Featured articles en vedette Artículos Artigos destacados Ausgewählte Artikel Articoli in evidenza

Affichage des articles dont le libellé est Israël. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Israël. Afficher tous les articles

12/09/2024

Dossiers Congo : la ‘Bnei Brak-Kinshasa Connection’ ou la Grande Valse des millions organisée par Dan Gertler, l’homme qui murmurait à l’oreille de Joseph Kabila Kabange

Le milliardaire israélien Dan Gertler possède des mines au Congo En 2017, les USA lui ont imposé des sanctions en raison de transactions corrompues avec l'ancien président de la RDC Des documents de l'État africain révèlent des dépôts irréguliers d'argent liquide effectués par les associés de Gertler sur ses comptes Une partie de l'argent a ensuite été envoyée à des avocats et à des conseillers en Israël Gertler : « Ces documents sont volés et fabriqués ».

Gur Megiddo  & Hagar Shezaf, Haaretz, 2/7/2020
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

 

En janvier 2018, les rues de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, ont été inondées du sang de violents troubles. Les Nations unies font état de six morts dans une série d'affrontements entre les forces de sécurité et les jeunes habitants de la ville. La colère des manifestants a été provoquée par le refus du président de l'époque, Joseph Kabila, d'organiser des élections, alors que son mandat avait expiré depuis près de deux ans.

Un personnage inhabituel a été aperçu dans les rues de Kinshasa au cours de cette période volatile : un homme portant l'habit d'un juif ultra-orthodoxe, chapeau sur la tête, valise à la main. Selon des documents obtenus par The Marker, le 23 janvier 2018, l'homme est entré dans une agence de Kinshasa de la Afriland First Bank. D'après les documents, il a déposé 1 million de dollars sur le compte d'une société locale appelée RDHADG SARLU, qui avait été créée quelques semaines plus tôt, avec lui enregistré en tant que directeur. Selon les documents, il est revenu le lendemain pour déposer prétendument 875 000 dollars supplémentaires. Deux jours plus tard, il est revenu une troisième fois et aurait déposé 926 000 dollars de plus. Selon les documents, tous les dépôts ont été effectués en espèces.

Les caissiers locaux ont eu du mal à épeler le nom de l'étranger qui portait les valises. Ils l'ont d'abord appelé « Shono » ou « M. Shlono ». Par la suite, le nom est devenu « M. Shlomo » ou simplement « Shlomo ». Finalement, ils ont appris à épeler son nom complet : Shlomo Eliahu Abihassira.

En juin 2018, 14 autres dépôts effectués par Shlomo Abihassira ont été enregistrés. Selon les enregistrements, il a apporté à chaque fois entre 900 000 et 3 millions de dollars, prétendument en billets de banque. Au total, 19 millions de dollars de dépôts en espèces qu'il aurait effectués ont été enregistrés à son nom à la banque, dont 17 millions sur le compte de la même société congolaise : RDHADG. Sur cette somme, environ 1 million de dollars ont été déposés par Abihassira sur un compte à son nom, et un autre million a été versé sur le compte d'une société locale appelée Interactive Energy. Abihassira nie avoir effectué le moindre dépôt à la banque.

Le rabbin et le milliardaire

Shlomo Abihassira est le rejeton d'une dynastie israélo-marocaine de kabbalistes. Son arrière-grand-père était le rabbin Yisrael Abuhatzeira, connu sous le nom de Baba Sali. Son père, le rabbin David Abuhatzeira, était auparavant grand rabbin de la ville de Nahariya, dans le nord d'Israël, et gère aujourd'hui les affaires de l'une des dynasties rabbiniques les plus riches d'Israël. Il y a dix ans, Forbes estimait la fortune de David Abuhatzeira à 750 millions de shekels (environ 202 millions de dollars à l'époque). David est également le rabbin et le confident d'un homme qui était à l'époque l'une des figures les plus puissantes du Congo, le milliardaire israélien Dan Gertler, résident de la ville de Bnei Brak, majoritairement haredi [ultra-orthodoxe]. Dans un pays aussi riche en ressources naturelles que la RDC, il n'y a qu'une ressource plus précieuse que les minerais eux-mêmes : un canal direct vers les détenteurs du pouvoir, ce que Gertler possédait indubitablement. Même les plus grandes compagnies minières du monde ont dû passer par Gertler pour avoir accès aux mines du pays.

Les relations entre la famille du rabbin et le milliardaire ne se limitent pas à celles d'un mentor spirituel et d'un acolyte. Parmi les Panama Papers - les documents fuités au Consortium international des journalistes d'investigation depuis le cabinet d'avocats international Mossack Fonseca basé à Panama en 2016, qui ont révélé l'utilisation par de nombreux hommes d'affaires de refuges fiscaux - figure un projet d'accord, qualifié de contrat de conseil, d'une valeur de plusieurs millions de dollars, entre Yitzhak, le frère de Shlomo Abihassira, et le groupe d'entreprises de Gertler. L'existence de l'accord a été rapportée pour la première fois par Uri Blau et Daniel Dolev dans Haaretz.

Shlomo Abihassira a également été suspecté en 2013 dans une affaire de blanchiment d'argent à grande échelle surnommée « l'affaire de l'art », dans laquelle un autre suspect était l'un des avocats de Gertler, Avi Lavi - qui a quitté Israël juste avant le début de l'enquête policière et n'est pas revenu. À ce jour, aucun acte d'accusation n'a été déposé dans cette affaire.

Même les plus grandes sociétés minières du monde ont dû passer par Gertler pour avoir accès aux mines du pays.


Dan Gertler. Photo Bloomberg

En décembre 2017, un mois avant que l'arrière-petit-fils de Baba Sali ne commence censément à se rendre à l'Afriland Bank de Kinshasa avec de grandes quantités d'argent liquide, le département du Trésor usaméricain, dans le cadre de sa guerre contre la corruption internationale, a imposé des sanctions à Gertler, à l'un de ses associés et à 14 entreprises qui lui sont liées. Selon la directive, qui a été étendue à d'autres entreprises à la mi-2018, « Gertler a utilisé son amitié étroite avec le président de la RDC Joseph Kabila » pour devenir « un intermédiaire » dans des « transactions minières et pétrolières corrompues » en RDC. En outre, le gouvernement usaméricain a noté que « Gertler a agi pour ou au nom de Kabila, aidant Kabila à organiser des sociétés de location offshore. » Le département du Trésor a déclaré que « rien qu'entre 2010 et 2012, la RDC aurait perdu plus de 1,36 milliard de dollars de revenus » en raison de la sous-évaluation des actifs miniers à la suite des actions de  Gertler.

En raison des sanctions, le nom  Gertler est aujourd'hui considéré comme un anathème par de nombreuses entités commerciales. Aucun banque souhaitant opérer aux USA n'a le droit de fournir des services à Gertler en monnaie US. Sur le plan juridique, rien n'empêche Gertler de recevoir des services de banques dans d'autres devises. Dans la pratique, cependant, les banques israéliennes et autres refusent les clients et les paiements liés à une entité ou à une personne faisant l'objet de sanctions de la part des USA. Dans le cadre de ces sanctions, il est interdit aux citoyens usaméricains de faire des affaires avec Gertler.

Mais alors que les banques en Israël et ailleurs ont rejeté les transferts financiers lorsqu'elles ont découvert que leur source était Gertler, Afriland Bank à Kinshasa a accueilli Gertler à bras ouverts.

Les documents de l'enquête, qui ont d'abord été mis à la disposition de la Plate-forme pour la protection des lanceurs d'alerte en Afrique (PPLAAF), une organisation de défense des droits humains basée à Paris, et de Global Witness, montrent qu'Abihassira n'aurait pas été le seul associé de Gertler à se présenter à la banque avec des sommes d'argent inhabituelles. Les documents, qui ont été examinés par The Marker, les deux organisations et d'autres professionnels dans le cadre d'une coopération journalistique internationale, montrent également comment une série d'associés, d'ONG, d'avocats et de conseillers médiatiques très haut placés en Israël et ailleurs ont reçu des paiements dont la source se trouverait dans les dépôts en espèces que les associés et les employés auraient apportés à la succursale d'Afriland First. Les documents mis à la disposition de The Marker au cours de l'enquête montrent que les banques israéliennes étaient préoccupées par le fait que certains des transferts provenant de comptes liés à Gertler à l'Afriland Bank correspondaient à la définition d'un « drapeau rouge » qui suscite des soupçons de blanchiment d'argent.

« L'enquête montre à quel point il est facile pour des personnes disposant de pouvoir et de capitaux d'exploiter l'inefficacité de la réglementation bancaire, la confidentialité des entreprises et les astuces juridiques, même si elles ont été accusées de corruption », dit Gabriel Bourdon-Fattal de PPLAAF. « En Israël et ailleurs, les régulateurs doivent prendre des mesures importantes pour corriger les faiblesses du système financier mondial ».

Les requins sentent l'argent

Dan Gertler est issu d'une des familles aristocratiques de l'industrie diamantaire israélienne en perte de vitesse. Il est le petit-fils de Moshe Schnitzer, qui a créé l'Israel Diamond Exchange, basé à Ramat Gan, et le fils d'Hannah Gertler, une mondaine qui a créé l'organisation philanthropique des femmes de diamantaires et une femme d'affaires qui a investi dans de nombreuses entreprises technologiques, médiatiques et immobilières au fil des ans.

La famille est devenue célèbre en Israël en partie à cause d'un drame criminel survenu en 1995, lorsque la sœur de Gertler, Keren, a été kidnappée par le criminel Avi Sapan et sa fille, dans le but d'obtenir une rançon de 2 millions de dollars de la part de la famille fortunée. L'incident s'est terminé lorsque des policiers israéliens ont tiré 11 balles sur Sapan, le tuant. Dan Gertler avait une vingtaine d'années à l'époque, il était ambitieux et (encore) laïc, désireux de prouver qu'il savait lui aussi comment gagner beaucoup d'argent. Son incursion en Afrique a commencé dans ces années-là, lorsque la RDC était connue sous le nom de Zaïre.

La première guerre du Congo a éclaté en 1996 et a entraîné la destitution du dictateur du Zaïre, Mobutu Sese Seko, par les milices de Laurent Kabila, le chef des rebelles. À la fin des hostilités, Kabila s'est autoproclamé président du pays, qu'il a rebaptisé République démocratique du Congo.

La deuxième guerre du Congo, qui a éclaté environ un an plus tard et s'est poursuivie pendant cinq ans, jusqu'en 2003, a été le conflit le plus meurtrier que l'humanité ait connu depuis la Seconde Guerre mondiale. Plus de cinq millions de personnes ont perdu la vie et des millions d'autres ont été blessées ou sont devenues des réfugiés. La guerre a eu des causes diverses dérivant de conflits politiques et tribaux, d'intérêts particuliers des pays impliqués - en particulier le Rwanda, voisin du Congo à l'est - et d'intérêts économiques liés aux richesses minérales de l'est et du sud de la RDC. (La RDC est le 11e  plus grand pays du monde en superficie - Israël pourrait y tenir environ 106 fois).

Les canons ont grondé, les machettes ont tailladé, les maisons ont brûlé et les femmes ont été violées. Alors même que l'odeur du sang imprégnait la malheureuse république, certains requins de la région sentaient l'argent. Vers 1998, le jeune Gertler débarque à Kinshasa, poussé par le désir de se rapprocher du nouveau président. Ses connaissances ont des versions différentes de la façon dont il s'y est pris pour s'insinuer dans la famille régnante, mais ce qui est incontestable, c'est qu'il y est parvenu.

Pour commencer, Gertler a discerné la soif d'argent du nouveau gouvernement. Pour seulement 20 millions de dollars, qu'il a levés auprès de connaissances dans l'industrie israélienne du diamant, il a obtenu un permis exclusif pour extraire des diamants de la RDC. Par la suite, il a également participé aux efforts de Kabila, qui n'ont pas été couronnés de succès, pour acquérir un savoir-faire militaire et des armes en provenance d'Israël, comme l'ont révélé les procédures judiciaires qui l'ont opposé au consultant en sécurité Yossi Kamissa au cours de la dernière décennie. Finalement, il a trouvé sa place comme l'un des caïds de l'industrie minière de la RDC, mais pas nécessairement dans le secteur des diamants.

Gertler est devenu une étape essentielle sur le chemin des sociétés internationales qui cherchaient à obtenir des permis d'exploitation sur les terres riches de la république pauvre. C'est notamment le cas du cobalt, un minerai présent en abondance en RDC et considéré comme le nouvel or en raison de son utilisation intensive dans la fabrication de batteries, notamment pour les smartphones.

Les liens étroits de Gertler avec la famille régnante au Congo sont restés solides même après l'assassinat de Laurent Kabila par son garde du corps en 2001. Son fils, Joseph, lui a succédé et a dirigé le pays pendant 17 ans, jusqu'en janvier 2019. Au cours de cette période, il a été élu président à deux reprises, en 2006 et en 2011, mais il a repoussé de près de trois ans l'élection prévue en 2016.

Les presque deux décennies au pouvoir de Joseph Kabila ont été les années d'or de Gertler dans le pays du cobalt et du sang. De millionnaire, il est devenu multimillionnaire, puis milliardaire, et manifestement l'une des personnes les plus étroitement identifiées avec le gouvernement. Selon certaines informations, il est devenu un citoyen congolais, un envoyé diplomatique de Kabila et une cible des services de police et de lutte contre la corruption aux USA, en Grande-Bretagne, en Suisse et en Israël.


Joseph Kabila, ancien président de la République démocratique du Congo. Photo REUTERS

En 2016, le ministère usaméricain de la Justice et le gestionnaire de fonds spéculatif Och Ziff, basé à New York et impliqué dans des activités minières en RDC, ont signé un accord de règlement dans lequel la société a payé une amende de plus de 400 millions de dollars pour avoir corrompu des fonctionnaires dans des pays africains, dont la RDC. L'acte d'accusation convenu, dont Och Ziff a admis les détails, indique qu'entre 2005 et 2015, par l'intermédiaire d'une personne décrite comme « DRC Partner », comme « un homme d'affaires israélien dont l'identité est connue des USA » et comme une personne ayant « des intérêts significatifs dans les industries du diamant et de l'exploitation minière en [RDC] », la société a versé environ 100 millions de dollars de pots-de-vin à des personnalités du gouvernement congolais afin d'obtenir divers permis d'exploitation minière, y compris pour le cobalt et le cuivre. Selon un document judiciaire, il a été demandé à Och Ziff de verser aux investisseurs d'Africo une compensation d'au moins 150 millions de dollars.

Ces derniers détenaient les droits d'exploitation d'une mine de cuivre et de cobalt appelée Kalukundi. Le gouvernement congolais a révoqué la licence minière d'Africo, et Gertler et Och Ziff ont fini par prendre le contrôle des droits miniers à un prix prétendument avantageux, dans le cadre d'un accord de corruption qu'Och Ziff a admis.

En Grande-Bretagne, une enquête est en cours depuis 2013 sur des permis d'exploitation minière accordés en RDC à une société kazakhe, Eurasian Natural Resources Corporation (ENRC). Cette société, qui a été cotée à la bourse de Londres, est contrôlée par le milliardaire juif-kazakh Alexander Machkevitch. Au centre de l'enquête se trouvent des paiements de dizaines de millions d'euros qui auraient été faits aux sociétés de Gertler, les anciens avocats de l'ENRC soupçonnant que l'argent était un pot-de-vin versé en échange de droits d'exploitation minière. L'ENRC a nié ces allégations en réponse à divers rapports dans le passé. Depuis janvier, une enquête est en cours en Suisse sur des soupçons de corruption concernant les permis d'exploitation minière accordés à la multinationale Glencore et aux sociétés congolaises de Gertler.

Lorsque le président Joseph Kabila a cédé à la pression et a déclaré la tenue d'élections en décembre 2018, il a déclaré qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat. Ses chances étaient de toute façon considérées comme faibles. Le candidat qu'il soutenait a perdu. Le nouveau président, Félix Tshisekedi, s'est montré modéré dans ses propos à l'égard de Gertler, mais il n'est pas certain que les affaires de ce dernier continuent à prospérer comme par le passé. « Il ne fait aucun doute que l'influence de Gertler dans le pays a diminué depuis la période Kabila, et l'avenir nous dira dans quelle mesure », déclare un homme d'affaires européen actif à Kinshasa.

Livraisons d'argent à Israël

RDHADG, la société sur le compte de laquelle Abihassira a déposé 17 millions de dollars en espèces, selon les documents, n'est qu'une des nouvelles entreprises liées de différentes manières à Gertler et à ses associés qui ont été créées au Congo dans la période entourant l'imposition des sanctions usaméricaines en 2017. Les documents de l'enquête montrent une série de 10 autres entreprises contrôlées par une société appelée Gerco Sas, dont les propriétaires enregistrés sont l'épouse de Gertler et neuf de leurs 12 enfants, dont certains sont mineurs, à parts égales.

Les USA imposent automatiquement des sanctions à une société si 50 % ou plus de ses actions sont détenues par une personne à l'encontre de laquelle ils ont imposé des sanctions. C'est peut-être la raison pour laquelle Gertler lui-même n'est pas officiellement actionnaire.

Dans la plupart des nouvelles sociétés, un citoyen congolais du nom d'Alain Mukonda est enregistré en tant que directeur. Comme Abihassira, Mukonda a lui aussi été vu à l'Afriland Bank avec des sommes d'argent inhabituelles, transportées dans des valises. Selon les registres, il s'est présenté une vingtaine de fois à la banque, avec des montants allant de quelques dizaines de milliers d'euros à 1,7 million d'euros. Au total, il a déposé près de 12 millions d'euros. Selon les documents, un million de cette somme a été déposé en avril 2018 sur un compte portant le nom d'Abihassira, et le reste a été versé à des sociétés que Gertler ne nie pas contrôler. Mukonda nie que des dépôts en espèces aient été effectués et affirme que les documents attestant des dépôts sont des faux.

La plupart des fonds - plus de 8 millions d'euros - étaient destinés à Ventora Global Services, l'une des sociétés locales créées par Mukonda en mars 2018. Les documents révèlent que la société a servi de rampe de lancement pour les transferts bancaires de fonds vers diverses entités liées à Gertler, dont beaucoup en Israël.

Le montant le plus important envoyé depuis le compte de la société est allé à l'avocat israélien Avigdor (Dori) Klagsbald. Les documents montrent qu'en 2018, 2,4 millions d'euros ont été envoyés sur le compte de Klagsbald en plusieurs versements. Klagsbald pourrait bien être l'avocat israélien le mieux connecté. Il est difficile de penser à quelqu'un d'autre dont le cercle d'amis comprend des juges de la Cour suprême anciens et actuels tels qu'Anat Baron, Uzi Vogelman, son ancien partenaire du cabinet d'avocats Yoram Danziger et l'actuelle présidente de la Cour suprême Esther Hayut, aux côtés du chef du Mossad Yossi Cohen, avec lequel Klagsbald entretient une amitié étroite, comme cela a été récemment révélé dans un litige civil.


Un ouvrier d'une mine de cuivre en République démocratique du Congo. Photo Bloomberg

La liste des clients de Klagsbald commence par l'État d'Israël lui-même, qui l'a nommé médiateur dans la procédure d'arbitrage extrêmement complexe avec l'Iran concernant l'ancien oléoduc Eilat-Ashkelon, et s'étend au magnat usaméricain des casinos Sheldon Adelson, qui possède le journal gratuit Israel Hayom, au magnat du transport maritime et de l'automobile Rami Ungar - et semble se poursuivre indéfiniment. Considérons maintenant le chemin emprunté par l'argent sur la route qui mène du client Gertler à l'éminent avocat.

Boaz Ben Zur, qui a représenté Gertler ces dernières années, est un autre avocat de premier plan qui a reçu des paiements de la part de la société congolaise. Ben Zur représente également, entre autres, l'ancien président de l'Association du barreau israélien, Efi Naveh, et Miki Ganor, le principal suspect dans l'affaire de corruption présumée dans l'achat par Israël de navires de guerre à l'Allemagne. Entre avril et juin 2018, 427 000 € ont été transmis à Ben Zur depuis le compte congolais de Ventora Global Services.

L'avocat Eitan Maoz, l'avocat de la défense dans certaines des affaires judiciaires les plus notables d'Israël - ces dernières années, il a représenté le milliardaire Lev Leviev et le juge condamné Dan Cohen - figure également sur la liste des bénéficiaires de l'un des comptes d'Afriland de la société. En mai 2018, il a reçu 265 000 euros.

Un amendement de 2017 à la loi israélienne sur l'interdiction du blanchiment d'argent exige que les avocats et les praticiens d'autres professions remplissent un formulaire de « connaissance du client » et les oblige à examiner si le comportement du client donne lieu à un soupçon de blanchiment d'argent. Dans l'affirmative, ils doivent s'abstenir de fournir des services à ce client et, s'ils travaillent néanmoins avec lui, ils doivent expliquer leur décision par écrit et conserver la décision détaillée et signée dans leur cabinet. Les trois avocats soutiennent qu'ils ont respecté scrupuleusement ces directives et qu'ils ont signalé aux banques israéliennes que l'argent qu'ils avaient reçu provenait d'une société liée à Gertler.

Un document mis à la disposition de The Marker montre comment, dans un cas, un responsable de la conformité d'une banque israélienne a averti un client - un prestataire de services de Gertler - qu'une déclaration partielle ou mensongère constituait une infraction à la loi sur l'interdiction du blanchiment d'argent. Après avoir réfléchi à la question, le prestataire de services a déclaré que la source de l'argent était une société sous le contrôle effectif de Gertler. La banque israélienne a refusé d'accepter le transfert de fonds, car Gertler figure sur la liste des sanctions usaméricaines, et l'argent a été renvoyé à Kinshasa.

Un autre bénéficiaire du compte de Ventora Global Services est le stratège Ronen Zur, qui était le conseiller médiatique de Gertler jusqu'à récemment, et qui était conseiller de Benny Gantz, aujourd'hui [2020] premier ministre suppléant, lors des trois dernières campagnes électorales d'Israël. En avril-mai 2018, la société a envoyé 210 000 € en trois versements à la société de Zur, Zur Strategic Consulting and Campaign Management, à Ramat Gan.

Dans le monde haredi, Gertler est principalement connu comme un philanthrope, ou « nagid » (en hébreu, « prince » ou, dans ce cas, un mécène) et il est souvent mentionné de cette manière sur les sites de potins haredi. Les documents du Congo attestent d'importants transferts d'argent à des organisations à but non lucratif en Israël. Ainsi, 700 000 euros provenant du compte de Ventora Global Services ont été envoyés à une ONG appelée Morasha Veda'at. Des rapports antérieurs dans la presse haredi montrent qu'il s'agit d'un kollel - une yeshiva [école religieuse] pour les hommes mariés - à Bnei Brak, pour lequel Gertler a fourni des bourses d'études dans le passé. D'après les documents déposés par l'organisation auprès du registre israélien des ONG, quatre des cinq bénéficiaires des salaires les plus élevés sont les frères de Shlomo, quatre autres fils du rabbin David Abuhatzeira : Meir, Yehuda, Shimon et Yosef. Chacun d'entre eux est enregistré comme « chef de kollel », avec un salaire d'environ 200 000 shekels (49 000€) par an.

Le montant de 1,1 million d'euros a été envoyé du compte de Ventora Global Services à un autre organisme à but non lucratif, Savanu Metuvach, qui n'a été créé qu'au début de 2017 et qui, au cours de sa première année complète de fonctionnement, en 2018, a déclaré des revenus impressionnants de 12 millions de shekels (environ 2,9 millions d’€).


Dan Gertler. Photo Bloomberg

Selon les documents, 40 000 dollars ont été déposés par Mukonda, l'homme de confiance de Gertler, directement à la femme et aux trois filles de Pieter Deboutte, un citoyen belgo-congolais qui est l'un des associés d'affaires de Gertler et la seule autre personne nommée avec lui dans l'ordonnance de sanctions usaméricaine. Au cours de l'année 2018, 160 000 dollars supplémentaires en espèces ont été déposés, selon les documents, sur des comptes portant les noms de membres de la famille Deboutte, par les propriétaires du compte. Le même jour, 32 000 € ont été déposés sur le compte de Deboutte lui-même. Un associé de Deboutte a nié que de l'argent ait été déposé par Mukonda sur des comptes de la famille Deboutte.

L'avocat d’Avigdor Lieberman, le cabinet Weinstein

Depuis le compte de Ventora Global Services, 70 000 euros auraient été envoyés sur le compte de l'avocat Yoav Mani, jusqu'à il y a peu l'avocat du parti Yisrael Beiteinu et un confident de son leader, Avigdor Lieberman. Mani a été interrogé dans l'affaire des sociétés écrans lors de l'enquête tentaculaire menée contre Lieberman. Le rôle de Gertler dans cette affaire concerne un demi-million de dollars qui a atterri sur le compte d'une société étrangère appelée Mayflower, que la police soupçonnait d'appartenir à Lieberman, dont le chauffeur détenait officiellement les intérêts majoritaires dans cette société.

Dans son livre en hébreu intitulé « L’Affaire Avigdor Lieberman», l'avocate Avia Alef, qui dirigeait le département des crimes économiques au sein du ministère public et qui devait être la procureure dans cette affaire si elle avait été portée devant les tribunaux, affirme qu'un nombre considérable de documents relatifs à l'affaire Mayflower ont été saisis dans le bureau de M. Mani. Elle note que cela a entravé l'enquête sur les transactions commerciales de la société, car Mani a invoqué le secret professionnel pour ses deux clients, Gertler et Lieberman.

Il s'avère que Mani a continué à recevoir des paiements de Gertler et est resté le conseiller juridique de Yisrael Beiteinu jusqu'en mai 2018, date à laquelle l'argent lui a été envoyé. Lors d'une conversation avec The Marker, Mani a refusé de répondre à la question de savoir s'il avait signalé à sa banque que les sociétés de Gertler étaient la source de l'argent.

C'est le procureur général de l'époque, Yehuda Weinstein, qui a décidé en 2012 de clore l'enquête sur les sociétés écrans, invoquant le manque de preuves. M. Weinstein est aujourd'hui avocat privé au sein du cabinet Dror, Menchel et Weinstein, où sa fille Karin est associée. Il a rejoint le cabinet après avoir terminé ses fonctions de procureur général. L'ancien procureur général figure dans la correspondance du cabinet en tant que conseiller. Deux des associés du cabinet, Ophir Menchel et Ron Dror, sont également liés aux comptes d'Afriland First. Menchel a ouvert un compte dans la banque en 2018, en utilisant le numéro de téléphone de Dror sur les formulaires d'inscription.

Une enquête menée par The Marker révèle que le compte de Menchel était destiné à recevoir une commission d'un montant inconnu pour des services de conseil à Gertler. La tentative de transfert de fonds vers Israël a échoué, car une banque correspondante étrangère a refusé le transfert en raison des sanctions contre Gertler.

La décision de Weinstein de clore l'affaire des sociétés écrans en 2012 a probablement été la plus controversée de son mandat de procureur général. Il y a environ un an, Yair Netanyahu, le fils aîné du Premier ministre, a affirmé dans un tweet que Weinstein avait été nommé procureur général par le gouvernement de Benjamin Netanyahu en 2009, à la suite d'une demande formulée dans le cadre des négociations de la coalition par Lieberman, le principal suspect dans cette affaire à l'époque. L'allégation a ensuite été démentie par Lieberman, Weinstein et le père de Yair, Bibi himself.

L'image qui en ressort n'est pas agréable. Il apparaît que le cabinet dans lequel Weinstein et sa fille représentent 40 % des avocats (selon la liste du personnel du cabinet), représente la personne dont l'affaire a été classée par Weinstein.

 Photo Bloomberg

Les registres du compte Ventora Global Services montrent également des transferts d'argent à des prestataires de services en dehors d'Israël qui ont travaillé pour Gertler. Par exemple, des dizaines de milliers d'euros ont été transférés à la société de relations publiques Powerscourt, basée à Londres. Le cabinet d'avocats Mishcon de Reya, également basé à Londres, a reçu 130 000 euros.

Pris avec de l'argent liquide dans un avion

Fin 2017, avant que Mukonda ne fonde Ventora Global Services, il était enregistré en tant qu'administrateur de la société Ventora Development, qui portait le même nom et était précédemment constituée dans les îles Vierges britanniques sous le nom de Fleurette Mumi Holdings. La société a été placée sur la liste des sanctions du Trésor usaméricain, mais quelques jours avant la publication de la liste, elle a changé son nom en Ventora Development et s'est redomiciliée en RDC. Le compte de la société chez Afriland First n'a pas rencontré d'obstacles, malgré les sanctions, bien qu'il soit libellé en euros plutôt qu'en dollars.

Début 2018, Mukonda lui-même a déposé, selon les registres, 2,4 millions d'euros en espèces sur le compte de Ventora Development. Mukonda nie ces dépôts et affirme que les documents qui les attestent sont des faux. Dans les mois qui ont suivi, 20 millions d'euros supplémentaires ont été versés sur le compte de la société, provenant de diverses sources. Sur cette somme, environ 18 millions d'euros ont été reçus en rapport avec la mine de cuivre de Mutanda, dans le sud-est du Congo. Les paiements provenaient de Glencore, la vaste société internationale de matières premières qui exploite la mine de Mutanda. Glencore s'était engagée dans un contrat à verser aux sociétés de Gertler des redevances sur son activité minière. Lorsque les sanctions ont été imposées, Glencore a interrompu les paiements à Gertler pendant un trimestre, et Gertler a entamé une procédure judiciaire. Les parties ont finalement convenu que les redevances de 2,43 % provenant des ventes de la mine seraient versées en euros, et non en dollars, à Ventora Development, et c'est ce qui s'est produit, selon les documents.

Quelques semaines plus tard, le ministère usaméricain de la justice a annoncé qu'il ouvrait une enquête sur le comportement de Glencore dans l'industrie minière de plusieurs pays, dont la RDC.

Deux autres sociétés liées à Israël ont reçu des montants substantiels à la fois de Ventora Global Services et de Ventora Development. En 2018, les sociétés congolaises ont transféré 1,1 million d'euros à la société israélienne de tourisme Med Cruises, dont l'activité principale sont les croisières de plaisance, ainsi qu'une activité annexe de location d'avions privés. Selon des rapports publiés dans un certain nombre de colonnes de potins, Gertler a des liens sociaux avec la propriétaire de la société, Anat Samovsky, et a assisté au mariage de sa fille en 2015.

Une autre société qui a reçu des fonds des deux sociétés Ventora gérées par Mukonda est WayLawn, qui loue un avion privé et qui est constituée dans les îles Vierges britanniques. WayLawn a reçu des transferts de 227 000 € au cours du premier semestre 2018.

Le nom de la société est apparu dans la fuite des Panama Papers rapportée par le Consortium international des journalistes d'investigation. Les documents ont révélé que la société était auparavant sous le contrôle du milliardaire israélien Idan Ofer, qui est l'actionnaire majoritaire de l'Israel Corporation, anciennement la plus grande société holding d'Israël ; WayLawn entretenait son jet d'affaires. Cependant, la société et son avion ont été vendus en 2009 à deux sociétés étrangères qui sont également enregistrées dans des paradis fiscaux.

The Marker a pu confirmer que l'acheteur dans cette transaction était l'homme d'affaires Eytan Stibbe, un pilote de combat à la retraite qui avait autrefois à son actif le plus grand nombre d'avions ennemis abattus dans les forces armées israéliennes. Stibbe est l'un des fondateurs du groupe LR, qui a entretenu des liens étroits avec les autorités angolaises pendant et depuis la guerre civile des années 1990. (Stibbe a depuis quitté cette société).

 


Photo Bloomberg

Les deux transferts sont liés, comme TheMarker l'a découvert, à la location d'un avion privé pendant la période des sanctions usaméricaines. Selon une source dans l'entourage de Gertler, l'une des conséquences des sanctions a été l'immobilisation temporaire de son avion privé Bombardier, avec lequel il effectuait la liaison Israël-Congo. La source a indiqué que l'équipage de l'avion usaméricain avait démissionné peu après l'imposition des sanctions et qu'il avait fallu du temps pour trouver un nouvel équipage.

En juin 2018, Ventora Global Services a transféré une somme de 370 000 € sur le compte de l'Afriland Bank d'une société appelée BH Consulting. Le compte de BH Consulting était enregistré dans la banque avec un numéro de téléphone israélien attaché qui appartient à un certain Aharon Cohen. Cohen, un employé de Gertler, a été arrêté avec lui en novembre 2013 par des agents des douanes à l'aéroport Ben-Gourion après qu'ils eurent atterri dans l'avion privé de Gertler. Les deux hommes ont été pris en flagrant délit de tentative d'introduction d'argent liquide en Israël sans avoir déclaré les fonds aux autorités douanières. Ils transportaient 120 000 dollars dans six enveloppes en papier brun, chacune contenant 20 000 dollars. L'épisode s'est terminé par le paiement d'une amende par Gertler.

Les documents d'Afriland font état de dépôts en espèces sur les comptes de deux autres personnes proches de Gertler. Selon l'enregistrement, la sœur de Gertler, Keren, s'est rendue à deux reprises à l'agence Afriland First, fin 2018 et début 2019, déposant 885 000 € en deux fois sur un compte portant son nom. Une tentative de transfert de 800 000 € de ce montant sur le compte d'une société appelée Ivega DRC a échoué, et l'argent a été renvoyé sur son compte, selon les documents.

Le deuxième associé est l'entrepreneur en bâtiment Zahi Abou, basé à Ashdod, qui a récemment fait la une des journaux en achetant au magnat Yitzhak Tshuva les terminaux de distribution d'essence de Delek Israel à Glilot, Jérusalem, Ashdod et Be'er Sheva. Les terminaux, qui couvrent une superficie totale de plusieurs centaines de dounams, ont été vendus pour 720 millions de shekels (environ 174 millions d’€). En mars 2018, 4,2 millions d'euros ont été déposés sur un compte portant le nom d'Abou. L'argent a ensuite été transféré en Israël, dont une partie à Otzar Group Investments, dans lequel il détient une participation majoritaire. Abou est ensuite devenu un partenaire commercial de la mère de Gertler, Hannah Gertler. L'une de leurs sociétés communes est Nofech Urban Renewal, qui promeut un grand projet de construction à Ashdod.

L'argent va et vient

On peut raisonnablement supposer qu'au moment où le Trésor usaméricain se penchera sur l'activité inhabituelle des liquidités découlant des documents de l'Afriland Bank, les actions des associés du roi du cobalt de Bnei Brak se seront déplacées vers une autre banque.

Un phénomène intéressant qui ressort des documents est le mouvement de l'argent - dans un sens et dans l'autre - vers la même personne : L'un des associés de Gertler se rend à la banque d'Afriland, effectue un prétendu dépôt en espèces sur un certain compte, puis récupère une partie de l'argent de différentes manières.

Nous avons commencé par le cas de Shlomo Abihassira, le fils du kabbaliste de Nahariya, qui a déposé, selon les registres, 19 millions de dollars en espèces, dont 17 millions ont été versés sur le compte d'une nouvelle société congolaise appelée RDHAGD. Ainsi, avec deux autres millions de dollars qui ont été enregistrés comme déposés en espèces sur le compte de la société par une personne dont l'identité n'est pas révélée par les documents, RDHAGD disposait de 19 millions de dollars sur son compte à partir de mars 2018.

Selon les documents, le montant total de 19 millions de dollars a été transféré un matin d'août 2018 à une personne nommée Kalondo Kabamba. Selon les documents, le même jour, le 14 août, Abihassira a transféré 2 millions de dollars de son compte privé Afriland vers un compte portant le nom de Kabamba. Au total, Kabamba aurait donc reçu 21 millions de dollars. Le même jour, il a été enregistré que Kabamba avait déposé exactement le même montant de 21 millions de dollars en espèces sur le compte d'une société appelée Dorta Invest. De cette manière, l'argent, qui provenait d'Abihassira, a été transféré dans une nouvelle poche. Entre le 4 et le 6 septembre, les documents montrent qu'Abihassira a reçu environ 8 millions de dollars du compte Dorta en trois versements.

Le mouvement d'argent d'une poche à l'autre a également été enregistré dans le cas d'Alain Mukonda ; 2,1 millions d'euros de l'argent qu'il aurait déposé sur le compte de Ventora Global Services lui ont été restitués en juillet de la même année.

Dan Gertler, alias Kash Dan, et Joseph Kabila, alias JKK, alias Shina Rambo (surnom d'un célèbre chef de bande sanguinaire nigérian), vus par le caricaturiste congolais Themb Kash

Kabamba, l'homme qui est enregistré comme déposant de l'argent sur le compte de Dorta, semble, d'après les documents, être un autre convoyeur de fonds, lié à différents transferts aux associés de Gertler. Selon les documents, en août 2018, il a commencé à effectuer des dépôts sur le compte Dorta pour des montants commençant à 900 000 dollars. Au début de l'année 2019, il aurait déposé environ 32 millions de dollars sur le compte de la société, auxquels se sont ajoutés 27 millions de dollars au cours de la même période provenant de diverses sources. Une partie de l'argent, soit 9,3 millions de dollars, a été envoyée, selon les documents, à une société appelée K-Services, qui est constituée à Hong Kong. De là, toute trace a été perdue.

L'une des raisons possibles de ces mouvements d'argent est que tant que l'argent est en mouvement, il est difficile de le saisir ou d'en retrouver la trace. Et si telle est la logique, on peut raisonnablement supposer qu'au moment où le département du Trésor usaméricain se penchera sur l'activité inhabituelle de l'argent liquide qui découle des documents de l'Afriland Bank, les actions des associés du roi du cobalt de Bnei Brak se seront déplacées vers une autre banque.

Gertler : « Les documents sont volés et fabriqués »

La réponse de Dan Gertler est la suivante : « Il s'agit d'un rapport sans fondement. Nos enquêtes montrent que votre journal est en possession de documents volés, dont une grande partie a été fabriquée. La fabrication concerne les dépôts en espèces, qui sont au cœur de la plainte contre M. Gertler et constituent en fait la prémisse de l'article. Il existe des preuves concluantes montrant que les personnes auxquelles les dépôts en espèces ont été attribués (c'est-à-dire Mukonda et Shlomi Abihassira) ne se trouvaient pas au Congo aux dates présumées des dépôts. Ces preuves s'ajoutent à d'autres, notamment des pages de comptes authentiques, des examens médico-légaux de signatures, etc. Tous ces éléments indiquent que les allégations concernant des dépôts en espèces effectués pour échapper aux sanctions sont sans fondement ».

La réponse précise également que « tous les paiements aux prestataires de services ont été effectués en euros, conformément à la loi ». « La publication de l'article donnera lieu à des poursuites judiciaires - en Angleterre et en Israël - qui refléteront l'immense préjudice causé à M. Gertler, à son nom et à ses entreprises. Le préjudice est estimé à des dizaines de millions de livres ».

Shlomo Abihassira a répondu : « Bien que M. Gertler soit un ami de ma famille, que je connais depuis ma jeunesse, nous n'avons pas de relations d'affaires et nous n'en avons jamais eu. Je n'ai jamais effectué de dépôts en espèces auprès d'une société ou d'un compte de l'Afriland Bank. Je n'ai jamais entendu parler d'une société appelée Interactive Energy. Je n'ai rien à voir avec vos affirmations concernant Kalondo Kabamba, que je ne connais pas. L'information concernant le transfert d'argent liquide à la société Dorta Invest est incorrecte. Des paiements ont été effectués par RDHAGD à Dorta conformément au contrat conclu entre les deux, mais pas en espèces. De plus, j'ai reçu un prêt de Dorta dans le but de développer les activités de RDHAGD, mais ce prêt a été remboursé par la suite. Contrairement à ce que vous affirmez, ces transferts n'ont pas été effectués en espèces. Tous les paiements reçus ont été déclarés comme l'exige la loi en Israël et au Congo. Les questions qui me sont adressées indiquent un vol d'informations bancaires confidentielles et une atteinte à la vie privée. Par ailleurs, certaines questions indiquent que les documents que vous possédez comportent des distorsions et des données falsifiées ».

Alain Mukonda a répondu : « Contrairement à ce que vous affirmez, je n'ai pas déposé d'argent liquide sur les comptes de l'Afriland Bank. A certaines des dates que vous mentionnez, je n'étais même pas au Congo.

« Je n'ai pas déposé d'argent sur les comptes de Ventora Global ou Ventora Development, de Pieter Deboutte ou de Shlomo Abihassira, et je n'étais pas au courant que ce dernier avait déposé des fonds sur les comptes liés à Gertler.


Une mine de cuivre en RDC. Photo Bloomberg

« La restructuration de l'entreprise a été planifiée et a commencé à être exécutée, y compris la délocalisation des activités, avant l'imposition des sanctions, dont je n'ai pas été averti, pas plus que d'autres membres de l'entreprise.

« La restructuration n'avait rien à voir avec les sanctions. Elle visait à relocaliser les différentes entreprises en RDC, où elles étaient basées, ce qui signifiait également que les impôts qu'elles payaient seraient versés à la RDC.

« Greco SAS n'appartient pas à Gertler et à sa famille. Le paiement lié à la mine de Mutanda était légitime, il a été effectué en euros et conformément aux obligations contractuelles après le règlement des procédures judiciaires. Les paiements ont été effectués dans le respect des sanctions applicables. Tous les paiements aux entreprises ont été effectués sur la base de factures et dûment comptabilisés dans les comptes des entreprises concernées, pour des services qui ont effectivement été fournis.

Une réponse a été donnée au nom de Zahi Abou : « Le document sur lequel se fonde votre demande est faux. L'activité commerciale de M. Abou au Congo était et reste légale, elle a été déclarée à toutes les autorités compétentes conformément à la loi et n'a aucun lien avec M. Gertler. M. Abou est un homme d'affaires de premier plan innocent et il est victime d'un effort de pression de la part de TheMarker, dont le but est d'extorquer des informations sur d'autres personnalités ».

Aharon Cohen a répondu : « La société BH était ma propriété exclusive. La société a reçu un prêt légal de VENTORA. Le prêt a été remboursé intégralement après quelques mois, avant la fin de l'année 2018. La société a été fermée avant la fin de l'année 2018. Les fonds ont été reçus en euros. En ce qui concerne l'incident d'avion que vous avez mentionné, j'ai été questionné et non interrogé. À la fin du processus, il est apparu clairement que je n'avais pas enfreint la loi et que je n'avais pas payé d'amende. »

Le cabinet Dror, Menchel & Weinstein a répondu : « Nous n'abordons pas les questions liées aux clients, mais nous notons que l'ancien procureur général Yehuda Weinstein et l'avocate Karin Weinstein ont rejoint notre cabinet longtemps après qu'il a commencé à représenter M. Gertler ».

La société Waylawn a répondu : « Les entreprises qui utilisent des avions privés demandent parfois à utiliser des avions privés contre remboursement des frais. Il est raisonnable de supposer que dans ce cas également, une demande d'utilisation d'un avion pour un vol vers l'Afrique a été faite en échange d'un paiement. Si la compagnie avait su que la source faisait l'objet d'un boycott, l'avion n'aurait pas été loué ».

Med Cruises a répondu : « Nous n'avons aucune information sur les affaires de Gertler ou sur le dépôt de fonds comme le prétend l'article. Med Cruises fournit des services de vol et d'accueil à certaines des sociétés de Gertler. La société opère en conformité avec la loi. Toutes les dépenses et tous les services fournis par la société sont enregistrés dans les livres de la société et sont entièrement soutenus de manière légale par des factures (si des chiffres officiels nous demandaient de le prouver, nous le ferions) ».

Le bureau d'Eitan Maoz a répondu : « Comme tout paiement que nous recevons, les frais mentionnés dans votre demande ont été déclarés à la banque précisément comme un paiement effectué pour la représentation juridique de M. Dan Gertler. Le paiement en question a été soumis à toutes les procédures de conformité et a été approuvé par la banque et ses conseillers juridiques conformément à la loi. »

Le bureau de Klagsbald & Co. a répondu : « Depuis 2010, nous représentons Dan Gertler dans diverses procédures judiciaires. Au cours de quelques mois en 2018, la société congolaise Ventora Global Services a payé à notre bureau une partie des honoraires de M. Gertler. Lors de la réception du premier paiement de la société susmentionnée, nous avons informé la banque que les fonds correspondaient aux honoraires de M. Gertler. Nous avons donné à la banque tous les détails nécessaires concernant les honoraires et les paiements. Nous avons également fourni à la banque tous les détails qu'elle nous a demandés concernant les honoraires et les paiements. En outre, nous avons répondu aux questions posées par la banque, notamment sur les liens entre M. Gertler et l'entreprise. Ces faits sont étayés par des documents qui sont en notre possession ».

L'avocat Boaz Ben Zur a répondu : « Notre cabinet représente M. Gertler depuis des années. Tout paiement, sans exception, reçu par le cabinet est payé pour un service juridique qui a été fourni. Les détails, y compris le bénéficiaire final, s'il y en a un, sont communiqués à la banque dans leur intégralité. »

Zur Communications a répondu : « Nous ne pouvons pas nous prononcer sur le montant des frais. Les autorités ont reçu tous les détails et toutes les informations requises par la loi en ce qui concerne le recouvrement de la dette. »

Les ONG Savanu Metuvach et Morasha Veda'at, l'avocat Yoav Mani et la famille Deboutte n'ont pas fait de commentaires.


NdT

Lire sur le même thème : 

➤Congo-Palestine : d’un génocide l’autre
De Mobutu à Tshisekedi, de Golda Meir à Netanyahou

Pour en savoir plus, lire

➤En RDC, une proposition à 300 millions de dollars pour Dan Gertler?
RFI,  18/06/2024
Selon le quotidien britannique Financial Times, un accord serait en négociation entre Washington et l’homme d’affaires israélien. Celui-ci lui permettrait, alors que Dan Gertler est actuellement sous sanctions américaines, de vendre ses actifs congolais à Kinshasa pour environ 300 millions de dollars et d’avoir à nouveau accès au marché financier américain.
Des milliards perdus: Enquête financière sur les transactions de Dan Gertler dans le secteur extractif, RAID, 12/5/2021

146 organisations condamnent le procès intenté par Dan Gertler contre la coalition anti-corruption Le Congo n’est pas à vendre, RAID, 17/4/2023
➤Autres articles sur les Dossiers Congo de Dan Gertler

 

 

30/07/2024

JEREMY SCAHILL
Israël croit-il vraiment qu’il peut gagner une guerre contre le Hezbollah ?
Entretien avec Amal Saad Ghorayeb

Amal Saad Ghorayeb, spécialiste du mouvement de résistance libanais, estime qu’une guerre totale pourrait entraîner la chute d’Israël

Jeremy Scahill, Drop Site News, 30/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 


Un discours de Hassan Nasrallah du Hezbollah est diffusé à Téhéran, le 3 novembre 2023. Photo : Morteza Nikoubazl/NurPhoto via Getty.

Lundi, les vols à l’aéroport de Beyrouth ont été annulés, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ayant promis de mener une attaque militaire “sévère” contre le Liban, à la suite de l’attaque meurtrière de samedi contre une communauté druze syrienne dans la ville de Majdal Shams, située dans le Golan occupé par Israël. L’horrible incident a tué 12 enfants sur un terrain de football.

Israël et les USA ont immédiatement accusé le Hezbollah d’avoir frappé la ville avec une roquette Falaq-1 lancée depuis le Sud-Liban. Le Hezbollah a nié être à l’origine de l’attaque et le gouvernement libanais et lui-même ont demandé aux Nations unies de mener une enquête indépendante.

La manière dont les responsabilités de cet incident se sont publiquement manifestées se prête à des théories divergentes. Plus tôt dans la journée de samedi, le Hezbollah avait annoncé qu’il avait lancé une série d’attaques contre des installations militaires israéliennes situées à proximité, en représailles à la mort de quatre combattants du Hezbollah lors d’une frappe aérienne israélienne contre le Sud-Liban. Lorsque la nouvelle des morts survenues sur le terrain de football a commencé à être connue, le Hezbollah a rapidement publié un communiqué indiquant qu’il n’avait « aucun lien avec l’incident [de Majdal Shams] et qu’il démentait catégoriquement toutes les fausses allégations ». Le Hezbollah a affirmé qu’un missile d’interception du Dôme de fer israélien avait manqué sa cible et touché la ville. Israël a affirmé avoir identifié le commandant du Hezbollah à l’origine de la frappe.

« Malgré les dénégations [du Hezbollah], il s’agit de leur roquette, elle a été lancée depuis une zone qu’ils contrôlent », a déclaré lundi John Kirby, porte-parole de la Maison Blanche chargé de la sécurité nationale.

Depuis samedi, Netanyahou et d’autres hauts responsables israéliens ont utilisé les morts survenues sur le plateau du Golan pour justifier, à titre préventif, une attaque de plus grande envergure contre le Liban. « Nous sommes tous druzes », proclamait samedi un message sur le compte Twitter/X officiel de l’État d’Israël. « Ces enfants sont nos enfants », a déclaré Netanyahou lors de sa visite à Majdal Shams lundi, bien que la grande majorité des quelque 20 à 25 000 résidents druzes du Golan occupé aient rejeté la citoyenneté israélienne et aient régulièrement protesté contre les guerres et les politiques d’Israël. Aucune des 12 victimes n’avait la nationalité israélienne. « Israël ne laissera pas et ne pourra pas laisser passer cela », a déclaré Netanyahou. « Notre réponse viendra, et elle sera sévère ».

Une foule d’habitants s’est rassemblée pour affronter Netanyahou, scandant parfois en hébreu qu’il devait s’en aller. D’autres ont scandé « Tueur ! Tueur ! » et ont accusé Netanyahou de venir « danser sur le sang de nos enfants ». Certains habitants ont déclaré aux journalistes qu’ils ne voulaient pas être utilisés par l’un ou l’autre camp pour alimenter une guerre entre Israël et le Hezbollah et se demandaient pourquoi l’un ou l’autre attaquerait leur ville.

Les familles des victimes de Majdal Shams ont refusé de rencontrer. Netanyahou, selon Ha’aretz. La visite a été soumise à la censure des médias jusqu’à ce que Netanyahou quitte la ville. Ronen Bar, le directeur de l’agence de renseignement Shin Bet, accompagnait Netanyahou lors de ce voyage et le ministre de la défense Yoav Gallant s’était rendu sur le site un jour plus tôt.

Israël a occupé pour la première fois de larges portions de la région du Golan, dans le sud-ouest de la Syrie, en 1967 et a officiellement annexé le plateau du Golan en 1981. En vertu du droit international, il reste un territoire syrien. En 2019, le président Donald Trump a inversé des décennies de politique usaméricaine et a officiellement reconnu le plateau du Golan comme territoire israélien. Aucun autre pays n’a fait de même.

Bien que les dirigeants de la communauté de Majdal Shams aient demandé par écrit qu’aucun fonctionnaire israélien n’assiste aux funérailles, le ministre des finances d’extrême droite, Bezalel Smotrich, et une poignée d’autres fonctionnaires israéliens se sont présentés dimanche aux funérailles de 10 des victimes. Les personnes en deuil les ont chassés et ont exigé qu’ils partent. Certains ont dénoncé Smotrich comme étant un “meurtrier”.

La montée en puissance de l’Axe de la Résistance introduit une série d’autres forces qui pourraient rejoindre le Hezbollah dans une guerre contre Israël.

L’administration Biden-Harris, tout en affirmant publiquement qu’Israël serait justifié d’attaquer le Liban en réponse à l’incident de Majdal Shams, a affirmé qu’elle ne voulait pas d’un conflit régional plus large ou d’une guerre à grande échelle entre Israël et le Liban. Lors d’une conférence de presse, Kirby a déclaré qu’il était “exagéré” de parler d’une guerre plus large, ajoutant : « Je suis convaincu que nous serons en mesure d’éviter une telle issue ». Le Hezbollah et Israël ont tous deux mené des frappes militaires depuis les attaques du 7 octobre 2023 menées par le Hamas, mais jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’escalade qui ait déclenché le type de batailles terrestres et aériennes qui avaient eu lieu en 2006, lorsqu’Israël et le Hezbollah s’étaient livrés une guerre de 34 jours.

Depuis samedi, Israël a lancé une série d’attaques contre le Sud-Liban, lesquelles ont cependant été d’une ampleur similaire à celle des frappes précédentes au cours des dix derniers mois. Dimanche, Gallant a déclaré : « Le Hezbollah paiera cher pour ça ».

Alors que le régime de Netanyahou n’a cessé de menacer de guerre le Liban au cours des dix derniers mois, et plus particulièrement le Hezbollah, de nombreux analystes régionaux de premier plan estiment qu’une telle action entraînerait une catastrophe pour Israël, tant sur le plan militaire que sur le plan politique. Le Hamas et le Jihad islamique palestinien, des groupes beaucoup moins sophistiqués et armés, ont réussi à mener une insurrection de près de dix mois contre les forces terrestres israéliennes à Gaza, tout en subissant des bombardements soutenus avec des armes fournies par les USA.

L’Iran a également manifesté sa volonté d’attaquer Israël. La montée en puissance de l’axe de la résistance, qui, outre l’Iran, comprend Ansar Allah (les Houthis) au Yémen, le Hamas et le Jihad islamique palestinien, ainsi que le gouvernement syrien et la Résistance islamique en Irak, introduit un éventail d’autres forces qui pourraient se ranger du côté du Hezbollah dans une guerre contre Israël.

J’ai discuté de tout cela aujourd’hui avec Amal Saad Ghorayeb, l’une des principales expertes du Hezbollah et de l’axe de la résistance. Elle enseigne les relations internationales et la politique à l’université de Cardiff, au Royaume-Uni, et est l’auteure de Hizbu’llah : Politics and Religion et The Iran Connection : Understanding the Alliance with Syria, Hizbu’llah and Hamas. Elle se trouve actuellement au Liban.

Mon entretien avec Amal Saad Ghorayeb ci-après.

Jeremy Scahill : Vous avez laissé entendre que vous ne pensiez pas que le Hezbollah était derrière cet attentat dans le Golan syrien occupé.

Amal Saad Ghorayeb : Oui. J’ai donc dit qu’il était très peu probable que le Hezbollah soit derrière cet attentat, et pas seulement parce qu’il a fait une déclaration. Oui, c’était inhabituel, et c’était la première fois qu’il faisait une telle déclaration - je ne sais pas si c’était pour toujours - mais il n’avait pas fait une telle déclaration depuis le 8 octobre [lorsque le Hezbollah avait annoncé qu’il s’engagerait dans des frappes de “solidarité” contre Israël en soutien aux attaques du 7 octobre menées par le Hamas]. Cela indique donc, de toute évidence, la gravité de la situation et le fait que le Hezbollah nie toute responsabilité dans l’attaque.

Mais au-delà de cela, sur la base de la logique et des précédents, etc. Tout d’abord, cette ville, Majdal Shams, n’est pas un territoire israélien. C’est un territoire syrien occupé et ses habitants sont des Druzes syriens. La majorité d’entre eux ont refusé de prendre la nationalité israélienne et de servir dans l’armée. Ils sont de fervents partisans de l’axe de la résistance. Ils ont soutenu le gouvernement de Bachar al Assad en Syrie. Ils ont soutenu le Hezbollah et le Hamas. Il serait donc extrêmement absurde que le Hezbollah attaque ses propres alliés.

Au-delà de cela, je ne pense pas que le Hezbollah attaquerait des civils israéliens de manière délibérée. Il ne les attaquerait pas parce que cela conduirait à une guerre totale. C’est très, très provocateur. Et je sais que [le secrétaire général du Hezbollah, Hassan] Nasrallah a récemment menacé Israël de telles représailles, en disant que si vous continuez à cibler nos civils, nous devrons faire la même chose. Mais même dans ce cas, je ne pense pas que le Hezbollah chercherait des civils et les massacrerait de la sorte. Il ciblerait probablement des objets civils, ce qui est très différent de cibler des civils, et nous n’avons pas encore vu cela, pour être honnête. Nous n’avons pas vu de véritables victimes civiles en Israël [à la suite d’attaques du Hezbollah] - il y en a eu très peu. Sur la base de ces facteurs, je pense donc qu’il est très peu probable qu’il s’agisse d’une frappe délibérée.


Mohamed Afefa, Palestine [Majdal Shams signifierait "La Tour du Soleil" en araméen, shams sognifiant soleil en arabe]

JS : Il semble que les théories dominantes soient les suivantes : soit il s’agit d’un tir erroné ou d’une erreur de la part du Hezbollah, soit il s’agit d’une défaillance du système Dôme de fer israélien et l’une des munitions israéliennes a touché le terrain de football. J’ai aussi vu des gens suggérer qu’il s’agissait d’une fausse bannière, qu’Israël avait intentionnellement frappé la ville et qu’ils voulaient rejeter la faute sur le Hezbollah.

ASG : Il y a plusieurs théories, mais je pense que celle qui est moins une théorie et plus empirique est qu’il s’agit d’un missile d’interception israélien qui a raté son tir, qui essayait d’intercepter une roquette qui arrivait. Et je dis qu’il y a des preuves empiriques parce que sur les chaînes de télévision arabes, et bien sûr, nous n’avons pas vu cela dans les médias occidentaux, mais nous avons vu plusieurs reportages de témoins oculaires qui ont dit qu’ils avaient effectivement vu ce missile d’interception du Dôme de fer frapper la cible. Une correspondante a déclaré qu’un secouriste israélien le lui avait dit, mais qu’il n’avait pas pu le dire à l’antenne sous peine d’être arrêté. Il y a donc eu plusieurs rapports de ce type, et cela semble être l’explication la plus probable.

Mais il est également possible que d’autres groupes [de résistance anti-Israël] soient à l’origine de cet acte. Le Hezbollah n’est pas le seul à combattre Israël. Depuis qu’il a créé ce soi-disant front de solidarité, il y a eu plusieurs autres groupes, certains laïques, d’autres islamistes. L’un d’entre eux est, par exemple, Jamaa Al-Islamiya, le groupe islamique [sunnite libanais], qui a été impliqué récemment dans ces frappes transfrontalières. Et ses membres ont souvent été pris pour cible par Israël. Il est donc possible qu’ils aient touché cette cible par erreur. S’il s’agit d’un autre groupe, c’est évidemment une erreur. Il ne s’agissait pas d’une cible délibérée pour qui que ce soit.

JS : S’il s’agit d’une erreur de tir du Hezbollah, existe-t-il un précédent dans lequel le Hezbollah aurait pris la responsabilité de tuer des civils par inadvertance ?

ASG : Oui, c’est une bonne question parce qu’en 2006, il y a eu un incident de ce genre pendant la guerre de juillet, lorsqu’une roquette du Hezbollah a atterri par erreur dans une ville palestinienne. Non seulement le Hezbollah a publié une déclaration dans laquelle il assumait sa responsabilité et présentait ses excuses, mais Nasrallah lui-même s’est excusé personnellement à la télévision et a présenté ses condoléances à la famille de la victime. [Lors de cet incident, des roquettes du Hezbollah ont tué deux enfants arabes à Nazareth. « En mon nom et au nom de mes frères, je présente mes excuses à cette famille », avait déclaré Nasrallah lors d’une interview diffusée sur Al Jazeera. « Bien sûr, le mot “excuses” n’est pas suffisant. J’en porte l’entière responsabilité. Ce n’était pas du tout l’intention »]. Le Hezbollah a donc l’habitude de revendiquer sa responsabilité, d’admettre de telles erreurs. Et je pense que cela donne plus de crédibilité à son argument, ou plutôt à son affirmation, qu’il n’était pas derrière tout cela.

Je pense qu’un autre point que nous devons examiner est le moment choisi pour le faire. La semaine dernière, le Hezbollah a diffusé la troisième d’une série de vidéos filmées par des drones. Il surveillait une base militaire spécifique au-dessus d’Israël et menaçait Israël de prendre cette base militaire pour cible. Dans les vidéos précédentes, le Hezbollah menaçait d’autres cibles, non seulement militaires, mais aussi civiles. Pourquoi le Hezbollah aurait-il fait tout cela pour dissuader Israël de le frapper, si c’est pour le provoquer quelques jours plus tard avec cette vidéo ? Cela n’a absolument aucun sens, car le Hezbollah sait qu’Israël, s’il a décidé de lancer une guerre totale, si cette décision a été prise, et nous supposons tous que ce n’est pas un scénario probable, mais il y a toujours une possibilité qu’une telle décision ait été prise. Si c’est le cas, pourquoi le Hezbollah voudrait-il donner à Israël des munitions pour poursuivre l’escalade ? Même si ce n’est pas pour lancer une guerre totale, mais pour poursuivre l’escalade contre lui-même, cela n’a absolument aucun sens. L’objectif de cette vidéo était de dissuader une telle attaque. Il est donc absurde qu’elle soit délibérément prise pour cible.

Pourquoi le Hezbollah aurait-il fait tout cela pour dissuader Israël de le frapper, si c’est pour le provoquer quelques jours plus tard avec cette vidéo ?

Maintenant, revenons à la question de savoir s’il s’agissait d’une erreur. Vous savez, certains ont dit que le Hezbollah, quelques secondes plus tôt, avait publié un communiqué dans lequel il se déclarait responsable d’avoir frappé quelque chose dans le Golan, à 3 km de Majdal Shams. J’ai essayé d’aller au fond des choses. C’est très difficile à dire, mais il est peu probable qu’ils se soient trompés de si loin. J’ai parlé à des experts militaires qui - et je pense que c’est beaucoup plus convaincant - ont dit que s’il s’agissait du [missile] Falaq-1, parce que le Hezbollah a utilisé le Falaq-1 pour frapper la cible qu’ils ont annoncée dans la déclaration, une brigade israélienne. S’ils avaient utilisé le Falaq-1, nous aurions vu un cratère beaucoup plus grand, et le cratère était beaucoup plus petit que ce que l’on pourrait attendre d’une ogive aussi lourde, qui pèse 53 kilos. Le cratère aurait été beaucoup plus grand et les destructions auraient été beaucoup plus importantes.

JS : Pourquoi alors Israël est-il si prompt à s’emparer de cette affaire et à accuser le Hezbollah ? Croyez-vous vraiment qu’Israël souhaite une guerre totale avec le Hezbollah ?