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26/03/2022

GIDEON LEVY
Un ado part au boulot. Quelques minutes plus tard, son corps est criblé de 12 balles
Banalité du mal en Palestine occupée


Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 26/3/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Deux adolescents palestiniens circulaient à moto à Naplouse lorsqu'un convoi de la police des frontières est passé. Les officiers ont d'abord affirmé que les deux jeunes leur avaient tiré dessus, puis qu'ils avaient simplement pointé une arme, qui n'a jamais été retrouvée. Cela ne change rien au résultat : Les officiers ont tiré sur l'un des adolescents alors qu'il s'enfuyait, criblant son corps de balles.

Le père de Nader Rayan, Haytham, cette semaine, avec un poster de son fils mort. Il a compté les 12 blessures par balle sur le corps de Nader, toutes larges et profondes.

 Des images horribles, tout à fait effroyables, montrant le cadavre d'un garçon de 16 ans criblé d'impacts de balles. Le corps entier de Nader Rayan, fils d'une famille de réfugiés du camp de Balata jouxtant Naplouse, est parsemé de profondes blessures par balles saignantes, sa chair est à nu, son cerveau s'écoule, sa tête et son visage sont perforés. Les hommes de la police des frontières lui ont tiré dessus avec une folie pathologique, dans un accès de rage, sauvagement, sans retenue. Son père a compté 12 blessures par balle sur le corps de son fils, toutes profondes, larges, suintant le sang. Tête, poitrine, estomac, dos, jambes et bras : Il n'y a pas une partie du corps de son fils sans un trou béant.

Rien ne peut justifier ces tirs répétés sur un adolescent qui courait pour sauver sa vie, certainement pas une fois qu'il a été touché et qu'il gisait blessé sur la route. Pas même si le récit initial de la police des frontières, qui, pour une raison ou une autre, a été modifié comme par magie la semaine suivante, selon lequel le jeune ou son ami a tiré sur les pandores, est correct. Rien ne peut justifier un tir aussi déséquilibré sur un jeune.

L'incident s'est produit tôt mardi dernier, le 15 mars. À 6 heures du matin, le père de Nader, Haytham, un policier à la retraite de 48 ans, a quitté la maison pour aller chercher deux de ses neveux, qui sont orphelins de père, et les conduire à l'école à Naplouse. Il raconte qu'il a vu Nader encore endormi sur le canapé du salon. Il y a dix-huit ans, la famille s'est extirpée du camp de Balata et s'est installée de l'autre côté de l'artère principale qui mène à Naplouse, la route d’Al-Quds (Jérusalem). Selon la famille, Nader s'est levé quelques minutes plus tard, s'est habillé et a pris sa moto pour aller chercher son ami dans le quartier, en route vers le stand de café qu'ils avaient ouvert trois semaines plus tôt à Balata. Quelques minutes plus tard, Nader gisait mort sur le bord de la route, le corps criblé de balles.

Un énorme poster commémoratif de Nader est maintenant accroché chez lui, couvrant une grande partie du mur du salon, et en face, la photo de l'enfant en pleurs qui était autrefois un élément de base dans de nombreux foyers israéliens. Haytham, le père, a travaillé dans la police palestinienne jusqu'à prendre une retraite anticipée en 2017. Lui et sa femme, Samiha, ont eu six fils et trois filles. Nader avait abandonné l'école après la neuvième année, tout comme S., son bon ami et voisin. Il a d'abord travaillé dans une menuiserie qui remettait des meubles à neuf, et il y a quelques semaines, lui et S., ainsi que les frères aînés de Nader, Mohammed et Hassan, âgés de 25 et 23 ans, ont ouvert le modeste stand de café de Balata. Parmi leurs clients figurent des travailleurs qui partent le matin et reviennent le soir.

     

Nader a quitté la maison ce matin-là à 6h15, sur sa moto noire, délabrée et sans permis, et a pris S., qui l'attendait déjà, pour se rendre à leur nouveau commerce dans le camp. Suivant leur routine matinale, ils ont pris la route qui descend de leur quartier jusqu'à la route de Jérusalem et l'ont traversée. Soudain, dit l'ami, ils ont vu un convoi de véhicules blindés venant de la direction du camp.

Une vidéo de 90 secondes qui circule sur les médias sociaux montre ce qui s'est passé ensuite. Le convoi avance sur la route, la moto avance de l'autre côté. Il est 6 h 19. Soudain, la moto s'arrête, le passager saute et commence à courir. Immédiatement après lui, le conducteur descend également, abandonnant la moto sur la route, et commence à courir avec son ami vers la ruelle qui descend de la route principale. La ruelle les avale.

Le convoi blindé s'arrête. Quelques très longues secondes s'écoulent jusqu'à ce que la porte arrière d'un des véhicules s'ouvre. Cinq membres de la police des frontières en sortent et courent dans la ruelle à la poursuite des jeunes, qui sont hors du champ de la caméra. Un autre véhicule blindé apparaît de l'autre direction et descend la ruelle en grondant dans le sillage des jeunes. Une voiture qui arrive sur les lieux est chassée à la pointe de fusils par un agent de la police des frontières. Il n'y a pas de jets de pierres sur la route, qui est par ailleurs vide et calme à cette heure matinale.

Un mémorial sur le site où Nader a été tué

Le convoi blindé revenait de Balata après avoir effectué un raid nocturne dans le but d'arrêter un habitant, Amar Arafat, recherché pour possession d'un fusil. Après avoir placé Arafat en garde à vue et confisqué son fusil, la force retournait à sa base.

08/11/2021

GIDEON LEVY
Tu porteras faux témoignage, un commandement de la police israélienne

 

Gideon Levy, Haaretz, 7/11/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

L’auteur revient sur « l’incident » survenu le 12 octobre à un barrage routier de la police israélienne et ses suites, auquel il avait consacré une chronique le 5 novembre (lire ici)

Un homme roule innocemment dans sa voiture, sa mère âgée assise à côté de lui. Ils vont rendre une visite à leur famille dans une ville voisine. C'est l'après-midi, le temps est agréable et la musique est forte. Ils sont en route pour voir une tante, et la vie est belle. Soudain, un barrage routier. Même cela n'a pas entamé leur humeur : ils sont habitués aux barrages routiers. Par précaution, ils ont mis leur masque pour éviter une éventuelle amende.

Puis ils ont attendu. Le trafic s'est ralenti. Pendant ce temps, l'homme profite de la musique. Il semblait calme, posant son bras sur la fenêtre et attendant. Facebook Live était allumé depuis le début du voyage. Il aime se filmer, un gars balaise en T-shirt blanc et lunettes de soleil sombres.

La voiture de Marwan al-Husseini, après l'arrestation. Photo : Moti Milrod

Soudain, des cris se font entendre. Une bande de voyous armés s’abat sur la voiture. Ils brisent la vitre ; l'homme se protège la tête contre la matraque en fer. Puis ils prennent d'assaut la voiture en criant et en menaçant. L'un d'eux monte sur le siège arrière et saisit l'homme à la gorge avec des mains gantées de caoutchouc. L'autre monte à l'avant et le traîne violemment hors de la voiture. La caméra continue de tourner. 

À côté de la voiture, on voit les voyous battre et frapper l'homme sans pitié. Sa mère âgée regarde, terrifiée. Elle voit son fils pleurer de douleur et ne peut rien faire d'autre que de crier.

02/07/2021

GIDEON LEVY
La police des frontières israélienne a bloqué la voiture d'Ahmad, lui a tiré dessus à bout portant, puis est partie

Gideon Levy, Haaretz, 2/7/2021
Traduit par Fausto Giudice

Après une soirée, Ahmad 'Abdu est monté dans sa voiture dans une ville proche de Ramallah, où la police des frontières lui a tendu une embuscade et l'a abattu. Sa famille dit que les flics l'ont pris pour son oncle.

Ahmad 'Abdu. Photo :  avec l'aimable autorisation de la famille

Il y a longtemps qu'une telle liquidation n'avait pas eu lieu dans les territoires occupés. Un assassinat de sang-froid - une exécution sans procès, exactement comme le coup d'une organisation criminelle. Mais l'organisation qui a exécuté ce contrat opère au nom de l'État d'Israël : C'est l'Unité Spéciale Anti-Terroriste (Yamam) de la Police des Frontières.

Les images des caméras de sécurité dans la rue ne laissent aucune place au doute : Ahmad 'Abdu monte dans sa voiture garée, une MG bleue, dans un quartier résidentiel tranquille et aisé de la ville d'El Bireh, près de Ramallah. Il est 4h37 du matin et la rue est déserte. Il démarre la voiture, allume les lumières. Soudain, une Volkswagen Caddy grise apparaît. Trois officiers de Yamam en uniforme en sortent et ouvrent le feu sur la voiture d’ 'Abdu. Les éclairs des tirs sont visibles dans l'obscurité. 'Abdu tente d'ouvrir la porte mais tombe à la renverse, saignant abondamment. Les soudards le sortent de la voiture, peut-être pour vérifier le meurtre, et le traînent sur quelques mètres le long de la route. Ils laissent ensuite le corps ensanglanté là où il se trouve et repartent rapidement.

L'événement s'est produit à l'aube du 25 mai dans le quartier d'Umm al-Sharayet à El Bireh. Abdu, un jeune homme de 25 ans originaire du camp de réfugiés voisin d'Al-Amari, revenait d'une soirée avec des amis. Ils l'ont déposé à côté de sa voiture, qu'il avait garée sous une cabane en tôle à l'extérieur de l'immeuble Al-Kiswani ; son oncle, Mohammed Abu Arab, vit au sous-sol.

 

Les images montrent la police des frontières bloquant la voiture d'Ahmad 'Abdu et lui tirant dessus.