La ville de Dakhla, située au Sahara occidental, est occupée par le Maroc, qui s’est lancé dans une stratégie visant à stimuler le tourisme dans la région, alors que les dénonciations de la population sahraouie se poursuivent.
Asier Aldea, elDiario.es, 6/3/2025
Traduit par Tafsut
Aït Baâmrane
Dakhla (Sahara occidental occupé) - À peine deux heures après que des dizaines de touristes étaient descendus de l’avion Ryanair pour visiter Dakhla, une des villes occupées par le Maroc du Sahara occidental, la famille de Lahbib Ahmed Aghrishi a de nouveau dénoncé sa disparition. Deux fois par semaine, ils se rassemblent à l’entrée de l’ancienne boutique d’Ahmed, aujourd’hui fermée par la police, pour exiger une réponse. Munis d’affiches à son effigie, de banderoles et d’un mégaphone, ses proches expriment leur angoisse après trois ans de silence de la part des autorités marocaines.
Le magasin est situé dans l’une des rues principales de la ville, à proximité de la plage et du marché. La plupart des gens qui marchent près d’eux semblent ignorer la protestation, à l’exception des approches timides de quelques connaissances. C’est une partie de l’arrière-boutique où le Maroc ne veut pas voir arriver ces touristes qui débarquent à Dakhla sans beaucoup d’informations sur la charge symbolique de leur voyage. De l’autre côté de la ville se trouve le décor où Mohamed VI tente d’orienter ses visiteurs : une vitrine d’offres touristiques d’hôtels, de plages, de surf et de dunes que le gouvernement marocain utilise pour tenter de séduire le visiteur étranger. La promotion de Dakhla comme attrait pour les voyageurs masque les allégations d’enlèvements, d’abus policiers et de persécution de la population sahraouie vivant dans les territoires occupés de l’ancienne colonie espagnole du Sahara occidental.
À leur
arrivée dans la ville côtière, les touristes sont accueillis par un immense
drapeau marocain déployé à l’aéroport, où un panneau leur souhaite également la
bienvenue : « Bienvenue à la destination touristique de Dakhla Oued
Eddahab », peut-on lire sur le panneau, qui est également rédigé en
anglais, en français et en arabe. Divers symboles le long des rues revendiquent
la marocanité supposée de la zone occupée, des affiches montrant le territoire
du Maroc et du Sahara occidental unis en un seul pays, aux avenues portant le
nom des anciens rois de la dynastie alaouite, tels que le boulevard Hassan
II ou Mohamed V. L’image du monarque actuel, Mohammed VI, est omniprésente.
Parmi les
voyageurs, on note une certaine méconnaissance de la région. Plusieurs ont
souligné le prix du voyage comme l’une des principales raisons de vouloir
visiter la région - moins de 60 euros aller-retour, bien qu’il y ait des offres
allant jusqu’à 14,99 euros pour un aller simple. Un touriste finlandais dit qu’il
passera quelques nuits à Dakhla, profitant du faible coût du vol, et qu’il
visitera ensuite Marrakech. « Je ne sais rien de la ville »,
dit-il avant de monter dans l’avion, en parlant de Dakhla. Sur le chemin de l’avion,
un couple de Colombiens explique avec enthousiasme qu’il a réservé quelques
nuits dans un bungalow construit dans le désert après avoir trouvé une
bonne affaire. Un autre couple, espagnol celui-là, est un peu inquiet. Ils ont
appris l’expulsion d’un journaliste espagnol. Mais, avouent-ils, ils ont choisi
cette destination pour une seule raison : « C’était bon marché ».
L’engagement
du Maroc en faveur de la touristification de Dakhla, qui compte déjà plus de 20
hôtels et résidences de vacances, vise à transformer la ville occupée en une
sorte de Benidorm. L’investissement dans cette tentative de création d’un
nouveau paradis pour les voyageurs se fait au détriment de familles comme celle
d’Ahmed.