Accra Shepp (texte
et photos), The New York Review,
21/5/2024
Traduit par Layân Benhamed,
édité par Fausto
Giudice, Tlaxcala
Accra Shepp (New York, 1962), fils du musicien de jazz Archie Shepp, est un artiste et écrivain basé à New York, enseignant à la School of Visual Arts. Ses images ont été collectées et exposées dans le monde entier et il vient de terminer une bourse Cullman Scholars de travail sur son projetThe Islands of New York, qui consiste à documenter depuis 2008 les 40 îles de New York. @AccraShepp
J'ai photographié Occupy Wall Street pendant un an, de 2011 à 2012. Près de dix ans plus tard, dans le cadre de mon travail de documentation sur la pandémie de Covid-19, j'ai suivi les manifestations de Black Lives Matter en 2020. Ce n'était jamais mon intention de me concentrer sur la justice sociale, et je continue à réaliser des images plus expérimentales. Mais prêter attention à la culture—c’est-à-dire les gens—est le travail de tout un chacun dans les arts, et mes intentions ont dû se plier à la réalité qui m'entoure, qui nous entoure tous. Le mois dernier, lorsque des étudiants des universités du pays ont commencé à installer des campements pour protester contre la guerre à Gaza, j'ai réalisé que je devrais rendre ce nouveau moment visible. J'ai passé cinq jours à photographier les manifestations à l'université de Columbia, durant les huit jours entre la première vague d'arrestations et la suivante.
Je suis fier des étudiants qui nous ont amenés à affronter notre participation à cette guerre. En même temps, cela me peine que la culture de la surveillance nous ait effrayés, ait effrayé ceux qui se lèvent pour être entendus mais qui ont peur d'être vus. En tant que personne qui voit pour gagner sa vie, je voudrais rendre visibles tous ceux qui se sont levés, en particulier ceux qui se sont levés pour la paix et contre la violence. C'est un terrible paradoxe. Ceux qui ne voulaient pas que leurs images soient publiées m'ont fait savoir combien ils ont à perdre : il y a eu des licenciements, des suspensions, des expulsions, même des menaces de mort. Pourtant, ils m'ont permis de les photographier et m'ont fait confiance. Pour l'instant, leurs images doivent rester privées, mais elles seront vues un jour.
Je suis également troublé par le fait que la manifestation que j'ai photographiée ne soit pas celle que je vois rapportée par la plupart des médias traditionnels. Je n'ai vu aucune adhésion à l'antisémitisme. Au contraire, le nombre de manifestants juifs était impossible à ignorer, tout comme le niveau de coopération entre Juifs et Musulmans. L'image de la chose, même en ce moment de saturation médiatique, conserve son pouvoir. La photographie—le témoignage de cette protestation contre les tueries—est difficile à effacer de l'esprit. Elle parle de notre faim de connaître le monde.
Abbi, 2024
Abbi : Je suis venue au campement en solidarité avec les étudiants, les professeurs et les travailleurs de Columbia qui demandent à leurs institutions de se désinvestir de l'apartheid israélien et du génocide à Gaza. Se rendre à une manifestation organisée est la réponse la plus rationnelle à la violence inconcevable contre les Palestiniens et le moyen le plus direct d'exprimer la douleur, la colère et l'optimisme radical.