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21/02/2025

LUIS CASADO
Croissance, vous avez dit croissance ?

Luis Casado, 21/2/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala


Le dictionnaire de la RAE (Académie royale d’Espagne] est une mine infinie de trésors. Depuis mon enfance, dans la bibliothèque du Lycée de San Fernando, j’ai cherché le sens des mots qui m’attiraient autant ou plus que les sourires de Paulina. Elle ne fut qu’une illusion éphémère, mais l’envie de connaître les étymons qui composent notre langue m’a marqué à jamais.

Si vous cherchez le mot “crecimiento” (croissance), le RAE propose deux significations, mais gardez l’œil ouvert :

 * Action et effet de croître (crecer)

* Augmentation de la valeur intrinsèque de la monnaie.

 J’espère que vous êtes partis en courant et que vous avez été satisfaits : des réactions différentes mais compréhensibles. Peut-être pas tant que ça, puisque depuis mon enfance je me souviens que la monnaie avait une tendance irrépressible à se transformer en merde et à finir par ne plus rien valoir. Tout d’abord, la monnaie n’a pas de valeur intrinsèque, mais seulement la valeur que lui donnent ceux qui la créent, la manipulent et l’instrumentalisent.

 Un billet de banque sur lequel vous écrivez 20 000 pesos vaut intrinsèquement la même somme d’argent que celui sur lequel vous écrivez 100 pesos, 1 000 pesos ou ce qui vous chante. Dans l’histoire récente, le peso a déjà été remplacé par l’escudo (mille anciens pesos pour un escudo), escudo qui a été bientôt remplacé par le peso (mille escudos pour un peso), ce qui porte la perte de valeur à un million de fois, rappelez-moi d’écrire à la RAE.

 Si je m’attarde sur le petit mot “crecer” c’est parce qu’il concentre toute la capacité programmatique des baladins qui aspirent au pouvoir politique au Chili, ce qui est la preuve irrémédiable du caractère farfelu de leur message.

 Une acromégalie gonadique a dû les traumatiser dans leur enfance. Ces types vendent de la pommade, ils en vivent, comme l’inventeur de l’arnaque au tonton malade, mais en moins drôle. Felipe m’a fait remarquer à juste titre qu’on ne peut pas faire la différence entre l’un et l’autre, car il n’y a rien de plus semblable à un crétin progressiste qu’un crétin réactionnaire.

 Le premier est destiné à disparaître, tandis que le second est dans les douleurs de m’accouchement.

Il a un avenir, du moins en apparence, un peu comme Adolf en septembre 1919, lorsqu’il a rejoint le Deutsche Arbeiterpartei. Un an plus tard, le Führer le rebaptise Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, le parti nazi pour les amis, et on a vu ce qu’on a vu.

Une publication liée aux “hommes de travail” (c’est ainsi qu’on appelle le capitaliste au Chili) s’efforce de nous introduire (c’est le terme approprié) auprès de l’Elon Musk chilien, enlevez votre chapeau et saluez.

Il s’agit d’un “chercheur” qui a pris en charge la coordination du programme économique d’un certain Kaiser, avec pour mission de ramener l’impôt sur les sociétés de 27% à 15% et de réduire le nombre de ministères de 25 à seulement 9.

L’empereur, je veux dire Kaiser (en allemand Kaiser = empereur), terminait sa énième relecture de Mein Kampf quand l’idée géniale lui est venue : ce n’est pas autre chose, c’est l’histoire du Troisième Reich que ce Kaiser connaît.

Il se souvient de Hjalmar Schacht, un escroc impérial (pendant la Première Guerre mondiale, Schacht avait été nommé administrateur économique des territoires occupés en Belgique, puis révoqué peu après par les autorités militaires : il avait contacté son ancien employeur, la Dresdner Bank, pour recevoir les fonds du gouvernement belge saisis par les forces allemandes...) qui aida Adolf Hitler à collecter des fonds pour ses campagnes politiques. En 1932, Schacht organise une pétition d’industriels pour exiger la nomination d’Hitler au poste de chancelier. Une fois au pouvoir, Hitler nomme Schacht président de la Reichsbank puis ministre de l’Économie en 1934.

Kaiser a donc trouvé son Hjalmar Schacht, un certain Victor Espinosa, un “chercheur” qui, jusqu’à présent, n’a su qu’enthousiasmer Kaiser.

La publication affirme qu’ « il a un profil académique", ce qui ne veut pas dire grand-chose ou tout dire : c’est un gugusse inexpérimenté. La même publication déclare : "Il a fait ses études de troisième cycle en Espagne et n’a pas occupé de postes à responsabilité dans l’État ou dans le monde privé. Il a été formé par l’un des mentors intellectuels de Milei ».

En clair, c’est un idiot qui n’a jamais travaillé pour personne, ce qui, en économie, n’est pas un obstacle à l’ascension vers les sommets.

Espinosa reconnaît qu’il appartient à une école de pensée où le travail, c’est les autres, puisque ces génies - et leurs employeurs - ne font que penser. Son mémoire de fin d’études s’intitulait « Ludwig von Mises et le rôle de l’économiste : une approche historique ».

Ludwig von Mises est le père putatif de Milei, Musk, Trump et d’autres fanatiques talentueux de la croissance du profit tels que Milton Friedman et Friedrich Hayek. Le truc de Ludwig von Mises, c’est le raisonnement pragmatique :

* s’ils ou elles tètent, ce sont des mammifères....

* s’ils rongent, ce sont des rongeurs

* s’ils pratiquent l’onanisme, ce sont des économistes...

Ludwig von Mises a prononcé des phrases pour l’éternité, genre :

« L’économie de marché n’a besoin ni d’apologistes ni de propagandistes. ... Si vous cherchez un monument [à sa gloire], regardez autour de vous ».

Ludwig regardait vers La Dehesa [équivalent chilien d’Auteuil-Neuilly-Passy]...

Mais votre serviteur et ses lecteurs regardent surtout les favelas, les bidonvilles, les chabolas, les chozas the huts and shacks, die Strohhütten, трущобы.... Bref, nous regardons la misère générée par le marché libre d’une part, et la concentration inimaginable de la richesse entre quelques mains d’autre part.

Voulez-vous une autre citation de Ludwig von Mises ? La voici :

« Le système de production capitaliste est une démocratie économique dans laquelle chaque centime donne droit à un vote. Les consommateurs constituent le peuple souverain ».

Un consommateur comme Elon Musk, avec une fortune de 38 000 000 000 000 000 de cents de dollar, a droit à 38 milliards de voix. C’est pour cela qu’il est là où il est.

Et comme les “consommateurs” constituent le peuple souverain, les connards comme Donald Trump, Elon Musk, Jeff Bezos, Mark Zuckerberg et consorts... règnent sur le beau monde imaginé par Ludwig von Mises et ses épigones.

Regardez ce qui nous attend avec ce putain d’empereur néo-nazi, et son “chercheur” Victor Espinosa, on vous aura prévenus.

Espinosa rêve de jouer le rôle de Terminator, de supprimer l’impôt sur les sociétés, les ministères, les syndicats, le droit du travail, le salaire minimum, l’éducation publique, la santé publique, tout ce qui sent le service public et, surprise, même la Banque centrale. Ce n’est pas une plaisanterie :

« Espinosa s’est montré favorable à l’élimination de la Banque centrale. Dans une émission en continu, il a déclaré que « pour éliminer la Banque centrale et ne pas nous obliger à utiliser le peso, il faut modifier la Constitution. Et nous avons besoin d’une majorité de 4/7. Si nous avons ce quorum, ce sera merveilleux ».

Espinosa ne dit pas s’il veut utiliser le reichsmark ou une autre de ses inventions. Il pourrait tout aussi bien revenir au mode de paiement utilisé autrefois dans les campagnes chiliennes : la “galleta”[du français galette, aujourd’hui on dit cookie, NdT].

En attendant, le progressisme doit encore identifier son prochain traître, pardon, candidat.

Voilà où nous en sommes.


 NdT

Johannes Maximilian Kaiser Barents‐von Hohenhagen, 49 ans, n’a pas créé le parti national-socialiste, mais national-libertarien. Il se voit déjà élu président du Chili en novembre 2025, avec un programme à faire pâlir d’envie Javier Milei. Un exemple de ses positions : « qui ne contribue pas, on le déporte ». Dehors donc les Vénézuéliens, les Haïtiens et autres Boliviens, qui taillent les rosiers, font le ménage et la cuisine et cirent les chaussures de ces messieurs-dames de la haute…

 

 Herr Kaiser a défrayé la chronique lorsqu'il fut élu député par les followers de sa chaîne youtube il y a 4 ans. Il se vantait d'avoir suivi 7 cursus universitaires, de Santiago à Innsbruck en passant par Heidelberg, mais n'en avait mené aucun à bien.

 

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