Gideon
Levy, Haaretz, 28/8/2025
Traduit par Tlaxcala
L’Oberkommandant
Avi Bluth, chef du commandement central de l’armée, a décidé de leur montrer de
quel bois il se chauffe. Avec sa kippa militaire de guingois, son éloquence à
glacer le sang, son arrogance sans limites et ses deux poids-deux mesures
moraux malsains, il a ordonné la mise en œuvre d’« opérations de remodelage
» afin de « dissuader tout un chacun, tout village qui oserait lever la
main contre l’un des résidents ».
Les “résidents” en question sont les colons qui commettent quotidiennement des pogroms. En ce qui concerne Bluth, il n’a aucune obligation de défendre qui que ce soit en Cisjordanie, à part les voyous des avant-postes des colonies. « Nous savons comment installer un projecteur », a menacé le général de division à l’adresse des Palestiniens qui « lèvent les mains » alors qu’ils tentent avec leurs dernières forces de défendre ce qui leur reste de la terre qui leur a été volée sous les auspices et avec l’encouragement de Bluth.
Je ne sais
rien des “projecteurs”, mais je m’y connais un peu en droit
international. Bluth a ordonné à ses soldats de se livrer à des punitions
collectives, ce qui constitue un crime de guerre. Si tel est le cas, Bluth est
un criminel de guerre qui devrait être extradé vers la Cour pénale
internationale de La Haye. Lorsque l’éditeur du Haaretz, Amos Schocken,
a exprimé cette vérité évidente, les réseaux sociaux se sont enflammés. Mais
lorsque Bluth a fait sa déclaration choquante, les réseaux sociaux sont restés
silencieux.
Les propos
de Bluth pourraient sembler plus appropriés en allemand – “opérations de remodelage”,
“projecteur”, “ chasse”. Mais ils sont tout aussi clairs en
hébreu. « Ils subiront des couvre-feux, ils subiront un encerclement et ils
subiront des opérations de remodelage », a-t-il déclaré. Tout cela parce qu’un
colon a été légèrement blessé par balle alors qu’il conduisait un quad sur des
terres volées.
Je me trouvais à Al Mughayyir cette semaine et j’ai vu le résultat de l’« opération de remodelage » menée par Bluth : 3 100 arbres, des oliviers pour la plupart, avaient été abattus et gisaient désormais éparpillés sur le sol. Il est impossible d’être quelqu’un qui aime la terre, quelqu’un qui aime les autres ou tout simplement un être humain et de ne pas être choqué par ce spectacle, à quelques semaines seulement de la récolte des olives. Il est également impossible d’ignorer le contexte qui a conduit à cette attaque.
Sous le
couvert de la guerre à Gaza, Al-Mughayyir a perdu toutes ses terres – 43 000
dunams [4 300 hectares] – à l’écart de la zone construite du village.
Bluth a permis la construction de 10 avant-postes sauvages tout autour du
village et a laissé des colons violents imposer un règne de terreur aux
habitants, au point que ceux-ci ont peur de sortir pour travailler leurs
terres.
Aujourd’hui, il autorise les voyous à construire des routes illégales menant à leurs avant-postes afin de leur faciliter les attaques contre le village. Sous le commandement de Bluth, deux pogroms se sont soldés par la mort de Palestiniens tués par les tirs de l’armée. Personne n’a été jugé pour ça.
Mais Bluth
ne « braquera pas un projecteur » ni ne mènera « d’opérations de remodelage
» contre ceux qui « lèvent vraiment la main » contre les autres : les
colons. Lui et eux viennent du même village, ont les mêmes cheveux et portent
bien sûr les mêmes kippas inclinées avec désinvolture.
Lorsque vous
nommez un officier comme Bluth à la tête du Commandement central, vous confiez
cette fonction à quelqu’un qui est l’assistant des colons. Certes, les colons
ont également intimidé tous les précédents chefs du Commandement central. Mais
c’est plus facile lorsque le poste est occupé par un diplômé de la yeshiva
pré-militaire de la colonie d’Eli et ancien résident de la colonie de Neveh
Tzuf [avec un master en réflexion stratégique obtenu à l'United States Army
War College, en Pennsylvanie, NdT]. Comment Bluth a-t-il pu rester
impassible lorsqu’il a parlé des personnes « levant la main » et de la
punition collective qu’elles méritent ?
Pourquoi ne
pas punir les vrais criminels, ceux qui vivent dans ces repaires de malfaiteurs
que sont les avant-postes ? Comment peux-tu dormir la nuit, Bluth, avec cette
morale raciste ?
Mais c’est
ce que Bluth a appris à Eli : que les Juifs sont les seigneurs de la terre. Les
colons ont le droit de brûler, détruire, déraciner et assassiner à leur guise.
Les Palestiniens, considérés comme des Untermenschen, n’ont le droit de
rien faire : ils ne peuvent pas quitter leurs villages, travailler en Israël,
récolter leurs olives, et parfois même respirer. Tel est le sionisme de Bluth.
Et tel est le sionisme de l’armée dont Bluth est le visage.
Chaque
personne a un nom, qui lui est donné par Dieu. Le nom de famille Bluth signifie
“sang” en allemand [et en yiddish, NdT]. Ce général de bain de sang est désormais devenu le visage
de la Cisjordanie et l’image morale de tout le pays. Peut-être sera-t-il nommé
pour commander le prochain génocide, après Gaza.