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26/11/2025

Palestine : par la Résolution 2803, le Conseil de sécurité de l’ONU légitime une occupation illégale

Micaela Frulli, Triestino Mariniello, il manifesto, 22/11/2025
Traduit par Tlaxcala

Micaela Frulli est professeure de droit international à l’université de Florence. Elle a notamment écrit « Immunité et crimes internationaux. L’exercice de la juridiction pénale et civile à l’égard des organes étatiques soupçonnés de crimes internationaux graves » (Giappichelli)

Triestino Mariniello est professeur de droit à l’université John Moores de Liverpool et fait partie de l’équipe juridique qui représente les victimes de Gaza devant la Cour pénale internationale.

La résolution 2803 du Conseil de sécurité du 17 novembre 2025, lue du point de vue du droit international, révèle des points critiques profonds et des contradictions qui compromettent sa validité et sa légitimité


Emad Hajjaj, mars 2024

La résolution 2803 du Conseil de sécurité du 17 novembre 2025, lue du point de vue du droit international, révèle de profondes contradictions et des points critiques qui compromettent sa validité et sa légitimité.

La plus grande limite réside dans la violation implicite du droit à l’autodétermination du peuple palestinien. La résolution subordonne toute « voie crédible vers l’autodétermination et la création d’un État palestinien » à la mise en œuvre d’un programme de réformes de l’Autorité nationale palestinienne, l’organisme qui administre la Cisjordanie, qui n’est d’ailleurs jamais mentionné dans la résolution. Cette conditionnalité transforme un droit inaliénable, reconnu par la Charte des Nations unies, réaffirmé à plusieurs reprises par la Cour internationale de justice (CIJ) et qui a valeur de norme contraignante, en un objectif à atteindre dans un avenir indéfini : la possibilité de construire un État palestinien est suspendue pour une durée indéterminée.

Toutefois, le Conseil de sécurité ne peut exercer ses pouvoirs en dehors du périmètre fixé par le droit international. La Commission du droit international des Nations unies a précisé que les décisions des organisations internationales ne peuvent créer d’obligations juridiques lorsqu’elles entrent en conflit avec les normes contraignantes du droit international général et que les actes normalement contraignants risquent d’être invalides s’ils violent des principes fondamentaux et impératifs.

La légalité de la mise en place d’une administration fiduciaire internationale sur Gaza est également douteuse, car elle reprend des modèles hérités de l’ère coloniale, tels que les mandats de la Société des Nations après la Première Guerre mondiale, conçus pour gouverner des territoires privés de leur autodétermination. Cette administration – confiée au « Board of Peace » (BoP), un organe hybride doté de pouvoirs étendus et peu définis – se superpose à l’occupation existante sans en contester l’illégalité, avec le risque de la consolider dans le temps. En outre, le BoP, présidé par le président usaméricain Donald Trump, crée une friction évidente avec les critères d’impartialité requis pour l’administration internationale d’un territoire. Les administrations internationales de la MINUK au Kosovo ou de l’UNTAET au Timor oriental étaient placées sous l’autorité de l’ONU et prévoyaient des mécanismes de garantie et de responsabilité.

L’autorisation de créer une Force internationale de stabilisation (ISF) et d’« utiliser toutes les mesures nécessaires » pour remplir son mandat rappelle la formule standard pour l’usage de la force contenue dans les autorisations précédentes accordées aux États, mais avec une différence cruciale : cette fois-ci, l’ISF agit sous l’autorité du « Board of Peace » et seule une demande générique est prévue pour les États qui en font partie afin qu’ils fassent régulièrement rapport au Conseil de sécurité.

En outre, une démilitarisation unilatérale de la bande de Gaza est prévue et il est établi que le retrait des troupes israéliennes doit être convenu avec l’armée israélienne, celle-ci pouvant maintenir sa présence pour une durée indéterminée.

En outre, la résolution n’aborde pas l’un des points les plus critiques : la détermination des responsabilités pour les violations du droit international commises au cours des deux dernières années. Il n’y a aucune référence aux rapports de la Commission d’enquête des Nations unies, qui constatent la commission de crimes internationaux et d’actes de génocide par Israël et ses dirigeants, ni à l’avis de la Cour internationale de justice de 2024 qui a déclaré l’illégalité de l’occupation et aux résolutions ultérieures de l’Assemble Générale de l’ONU, ni aux enquêtes de la Cour pénale internationale. Il est également déconcertant de constater l’absence totale de mesures de réparation et d’indemnisation pour les victimes, alors que ceux qui ont détruit la bande de Gaza sont exemptés de toute obligation de réparation.

La résolution sur Gaza intervient quelques jours après une autre décision controversée du Conseil de sécurité (résolution 2797 de 2025), celle sur le Sahara occidental. Dans ce cas, le texte, également présenté par les USA, a approuvé le plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007, reconnaissant de fait la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en violation du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.

À la lumière de ces développements, l’image d’un Conseil de sécurité qui tend à adopter des résolutions sous l’influence de certains de ses membres permanents, s’écartant ainsi de la légalité et de la Charte elle-même, apparaît de plus en plus clairement.

Le droit international finit ainsi par être traité non pas comme un instrument essentiel pour construire une paix juste, fondée sur le droit à l’autodétermination des peuples et le respect des principes fondamentaux, mais comme un obstacle à contourner.


Maisara Baroud, I’m still alive (je suis encore en vie), toile imprimée, 2024