Ayman El Hakim, 29/1/2025
Cette fois-ci sera la bonne : en 2017, la nomination par Mike Pompeo de J Peter Pham comme Secrétaire d'État assistant aux Affaires africaines de Trump I avait été bloquée au Sénat par James Inhofe (Oklahoma), un défenseur acharné des droits du peuple sahraoui, qui avait invoqué la proximité du candidat avec le Makhzen marocain. Depuis, Inhofe a quitté le Sénat en 2023 et notre bas monde en juillet 2004. Il ne devrait donc plus y avoir d’obstacle à la nomination du Révérend chanoine Pham, 55 ans. Ci-dessous son curriculum, qui a de quoi donner le vertige.
J Peter Pham, célèbre pour les nœuds papillon qu’il arbore en toutes occasions, est arrivé à l’âge de 5 ans aux USA, où sa famille, liée au régime sud-vietnamien, avait fui après la chute de Saïgon. Il a effectué un double cursus d’études.
Après avoir obtenu une licence en
économie à l'université de Chicago, Pham s'est orienté vers la prêtrise et a
finalement obtenu un doctorat, rédigeant sa thèse de doctorat en théologie
systématique à l'université pontificale grégorienne de Rome (université jésuite
fondée en 1551 par Ignace de Loyola), sur la théologie de Hans Urs von
Balthasar. Chercheur postdoctoral à l'Académie pontificale ecclésiastique,
il a été diplomate au Vatican et assistant du Vicaire général de Sa Sainteté au
Vatican et du président du Conseil pontifical pour la justice et la paix. Il a ensuite
rejoint la faculté du Centre des sciences sociales libérales et appliquées de
la JMU, l'université James Madison à Harrisburg (Virginie).
En 1995, Pham est ordonné prêtre
de l’église épiscopalienne (catholiques anglicans) et exercera son ministère à
l’église Saint-Paul de Washington, située dans la K Street, qui est au lobbying
ce que Wall Street est à la finance, vu qu’elle est le siège de nombreuses
firmes de lobbying, cabinets d’avocats et think tanks.
Nommé en août 2004 professeur associé en études de justice (sic) à la JMU, il y devient ensuite professeur de sciences politiques et d’« Africana Studies » et directeur du Nelson Institute for International and Public Affairs, dissertant sur le Libéria, les relations entre Taiwan et la Chine et la terreur islamiste au Moyen-Orient, bien qu'il n'ait aucune qualification reconnue dans ces domaines.
Il se retrouve progressivement
dans des postes de responsable dans une série d’organismes, tous liés au Parti
républicain, notamment l’Acton Institute for the Study of Religion and Liberty,
qui regroupe des catholiques libertariens, l’Atlantic Council, la Fondation
pour la défense des démocraties et quelques autres.
En 2018, après son rejet comme secrétaire
d’État assistant aux Affaires africaines, Pompeo le nomme Envoyé Spécial US pour
la Région des Grands Lacs, avec rang d’ambassadeur, jusqu’en 2020, puis Envoyé
Spécial pour la Région du Sahel africain jusqu’en 2021. En 2022, il a été élu
membre de l’Académie diplomatique américaine.
Peter Pham a fait partie du
groupe consultatif supérieur du Commandement militaire US pour l'Afrique
(USAFRICOM) de 2008 à 2013 et est conseiller principal du Krach Institute for
Tech Diplomacy à l'Université de Purdue. Depuis 2015, il est membre du conseil
d'administration du Smithsonian National Museum of African Art à Washington,
DC, dont il a été le vice-président (2016-2021) et dont il préside le comité
des finances depuis 2022.
Le Révérend Pham a publié un
nombre invraisemblable d’articles, d’essais et de livres sur tous les sujets
possibles, de la doctrine sociale de l’Église au Liberia, la Sierra Leone, la
Somalie et, last but not least, le Sahara occidental. Nous avons choisi
de traduire son essai sur ce sujet [cliquer sur l'image en fin d'article], datant de 2010, qui donne
une très bonne idée de ce à quoi les Sahraouis, les Marocains, les Mauritaniens
et les Algériens peuvent s’attendre de la part de l’administration Trump II.
Plus makhzénien que Pham, tu meurs !
Pour conclure ce portrait, nous
présentons le quatrième volet du personnage, le volet business. En
effet, notre bon chanoine n’est pas seulement prêtre, universitaire et diplomate.
Il est aussi businessman, comme tout bon politicien usaméricain.
Business
J Peter Pham est actuellement
directeur non exécutif d'Africell Global Holdings et de Rainbow Rare Earths,
président non exécutif de HPX et conseiller stratégique de dClimate, bitt et de
quelques autres entreprises.
Africell Global Holdings
La compagnie, fondée en 2000 et dirigée
par le Libano-Américain Ziad Dalloul, est comme il se doit domiciliée sur l’île
britannique de Jersey, petit paradis fiscal dans le Channel. C’est une des
entreprises de téléphonie mobile à la croissance la plus rapide, avec plus de
11 millions d’abonnés en Gambie, Sierra Leone, RDC, Angola et Ouganda.
Rainbow Rare Earths
Le phosphogypse (parfois abrégé
en PG) est un gypse non naturel, déchet industriel, issu du traitement
industriel des minerais calciques fluorophosphatés utilisés pour la fabrication
de l'acide phosphorique et des engrais phosphatés. De Salonique au Guadalquivir
en passant par la Tunisie, l’Afrique de Sud et le Brésil, des centaines de
millions de tonnes de ce résidu radioactif s’entassent, constituant une menace
grave pour l’environnement. L’entreprise Rainbow Rare Earths, cotée à la Bourse
de Londres, est engagée dans deux sites, Phalaborwa en Afrique du Sud et
Uberaba au Brésil, où elle expérimente un procédé -qu’elle présente comme
« écologique » - consistant à extraire des oxydes de terres rares de
ce phosphogypse. Selon Rainbow, « ce devrait permettre de produire des
oxydes de terres rares séparés par le biais d'une seule usine
hydrométallurgique sur le site, en se concentrant sur la récupération du
néodyme, du praséodyme, du dysprosium et du terbium. Il s'agit de composants
essentiels des aimants permanents à haute performance utilisés dans les
véhicules électriques, les turbines éoliennes, la défense et de nouveaux
marchés passionnants tels que la robotique et la mobilité aérienne
avancée ».
dCLIMATE
C’est une entreprise de collecte
et d’exploitation de données climatiques permettant de naviguer sur le marché
des émissions de carbones et fournissant ce qui s’appelle « climate
intelligence » (renseignement climatique), permettant entre autres
d’évaluer les risques. dClimate se présente ainsi : « dClimate est un
réseau décentralisé d'infrastructures de données climatiques qui transforme la
façon dont les applications technologiques climatiques sont mises en œuvre pour
favoriser un avenir résilient. » Son slogan publicitaire : « Libérer
la puissance des données climatiques pour un avenir durable ». Pham siège
au conseil consultatif de l’entreprise aux côtés de Mark Cuban,
« investisseur, entrepreneur, star de l'émission Shark Tank sur ABC,
propriétaire de l’équipe des Dallas Mavericks de la NBA (National Basketball
Association) », de « SergeyNazarov, cofondateur de Chainlink »
et de « D.J. Mbenga, 2 fois champion NBA de la RDC et éminent philanthrope
congolais ». Du basket à la déforestation, il n’y a qu’un pas.
HPX
High Power Exploration
Inc. (HPX)
est une des entreprises du groupe minier dirigé par Robert Friedland, chargée
de l'exploitation du gisement de minerai de fer du Mont Nimba, en Guinée.
Robert Friedland, fils d’un rescapé d’Auschwitz, a tout pour être le héros
d’une série Netflix. À 19 ans – on est en 1970 – il est arrêté à Portland en
possession de LSD pour une valeur de 100 000 $ qu'il avait vendu à...un agent du FBI. Il sera rapidement libéré
et bénéficiera d’un non-lieu. Copain de Steve Jobs, dont il partage l’intérêt
pour les philosophies orientales, il l’invite dans un verger de pommes
appartenant à son oncle millionnaire en Oregon, où il créera une
communauté. C’est là que Steve Jobs a trouvé le nom de son invention, Apple.
Mais rapidement, Robert passe aux choses sérieuses et se lance dans les activités
minières. De l'Oregon, il passe au Colorado, où il gagne le surnom de "Toxic Bob", après la catastrophe de pollution que provoque la mine qu'il a acquis à Summitville avant de se déclarer en faillite, de payer une petite amende de 20 millions de $ et de partir à la conquête de mines en Alaska, en Australie, au Myanmar, en Mongolie et en Afrique.
Frère Pham, comme président non exécutif de HPX, livre depuis
quelques mois une bataille contre le monopole d’Arcelor Mittal sur les
transports de minerai de fer provenant des mines du Mont Nimba sur la ligne de
chemin de fer de Yekepa au port de Buchanan (360 km) au Liberia, faisant pression sur le président
Boakai pour qu’il fasse jouer la concurrence et brise le monopole du géant
indien. Ce dernier a restauré et remis en route cette ligne de chemin de fer -
construite par le consortium yankee/suédois LAMCO et mise en ruine par la
guerre civile -, qu’il a pu refaire tourner grâce aux commandes de minerai de
fer chinoises. HPX, argumente l’oncle Pham dans la presse libérienne, entend
exporter 30 millions de minerai par an dans les 25 prochaines années, ce qui
pourrait rapporter à l’État libérien, au tarif de 2,10 $ par tonne, la coquette
somme d’ 1,6 milliard de dollars. Pourquoi laisser ce pactole entre les griffes
de Tonton Lakhsmi (Narayan Mittal) ? Bref, notre théologien sait aussi compter.
bitt
Et last but not least, en 2022,
Brian Popelka, un p’tit gars du Nebraska qui vit à Salt Lake City, la capitale
des Mormons (Utah), PDG de l’entreprise
bitt (Banking Innovation Through Technology) a recruté le Révérend chanoine
Pham comme conseiller. Bitt propose aux banques centrales d’installer des
système de monnaie numérique de banque centrale (CBDC en anglais), ce dont elle
a déjà convaincu l’ Union monétaire des Caraïbes orientales et la Banque
centrale des Caraïbes orientales, qui regroupent 6 États insulaires
indépendants (Antigua-et-Barbuda, Dominique, Grenade,
Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et Sainte-Lucie) et
2 territoires d’outre-mer britanniques (Anguilla et Montserrat). Pham a ainsi
commenté sa nomination comme conseiller : « « Je suis ravi de
rejoindre le conseil consultatif de bitt.
Je suis impatient de mettre à profit mon expérience en Afrique et ma
connaissance des défis et des opportunités présents sur le continent pour
renforcer la relation existante de bitt avec la Banque centrale du Nigeria, et
aussi pour aider à forger des partenariats similaires avec d'autres
institutions africaines ; contribuant ainsi au développement de la région en
faisant progresser l'inclusion financière et en facilitant les échanges
panafricains. » Ite, missa est.