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17/08/2024

DANIEL DOLEV
“Je ne crois plus que nous vivons dans une démocratie. Nous avons été bâillonnés”
Les Palestiniens de 48 interdits d‘expression

Les chiffres sont sans équivoque : depuis l’attaque terroriste du 7 octobre, la liberté d’expression en Israël est devenue un privilège réservé aux seuls Juifs. Sous prétexte de guerre, le nombre d’inculpations pour délit d’expression a explosé et des centaines de citoyens arabes ont été arrêtés pour incitation au terrorisme pour avoir fait des commentaires critiques - dont certains n’atteignent même pas le seuil de la criminalité. Dans certains cas, la police a contourné le contrôle des enquêtes sensibles par le ministère public.
Une enquête de Shomrim [“Gardiens”, Centre israélien pour les médias et la démocratie]

Yarmuk Zoabi dans son restaurant à Nazareth. Photo : Shlomi Yosef

Daniel Dolev, 25 /6/ 2024

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Issa Fayed, originaire du village de Yafia, près de Nazareth, réfléchit désormais à deux fois avant de télécharger une vidéo ou un message sur les médias sociaux. Quelques jours après l’attaque du 7 octobre, M. Fayed, père de cinq enfants et militant de longue date contre la discrimination anti-arabe dans la société israélienne, a téléchargé une vidéo sur Facebook dans laquelle il se plaint des restrictions à la liberté d’expression pour les citoyens arabes d’Israël et avertit ses 70 000 abonnés que tout commentaire n’exprimant pas un soutien total et une identification avec le discours sioniste est désormais interdit. « La seule chose autorisée aujourd’hui est de croire et de s’identifier au discours sioniste », déclare-t-il dans la vidéo. « À part ça, rien n’est autorisé. Ce qui est autorisé se réduit sans cesse. Aujourd’hui, même si vous publiez la photo d’un bébé, d’un enfant tué à Gaza par un missile de l’occupation, vous risquez d’être interrogé. Le but de ces interrogatoires est la dissuasion. Lorsqu’ils arrêtent quelqu’un et éliminent une déclaration, cela a pour but de dissuader et d’intimider les gens. Et nous, les Arabes citoyens d’Israël - à l’exception d’une minorité - la plupart d’entre nous avons été formés. Hier, j’étais assis avec ma famille, avec mes filles, et je leur ai dit que si j’étais arrêté, je ne voulais pas qu’elles crient ou qu’elles aient peur : ce ne sera qu’un jour ou deux... Mais ils [la police] pourraient essayer de me piéger ».

Dès le lendemain, des dizaines de policiers armés ont fait une descente au domicile de Fayed et l’ont arrêté. « Ils voulaient faire une démonstration de force », explique-t-il à Shomrim. « Des grenades dans tout le quartier, des officiers masqués, des forces antiterroristes. Oubliez tout ça. Ils m’ont bandé les yeux et m’ont passé les menottes, ils m’ont vraiment fait mal aux bras... Alors qu’ils m’emmenaient dans la voiture de police, ils m’ont donné un coup à la tête. L’officier qui m’a frappé m’a dit : “Tu es propriétaire d’un garage à Haïfa, n’est-ce pas ? Tu vis des Juifs ? Je vais faire en sorte que ta boîte entreprise soit fermée” ».


20/01/2023

Résolution du Parlement européen sur “La situation des journalistes au Maroc, en particulier le cas d’Omar Radi”

 Le Parlement européen a adopté le jeudi 19 janvier 2023 la résolution ci-dessous, une grande première dans l'histoire de cette institution. 

Détail du vote

Députés présents : 430 sur 705
Vote pour : 356
Vote contre : 32 (les députés du PSOE espagnol et les députés présents du groupe Identité et Démocratie [extrême-droite])
Abstentions : 42

De gauche à droite Souleiman Raissouni, Omar Radi et Taoufik Bouachrine

P9_TA(2023)0014

La situation des journalistes au Maroc, en particulier le cas d’Omar Radi

PE741.377

Résolution du Parlement européen du 19 janvier 2023 sur la situation des journalistes au Maroc, en particulier le cas d’Omar Radi (2023/2506(RSP))

Le Parlement européen,

        vu l’article 144, paragraphe 5, et l’article 132, paragraphe 4, de son règlement intérieur,

A.      considérant qu’Omar Radi, journaliste d’investigation indépendant, qui a couvert les manifestations du Hirak et des scandales de corruption au sein de l’État, est détenu depuis juillet 2020 et a été condamné, en juillet 2021, à six ans de réclusion pour des chefs d’accusation d’espionnage, inventés de toutes pièces, ainsi que de viol; que sa condamnation a été confirmée par la cour d’appel en mars 2022; que de nombreux droits de la défense n’ont pas été respectés, ce qui entache d’iniquité et de partialité l’ensemble du procès; que le non-respect des droits de la défense s’est manifesté notamment par un an de détention préventive prolongée non motivée, par le refus à l’intéressé de l’accès à son dossier et par le fait que deux témoins clés de la défense ont été empêchés de comparaître au tribunal; que M. Radi a interjeté appel devant la Cour de cassation; que Reporters sans frontières lui a décerné le prix de la liberté de la presse 2022;

B.      considérant que le journaliste Taoufik Bouachrine est détenu depuis février 2018 et qu’il a été condamné en appel, en septembre 2021, à 15 ans de réclusion pour agression sexuelle; que les droits de la défense ont été gravement bafoués également dans l’affaire de Soulaimane Raissouni, qui a été condamné, en février 2022, à cinq ans de prison pour agression sexuelle, à l’issue d’un procès inique;

C.      considérant que la liberté de la presse au Maroc continue de se détériorer, le pays étant tombé à la 135e place du classement mondial de la liberté de la presse 2022; que de nombreux journalistes, comme Ignacio Cembrero, font l’objet d’une surveillance numérique, sont visés par des manœuvres d’intimidation, subissent un harcèlement judiciaire ou sont condamnés à de lourdes peines de prison, comme Maati Monjib;

D.      considérant qu’en 2020, Reporters sans frontières a soulevé, auprès de la rapporteure spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes et les filles, des préoccupations quant à l’utilisation à mauvais escient de chefs d’accusation d’agression sexuelle pour discréditer des journalistes, pratique inquiétante qui a été condamnée également par l’organisation féministe Khmissa et par l’Association marocaine des droits humains;

1.       invite instamment les autorités marocaines à respecter la liberté d’expression et la liberté des médias, à garantir aux journalistes incarcérés, dont Omar Radi, Soulaimane Raissouni et Taoufik Bouachrine, un procès équitable qui respecte pleinement les droits de la défense, à les remettre immédiatement en liberté provisoire et à mettre un terme au harcèlement de tous les journalistes, de leurs avocats et de leur famille; invite instamment ces mêmes autorités à respecter leurs obligations internationales en matière de droits de l’homme, conformément à l’accord d’association UE-Maroc;

2.       condamne fermement l’utilisation à mauvais escient d’allégations d’agression sexuelle pour dissuader les journalistes de faire leur travail; estime que cette pratique met en péril les droits des femmes;

3.       se dit profondément préoccupé par les allégations selon lesquelles les autorités marocaines auraient corrompu des députés au Parlement européen; demande l’application des mêmes mesures que celles appliquées aux représentants du Qatar; réaffirme sa détermination à enquêter pleinement sur les cas de corruption impliquant des pays tiers qui recherchent une prise d’influence au Parlement européen, et à prendre les mesures qui s’imposent à cet égard;

4.       souligne que sa résolution du 15 décembre 2022 préconisait de charger une commission spéciale de détecter les lacunes potentielles du règlement intérieur du Parlement européen en matière de transparence, d’intégrité et de corruption ainsi que de formuler des propositions de réforme;

5.       invite instamment les autorités marocaines à mettre un terme à leur surveillance des journalistes, pour laquelle elles utilisent notamment le logiciel espion Pegasus développé par NSO; les invite instamment à adopter et à mettre en œuvre des lois de protection des journalistes; invite instamment les États membres à cesser d’exporter des technologies de surveillance vers le Maroc, conformément au règlement sur les biens à double usage;

6.       demande la remise en liberté immédiate et inconditionnelle de Nasser Zefzafi, finaliste du prix Sakharov 2018; demande la libération de tous les prisonniers politiques; condamne les atteintes aux droits des manifestants pacifiques et des militants de la diaspora; déplore les procès et condamnations iniques de 43 manifestants du Hirak, ainsi que les tortures qui leur ont été infligées en prison;

7.       demande à l’Union européenne et à ses États membres de continuer à soulever auprès des autorités marocaines les cas des journalistes incarcérés et des prisonniers d’opinion, ainsi que d’envoyer des représentants assister aux procès; demande à l’Union de peser de tout son poids pour obtenir des améliorations concrètes de la situation des droits de l’homme au Maroc;

8.       charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au vice-président de la Commission/haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, ainsi qu'au gouvernement et au parlement du Maroc.