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31/01/2024

YACOV BEN EFRAT
Uncle Joe pédale dans le houmous : Biden et le casse-tête israélo-palestinien

Yacov Ben Efrat, Daam, 30/1/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Yacov Ben Efrat est le secrétaire général du Parti des travailleurs Da’am, un groupe écosocialiste créé en 1995 pour se présenter aux élections israéliennes. Da’am est l’acronyme inversé de منظمة العمل الديمقراطي (Munazzamat al amal addimokratiy/ Organisation pour l’action démocratique). Critiques à l’égard des accords d’Oslo, qu’ils considéraient comme préjudiciables aux Palestiniens, ils appellent au remplacement du régime d’apartheid israélien par un État unique où les Palestiniens et les Israéliens jouiraient de tous les droits civiques.

Lors d’une émission de radio matinale populaire, on a demandé à Hili Tropper, ministre de la coalition Unité nationale (Gantz/Lapid), entrée dans le cabinet de guerre après le 7 octobre, censée être modérée, quelle était sa position sur la proposition de Biden concernant la création de deux États. La réponse de Tropper a été sans équivoque : « actuellement hors sujet ». Si l’on ajoute à cela le rejet catégorique par Netanyahou de la proposition usaméricano-égyptienne d’accord sur les otages, il semble que Biden perde peu à peu du terrain parmi les dirigeants israéliens. La popularité de Joe Biden a atteint son apogée lorsqu’il a stationné l’USS Eisenhower au large des côtes libanaises, exprimant ainsi son soutien inconditionnel à Israël. On se souvient de son triple avertissement au Hezbollah et à l’Iran : « ne bougez pas ».

“-Deux États ? - Trop tard !”
Hassan Bleibel, Liban

 Il est difficile de parler d’un État palestinien lorsque 80 % des Palestiniens de Cisjordanie soutiennent l’attaque du Hamas du samedi 7 octobre, tandis que la majorité des Israéliens refusent catégoriquement toute souveraineté palestinienne, surtout après l’attaque du Hamas.

La société israélienne est plus divisée que jamais. Le gouvernement contre le commandement militaire, la droite contre la gauche, avec en filigrane le débat sur le sort des otages. Faut-il accepter l’arrêt des combats pour sauver les otages du Hamas, ou continuer la guerre en espérant que la pression militaire fera fléchir le Hamas ?

La question politique divise également la société. Le gouvernement refuse de discuter du « jour d’après », un refus qui, selon les militaires, entraîne la perte des acquis militaires obtenus au prix du sang de quelque 200 soldats morts et de milliers de blessés. Un État palestinien ne fait pas du tout partie de la discussion, et il semble qu’il y ait un énorme manque de communication entre les USAméricains et les Israéliens.

Néanmoins, le débat politique au sein du cabinet est intéressant. Il divise le gouvernement d’union. Netanyahou affirme que la discussion sur « le jour d’après » aura lieu lorsque la guerre sera terminée, tandis que Gantz et Eisenkot (et Tropper) affirment que le jour d’après, c’est ici et maintenant. En d’autres termes, la guerre dans sa forme la plus intense est terminée et nous devons maintenant décider de ce qu’il faut faire. On peut se demander comment il est possible que Netanyahou et Gantz soient assis dans le même cabinet de guerre, gérant les batailles ensemble tout en étant en désaccord sur une question fondamentale : guerre ou pas guerre ?

La réalité du terrain permet de mieux comprendre cette énigme. En effet, Israël a divisé Gaza en deux, Gaza Nord et Gaza Sud. Au nord de Gaza, la guerre s’est terminée et l’armée s’est partiellement retirée. C’est cette zone qui fait débat : qu’en faire et qui la contrôlera. Benny Gantz mise sur les fonctionnaires palestiniens locaux pour gérer la vie des 150 000 habitants de Gaza qui y restent, tandis que Smotrich et Ben Gvir veulent annexer le territoire à Israël et y installer des colons. Et que veut Bibi ? Il veut survivre. S’il se range du côté de Smotrich et Ben Gvir, il perdra son partenariat avec Gantz et Biden se prononcera contre lui. Si Bibi va avec Gantz, sa coalition s’effondre et son avenir politique est voué à l’échec.

Alors que Biden tente de s’attaquer à la racine du problème, en cherchant une solution durable au sanglant conflit israélo-palestinien [sic], la coalition et l’opposition israéliennes se querellent sur l’avenir du nord de la bande de Gaza. Les Israéliens ne sont pas actuellement ouverts à des solutions radicales. En réalité, ils ne l’ont jamais été. Ils ont toujours préféré la gestion des conflits à leur résolution.

Malgré le sentiment profond de chaque Israélien que le 7 octobre est un moment décisif, le plus grand désastre qui ait frappé le pays depuis sa fondation, il n’y a actuellement ni ouverture ni énergie mentale pour aller au fond des choses. En apparence, tout le monde comprend que l’armée a échoué et que la confiance en elle a été brisée. Tout le monde comprend que le premier responsable de ce désastre se trouve au sommet de la pyramide, le Premier ministre Binyamin Netanyahou. Il nie sa responsabilité en la rejetant sur l’armée, dont tous les commandants ont déjà assumé la responsabilité de cet échec.

Et c’est là que réside l’absurdité : Quel est l’échec de Netanyahou ? Il a fait confiance au Hamas, l’a financé, lui a permis de se renforcer afin d’affaiblir l’Autorité palestinienne et d’enterrer définitivement l’idée de deux États. Après tout cela, Biden vient le voir une fois de plus avec le même mantra d’un État palestinien. Conclusion de Netanyahou : il n’y a personne à qui faire confiance, ni à l’Autorité palestinienne ni au Hamas. Et que faut-il faire ? Il n’a pas de réponse pour l’instant et de toute façon, taisez-vous, on est en guerre !

Face à cet échec colossal, qui a mis Israël à genoux et obligé les USA à venir à son secours, le président usaméricain, qui a mis tous ses œufs dans le panier israélien, se gratte la tête. Comment ouvrir les yeux des Israéliens, comment les convaincre que l’illusion que le conflit peut être géré au lieu d’être résolu est à la base de l’échec du 7 octobre ? Je vais leur apporter une solution sous la forme d’un État palestinien enveloppé dans les atours saoudiens. Le cadeau lui-même ne leur plaira peut-être pas, mais l’emballage les incitera à l’accepter.

Le problème avec Biden, c’est qu’il n’a personne avec qui travailler. Les acteurs sur lesquels il compte sont très éloignés de sa vision du monde et de ses politiques. Comment faire confiance au Saoudien Mohamed Ben Salman, ce même MBS que Biden a déclaré, lors de son élection, être une personnalité indésirable ? Quelle Autorité palestinienne peut être construite avec un prince sanguinaire qui méprise la démocratie et massacre les opposants politiques ? Quelle sorte d’Autorité palestinienne peut être établie lorsque ses représentants sont impliqués dans la corruption et suppriment tout signe de liberté et de démocratie ?  Et surtout, quelle sorte d’Autorité palestinienne « améliorée » sera construite lorsque le Hamas se cache derrière elle ? Ne s’agit-il pas simplement d’une réplique du modèle du Hezbollah, qui se cache derrière le gouvernement libanais mais en est l’acteur déterminant ?

29/08/2023

LUIS E. SABINI FERNÁNDEZ
USA-Israël : une solidarité “à l’épreuve des balles” quelque peu mise à mal

Luis E. Sabini Fernández, Revista Futuros, 27-8-2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La “réaction morale” des sionistes indignés par les nouvelles exigences de l’administration Biden à l’égard de l’État d’Israël en ce qui concerne les “droits des Palestiniens” vaut son pesant de hoummous.

 
Derniers sondages : humeur anti-israëlienne aux USA
Danziger, The Rutland Herald

Nous craignons que Biden lui-même ne soit choqué. Mais c’est une expression de l’époque, si démocratique, si pluraliste, si antiraciste, si attachée au politiquement correct ; cet air du temps a mis Biden et son équipe “progressiste” dans un sacré pétrin idéologique et tactique.

Nous n’avons plus de Teddy Roosevelt qui a choisi la politique du bâton pour redresser la ligne des nations satellites, nous n’avons plus de Winston Churchill qui se vantait de gazer les “nègres cabochards” ou de bombarder leurs villages ; nous n’avons plus (du moins dans l’arène politique), de WASP pur jus proclamant sur des bases éthiques, religieuses et scientifiques que la race blanche a été chargée par Dieu de guider et/ou de domestiquer les autres races (ou de les écarter du chemin, si elles dérangent plus que de raison).

Caroline, indignée, ne mâche pas ses mots : « Le rapport du département d’État nie fermement que l’État juif ait le droit d’imposer ses lois aux citoyens arabes ». [1]

Caroline poursuit : « Prenons, par exemple, la section du rapport sur les efforts d’Israël pour lutter contre l’occupation illégale des terres par les Bédouins dans le sud d’Israël. Selon l’ONG israélienne Regavim, qui documente les constructions arabes illégales, la minorité bédouine d’Israël a occupé dans le Néguev des terres plus vastes que Jérusalem, Tel Aviv et Beersheba réunis... Quelque 82 000 Bédouins - moins de 1 % de la population israélienne - ont occupé quelque 60 000 ha. Les 99 % restants d’Israël résident sur quelque 232 000 acres [un peu moins de 100 000 ha] ». Caroline utilise la comparaison de Regavim mais ne dit pas que ce que les Bédouins habitent est un désert dans lequel les humains survivent avec un minimum de moyens, et que les autres millions d’habitants d’Israël le font dans d’autres conditions, radicalement différentes, urbaines et industrielles.

Selon Hashomer Hadahash, une autre ONG israélienne, « qui protège les terres rurales israéliennes contre le terrorisme agricole arabe [sic], les Bédouins sont devenus des bandits qui exigent une rémunération pour leur protection ».

Caroline est déterminée à inverser le discours sur ce qui s’est réellement passé. Si ce n’était pas historiquement méprisable, on pourrait applaudir la construction d’un tel livret.

Récapitulons : Caroline voit « les efforts d’Israël pour lutter contre les empiètements illégaux des Bédouins dans le sud d’Israël ». Cependant, les Bédouins ont habité cette région - le désert du Néguev - pendant des siècles avant que les sionistes ne décident, au XXe siècle, de s’approprier ce territoire. Caroline parle de prise de terre “illégale” parce que les Bédouins n’ont pas utilisé le droit de l’occupant ; sans doute, le bon sens ancestral ne leur aurait jamais conseillé d’utiliser ce droit, car le droit de l’occupant n’est pas fait pour être exercé par l’occupé : les Bédouins occupent parce qu’ils savent pertinemment, ou par leur propre expérience du colonialisme, que les revendications juridiques des “originaires” n’existent pas ; si elles existent, elles ne sont pas reconnues.

Les Palestiniens en général, bédouins ou non, n’ont donc aucune protection juridique en Israël ; c’est pourquoi les Palestiniens dont les terres ont été prises (et généralement beaucoup plus) ne se sont vu reconnaître aucun droit en Israël, malgré toutes les dispositions “internationales” en faveur des réfugiés, qui obligent les États à verser diverses réparations, ce qu’Israël n’a jamais respecté.

Même le quotidien israélien Haaretz a rapporté dès 2016 que « 95 % de l’eau disponible dans la bande de Gaza serait imbuvable et mélangée aux eaux usées et aux pesticides ».[2]

On n’a pas tout vu, Sancho ! Mentionner si souvent le “terrorisme arabe” sans indiquer les éléments déclencheurs : ce que le sionisme a fait au fil des décennies et maintenant depuis des siècles, c’est - précisément - exercer le terrorisme sur la population arabe palestinienne, afin de continuer à la déposséder de ses terres. Déraciner les orangers, les vignes et les oliviers, dont certains sont centenaires ; déverser les eaux usées de leurs localités sur les terres côtières où vit, par exemple, la population de la bande de Gaza ; empêcher les agriculteurs et les villageois palestiniens de stocker l’eau de pluie qui se raréfie et appliquer ainsi des “garrots”. L’invasion de leurs villages, que les Palestiniens entretiennent en s’en tenant à leurs petites cultures soigneusement entretenues, si éloignées des projets agro-industriels promus dans l’Israël moderne, chargés de produits agrochimiques toxiques.

Cette curieuse invocation des droits de l’homme par des violateurs systématiques et de longue date montre à quel point il est difficile de parvenir à des accords qui soient équitables et dignes.[3]

Qu’est-ce qui a déclenché cette vague de plaintes, d’avertissements et de contre-plaintes ? Une simple remarque du président Biden sur le comportement d’Israël à l’égard des Bédouins, par exemple, « le fait d’ignorer leur mode de vie semi-nomade ».[4]

Il existe cependant d’autres points d’achoppement qui pourraient expliquer tant de malaise.

Pramila Jayapal, membre de la Chambre des représentants des USA, a provoqué un court-circuit en jouant le rôle du petit garçon qui demande à haute voix lors du défilé : « pourquoi le roi est nu ? » Alors, la vérité est devenue incontournable, incontrôlable.

La démocrate basanée d’origine indienne Jayapal a dit un mot : qu’Israël était “raciste”. Rien que ça.

Dans la même chambre, une foule d’autres démocrates sont venus démentir une telle affirmation, et ils ont déclaré publiquement qu’ils passaient la main sur le dos de l’entité non plus mythique mais biblique qu’ils ont parrainée et protégée (inversant les relations habituelles, cette entité biblique a nourri la grande majorité des membres du Congrès usaméricain sous la forme d’aumônes toujours généreuses).

Il y a quelques années, un quatuor de femmes critiques à l’égard de la conduite d’Israël a été formé au sein du caucus démocrate, qui s’est récemment élargi à huit membres (aujourd’hui mixtes), surnommés “l’Escouade”. Mais n’oublions pas que les membres démocrates du Congrès usaméricain sont actuellement au nombre de 212 (ils sont en minorité) et que, par une simple règle de trois, nous constatons que l’“Escouade” ne constitue même pas 4 % de ce corps législatif...

 

Patrick Chappatte, Le Temps, Lausanne

Mais l’indignation de Caroline Glick ne connaît pas de limites et porte le discours d’inversion de la vérité à de nouveaux sommets.

Elle affirme : « Biden s’est ingéré dans les querelles internes israéliennes sur les procédures judiciaires d’une manière dont le gouvernement usaméricain ne l’a jamais fait auparavant ». [1]

L’affirmation de Glick est vraisemblablement vraie ; ce qui est frappant, c’est l’aveuglement militant de la commentatrice qui ne veut même pas voir que les Israéliens se sont ingérés dans les querelles intérieures usaméricaines sur un nombre immense de questions : la violence dans les pays musulmans, les rapports qui se sont révélés faux sur l’armement de pays “inamicaux”, les assassinats par l’armée israélienne de citoyens usaméricains tels que Rachel Corrie ou la journaliste palestino-usaméricaine Shireen Abu Akleh ; l’expansion territoriale israélienne pendant les visites présidentielles usaméricaines, le contrôle de la frontière usaméricano-mexicaine par des entreprises israéliennes, avec l’“assistance"” par exemple, du Groupe Golan, ne sont que quelques exemples de l’influence israélienne sur la vie et les décisions des USA et de leur population.

Certains chercheurs vont beaucoup plus loin et parlent d’une véritable dépendance ou soumission usaméricaine aux décideurs israéliens. Voir, par exemple, l’approche de Gilad Atzmon, lui-même juif[2] : « Les USA sont prêts à sacrifier leurs jeunes soldats, leurs intérêts nationaux et même leur économie pour Israël. Les groupes de pression israéliens semblent croire qu’ils sont en fait plus puissants et certainement plus importants que la constitution américaine. » [3]

Deux intellectuels usaméricains, John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt, posent la question suivante et y répondent : « Pourquoi les USA sont-ils prêts à mettre leur propre sécurité de côté dans l’intérêt d’un autre État ? Nous pourrions supposer que le lien entre les deux pays repose sur des intérêts stratégiques communs ou sur des impératifs moraux impérieux. […] Toutefois, aucune de ces deux explications ne justifie l’important soutien matériel et diplomatique que les USA apportent à Israël. Au contraire, l’orientation de la politique usaméricaine dans la région est presque entièrement due à la politique intérieure des USA, en particulier aux activités du “lobby israélien” ». [4]

Le boucher Ariel Sharon a dit la même chose d’une autre manière : « Nous, les Juifs, contrôlons l’Amérique et les Américains le savent ». Il n’avait pas tort, même si une telle franchise est dégoûtante.

Nous vivons une époque de sensibilité accrue à l’escamotage des libertés démocratiques... les nôtres.

Ainsi, Weinthal nous rappelle douloureusement que « l’ingérence présumée de Biden dans les affaires intérieures d’Israël a été une source d’angoisse pour certains Israéliens et pour plusieurs candidats républicains à l’élection présidentielle ». (ibid.)

Biden ne peut supporter tant de douleur et de vexation israéliennes : « Il a dit à Herzog de transmettre à Netanyahou la conviction que l’engagement de l’Amérique envers Israël est ferme et à l’épreuve des balles ». (ibid.)

Et pour parfaire la réconciliation, Joe Biden a promis un “plan national contre l’antisémitisme”.[5]

La Double alliance (qui est en fait une triple alliance avec le Royaume-Uni) reste intacte.

Notes

[1]   Caroline Glick, ”The Biden Adminstration Sinister Turn Against Israel”, Newsweek,  24 marzo 2023.

[3]  La violence terroriste en Palestine est attestée par les assassinats des commandos sionistes depuis au moins la deuxième décennie du XXe siècle ; les premiers attentats perpétrés par des organisations palestiniennes datent de la septième décennie du même siècle : pendant un demi-siècle, les Palestiniens , en matière de “terrorisme”, n'en ont été que des victimes..

[4]  Glick, ibid.

[5]   Weinthal, Benjamin. "Biden criticism of Netanyahu govt sparks anger as Israeli president set to address Congress", Fox News, 2023 07 19.

[6]   Non seulement juif, mais sioniste d'origine et croyant en son grand-père, organisateur de la violence contre les Palestiniens. En tant que conscrit, il avoue avoir eu le choc de sa vie, car il a découvert, sous les rires de ses pairs, les cages - qu'il avait prises pour des chenils - dans lesquelles étaient enfermés les Palestiniens les plus dignes ou les plus rebelles ; des cages où l'on ne peut ni s'allonger, ni se lever. Et en même temps, il a rencontré personnellement des Palestiniens emprisonnés et très dignes. La secousse psychique fut si forte qu'il quitta d'abord l'armée, puis le sionisme et enfin le pays et la tribu. Aujourd'hui, il n'a qu'une seule citoyenneté : britanniques.

Ça vient du Premier ministre Netanyahou:
"SVP, respectez le droit à l'existence de l'État d'Israël.
Nous apprécions votre coopération pendant que nous le construisons sur votre dos.
XO (Câlins et bisous),
Bibi
"
Dessin de Christofer Weyant, The Boston Globe

09/03/2023

AVNER GVARYAHU
À Huwara, nous avons vu notre vrai visage

Avner Gvaryahu, Haaretz, 6/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Avner Gvaryahu est le co-directeur exécutif de Shovrim Shtika/ Breaking the Silence (Briser le silence), une ONG de vétérans de l’armée israélienne ayant servi dans les territoires occupés depuis 1967. Né de parents sionistes religieux à Rehovot, il a un diplôme en travail social de ‘l’Université de Tel-Aviv et une maîtrise en droits humains de l’Université Columbia (USA). Il a fait son service militaire de 2004 à 2007, dans les parachutistes (comme son père), comme sergent d’une unité d’opérations spéciales de snipers, principalement autour de Naplouse et de Jénine, après quoi il a rejoint Breaking the Silence, constatant que « le problème n’était pas le soldat individuel mais l’ensemble du système d’occupation ». Le groupe fasciste étudiant Im Tirtzu l’a qualifié d’“agent étranger”. @AGvaryahu FB

Il y a une semaine, quelque 400 colons sont entrés dans le village de Huwara, en Cisjordanie, ont mis le feu à des maisons avec leurs occupants à l’intérieur, ont tiré sur des journalistes et ont apparemment abattu un Palestinien de 37 ans. David Ben-Gourion a dit un jour que lorsque nous aurons un voleur juif, une prostituée juive et un meurtrier juif, nous saurons que nous avons un pays.

 Soldats et colons à ‘Huwara le lendemain du pogrom, la semaine dernière. Photo : Moti Milrod

Et voilà. Nous avons même des pogromchiks* juifs, et ils bénéficient du soutien total des députés, des ministres, des maires et des journalistes. Personne ne paie le prix - ni les auteurs, ni ceux qui les soutiennent. Avant que vous ne vous en rendiez compte, nous n’en parlerons plus. Nous parlerons d’une déclaration d’un politicien quelconque. Comment le sais-je ? Parce que c’est arrivé tant de fois auparavant.

 

Amog Cohen, désormais député de Force juive, a un passé très lourd : membre de l’unité Yoav de la police "anti-émeutes" qui terrorise les Bédouins du Néguev, il se vante ouvertement de ses méfaits, comme ci-dessous, contre la famille Al Touri, qui a porté plainte (sans suite). Il a aussi créé une milice armée pour « pour sauver le Néguev israélien », financée par une collecte organisée par le même groupe qui a recueilli des fonds pour soutenir les frais de justice de Netanyahou


Vous vous souvenez du député d’Otzma Yehudit, Almog Cohen ? Il venait à peine de déclarer que le député de Yesh Atid, Merav Ben-Ari, avait une voix de femme de ménage et qu’il fallait parler aux Arabes comme on parle à des moutons, et il a été oublié à cause de la loi interdisant les aliments au levain dans les hôpitaux pendant la Pâque. Il s’est cependant excusé. Mais seulement à Ben-Ari, parce qu’avec les Arabes, c’est le « langage qu’ils comprennent parfaitement », a-t-il dit, mais ne chipotons pas.

26/02/2023

GIDEON LEVY
Pourquoi les plus hauts responsables militaires israéliens soutiennent soudainement l’objection de conscience

Gideon Levy, Haaretz, 26/2/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Amos Harel et Yaniv Kubovich ont rapporté vendredi dans Haaretz que les discussions entre les pilotes de réserve de l’armée de l’air israélienne sur le refus de se conformer aux ordres de réquisition ou à certaines directives « sont en tête de liste des préoccupations de l’état-major général des Forces de défense israéliennes ».

Cérémonie de remise des diplômes de pilote sur une base de l’armée de l’air israélienne, en 2022. Photo : Ilan Assayag

L’élite de l’élite militaire se joint à la protestation qui se répand. Selon les rapports, l’une des principales motivations de cette protestation est la crainte qu’à la suite du coup d’État judiciaire du gouvernement, et en l’absence d’un véritable système judiciaire en Israël, les pilotes soient vulnérables à des poursuites à l’étranger pour crimes de guerre. Il s’avère que les pilotes ont effectivement commis des crimes de guerre que le système judiciaire a occulté, et ils se sentent maintenant abandonnés face à la justice internationale chargée de poursuivre les criminels de guerre.

Les préoccupations personnelles prennent le dessus : les Israéliens de la haute technologie craignent la fuite des investisseurs, les pilotes craignent pour leur réputation et leur liberté. L’objection de conscience est soudain légitimée et respectée. Ehud Barak l’a prêchée à la conférence d’urgence de Haaretz la semaine dernière. Soudain, le soldat n°1 d’Israël se lève et parle d’ordres sur lesquels flotte un drapeau noir d’illégalité et auxquels il faut donc désobéir, comme s’il s’était transformé en directeur de Breaking the Silence.

En s’inspirant de Bertrand Russell, il a dit : « L’histoire se souviendra de ceux qui ont donné des ordres et de ceux qui les ont suivis. Ils tomberont dans l’infamie ». Vraiment, la fin des temps doit être à notre porte. Barak est devenu Yonatan Shapira [pilote militaire, refuznik, NdT]. Soudainement, il se souvient qu’il y a des ordres illégaux auxquels on doit désobéir. Soudain, refuser n’est pas seulement un droit, mais un devoir moral positif.

Les bombardements sous son commandement et celui de ses cohortes, le meurtre de centaines de femmes et d’enfants et la destruction de milliers de maisons et d’avenirs dans la bande de Gaza, l’aplatissement du quartier Dahieh de Beyrouth et la dévastation du Liban en général, étaient tous légaux et éthiques pour Barak. Seul le service de réserve au moment d’un coup d’État judiciaire est une obéissance à un ordre illégal. Comme cette moralité est tordue. Quelle hypocrisie.

Deux différences distinguent Shapira, le courageux pilote objecteur, du nouveau prophète du refus de service, Barak, comme elles distinguent les pilotes de réserve qui refusent de voler maintenant de leurs amis qui ont refusé de le faire pendant les bombardements de Gaza et du Liban : ce sont la motivation et le prix. Lorsque Yiftach Spector, Yigal Shochat et 25 de leurs camarades ont publié la lettre des pilotes en 2003, ils ont écrit que les attaques de l’armée de l’air israélienne sur les centres de population étaient illégales et immorales, et qu’ils refusaient donc d’y prendre part.

Ils ont refusé de participer à la danse macabre de l’IAF [Israeli Air Force], de tuer 11 enfants juste pour avoir Salah Shehadeh [commandant des Brigades Ezzedine El Qassm du Hamas, assassiné en juillet 2002, NdT] ou une bande d’adolescents jouant oisivement sur une plage de Gaza. C’est ce que leurs camarades ont fait à l’époque. Le commandant de l’IAF de l’époque, Dan Halutz, les a fustigés : « L’objection politique est la racine de tous les dangers pour ce peuple », a-t-il dit. Aujourd’hui, Halutz est en quelque sorte en faveur de l’objection politique : « Si les officiers et les soldats doivent reconnaître qu’il y a une dictature ici, ils n’ont pas signé pour être les mercenaires d’un dictateur ».

L’objection de conscience est un devoir moral. Ce qui est inacceptable, c’est l’utilisation hypocrite qui en est faite. Halutz a autrefois attaqué l’objection politique, maintenant il la soutient, comme Barak. Bienvenus au dans le club. Mais Dieu du ciel : comment pouvez-vous penser que bombarder des innocents sans défense n’est pas une cause justifiable d’objection, mais que les changements du système judiciaire sont une raison légitime ? Pourquoi Spector est-il un traître, et le colonel qui ne veut même pas s’identifier par son nom est-il maintenant considéré comme correct et même héroïque ?

La protestation a poussé les Israéliens à prendre des mesures sans précédent. C’est un signe de bon augure. Les pilotes et autres membres du service qui ont l’intention de refuser en raison du danger du coup d’État doivent être salués. Mais on soupçonne furtivement que les règles du jeu changent non pas en fonction de normes morales, mais en proportion directe du préjudice personnel.

Le bombardement de Gaza n’a fait de mal à aucun des pilotes, et l’objection a exigé un lourd tribut personnel, si bien que peu se sont opposés. La réforme judiciaire pourrait nuire aux pilotes et le coût du refus est faible, il est donc permis et même souhaitable de refuser. Les meilleurs deviennent pilotes, pour paraphraser le slogan hébreu, et maintenant les meilleurs refusent aussi les ordres. La seule chose qu’on peut regretter, c’est que cela leur ait pris tant d’années.

23/02/2023

GIDEON LEVY
Le retour de bâton du coup d’État judiciaire : le BDS l’a rêvé, Bibi l’a fait

Gideon Levy, Haaretz, 23/2/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Le rêve du mouvement BDS (boycott, désinvestissement et sanctions) se concrétise rapidement. Un gestionnaire clé dans l'une des sociétés d'investissement israéliennes m'a dit cette semaine que le montant d'argent quittant son bureau et allant à l'étranger est actuellement de 10 millions de shekels [=2,6 millions d’€] par jour, et ça ne fait qu'augmenter.

Mohamed Saabaneh

Cette personne, qui s'est toujours tenue à l'écart de la politique et de l'actualité, est maintenant découragée. La politique a envahi son bureau. Tous ceux qui, comme moi, pensaient que tout cela n'était que des paroles et de l’alarmisme, ont eu tort. Ce qui se passe maintenant est exactement ce que le mouvement international prônant le boycott d'Israël voulait obtenir, mais pour une autre cause. Ce qui se passe pourrait prouver que le mouvement BDS avait raison depuis le début : ce n'est que par l'argent qu'il sera possible de changer la politique d'Israël. Frappez au porte-monnaie : l'arme BDS est la plus efficace.

À ce jour, la plus grande réussite du mouvement de protestation contre le bouleversement judiciaire est d'avoir réussi à intimider et à pousser à l'action une proportion substantielle d'Israéliens, ainsi que la majeure partie du reste du monde. Ce que le mouvement BDS et les organisations des droits humains n'ont pas réussi à faire en invoquant des crimes et des méfaits, le mouvement de protestation a réussi à le faire au nom de la lutte contre ce qu'il appelle la fin de la démocratie. Ça a pris comme une traînée de poudre. Ce ne sont pas les intifada et les guerres, les descriptions des horreurs et les lamentations, pas les résolutions des institutions internationales ou des USA qui ont réussi à susciter une telle tempête. Un mois et demi de préliminaires législatifs ont  fait l'affaire.

C'est ainsi que les partisans du boycott d'Israël voulaient que les choses se déroulent : retrait des investissements en Israël, boycott de l'économie israélienne culminant dans l'opposition internationale, jusqu'à l'imposition de sanctions. Cela n'a pas fonctionné contre l'occupation. Le mouvement BDS a réussi à faire évoluer les mentalités. C'était le seul choix possible, le seul mouvement qui ne se contentait pas de condamnations vides, appelant au contraire à des actions concrètes contre un État d'apartheid. Cependant, ses réalisations économiques ont été minuscules, un chanteur annulant un spectacle ici, un fonds de pension bricolant un retrait là, Israël continuant à s'épanouir et à prospérer sans entrave, au grand dam des défenseurs des droits humains. Aucun prix n'a été payé pour les crimes de l'occupation ou pour le pied de nez arrogant et insolent du pays au droit international.

Et pourtant, chacun savait que sans mesures concrètes, l'occupation ne prendrait jamais fin. Si les Israéliens ne payaient pas le prix de l'occupation et de ses crimes, en tant qu'individus et en tant que collectivité, rien ne les inciterait à y mettre fin. Jusqu'à il y a quelques semaines, il semblait que cela n'arriverait jamais.

Et maintenant, voilà que ça se produit, même si c'est pour de mauvaises raisons. Même si c'est pour des raisons involontaires, un peu de bien peut en sortir. Il est surprenant que l'affaiblissement du système judiciaire, dont les caractéristiques étaient favorables à l'apartheid, soit le facteur qui a poussé le monde et certains Israéliens à se réveiller. Mais il est désormais clair que la seule chose qui pourrait arrêter le bordel législatif est le préjudice économique subi par le pays. Le fait que les Israéliens retirent leur argent et que les acteurs internationaux n'investissent pas ici change la donne. Les manifestations, aussi bruyantes et tonitruantes qu'elles puissent être, se dissiperont rapidement et suivront le chemin de toutes les protestations. Les pétitions et les lettres s'estomperont. Seuls les dommages économiques s'accumuleront. C'est la seule chose qui puisse arrêter l'érosion. C'est ce qui s'est passé en Afrique du Sud, lorsque les dirigeants de la communauté des affaires ont dit au gouvernement qu'ils ne pouvaient plus continuer, et c'est ce qui va se passer ici avec la révolution judiciaire. Uniquement par l'argent.

Il ne faut évidemment pas se laisser bercer par les illusions. Le lien entre les protestations et la lutte contre l'apartheid est ténu. La plupart des manifestants se contenteront de l'annulation de la clause permettant à la Knesset de passer outre les décisions de justice et de l'ajout de représentants du public au comité de nomination des juges, et seront pleinement satisfaits lorsque Benjamin Netanyahou quittera le pouvoir. En ce qui les concerne, l'apartheid peut continuer.

Mais on peut espérer que la convulsion ne pourra pas s'arrêter au statu quo ante. La tempête peut rebattre de nombreuses cartes sur son passage. Lorsque les Israéliens commenceront à payer pour les folies de leurs dirigeants, ils trouveront peut-être le temps de reconsidérer la plus grande folie de toutes : l'État d'apartheid dans lequel ils vivent, qu'ils paient du sang de leurs fils et de l'image de leur pays. Ce n'est qu'alors qu'une nouvelle aube se lèvera.

 

03/11/2022

GIDEON LEVY
Après avoir soutenu l'occupation des territoires palestiniens pendant 55 [ou 75] ans, à quoi donc la “gauche” israélienne s’attendait-elle exactement ?

Gideon Levy, Haaretz, 3/11/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

13/10/2022

ANSHEL PFEFFER
Élections israéliennes : qui bénéficiera de l'accord maritime avec le Liban ?

Anshel Pfeffer, Haaretz, le 12/10/2022
 
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Benjamin Netanyahou dépeint l'accord comme un signe de faiblesse et un acquiescement au Hezbollah, tandis que le Premier ministre Yair Lapid le salue comme une avancée historique. Tous les deux espèrent que cela fera basculer les élections en leur faveur

Dans son adolescence, Amos Hochstein – le diplomate usaméricain qui vient de négocier l'accord maritime entre Israël et le Liban – était un leader dans la branche jeunesse de Meimad. Ce petit parti religieux de gauche s'est présenté aux élections israéliennes de l'époque (1988), mais n'a pas franchi le seuil électoral. Finissant son service militaire au milieu des années 1990, il quitta Israël pour la terre de ses parents, où il devint un acteur influent dans un parti légèrement plus prospère : les Démocrates.

Amos avec Oncle Joe


Oncle Joe avec les 4 enfants d'Amos dans un gazouillis électoral

Maintenant, en tant que conseiller principal pour la sécurité énergétique mondiale au Département d'État, il est une fois de plus impliqué dans une élection israélienne. Cette fois, cependant, il peut avoir un peu plus d'impact.

À moins de trois semaines du jour des élections du 1er novembre, l'accord avec le Liban est devenu étonnamment la principale question pour faire des news politiques. Mais qui est-ce que ça aide ?

D'une part, le passage quasi unanime de l'accord au cabinet de sécurité (Ayelet Shaked s'est abstenue) est un accomplissement pour le Premier ministre Yair Lapid. D'autre part, cela donne à son principal adversaire, Benjamin Netanyahou, une occasion inattendue de l'accuser, lui et ses collègues, de défaitisme passif face aux menaces du Hezbollah de mettre le feu à la Méditerranée si Israël commençait à pomper du gaz naturel du champ offshore de Karich.

Un navire de stockage et de déchargement de production flottant énergétique dans le champ de gaz naturel de Karich en mer Méditerranée le mois dernier. Photo : AFP

L'équipe de Lapid semble satisfaite du timing du deal, annonçant ce qui est essentiellement un compromis commercial comme une percée « historique ». Les réponses grincheuses de ses collègues du cabinet (et de ses rivaux), qui, tout en votant en faveur, ont dit que ce n'était ni historique ni hystérique, n'ont pas terni l’éclat de l'accord pour le leader de Yesh Atid.

En ce qui le concerne, c'est exactement l'image qu'il veut projeter au public israélien : un premier ministre compétent et efficace qui a réussi à conclure l’accord que deux de ses prédécesseurs – Netanyahuo et Naftali Bennett – n'ont pas scellé, conjurant ainsi la perspective d'une nouvelle guerre avec le Hezbollah.

À quel point l’accord est-il bon ? ça dépend bien sûr de votre position politique. Mais le fait que Netanyahou, malgré toutes ses critiques, n'ait pas menacé une seule fois d'abandonner l'accord s'il devenait premier ministre le mois prochain est révélateur. En attendant, l'intérêt de Netanyahou pour l'accord est purement ce qu'il peut lui apporter dans les trois prochaines semaines.