Anshel Pfeffer, Haaretz, 8/11/2021
Traduit par Fausto
Giudice, Tlaxcala
Une ministre israélienne cherche à faire venir en Israël des Éthiopiens dont la judéité n'a pas été confirmée ; d'autres responsables gouvernementaux restent silencieux sur la question, pour des raisons politiques mais pas seulement.
Les forces rebelles sont aux portes d'Addis-Abeba, le gouvernement est au bord de l'effondrement. L'Éthiopie sombre dans le chaos et des milliers de personnes meurent de la famine et de la violence. Des milliers de Juifs éthiopiens sont entassés dans des complexes et attendent avec anxiété depuis des années la nouvelle qu'ils sont autorisés à venir à Sion. En Israël, une clameur s'élève parce que leur vie est en danger. Des avions de transport de l'armée de l'air israélienne se précipitent pour les secourir.
C'est ce qui s'est passé au milieu des années 80 (famine) et en 1991 (rebelles), lorsque les opérations d’évacuation aérienne Moïse et Salomon ont été lancées, amenant la communauté Beita Israel de Juifs éthiopiens en Israël. Alors que la guerre civile en Éthiopie s'intensifie, certains observateurs affirment que l'histoire est sur le point de se répéter, mais les similitudes sont pour l'instant au mieux superficielles.
La ministre de l’alyah et de l'intégration,PninaTamano-Shata, du parti Kahol Lavan (Bleu-Blanc), est l'une des politicien·nes qui tente de faire avaler aux Israéliens la théorie de l'histoire se répète. Lors de la réunion hebdomadaire du cabinet dimanche, elle a exigé une action rapide pour faire venir en Israël des milliers d'Ethiopiens qui prétendent actuellement avoir le droit d'immigrer. Depuis, elle a intensifié ses exigences, menaçant d'une crise de coalition et "avertissant qu'elle ne peut pas être au gouvernement alors que des Juifs éthiopiens sont massacrés", a déclaré une source proche d'elle.
Le ministre des Affaires de la diaspora, Nachman Shai, du parti travailliste, s'est joint aux demandes de Tamano-Shata au sein du cabinet, mais aucun de leurs chefs de parti ne s'y est rallié. Le chef du Kahol Lavan, le ministre de la Défense Benny Gantz, serait opposé à toute action immédiate, tandis que le chef du Parti travailliste, la ministre des Transports Merav Michaeli, n'a pas exprimé d'opinion sur la question. Aucun autre chef de parti ne s'est exprimé et la position officielle du Conseil de sécurité nationale du bureau du Premier ministre est qu'il n'y a aucun danger pour les Éthiopiens qui attendent des réponses sur leur statut d'immigrant israélien.
Cette évaluation ne repose qu'en partie sur la lecture que fait le Conseil de la situation en Éthiopie, où, en dépit de certains titres à l'emporte -pièce dans les médias ce week-end, la capitale Addis-Abeba est loin de s'être effondrée. Il ne s'agit pas de Kaboul en août ni d'Addis Abeba en 1991. Les forces rebelles regroupées par le Front de libération du peuple du Tigré sont encore à plus de 100 kilomètres et, bien que les combats ne se déroulent plus seulement dans le Tigré mais dans une grande partie du nord, le gouvernement et l'armée éthiopienne sont encore loin de s'effondrer. Mais deux autres facteurs majeurs sont à l'origine de la position officielle israélienne.
La ministre de l'Alyah et de l'Intégration, Pnina Tamano-Shata. Photo : Eliyahu Hershkovitz
Juifs et non-Juifs
Premièrement, les Éthiopiens qui revendiquent le droit d'émigrer en Israël ne sont plus membres des Beita Israël, le groupe distinct d'Éthiopiens juifs qui a existé pendant des siècles, voire des millénaires selon certains, à l'écart de la population chrétienne du pays. Il s'agit principalement de parents des Falashmura - des convertis au christianisme longtemps considérés par de nombreux Beita Israel comme des renégats.
Les Falashmura n'ont pas été autorisés à participer au pont aérien de l'opération Salomon de 1991, bien que certains aient réussi à monter dans les avions. Mais au cours des années qui ont suivi, un flux constant d'entre eux a rempli les anciens complexes de Beita Israel à Addis et à Gondar, et leurs proches en Israël, avec le soutien d'organisations juives usaméricaines, ont fait pression avec succès sur le gouvernement pour qu'ils émigrent. Cela s'est produit malgré l'opposition initiale de nombreuses personnes de la communauté éthiopienne-israélienne et de l'Agence juive.
Malgré les engagements répétés au fil des ans selon lesquels le gouvernement avait facilité l'émigration de toutes les personnes figurant sur les différentes listes de Falashmura restants, les complexes se sont toujours pleins à nouveau. L'opinion dominante parmi tous les diplomates israéliens et les fonctionnaires de l'Agence juive qui se sont occupés de la question pendant plus d'une décennie est qu'il "n'y a plus de Juifs en Éthiopie" et tout au plus une poignée de "descendants de Juifs" qui peuvent d'une manière ou d'une autre prétendre à la citoyenneté israélienne.
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