08/11/2021

GIDEON LEVY
Tu porteras faux témoignage, un commandement de la police israélienne

 

Gideon Levy, Haaretz, 7/11/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

L’auteur revient sur « l’incident » survenu le 12 octobre à un barrage routier de la police israélienne et ses suites, auquel il avait consacré une chronique le 5 novembre (lire ici)

Un homme roule innocemment dans sa voiture, sa mère âgée assise à côté de lui. Ils vont rendre une visite à leur famille dans une ville voisine. C'est l'après-midi, le temps est agréable et la musique est forte. Ils sont en route pour voir une tante, et la vie est belle. Soudain, un barrage routier. Même cela n'a pas entamé leur humeur : ils sont habitués aux barrages routiers. Par précaution, ils ont mis leur masque pour éviter une éventuelle amende.

Puis ils ont attendu. Le trafic s'est ralenti. Pendant ce temps, l'homme profite de la musique. Il semblait calme, posant son bras sur la fenêtre et attendant. Facebook Live était allumé depuis le début du voyage. Il aime se filmer, un gars balaise en T-shirt blanc et lunettes de soleil sombres.

La voiture de Marwan al-Husseini, après l'arrestation. Photo : Moti Milrod

Soudain, des cris se font entendre. Une bande de voyous armés s’abat sur la voiture. Ils brisent la vitre ; l'homme se protège la tête contre la matraque en fer. Puis ils prennent d'assaut la voiture en criant et en menaçant. L'un d'eux monte sur le siège arrière et saisit l'homme à la gorge avec des mains gantées de caoutchouc. L'autre monte à l'avant et le traîne violemment hors de la voiture. La caméra continue de tourner. 

À côté de la voiture, on voit les voyous battre et frapper l'homme sans pitié. Sa mère âgée regarde, terrifiée. Elle voit son fils pleurer de douleur et ne peut rien faire d'autre que de crier.

Cela a duré quelques minutes avant que la caméra ne s'arrête de tourner. L'homme et sa mère ont ensuite été emmenés au poste de police, soupçonnés de "possession d'armes". 

L'homme dit être resté allongé sur le sol du commissariat pendant plusieurs heures, se tordant de douleur, suppliant qu'on l'emmène à l'hôpital, mais la police le lui arefusé. Sa mère était choquée et terrifiée, la famille à la maison devenait folle d'inquiétude au sujet du couple disparu.

Plus tard dans la soirée, ils sont relâchés sans plus. Ils découvrent que la police avait démonté leur voiture. À l'hôpital où l'homme a été transporté d'urgence, on a découvert qu'il avait été gravement blessé aux testicules par des coups de pied et qu'il devait être opéré. Il est resté à l'hôpital pendant six jours et souffre toujours, trois semaines après l'incident. C'est un homme brisé.

Ce violent enlèvement n'a pas eu lieu dans le Chili d'Augusto Pinochet ou dans l'Argentine de la junte. Il s'est produit sur une route près de la colonie de Ma'aleh Adumim, près de Jérusalem, pour Raissa et Marwan al-Husseini, une mère et son fils de Hébron. Les ravisseurs étaient des membres de la police israélienne. Et c'est la partie tolérable de l'histoire. Ce qui s'est passé ensuite est encore pire.

Il y a des fausses arrestations, ça arrive. Il y a une violence injustifiée et excessive dans toute force de police. Mais ce qui s'est passé ensuite devrait secouer chaque Israélien, de droite ou de gauche : la police israélienne a raconté des mensonges éhontés. 

Même dans une réalité où les mensonges sont devenus courants - en politique, dans l'armée et dans la vie quotidienne - lorsque la police ment, c'est un très mauvais signe. Ce ne sont pas les demi-mensonges des forces de défense israéliennes. Ce sont les mensonges grossiers et effrontés des forces de l'ordre. Les policiers qui mentent avec une telle aisance sont encore plus dangereux que les policiers physiquement violents.

Voici la déclaration que la police israélienne a donnée à Haaretz : "Lors de l'arrestation, le suspect a refusé d'ouvrir la porte du véhicule et de peur qu'il ne dissimule des preuves ou ne blesse les policiers, ces derniers ont été contraints de faire irruption dans le véhicule et de l'arrêter. Le suspect ainsi qu'un autre passager qui se trouvait dans le véhicule ont été emmenés au poste de police et à la fin de l'examen et de la fouille, ils ont été relâchés". 

Pas un mot sur les coups de poing et les coups de pied. La police n'a pas non plus pris la peine de demander la vidéo, dont elle avait appris l'existence avant la publication de ce communiqué mensonger affirmant que l'homme avait résisté à son arrestation. La vidéo ne laisse aucune place au doute ou au mensonge. C'est ainsi que l'on excuse les arrestations fausses et violentes dans les rues d'Istanbul et de Moscou. C'est ce qui se passe entre Ma'aleh Adumim et Azariya.

Mais ce qui se passe entre Azariya et Ma'aleh Adumim ne reste pas entre Azariya et Ma'aleh Adumim. Les mensonges destinés à masquer ce qui s'est passé n'y resteront pas non plus. Bientôt, cela se produira à Tel Aviv, ou peut-être est-ce déjà le cas.

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