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24/02/2025

DAVID ISSACHAROFF
Les vrais gagnants des élections allemandes ? L’extrême droite et le gouvernement israélien de Netanyahou

Alors que le monde entier sera choqué par le fait qu’un cinquième des électeurs allemands soutiennent l’AfD, parti d’extrême droite, le gouvernement Netanyahou se concentrera sur ceux avec qui il fera affaire : les chrétiens-démocrates de centre-droit

David Issacharoff, Haaretz, 23/2/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala


David Issacharoff est rédacteur à l’édition anglaise de Haaretz. Il a étudié les sciences politiques et l’histoire à l’Université hébraïque de Jérusalem et à l’Université Humboldt de Berlin. Il est actuellement chercheur invité au Spiegel dans le cadre du Programme international des journalistes (IJP).

 

Alors que l’Allemagne a basculé brusquement à droite dimanche, enregistrant son meilleur résultat pour l’extrême droite depuis les années 1930, le gouvernement israélien dirigé par Netanyahou sortira également vainqueur de ces élections.

 


Friedrich Merz, chef des chrétiens-démocrates, célèbre la victoire de l’ “Union” [CDU-CSU] à la Konrad-Adenauer-Haus à Berlin, dimanche soir. Photo Michael Kappeler/AP

 

Alors que l’attention du monde entier se portera sur le choc causé par le fait qu’un cinquième des électeurs allemands soutiennent le parti populiste d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), Jérusalem se concentrera sur les partenaires de ce parti : ses homologues au sein du prochain gouvernement, les chrétiens-démocrates de centre-droit.



Friedrich Merz, qui dirigera les chrétiens-démocrates à la chancellerie, s’est engagé à plusieurs reprises à renforcer le soutien déjà généreux de l’Allemagne à Israël.

 

Il a promis de « tout faire » pour que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou puisse se rendre en Allemagne en dépit des mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre à Gaza, tout en promettant de « mettre fin à l’embargo » sur les exportations d’armes vers Israël imposé par le gouvernement sortant – la même coalition qui a approuvé plus de 164 millions de dollars d’exportations d’armes vers Israël en 2024.

 

Si cela est considéré comme un « embargo », combien d’armes supplémentaires Israël peut-il attendre de lui ?

 

Ces deux positions ne représentent pas un écart spectaculaire par rapport à la politique de l’Allemagne à l’égard d’Israël. Mais ensuite est venu le plan du président usméricain Donald Trump de prendre le contrôle de la bande de Gaza et de déplacer de force sa population palestinienne.

 

Alors que les sociaux-démocrates de centre-gauche ont qualifié le plan d’« inacceptable », et qu’un parti centriste, les Verts, l’a jugé « contraire au droit international », les chrétiens-démocrates n’ont manifestement pas trouvé de mots pour le condamner.

 

« C’est une bonne chose que les USA prennent leurs responsabilités », a déclaré Johann Wadephul, député chrétien-démocrate et porte-parole du parti pour la politique étrangère. « Nous partageons l’avis selon lequel le statu quo actuel n’est pas viable à long terme. »

 

Il n’a pas mentionné Gaza comme un endroit où la population palestinienne pourrait continuer à vivre, donnant ainsi le feu vert des chrétiens-démocrates pour les expulser. Cela a donné une indication claire et inquiétante de la manière dont les chrétiens-démocrates pourraient revoir la position de l’Allemagne sur le conflit israélo-palestinien afin de donner du pouvoir au gouvernement israélien d’extrême droite et belliciste.

 

Paolo Lombardi, Italie

Israël n’attend pas Trump et met déjà en œuvre une politique de nettoyage ethnique contre les Palestiniens. Dimanche, le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, a déclaré qu’environ 40 000 Palestiniens avaient été « évacués » des camps de réfugiés de Cisjordanie, tout en promettant qu’Israël « ne les laisserait pas revenir ». La semaine dernière, il a annoncé la création d’une nouvelle direction au sein de son ministère chargée de permettre aux Palestiniens de quitter Gaza.

 

Les chrétiens-démocrates, qui dirigeront à nouveau le bloc majoritaire allemand, continueront de soutenir que « le droit d’Israël à exister » n’est pas négociable. Cela reflète une vision dangereusement erronée et dépassée d’Israël, qui n’est pas menacé dans son existence, comme l’ont montré les 15 derniers mois. Cette position ne fera que coûter plus de vies alors que le gouvernement Netanyahou refuse catégoriquement de créer un horizon politique à cette guerre.

 

La prochaine coalition allemande – probablement un autre mariage forcé – sera instable, ce qui permettra à l’AfD d’extrême droite d’exploiter sa position de chef de l’opposition et de renforcer sa base de soutien avec le soutien total des USA et d’Elon Musk.

 

L’extrême droite en Allemagne n’est pas considérée par le gouvernement Netanyahou comme une menace, mais plutôt comme un allié potentiel, malgré sa minimisation de l’importance de l’Holocauste et son déni total de l’antisémitisme contemporain d’extrême droite visant les Juifs en Allemagne.

 

Pour Israël, l’AfD est la cerise sur le gâteau : elle lui fournit une plateforme pour poursuivre leur croisade commune contre les musulmans et les Palestiniens en Allemagne à des fins intéressées, tout en profitant du chèque en blanc que lui donnent les chrétiens-démocrates au pouvoir.



Tjeerd Royaards, Pays-Bas

23/02/2025

GIDEON LEVY
Le discours violent de Netanyahou porte en germe les futurs crimes de guerre de l’armée israélienne

Gideon Levy, Haaretz, 23/2/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Tout rhétoricien sait que lorsque l’argument est faible, la solution consiste à augmenter le volume. Le ton de la conversation publique en Israël au cours des dernières semaines ne montre pas seulement la faiblesse de l’argumentation et la bassesse croissante du discours, il est également dangereux en soi.

 
Un homme discute avec un soldat israélien après avoir été empêché d’entrer dans le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie, lors d’une opération militaire en cours, au début de la semaine. Photo MOHAMMAD MANSOUR/AFP

Le discours public israélien a adopté le langage basique de l’incitation à la violence contre tous les Palestiniens et les Arabes. Du Premier ministre au plus humble des reporters de terrain bafouilleux de la télévision, tous se sentent obligés de déblatérer grossièrement contre le Hamas et la bande de Gaza autant que possible, comme si cela renforçait la validité de leurs arguments. On ne peut plus dire “Hamas” [en le prononçant Khamas, NdT] sans y accoler l’adjectif “nazi”, ni parler de Gaza sans dire “monstres” ; c’est cette façon de parler qui est proprement monstrueuse.

Après que Benjamin Netanyahou a donné le ton, la compétition nationale de jurons et d’insultes a commencé.

« Nous sommes tous en colère contre les monstres du Hamas », a déclaré le premier ministre le  jour de la restitution des quatre corps des otages , conformément au cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, et il a immédiatement promis d’“anéantir” les assassins.

Le style, c’est l’homme, et ceux qui prononcent des mots tels que “monstres” et “anéantir” en disent plus sur eux-mêmes que sur l’objet de leurs paroles. Le meurtre de la famille Bibas était cruel et odieux. Mais celui qui parle de “monstres” décrit aussi les actions de ses soldats, qui ont tué des milliers d’enfants.

Lorsqu’il a été annoncé que les restes présumés de Shiri Bibas n’étaient pas les siens, il n’a plus pris de gants. Netanyahou a répété “monstres”, cette fois dans sa langue officielle, l’anglais. L’armée des aboyeurs a suivi dans son sillage, et le fait que le Hamas ait corrigé l’erreur du jour au lendemain n’y a rien changé. Monstres ils étaient, monstres ils restent.

Les cérémonies de remise d’otages, y compris les cérémonies émouvantes de samedi, ont également attesté du “nazisme” et de la “monstruosité” du Hamas. Ceux qui organisent de telles cérémonies sont des nazis - on ne sait pas trop pourquoi - et ceux qui exploitent ce moment à des fins de propagande sont aussi, apparemment, des nazis. Seul Israël est autorisé à exploiter le retour des otages à des fins de propagande.

La vérité doit être dite : la plupart des remises d’otages se sont déroulées sans heurts, même si les Israéliens n’aiment pas voir un otage déposer un baiser sur le front de ses deux ravisseurs, comme l’a fait l’un d’entre eux samedi. Les présentateurs des journaux télévisés se sont empressés de rassurer les téléspectateurs : le baiser a été forcé, même si cela ne semblait pas être le cas.

Pourquoi font-ils cela ? Après tout, le mal du Hamas est évident dans ses actions : pourquoi tout le monde, de l’armée au journaliste israélien Amnon Abramovich, ajoute-t-il de l’incitation à la haine ? Netanyahou, qui se nourrit de l’incitation pour ses besoins politiques, est une chose, mais pourquoi les médias ? Mais seulement pour trouver des faveurs, pour recevoir une tape dans le dos de la part des masses enflammées.

Le Hamas n’est pas à défendre. Il s’agit d’une organisation dépravée [sic] qui a mené une attaque dépravée [resic] contre Israël. Mais le discours contaminé aura un prix élevé. Un cinquième des Israéliens sont des Palestiniens : Comment allons-nous vivre avec eux alors que leurs frères sont des monstres nazis ? La moitié des personnes vivant entre le Jourdain et la mer Méditerranée sont des Palestiniens : comment allons-nous vivre à leurs côtés ? Israël a lancé cette terrible attaque sur Gaza avant que le discours sur les “monstres” ne commence.

Le 7 octobre 2023 a semé le trouble dans la conscience des Israéliens, et la rhétorique incendiaire des politiciens et des médias y a ajouté. L’humanité n’existe plus en Israël, car il n’y a plus de non-combattants à Gaza. Pas même les nourrissons qui sont morts à peine nés. Ni même les hommes de paix et de sagesse de Gaza (oui, il y en a aussi).

Ajoutez à cela le discours empoisonné de ces dernières semaines et imaginez à quoi ressemblera la prochaine guerre, qui sera dirigée non seulement contre le Hamas mais aussi contre les monstres nazis.

Imaginez les pensées qui traversent la tête d’un soldat envahissant une maison en Cisjordanie, alors que cette incitation coule dans ses veines. S’il croit entrer dans la maison de monstres nazis, comment traitera-t-il ses habitants ? Il détruira davantage et tuera davantage, d’une manière plus brutale que jamais. 

Un jour, nous regretterons la délicatesse et la retenue morale de Tsahal dans la guerre actuelle, avec seulement la moitié de la bande de Gaza détruite et seulement 15 000 enfants morts. Attendez la prochaine guerre que nous mènerons contre les nazis.


Emad Hajjaj


 

31/01/2024

YACOV BEN EFRAT
Uncle Joe pédale dans le houmous : Biden et le casse-tête israélo-palestinien

Yacov Ben Efrat, Daam, 30/1/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Yacov Ben Efrat est le secrétaire général du Parti des travailleurs Da’am, un groupe écosocialiste créé en 1995 pour se présenter aux élections israéliennes. Da’am est l’acronyme inversé de منظمة العمل الديمقراطي (Munazzamat al amal addimokratiy/ Organisation pour l’action démocratique). Critiques à l’égard des accords d’Oslo, qu’ils considéraient comme préjudiciables aux Palestiniens, ils appellent au remplacement du régime d’apartheid israélien par un État unique où les Palestiniens et les Israéliens jouiraient de tous les droits civiques.

Lors d’une émission de radio matinale populaire, on a demandé à Hili Tropper, ministre de la coalition Unité nationale (Gantz/Lapid), entrée dans le cabinet de guerre après le 7 octobre, censée être modérée, quelle était sa position sur la proposition de Biden concernant la création de deux États. La réponse de Tropper a été sans équivoque : « actuellement hors sujet ». Si l’on ajoute à cela le rejet catégorique par Netanyahou de la proposition usaméricano-égyptienne d’accord sur les otages, il semble que Biden perde peu à peu du terrain parmi les dirigeants israéliens. La popularité de Joe Biden a atteint son apogée lorsqu’il a stationné l’USS Eisenhower au large des côtes libanaises, exprimant ainsi son soutien inconditionnel à Israël. On se souvient de son triple avertissement au Hezbollah et à l’Iran : « ne bougez pas ».

“-Deux États ? - Trop tard !”
Hassan Bleibel, Liban

 Il est difficile de parler d’un État palestinien lorsque 80 % des Palestiniens de Cisjordanie soutiennent l’attaque du Hamas du samedi 7 octobre, tandis que la majorité des Israéliens refusent catégoriquement toute souveraineté palestinienne, surtout après l’attaque du Hamas.

La société israélienne est plus divisée que jamais. Le gouvernement contre le commandement militaire, la droite contre la gauche, avec en filigrane le débat sur le sort des otages. Faut-il accepter l’arrêt des combats pour sauver les otages du Hamas, ou continuer la guerre en espérant que la pression militaire fera fléchir le Hamas ?

La question politique divise également la société. Le gouvernement refuse de discuter du « jour d’après », un refus qui, selon les militaires, entraîne la perte des acquis militaires obtenus au prix du sang de quelque 200 soldats morts et de milliers de blessés. Un État palestinien ne fait pas du tout partie de la discussion, et il semble qu’il y ait un énorme manque de communication entre les USAméricains et les Israéliens.

Néanmoins, le débat politique au sein du cabinet est intéressant. Il divise le gouvernement d’union. Netanyahou affirme que la discussion sur « le jour d’après » aura lieu lorsque la guerre sera terminée, tandis que Gantz et Eisenkot (et Tropper) affirment que le jour d’après, c’est ici et maintenant. En d’autres termes, la guerre dans sa forme la plus intense est terminée et nous devons maintenant décider de ce qu’il faut faire. On peut se demander comment il est possible que Netanyahou et Gantz soient assis dans le même cabinet de guerre, gérant les batailles ensemble tout en étant en désaccord sur une question fondamentale : guerre ou pas guerre ?

La réalité du terrain permet de mieux comprendre cette énigme. En effet, Israël a divisé Gaza en deux, Gaza Nord et Gaza Sud. Au nord de Gaza, la guerre s’est terminée et l’armée s’est partiellement retirée. C’est cette zone qui fait débat : qu’en faire et qui la contrôlera. Benny Gantz mise sur les fonctionnaires palestiniens locaux pour gérer la vie des 150 000 habitants de Gaza qui y restent, tandis que Smotrich et Ben Gvir veulent annexer le territoire à Israël et y installer des colons. Et que veut Bibi ? Il veut survivre. S’il se range du côté de Smotrich et Ben Gvir, il perdra son partenariat avec Gantz et Biden se prononcera contre lui. Si Bibi va avec Gantz, sa coalition s’effondre et son avenir politique est voué à l’échec.

Alors que Biden tente de s’attaquer à la racine du problème, en cherchant une solution durable au sanglant conflit israélo-palestinien [sic], la coalition et l’opposition israéliennes se querellent sur l’avenir du nord de la bande de Gaza. Les Israéliens ne sont pas actuellement ouverts à des solutions radicales. En réalité, ils ne l’ont jamais été. Ils ont toujours préféré la gestion des conflits à leur résolution.

Malgré le sentiment profond de chaque Israélien que le 7 octobre est un moment décisif, le plus grand désastre qui ait frappé le pays depuis sa fondation, il n’y a actuellement ni ouverture ni énergie mentale pour aller au fond des choses. En apparence, tout le monde comprend que l’armée a échoué et que la confiance en elle a été brisée. Tout le monde comprend que le premier responsable de ce désastre se trouve au sommet de la pyramide, le Premier ministre Binyamin Netanyahou. Il nie sa responsabilité en la rejetant sur l’armée, dont tous les commandants ont déjà assumé la responsabilité de cet échec.

Et c’est là que réside l’absurdité : Quel est l’échec de Netanyahou ? Il a fait confiance au Hamas, l’a financé, lui a permis de se renforcer afin d’affaiblir l’Autorité palestinienne et d’enterrer définitivement l’idée de deux États. Après tout cela, Biden vient le voir une fois de plus avec le même mantra d’un État palestinien. Conclusion de Netanyahou : il n’y a personne à qui faire confiance, ni à l’Autorité palestinienne ni au Hamas. Et que faut-il faire ? Il n’a pas de réponse pour l’instant et de toute façon, taisez-vous, on est en guerre !

Face à cet échec colossal, qui a mis Israël à genoux et obligé les USA à venir à son secours, le président usaméricain, qui a mis tous ses œufs dans le panier israélien, se gratte la tête. Comment ouvrir les yeux des Israéliens, comment les convaincre que l’illusion que le conflit peut être géré au lieu d’être résolu est à la base de l’échec du 7 octobre ? Je vais leur apporter une solution sous la forme d’un État palestinien enveloppé dans les atours saoudiens. Le cadeau lui-même ne leur plaira peut-être pas, mais l’emballage les incitera à l’accepter.

Le problème avec Biden, c’est qu’il n’a personne avec qui travailler. Les acteurs sur lesquels il compte sont très éloignés de sa vision du monde et de ses politiques. Comment faire confiance au Saoudien Mohamed Ben Salman, ce même MBS que Biden a déclaré, lors de son élection, être une personnalité indésirable ? Quelle Autorité palestinienne peut être construite avec un prince sanguinaire qui méprise la démocratie et massacre les opposants politiques ? Quelle sorte d’Autorité palestinienne peut être établie lorsque ses représentants sont impliqués dans la corruption et suppriment tout signe de liberté et de démocratie ?  Et surtout, quelle sorte d’Autorité palestinienne « améliorée » sera construite lorsque le Hamas se cache derrière elle ? Ne s’agit-il pas simplement d’une réplique du modèle du Hezbollah, qui se cache derrière le gouvernement libanais mais en est l’acteur déterminant ?

29/08/2023

LUIS E. SABINI FERNÁNDEZ
USA-Israël : une solidarité “à l’épreuve des balles” quelque peu mise à mal

Luis E. Sabini Fernández, Revista Futuros, 27-8-2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La “réaction morale” des sionistes indignés par les nouvelles exigences de l’administration Biden à l’égard de l’État d’Israël en ce qui concerne les “droits des Palestiniens” vaut son pesant de hoummous.

 
Derniers sondages : humeur anti-israëlienne aux USA
Danziger, The Rutland Herald

Nous craignons que Biden lui-même ne soit choqué. Mais c’est une expression de l’époque, si démocratique, si pluraliste, si antiraciste, si attachée au politiquement correct ; cet air du temps a mis Biden et son équipe “progressiste” dans un sacré pétrin idéologique et tactique.

Nous n’avons plus de Teddy Roosevelt qui a choisi la politique du bâton pour redresser la ligne des nations satellites, nous n’avons plus de Winston Churchill qui se vantait de gazer les “nègres cabochards” ou de bombarder leurs villages ; nous n’avons plus (du moins dans l’arène politique), de WASP pur jus proclamant sur des bases éthiques, religieuses et scientifiques que la race blanche a été chargée par Dieu de guider et/ou de domestiquer les autres races (ou de les écarter du chemin, si elles dérangent plus que de raison).

Caroline, indignée, ne mâche pas ses mots : « Le rapport du département d’État nie fermement que l’État juif ait le droit d’imposer ses lois aux citoyens arabes ». [1]

Caroline poursuit : « Prenons, par exemple, la section du rapport sur les efforts d’Israël pour lutter contre l’occupation illégale des terres par les Bédouins dans le sud d’Israël. Selon l’ONG israélienne Regavim, qui documente les constructions arabes illégales, la minorité bédouine d’Israël a occupé dans le Néguev des terres plus vastes que Jérusalem, Tel Aviv et Beersheba réunis... Quelque 82 000 Bédouins - moins de 1 % de la population israélienne - ont occupé quelque 60 000 ha. Les 99 % restants d’Israël résident sur quelque 232 000 acres [un peu moins de 100 000 ha] ». Caroline utilise la comparaison de Regavim mais ne dit pas que ce que les Bédouins habitent est un désert dans lequel les humains survivent avec un minimum de moyens, et que les autres millions d’habitants d’Israël le font dans d’autres conditions, radicalement différentes, urbaines et industrielles.

Selon Hashomer Hadahash, une autre ONG israélienne, « qui protège les terres rurales israéliennes contre le terrorisme agricole arabe [sic], les Bédouins sont devenus des bandits qui exigent une rémunération pour leur protection ».

Caroline est déterminée à inverser le discours sur ce qui s’est réellement passé. Si ce n’était pas historiquement méprisable, on pourrait applaudir la construction d’un tel livret.

Récapitulons : Caroline voit « les efforts d’Israël pour lutter contre les empiètements illégaux des Bédouins dans le sud d’Israël ». Cependant, les Bédouins ont habité cette région - le désert du Néguev - pendant des siècles avant que les sionistes ne décident, au XXe siècle, de s’approprier ce territoire. Caroline parle de prise de terre “illégale” parce que les Bédouins n’ont pas utilisé le droit de l’occupant ; sans doute, le bon sens ancestral ne leur aurait jamais conseillé d’utiliser ce droit, car le droit de l’occupant n’est pas fait pour être exercé par l’occupé : les Bédouins occupent parce qu’ils savent pertinemment, ou par leur propre expérience du colonialisme, que les revendications juridiques des “originaires” n’existent pas ; si elles existent, elles ne sont pas reconnues.

Les Palestiniens en général, bédouins ou non, n’ont donc aucune protection juridique en Israël ; c’est pourquoi les Palestiniens dont les terres ont été prises (et généralement beaucoup plus) ne se sont vu reconnaître aucun droit en Israël, malgré toutes les dispositions “internationales” en faveur des réfugiés, qui obligent les États à verser diverses réparations, ce qu’Israël n’a jamais respecté.

Même le quotidien israélien Haaretz a rapporté dès 2016 que « 95 % de l’eau disponible dans la bande de Gaza serait imbuvable et mélangée aux eaux usées et aux pesticides ».[2]

On n’a pas tout vu, Sancho ! Mentionner si souvent le “terrorisme arabe” sans indiquer les éléments déclencheurs : ce que le sionisme a fait au fil des décennies et maintenant depuis des siècles, c’est - précisément - exercer le terrorisme sur la population arabe palestinienne, afin de continuer à la déposséder de ses terres. Déraciner les orangers, les vignes et les oliviers, dont certains sont centenaires ; déverser les eaux usées de leurs localités sur les terres côtières où vit, par exemple, la population de la bande de Gaza ; empêcher les agriculteurs et les villageois palestiniens de stocker l’eau de pluie qui se raréfie et appliquer ainsi des “garrots”. L’invasion de leurs villages, que les Palestiniens entretiennent en s’en tenant à leurs petites cultures soigneusement entretenues, si éloignées des projets agro-industriels promus dans l’Israël moderne, chargés de produits agrochimiques toxiques.

Cette curieuse invocation des droits de l’homme par des violateurs systématiques et de longue date montre à quel point il est difficile de parvenir à des accords qui soient équitables et dignes.[3]

Qu’est-ce qui a déclenché cette vague de plaintes, d’avertissements et de contre-plaintes ? Une simple remarque du président Biden sur le comportement d’Israël à l’égard des Bédouins, par exemple, « le fait d’ignorer leur mode de vie semi-nomade ».[4]

Il existe cependant d’autres points d’achoppement qui pourraient expliquer tant de malaise.

Pramila Jayapal, membre de la Chambre des représentants des USA, a provoqué un court-circuit en jouant le rôle du petit garçon qui demande à haute voix lors du défilé : « pourquoi le roi est nu ? » Alors, la vérité est devenue incontournable, incontrôlable.

La démocrate basanée d’origine indienne Jayapal a dit un mot : qu’Israël était “raciste”. Rien que ça.

Dans la même chambre, une foule d’autres démocrates sont venus démentir une telle affirmation, et ils ont déclaré publiquement qu’ils passaient la main sur le dos de l’entité non plus mythique mais biblique qu’ils ont parrainée et protégée (inversant les relations habituelles, cette entité biblique a nourri la grande majorité des membres du Congrès usaméricain sous la forme d’aumônes toujours généreuses).

Il y a quelques années, un quatuor de femmes critiques à l’égard de la conduite d’Israël a été formé au sein du caucus démocrate, qui s’est récemment élargi à huit membres (aujourd’hui mixtes), surnommés “l’Escouade”. Mais n’oublions pas que les membres démocrates du Congrès usaméricain sont actuellement au nombre de 212 (ils sont en minorité) et que, par une simple règle de trois, nous constatons que l’“Escouade” ne constitue même pas 4 % de ce corps législatif...

 

Patrick Chappatte, Le Temps, Lausanne

Mais l’indignation de Caroline Glick ne connaît pas de limites et porte le discours d’inversion de la vérité à de nouveaux sommets.

Elle affirme : « Biden s’est ingéré dans les querelles internes israéliennes sur les procédures judiciaires d’une manière dont le gouvernement usaméricain ne l’a jamais fait auparavant ». [1]

L’affirmation de Glick est vraisemblablement vraie ; ce qui est frappant, c’est l’aveuglement militant de la commentatrice qui ne veut même pas voir que les Israéliens se sont ingérés dans les querelles intérieures usaméricaines sur un nombre immense de questions : la violence dans les pays musulmans, les rapports qui se sont révélés faux sur l’armement de pays “inamicaux”, les assassinats par l’armée israélienne de citoyens usaméricains tels que Rachel Corrie ou la journaliste palestino-usaméricaine Shireen Abu Akleh ; l’expansion territoriale israélienne pendant les visites présidentielles usaméricaines, le contrôle de la frontière usaméricano-mexicaine par des entreprises israéliennes, avec l’“assistance"” par exemple, du Groupe Golan, ne sont que quelques exemples de l’influence israélienne sur la vie et les décisions des USA et de leur population.

Certains chercheurs vont beaucoup plus loin et parlent d’une véritable dépendance ou soumission usaméricaine aux décideurs israéliens. Voir, par exemple, l’approche de Gilad Atzmon, lui-même juif[2] : « Les USA sont prêts à sacrifier leurs jeunes soldats, leurs intérêts nationaux et même leur économie pour Israël. Les groupes de pression israéliens semblent croire qu’ils sont en fait plus puissants et certainement plus importants que la constitution américaine. » [3]

Deux intellectuels usaméricains, John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt, posent la question suivante et y répondent : « Pourquoi les USA sont-ils prêts à mettre leur propre sécurité de côté dans l’intérêt d’un autre État ? Nous pourrions supposer que le lien entre les deux pays repose sur des intérêts stratégiques communs ou sur des impératifs moraux impérieux. […] Toutefois, aucune de ces deux explications ne justifie l’important soutien matériel et diplomatique que les USA apportent à Israël. Au contraire, l’orientation de la politique usaméricaine dans la région est presque entièrement due à la politique intérieure des USA, en particulier aux activités du “lobby israélien” ». [4]

Le boucher Ariel Sharon a dit la même chose d’une autre manière : « Nous, les Juifs, contrôlons l’Amérique et les Américains le savent ». Il n’avait pas tort, même si une telle franchise est dégoûtante.

Nous vivons une époque de sensibilité accrue à l’escamotage des libertés démocratiques... les nôtres.

Ainsi, Weinthal nous rappelle douloureusement que « l’ingérence présumée de Biden dans les affaires intérieures d’Israël a été une source d’angoisse pour certains Israéliens et pour plusieurs candidats républicains à l’élection présidentielle ». (ibid.)

Biden ne peut supporter tant de douleur et de vexation israéliennes : « Il a dit à Herzog de transmettre à Netanyahou la conviction que l’engagement de l’Amérique envers Israël est ferme et à l’épreuve des balles ». (ibid.)

Et pour parfaire la réconciliation, Joe Biden a promis un “plan national contre l’antisémitisme”.[5]

La Double alliance (qui est en fait une triple alliance avec le Royaume-Uni) reste intacte.

Notes

[1]   Caroline Glick, ”The Biden Adminstration Sinister Turn Against Israel”, Newsweek,  24 marzo 2023.

[3]  La violence terroriste en Palestine est attestée par les assassinats des commandos sionistes depuis au moins la deuxième décennie du XXe siècle ; les premiers attentats perpétrés par des organisations palestiniennes datent de la septième décennie du même siècle : pendant un demi-siècle, les Palestiniens , en matière de “terrorisme”, n'en ont été que des victimes..

[4]  Glick, ibid.

[5]   Weinthal, Benjamin. "Biden criticism of Netanyahu govt sparks anger as Israeli president set to address Congress", Fox News, 2023 07 19.

[6]   Non seulement juif, mais sioniste d'origine et croyant en son grand-père, organisateur de la violence contre les Palestiniens. En tant que conscrit, il avoue avoir eu le choc de sa vie, car il a découvert, sous les rires de ses pairs, les cages - qu'il avait prises pour des chenils - dans lesquelles étaient enfermés les Palestiniens les plus dignes ou les plus rebelles ; des cages où l'on ne peut ni s'allonger, ni se lever. Et en même temps, il a rencontré personnellement des Palestiniens emprisonnés et très dignes. La secousse psychique fut si forte qu'il quitta d'abord l'armée, puis le sionisme et enfin le pays et la tribu. Aujourd'hui, il n'a qu'une seule citoyenneté : britanniques.

Ça vient du Premier ministre Netanyahou:
"SVP, respectez le droit à l'existence de l'État d'Israël.
Nous apprécions votre coopération pendant que nous le construisons sur votre dos.
XO (Câlins et bisous),
Bibi
"
Dessin de Christofer Weyant, The Boston Globe

09/03/2023

AVNER GVARYAHU
À Huwara, nous avons vu notre vrai visage

Avner Gvaryahu, Haaretz, 6/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Avner Gvaryahu est le co-directeur exécutif de Shovrim Shtika/ Breaking the Silence (Briser le silence), une ONG de vétérans de l’armée israélienne ayant servi dans les territoires occupés depuis 1967. Né de parents sionistes religieux à Rehovot, il a un diplôme en travail social de ‘l’Université de Tel-Aviv et une maîtrise en droits humains de l’Université Columbia (USA). Il a fait son service militaire de 2004 à 2007, dans les parachutistes (comme son père), comme sergent d’une unité d’opérations spéciales de snipers, principalement autour de Naplouse et de Jénine, après quoi il a rejoint Breaking the Silence, constatant que « le problème n’était pas le soldat individuel mais l’ensemble du système d’occupation ». Le groupe fasciste étudiant Im Tirtzu l’a qualifié d’“agent étranger”. @AGvaryahu FB

Il y a une semaine, quelque 400 colons sont entrés dans le village de Huwara, en Cisjordanie, ont mis le feu à des maisons avec leurs occupants à l’intérieur, ont tiré sur des journalistes et ont apparemment abattu un Palestinien de 37 ans. David Ben-Gourion a dit un jour que lorsque nous aurons un voleur juif, une prostituée juive et un meurtrier juif, nous saurons que nous avons un pays.

 Soldats et colons à ‘Huwara le lendemain du pogrom, la semaine dernière. Photo : Moti Milrod

Et voilà. Nous avons même des pogromchiks* juifs, et ils bénéficient du soutien total des députés, des ministres, des maires et des journalistes. Personne ne paie le prix - ni les auteurs, ni ceux qui les soutiennent. Avant que vous ne vous en rendiez compte, nous n’en parlerons plus. Nous parlerons d’une déclaration d’un politicien quelconque. Comment le sais-je ? Parce que c’est arrivé tant de fois auparavant.

 

Amog Cohen, désormais député de Force juive, a un passé très lourd : membre de l’unité Yoav de la police "anti-émeutes" qui terrorise les Bédouins du Néguev, il se vante ouvertement de ses méfaits, comme ci-dessous, contre la famille Al Touri, qui a porté plainte (sans suite). Il a aussi créé une milice armée pour « pour sauver le Néguev israélien », financée par une collecte organisée par le même groupe qui a recueilli des fonds pour soutenir les frais de justice de Netanyahou


Vous vous souvenez du député d’Otzma Yehudit, Almog Cohen ? Il venait à peine de déclarer que le député de Yesh Atid, Merav Ben-Ari, avait une voix de femme de ménage et qu’il fallait parler aux Arabes comme on parle à des moutons, et il a été oublié à cause de la loi interdisant les aliments au levain dans les hôpitaux pendant la Pâque. Il s’est cependant excusé. Mais seulement à Ben-Ari, parce qu’avec les Arabes, c’est le « langage qu’ils comprennent parfaitement », a-t-il dit, mais ne chipotons pas.