Voilà une parfaite farce israélienne. Cette fausse image de soi, entretenue par les mythes diffusés par les médias israéliens, télévision en tête, s’est retournée et s’est défaite de l’intérieur
Rogel
Alpher, Haaretz 28/1/2025
Traduit de l’hébreu
par Keren Rubinstein
et de l’anglais par Fausto Giudice, Tlaxcala
Rogel Alpher (9 juin 1967) est un journaliste et écrivain israélien. Fils d’un agent de Mossad, il a fait son service militaire dans les renseignements avant d’étudier la philosophie. Musicien, critique de cinéma et télévision, auteur de 5 romans, de BD et de scénarios, il se définit comme “gauchiste radical” antisioniste.Keren Rubinstein est une traductrice israélo-australienne
Voici un scénario
de satire sociale poignante. Imaginez deux femmes âgées prises en otage à Gaza.
Nous les appellerons Yocheved Lifshitz (85 ans, interprétée par Tiki Dayan) et Nurit Cooper
(80 ans, interprétée par Sandra
Sade). Mais leurs ravisseurs ne tardent pas à découvrir que les deux femmes
souffrent énormément. Cooper est à l’agonie après s’être cassé l’épaule, tandis
que les vomissements et la diarrhée de Lifshitz n’en finissent pas.
Le médecin
gazaoui (Eli Yatzpan)
annonce la couleur : dysenterie. Les ravisseurs, incapables de supporter les
nausées et les diarrhées, lui ordonnent de la soigner. Lifshitz prend des
pilules - en vain. Lorsque le médecin mentionne que la maladie est contagieuse,
les ravisseurs paniquent et décident que ces deux-là n’en valent pas la peine. Si
elles meurent, ils n’obtiendront rien pour elles, et ils risquent de contracter
la dysenterie et de mourir. « Je n’ai pas signé pour ça, mec », dit l’un d’eux
en anglais. (Par ailleurs, une version usaméricaine réalisée par Spielberg,
scénarisée par Aaron
Sorkin, avec Bette Midler et Dolly Parton dans le rôle des otages détenues
par les clandestins mexicains qui avaient traversé le Rio Grande sous le
commandement d’Alon
Abutbul, est également en cours de tournage).
Les
ravisseurs appellent Israël et disent : prenez-les. Israël répond : pas
question, nous ne paierons pas un centime pour elles. Les ravisseurs mettent au
courant les otages, qui sont choquées et humiliées. Les ravisseurs ont pitié d’elles,
appellent Israël et disent : nous les laissons à la frontière. Vous les voulez,
prenez-les. Vous ne les voulez pas, ne les prenez pas.
En fin de
compte, c’est ce qu’ils font. Lifshitz se dit : mon pays ne voulait pas de ma
libération. Il ne voulait pas de moi. Elle tient une conférence de presse au
cours de laquelle elle souligne le traitement humain réservé par ses
ravisseurs. L’État l’accuse de saboter la Hasbara qui vise à maintenir l’image
morale d’Israël à l’étranger. Ce même Israël qui a fait éclater la bulle d’auto-illusion
sur l’importance vitale de la solidarité interne pour son identité. En prime,
tout ceci est basé sur une histoire vraie. Chers téléspectateurs. Tous les
droits sont réservés à Yochevd Lifshitz. Il y a environ deux semaines, elle l’a
diffusée sur Ynet,
mais elle n’a pas reçu l’attention qu’elle méritait. Le grand reporter Shlomi
Eldar a raconté son histoire dans le cadre de la discussion sur ce qui est
arrivé à son mari, Oded, et l’a qualifiée à juste titre d’« incroyable ». C’est
bien plus que cela. Elle est exceptionnellement subversive. Elle est explosive.
C’est un cocktail Molotov lancé directement dans le dépotoir de la fausse
autosatisfaction israélienne.
Et voilà, une parfaite farce israélienne. Cette fausse image de soi, entretenue par les mythes diffusés par les médias israéliens, télévision en tête, s’est retournée et s’est défaite de l’intérieur. Tous les mensonges suintent comme du pus. Chacun agit à l’inverse de ce qu’on attendait de lui. Les « nouveaux nazis » tentent de sauver une vieille femme juive dont l’État, fondé pour sauver les vieilles femmes juives sans défense comme elle, ne veut pas. Une lumière pour les nations à l’occasion de la Journée internationale de commémoration de l’Holocauste.
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