Johannes Maximilian Kaiser Barents‐von Hohenhagen, le Führer du Parti National-Libertarien, candidat à la candidature pour l’élection présidentielle chilienne, prévue pour novembre 2025, a inventé le fil à couper le beurre : la réduction de « la charge fiscale pour faciliter l’esprit d’entreprise et la création d’emplois », ainsi que l’élimination de « la bureaucratie inutile qui freine l’épargne, l’investissement et la création de richesses ».
Le libre marché, l’ultra-libéralisme : il essaie de
vendre sa poudre de perlimpinpin comme la nouveauté de l’année, alors qu’elle
est plus vieille que les crinolines.
Ce n’est pas moi qui le dis : le Marchand de Venise de
Shakespeare le savait dans sa pièce écrite en 1596-1597, il y a donc cinq
siècles.
Le marchand Antonio accepte un prêt de Shylock, et la garantie
qu’il offre est d’accepter que l’usurier lui coupe une tranche de sa propre
chair s’il ne paie pas.
William n’invente rien : le paiement par le sang a été la
règle (sans jeu de mots...) et reste très populaire aujourd’hui. Mieux encore,
certains suggèrent que le rasoir et la tronçonneuse sont des versions de la
même technique, ajoutant que nous Chiliens devrions adopter notre propre
version de l’arnaque, revisitée et mise à jour.
Précisément parce que saigner les chrétiens à blanc était the
must depuis l’arrivée de Pedro de Valdivia.
Et pour ne pas manquer de chrétiens à saigner, l’Église s’est chargée de
convertir la population autochtone avec le vieux truc usé du Paradis et de la
Vierge Marie... Gloire à eux !
Le quotidien El Mercurio, plongé à fond dans la
campagne du Führer Kaiser - ou Kaiser Führer, comme vous voudrez - met en
exergue les brillantes idées du « cerveau économique » du candidat.
« ...le coordinateur économique de son programme, Victor
Espinosa*, avait glissé - au moins - l’idée d’éliminer la Banque centrale, au
milieu d’une explication plus large sur la possibilité d’ouvrir à la
concurrence des monnaies à l’intérieur du pays ».
Parmi les monnaies qui entreraient en concurrence... la crypto-monnaie
de Milei ?
Le “cerveau” de Kaiser, qui personnifie la réponse chilienne à
l’IA par l’imbécillité naturelle, a inventé la réduction de « la charge
fiscale pour faciliter l’esprit d’entreprise et la création d’emplois »,
ainsi que l’élimination de « la bureaucratie inutile qui freine l’épargne,
l’investissement et la création de richesse ». (1)
Un certain Elon Musk réclame des royalties, tandis que Milei
se réjouit d’être devenu célèbre.
El Mercurio demande « Quels impôts
prévoyez-vous de réduire ou d’éliminer ? »
Le “cerveau” du Führer déploie la doxa, enfin, sa doxa :
« Il existe un large consensus sur la nécessité de
réduire l’impôt sur les sociétés, car c’est lui qui pèse le plus sur l’investissement
et la croissance. En une décennie, l’augmentation de cet impôt, à
contre-courant de la tendance mondiale, a coûté à notre économie l’équivalent
de 8 points de PIB. Aujourd’hui, avec un taux de 27%, le Chili se situe
au-dessus de la moyenne de l’OCDE (23%). Mais nous ne nous contentons pas d’égaler
la moyenne ; nous voulons que le Chili soit l’un des pays les plus compétitifs
au monde. C’est pourquoi nous nous tournons vers les économies qui ont réussi à
mettre en place des politiques fiscales intelligentes. L’Estonie, par exemple,
maintient un taux d’imposition sur les sociétés de 20 %, alors que les USA,
première économie mondiale, cherchent à le ramener à 15 %. Nous éliminerons les
impôts qui créent des distorsions et des freins à la croissance. Il s’agit
notamment de l’impôt sur les plus-values, qui représente une double imposition
injuste, puisque ces plus-values sont déjà soumises à l’impôt sur le revenu.
Nous réformerons également l’impôt foncier, qui est actuellement calculé sur la
base d’évaluations volatiles du marché. Nous proposons de supprimer cet impôt
pour les personnes âgées et de le remplacer par un système plus prévisible.
Nous allons également revoir la TVA sur la construction ».
L’exemple qui réconforte le “cerveau” du Führer est... l’Estonie,
qui en 1997 avait un PIB bien plus élevé qu’aujourd’hui, et qui montre dans les
dernières années des baisses significatives de ce même PIB : -14,6% en 2009,
-2,9% en 2020, -3,0% en 2023...
Une note de Wikipédia décrit le miracle estonien :
« À partir de 2009, le pays a subi une grave crise
économique, et a vu son taux de chômage dépasser les 15,2 % en janvier 2010. L’économie
de ce petit pays, très dépendant financièrement des banques suédoises, s’est
alors révélée très fragile. La crise financière de 2008 a provoqué une débâcle
dans le petit pays balte qui avait créé sa propre bulle immobilière : entre
juin 2008 et juin 2009, le PIB a chuté de 15 %, la production industrielle de
34 % ». (2)
L’Estonie représente 0,22 % du PIB de l’UE et 0,3 % de sa
population. La population de l’Estonie est de 1 315 000 habitants, ou plutôt
elle diminue de manière significative chaque année.
L’Estonie a subi une perte importante de population depuis la
fin des années 1990 (-4,9/1000 en 1998 ; -3,8/1000 en 1999), due à l’émigration
d’une partie de ses habitants, mais surtout à un taux de fécondité très bas
(1,37 enfant par femme en 2000 et 1,64 en 2010).
Dans le merveilleux exemple du “cerveau” Espinosa, la
population émigre ou ne souhaite pas avoir d’enfants.
La comparaison avec le Chili pourrait être plus éloquente. Le
PIB de l’Estonie représente 13,30 % du PIB du Chili et sa population 6,5 % de
la nôtre. On se demande pourquoi le “cerveau” Espinosa n’a pas choisi l’exemple
de l’Andorre ?
Les futés du Mercurio, inquiets du destin
probable des fortunes chiliennes, ont interrogé le “cerveau” Espinosa sur la “méritocratie”.
La réponse, la voici - détendez-vous, tout va très bien, madame etc.- :
« Selon les données du SII [Trésor Public], la principale
richesse des Chiliens est constituée d’actions d’entreprises, souvent des
groupes familiaux qui, dans de nombreux cas, ont créé leur entreprise à partir
de rien au fil des ans. Il est donc normal que les fondateurs souhaitent
assurer la continuité de ces projets et que leurs héritiers s’intéressent au
maintien de la richesse créée par les générations précédentes. Il est évident
que cette continuité passe par la méritocratie ; ceux qui prennent les rênes
doivent être activement impliqués dans l’entreprise et avoir les compétences
nécessaires pour la faire progresser. Nous pensons que le capital doit être
taxé, mais sans devenir un obstacle à la continuité familiale. À cet égard,
nous considérons que le modèle estonien d’imposition des successions, qui
attribue la richesse aux héritiers à un coût nul et ne la taxe que lorsqu’elle
est vendue, est très raisonnable. Cette approche nous semble essentielle pour
renforcer les entreprises familiales, comme en Espagne, où les entreprises
familiales sont sur un pied d’égalité avec les grandes entreprises ».
Comme on l’a dit, le bavardage du “cerveau” Espinosa est plus vieux que s’assoir sur son cul, et a déjà provoqué un désastre planétaire en 2008 quand tout le système financier mondial, enthousiasmé par la dérégulation, le libre marché, l’ultra libéralisme et le vas-y, c’est pas toi qui paies, a fait faillite partout et que les États ont été obligés de faire des émissions monétaires insensées pour les remettre à flot.
Les banques prononcent alors cette fameuse phrase devenue
mythique : Dieu vous le rendra !
Déjà dans ces années-là, un homme politique européen, un
social-démocrate connu pour sa sagesse, sa prudence et sa grande capacité à ne
rien faire pour fâcher le grand capital, expliquait la cause du désastre
financier qui a secoué l’empire, l’Union européenne et les cinq continents.
Michel Rocard, qui a été maire, député, candidat à la
présidence de la République, ministre et Premier ministre de la France, a été interviewé en 2011 sur
TV5Monde à propos de la crise de 2008 :
Dans l’interview, un journaliste demande : « Qui est
responsable de ce désastre ? »
Michel Rocard : « Il s’appelle Milton Friedman, il a eu
le prix Nobel d’économie en 1976, il a produit une doctrine terrifiante par sa
nocivité, dont personne ne s’est rendu compte. C’est l’homme suivi par treize
autres prix Nobel d’économie... »
Journaliste : « Et par Margaret Thatcher et Ronald
Reagan... »
Michel Rocard : « Ronald Reagan s’est mis à l’appliquer,
et comme les États-Unis c’est gros, ça avait de l’importance... Les idées
peuvent tuer, et c’est pas rien de faire tout un moment sur des idées... Dans toute
une science économique qui, jusqu’à Keynes, et peut-être d’abord avec Keynes,
avait le chômage comme préoccupation principale.... »
Journaliste : « ...et la régulation des marchés... »
Michel Rocard : « La régulation du marché en conséquence, le
souci était le bien vivre, le plein emploi et la croissance. Dans ce système-là,
les monétaristes, cet homme-là (Milton Friedman), ont inventé une philosophie
qui dit, premièrement, que le marché s’auto-équilibre, et deuxièmement, que chaque
équilibre de marché est optimal »
Journaliste : « Il n’y a pas besoin de régulation... »
Michel Rocard : « Pas besoin de régulation... Et ça fait
plaisir... Les principaux gouvernements qui y sont allés tout de suite, c’est l’anglais,
l’américain, le japonais, trente autres etc... La plupart des grands
gouvernements de la planète ont adopté cette doctrine qui est devenue le cœur
de l’enseignement de l’économie. Parce que le drame, c’est ce qui est arrivé à
l’économie, comme si en médecine on découvrait que Louis Pasteur avait tout
faux. Et qu’aujourd’hui, pour le gouvernement grec, pour le gouvernement
français, ils voudraient recevoir des avis d’économistes qui ne soient pas des politiquement
corrects de l’agrégation ancienne mode, qui ne soient pas formés par ce système
de concepts dont les faits ont démontré qu’ils étaient toxiques. La grande
responsabilité réside dans le fait que les gouvernements du monde entier se
sont rués là-dedans. Pourquoi ? Parce qu’ils ont dit : débarrassons-nous e
l’État, débarrassons-nous de l’impôt, gagnons plus et vive le profit, mais ça
ne marche pas. Et maintenant, nous sommes obligés d’en sortir par une pratique -
austérité, etc. - une pratique qui est antagonique à ce que disait le système,
par une intervention publique pour sauver les banques, ce qu’on a fait en 2008,
ce qui dément le système lui-même, et il faut réinventer une cohérence
économique. La voilà, la responsabilité... »
Milton Friedman, ce grand irresponsable, ce sage fou qui a
fondé l’école d’économie de Chicago, est l’une des idoles du “cerveau”
Espinosa, avec Ludwig von Mises, autre prophète de l’Apocalypse.
Pour mesurer ce que le “cerveau” Espinosa célèbre
comme des succès, il suffit de mentionner la dette publique de deux grandes
puissances embarquées dans les politiques économiques ultra-libérales prônées
par le conseiller du Führer : les USA et la France.
La dette publique des USA, cumulée par une douzaine de
présidents, a franchi la barre des 34 000 milliards de dollars. Ce montant équivaut
à 120% du PIB yankee.
La dette publique française dépasse les 3 303 milliards d’euros,
soit 114% du PIB.
L’arrivée éventuelle du Führer Kaiser à la présidence de ce qui reste de la république serait la pire catastrophe de l’histoire du Chili, avec la dictature de Pinochet.
On vous aura prévenus.
NdT
*Victor Espinosa a rédigé une thèse de doctorat à Madrid sous
la houlette de Jesús Huerta de
Soto, grand ponte de l’anarcho-capitalisme et militant du Parti de la
Liberté Individuelle (P-LIB) espagnol, et l’ un des mentors de Javier Milei
NdA
(1) https://www.emol.com/noticias/Economia/2025/02/16/1157506/cerebro-economico-kaiser-propuestas.html
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Économie_de_l%27Estonie
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