Alors que le monde entier sera choqué par le fait qu’un cinquième des électeurs allemands soutiennent l’AfD, parti d’extrême droite, le gouvernement Netanyahou se concentrera sur ceux avec qui il fera affaire : les chrétiens-démocrates de centre-droit
David Issacharoff, Haaretz, 23/2/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
David Issacharoff est rédacteur à l’édition anglaise de Haaretz. Il a étudié les sciences politiques et l’histoire à l’Université hébraïque de Jérusalem et à l’Université Humboldt de Berlin. Il est actuellement chercheur invité au Spiegel dans le cadre du Programme international des journalistes (IJP).
Alors
que l’Allemagne a basculé brusquement à droite dimanche, enregistrant son
meilleur résultat pour l’extrême droite depuis les années 1930, le gouvernement
israélien dirigé par Netanyahou sortira également vainqueur de ces élections.
Alors
que l’attention du monde entier se portera sur le choc causé par le fait qu’un
cinquième des électeurs allemands soutiennent le parti populiste d’extrême
droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), Jérusalem se concentrera sur
les partenaires de ce parti : ses homologues au sein du prochain gouvernement,
les chrétiens-démocrates de centre-droit.
Friedrich
Merz, qui dirigera les chrétiens-démocrates à la chancellerie, s’est engagé à
plusieurs reprises à renforcer le soutien déjà généreux de l’Allemagne à
Israël.
Il
a promis de « tout faire » pour que le Premier ministre israélien Benjamin
Netanyahou puisse se rendre en Allemagne en dépit des
mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre à
Gaza, tout en promettant de « mettre fin à l’embargo » sur les
exportations d’armes vers Israël imposé par le gouvernement sortant – la même
coalition qui a approuvé plus de 164 millions de dollars d’exportations d’armes
vers Israël en 2024.
Si
cela est considéré comme un « embargo », combien d’armes supplémentaires Israël
peut-il attendre de lui ?
Ces
deux positions ne représentent pas un écart spectaculaire par rapport à la
politique de l’Allemagne à l’égard d’Israël. Mais ensuite est venu le plan du
président usméricain
Donald Trump de prendre le contrôle de la bande de Gaza et de déplacer
de force sa population palestinienne.
Alors
que les sociaux-démocrates de centre-gauche ont qualifié le plan d’«
inacceptable », et qu’un parti centriste, les Verts, l’a jugé « contraire au
droit international », les chrétiens-démocrates n’ont manifestement pas trouvé
de mots pour le condamner.
«
C’est une bonne chose que les USA prennent leurs responsabilités », a déclaré
Johann Wadephul, député chrétien-démocrate et porte-parole du parti pour la
politique étrangère. « Nous partageons l’avis selon lequel le statu quo actuel
n’est pas viable à long terme. »
Il
n’a pas mentionné Gaza comme un endroit où la population palestinienne pourrait
continuer à vivre, donnant ainsi le feu vert des chrétiens-démocrates pour les
expulser. Cela a donné une indication claire et inquiétante de la manière dont
les chrétiens-démocrates pourraient revoir la position de l’Allemagne sur le
conflit israélo-palestinien afin de donner du pouvoir au gouvernement israélien
d’extrême droite et belliciste.
Israël
n’attend pas Trump et met déjà en œuvre une politique de nettoyage ethnique
contre les Palestiniens. Dimanche, le ministre israélien de la Défense, Israel
Katz, a déclaré qu’environ
40 000 Palestiniens avaient été « évacués » des camps de réfugiés de
Cisjordanie, tout en promettant qu’Israël « ne les laisserait pas revenir ». La
semaine dernière, il a annoncé la création d’une nouvelle direction au sein de
son ministère chargée de permettre aux Palestiniens de quitter Gaza.
Les
chrétiens-démocrates, qui dirigeront à nouveau le bloc majoritaire allemand,
continueront de soutenir que « le droit d’Israël à exister » n’est pas
négociable. Cela reflète une vision dangereusement erronée et dépassée d’Israël,
qui n’est pas menacé dans son existence, comme l’ont montré les 15 derniers
mois. Cette position ne fera que coûter plus de vies alors que le gouvernement
Netanyahou refuse catégoriquement de créer un horizon politique à cette guerre.
La
prochaine coalition allemande – probablement un autre mariage forcé – sera
instable, ce qui permettra à l’AfD d’extrême droite d’exploiter sa position de
chef de l’opposition et de renforcer sa base de soutien avec
le soutien total des USA et d’Elon Musk.
L’extrême
droite en Allemagne n’est pas considérée par le gouvernement Netanyahou comme
une menace, mais plutôt comme un allié potentiel, malgré sa minimisation
de l’importance de l’Holocauste et son déni total de l’antisémitisme
contemporain d’extrême droite visant les Juifs en Allemagne.
Pour
Israël, l’AfD est la cerise sur le gâteau : elle lui fournit une plateforme
pour poursuivre leur croisade commune contre les musulmans et les Palestiniens
en Allemagne à des fins intéressées, tout en profitant du chèque en blanc que
lui donnent les chrétiens-démocrates au pouvoir.
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