée pour les funérailles, 1996.Photo : Jim Hollander/Reuters

Le Hamas lui-même a commémoré Ayyash en donnant son nom à l’une de ses roquettes à plus longue portée, lancée pour la première fois en direction de l’aéroport international d’Eilat en 2021. Le Hamas a ciblé Israël en utilisant le missile Ayyash 250 à plusieurs reprises au cours de la guerre de Gaza. Une roquette tirée depuis la ville de Jénine, en Cisjordanie, en juin 2023, a été revendiquée par une faction du Hamas se faisant appeler le bataillon Al-Ayyash. L’Autorité palestinienne a également commémoré Ayyash en donnant son nom à une rue de Ramallah.

Ayyash est vivant

Le regain d’intérêt pour Ayyash met en évidence l’influence de ses tactiques et de son idéologie dans certaines parties du monde arabe, où il est souvent considéré comme un martyr et un héros.
Adham Abu Selmiya, écrivain et militant palestinien, a partagé sur X une image d’un bus détruit, référence aux attentats suicides de Yahya Ayyash, à côté d’un panneau de signalisation indiquant « Tel Aviv » avec le slogan en anglais et en hébreu : « Nous arrivons ». En légende de l’image, Abu Selmiya a déclaré : « Il n’est que juste que nous affichions ce sourire “suffisant” à l’égard de Netanyahou ». Il a ajouté : « Maintenant, les piliers de son entité tremblent devant le retour tonitruant de l’ère des opérations martyres dans les territoires occupés ».


"Ton temps reviendra, Ayyash" : image dans un message X d’Adham Abu Selmiya, écrivain et militant palestinien

L’écrivain égypto-palestinien Yousef Al-Damouky a écrit: « Il reviendra de l’endroit où vous pensiez l’avoir tué », faisant référence à l’assassinat de Yahya Ayyash. Al-Damouky a ajouté : « Il rira longtemps pendant que vous paniquerez. Yahya vous dira avec sa sagesse éternelle : tous ceux que vous assassinez ne meurent pas ».

Des images de Yahya Ayyash se répandent sur Internet, accompagnées d’une légende en vogue déclarant : « Ayyash est vivant, ne croyez pas qu’il est mort ». Beaucoup partagent également une citation attribuée à Ayyash : « Les Juifs peuvent déraciner mon corps de Palestine, mais je veux planter quelque chose dans le peuple qu’ils ne pourront pas éradiquer ».

 

 

NAGHAM ZBEEDAT
'Return of Martyrdom': 'The Engineer' Yahya Ayyash Trends as Hamas Threatens More Suicide Attacks

Nagham Zbeedat, Haaretz, 20/8/2024

 
Yahya Ayyash.
Yahya Ayyash.Credit: Reuters

In the aftermath of an attempted suicide attack in Tel Aviv on Sunday evening, one name began gaining significant traction across Arab social media platforms, particularly on X: Yahya Ayyash. Known as "The Engineer," Ayyash was a key figure in Hamas and one of the masterminds behind the wave of suicide bombings in Israel during the 1990s until his assassination.
The Israel Police and the Shin Bet announced on Monday that an explosive device that detonated in southeast Tel Aviv on Sunday evening was an attempted terror attack. The attacker, who had the explosives on his body, was killed in the blast, while a bystander sustained moderate injuries and was taken to a hospital.

Hamas and Islamic Jihad claimed responsibility for the explosion, stating they would renew out suicide attacks in Israel "as long as the massacres by the occupiers and the policy of targeted killings persist."

The scene of the explosion in Tel Aviv on Sunday.
The scene of the explosion in Tel Aviv on Sunday. Credit: Moti Milrod

A quarter century after his death, Ayyash's name is now resurfacing in Arabic-language online discussions, with many users drawing parallels between the Tel Aviv attack and what they characterize as Ayyash's legacy, as a militant symbol of resistance against Israeli occupation.

Who is Yahya Ayyash?

Yahya Ayyash was born on March 6, 1966, in Rafat near Nablus. After excelling in high school, he went on to study engineering at Birzeit University, where he earned a Bachelor's degree in electrical engineering in 1988. In early 1992, Ayyash joined the Iz al-Din al-Qassam Brigades, Hamas' military wing, where he specialized in creating explosives from locally available materials. He is infamous for introducing the tactic of suicide bombings into the Israeli-Palestinian conflict.

Ayyash quickly rose to prominence as one of Hamas's chief bomb-makers, earning the nickname "the Engineer." The bombings he organized resulted in the deaths of over 70 Israelis.

The wreckage of an Israeli bus in Tel Aviv after a suicide bombing, October 1994.
The wreckage of an Israeli bus in Tel Aviv after a suicide bombing, October 1994.Credit: Jerome Delay/Associated Press

On January 5, 1996, after an extensive manhunt, Ayyash was killed by the Shin Bet security service. The agency managed to infiltrate Hamas and compromised one of Ayyash's associates, who handed him a cell phone rigged with explosives. Once it was confirmed that Ayyash was using the phone, the Shin Bet detonated it, killing him instantly.

The coffin of Yahya Ayyash is carried into a mosque for funeral services, 1996.
The coffin of Yahya Ayyash is carried into a mosque for funeral services, 1996.Credit: Jim Hollander/Reuters

Hamas itself has commemorated Ayyash by naming one of its longer-range rockets after him; it was first launched towards Eilat's international airport in 2021. Hamas has targeted Israel using the Ayyash 250 missile several times during the Gaza war. A rocket fired from the West Bank city of Jenin in June 2023 was claimed by a Hamas faction calling itself the Al-Ayyash Battalion. The Palestinian Authority has also commemorated Ayyash by naming a Ramallah street after him.

'Ayyash is alive'
The renewed focus on Ayyash highlights the influence of his tactics and ideology among certain sections of the Arab world, where he is often regarded as a martyr and a hero.
Adham Abu Selmiya, a Palestinian writer and activist, shared an image on X of a destroyed bus, a reference to Yahya Ayyash's suicide bus bombings, next to a road sign saying "Tel Aviv" with the slogan in English and Hebrew: 'We are coming!' Captioning the image, Abu Selmiya declared, "It is only right that we wear this 'smug' smile at Netanyahu!" He further commented, "Now, the pillars of his entity tremble at the thunderous return of the era of martyrdom operations in the occupied land."

An image featured in a X post by Adham Abu Selmiya, a Palestinian writer and activist.
An image featured in a X post by Adham Abu Selmiya, a Palestinian writer and activist.

Egyptian-Palestinian writer Yousef Al-Damouky wrote, "He will return from where you thought you killed him," referring to the assassination of Yahya Ayyash. Al-Damouky added, "He will laugh for a long time while you panic. Yahya will tell you with his eternal wisdom: not everyone you assassinate dies."
Images of Yahya Ayyash are spreading across the internet, accompanied by a trending caption declaring, "Ayyash is alive, don't believe he's dead." Many are also sharing a quote attributed to Ayyash: "The Jews can uproot my body from Palestine, but I want to plant something in the people that they cannot uproot."

19/08/2024

NAGHAM ZBEEDAT
Una poetisa, una campeona de kárate, un famoso artista: las historias de vida de 40 de l@s 40.000 palestin@s asesinad@s en Gaza

Nagham Zbeedat, Haaretz, 15-08-2024
Traducido por
Fausto Giudice, Tlaxcala

Mientras el Ministerio de Sanidad de Gaza anuncia más de 40.000 muertos, este proyecto cuenta las historias de los palestinos muertos en Gaza desde que Hamás lanzó su ataque del 7 de octubre contra Israel, una instantánea de 40 vidas perdidas por ataques aéreos israelíes, falta de atención médica o desnutrición.
La información presentada procede de diversas fuentes, como entrevistas con amigos y familiares de los fallecidos, homenajes y relatos públicos e informes de prensa.
Las cifras de muertos del Ministerio de Sanidad dirigidas por Hamás no distinguen entre civiles y combatientes, pero existe un amplio consenso entre organizaciones internacionales, gobiernos y medios de comunicación que respalda la credibilidad de sus datos.


 

NAGHAM ZBEEDAT
Une poétesse, une championne de karaté, un artiste célèbre : les histoires de vie de 40 des 40 000 Palestinien·nes tué·es à Gaza

 

Nagham Zbeedat, Haaretz,15/8/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Alors que le ministère de la santé de Gaza annonce plus de 40 000 morts, ce projet raconte l’histoire des Palestiniens tués à Gaza depuis que le Hamas a lancé son attaque contre Israël le 7 octobre, un instantané de 40 vies perdues à cause des frappes aériennes israéliennes, du manque de soins médicaux ou de la malnutrition.

Les informations présentées ont été recueillies à partir de diverses sources, notamment des entretiens avec des amis et des membres de la famille des personnes décédées, des hommages et des récits rendus au public, ainsi que des articles de presse.

Les chiffres du ministère de la santé dirigé par le Hamas ne font pas de distinction entre les civils et les combattants, mais les organisations internationales, les gouvernements et les médias s’accordent à reconnaître la crédibilité de ces données.