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22/07/2025

RUWAIDA AMER
Nous crevons de faim

Mon corps est à bout. Ma mère s’effondre d’épuisement. Mon cousin défie la mort chaque jour pour obtenir un peu d’aide. Les enfants de Gaza meurent sous nos yeux, et nous sommes impuissants à les aider.

Ruwaida Amer  ,+972 Magazine, 21/7/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Ruwaida Kamal Amer est une journaliste, productrice et réalisatrice (sur)vivant à Gaza. Elle a précédemment travaillé comme enseignante de sciences. Après le déclenchement de la guerre, elle est restée avec sa famille à Gaza, d’où elle rend compte du génocide en cours et de ses effets dévastateurs sur la population civile. Son travail a été publié par plusieurs médias internationaux tels qu’Al Jazeera English, Euronews et ABC News. Elle écrit régulièrement pour le magazine +972 sur la réalité quotidienne de la vie dans Gaza assiégée et sur la crise humanitaire, et elle met souvent en lumière des histoires qui sont souvent ignorées par les médias grand public.

 


Des Palestiniens tentent de recevoir un repas chaud préparé par des bénévoles, à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 20 juin 2025. (Abed Rahim Khatib/Flash90)

J’ai tellement faim.

Je n’ai jamais pensé ces mots comme je les pense aujourd’hui. Ils véhiculent une sorte d’humiliation que je ne peux pas vraiment décrire. À chaque instant, je me surprends à souhaiter : « Si seulement ce n’était qu’un cauchemar. Si seulement je pouvais me réveiller et que tout soit fini. »

Depuis mai dernier, après avoir été contrainte de fuir mon foyer  et trouver refuge chez des proches dans le camp de réfugiés de Khan Younès, j’ai entendu ces mêmes mots prononcés par d’innombrables personnes autour de moi. Ici, la faim est vécue comme une atteinte à notre dignité, une cruelle contradiction dans un monde qui se targue de progrès et d’innovation.

Chaque matin, nous nous réveillons avec une seule idée en tête : trouver quelque chose à manger. Je pense immédiatement à notre mère malade, qui a subi une opération de la colonne vertébrale il y a deux semaines et qui a maintenant besoin de se nourrir pour se rétablir. Nous n’avons rien à lui offrir.

Et puis il y a ma petite nièce et mon petit neveu, Rital, 6 ans, et Adam, 4 ans, qui réclament sans cesse du pain. Et nous, les adultes, nous essayons de résister à notre propre faim afin de garder les miettes pour les enfants et les personnes âgées.

Depuis qu’Israël a imposé un blocus total  sur Gaza début mars (qui n’a été que légèrement assoupli fin mai), nous n’avons pas mangé de viande, d’œufs ou de poisson. En fait, nous avons dû renoncer à près de 80 % de notre alimentation habituelle. Nos corps sont à bout. Nous nous sentons constamment faibles, désorientés et déséquilibrés. Nous sommes facilement irritables, mais la plupart du temps, nous restons silencieux. Parler demande trop d’énergie.

 

Huda Abu Al-Naja, 12 ans, accompagnée de sa mère, reçoit un traitement contre la malnutrition à l’hôpital Nasser de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 25 juin 2025. (Doaa Albaz/Activestills)

Nous essayons d’acheter tout ce qui est disponible sur les marchés, mais les prix deviennent impossibles. Un kilo de tomates coûte désormais 90 NIS (= 23€). Les concombres sont à 70 NIS le kilo (= 18€). Un kilo de farine coûte 150 NIS (= 39€). Ces chiffres semblent scandaleux et cruels.

Nous survivons avec un seul repas par jour : généralement du pain, fait avec la farine que nous avons réussi à trouver. Si nous avons de la chance, le déjeuner comprend parfois un peu de riz, mais cela ne suffit pas à nous rassasier. Nous essayons de mettre un peu de nourriture de côté pour ma mère, peut-être quelques légumes, mais ce n’est jamais assez. La plupart du temps, elle est trop faible pour se tenir debout, trop épuisée pour même prier.

Nous ne sortons presque plus de chez nous, de peur que nos jambes ne nous lâchent. C’est déjà arrivé à ma sœur : alors qu’elle cherchait dans les rues quelque chose, n’importe quoi, pour nourrir ses enfants, elle s’est soudainement effondrée sur le sol. Son corps n’avait même plus la force de rester debout.

Nous avons commencé à prendre conscience de la gravité de la crise alimentaire lorsque le boulanger Abou Hussein, connu de tous dans le camp, a commencé à réduire son activité. Il cuisait auparavant pour des dizaines de familles chaque jour, dont la nôtre, qui n’avons plus ni gaz ni électricité pour cuisiner. Du matin au soir, ses fours à bois fonctionnaient sans interruption.

Mais récemment, il a été contraint de réduire progressivement son temps de travail hebdomadaire. Ma sœur rentrait à la maison et disait : « Abou Hussein est fermé. Il travaillera peut-être demain. » Aujourd’hui, trouver de la pâte et de la farine est devenu une véritable épreuve.

Trois générations en proie à la famine

Dans le camp, j’ai compris la véritable cruauté de ce génocide : la promiscuité étouffante, la foule de réfugiés chassés de leurs maisons et les innombrables récits de famine.

 

Une femme palestinienne déplacée nourrit des enfants à Al-Mawasi, dans le sud de la bande de Gaza, le 13 juillet 2025. (Doaa Albaz/Activestills)

Je vis actuellement chez ma tante, qui nous a recueillis après notre déplacement et nous héberge depuis deux mois. Comme presque tous les autres bâtiments du camp, sa maison a été presque entièrement détruite par les attaques israéliennes. Les frères et sœurs de ma tante ont travaillé sans relâche pour réparer ce qu’ils pouvaient et ont réussi à rendre une pièce habitable.

La maison déborde de petits-enfants, chacun luttant contre la faim. Mon cousin aîné, Mahmoud, est père de quatre d’entre eux. Il a lui-même perdu près de 40 kilos au cours des derniers mois. Les signes de malnutrition sont visibles partout sur son visage pâle et son corps émacié.

Chaque jour avant l’aube, Mahmoud se rend dans les centres de distribution d’aide humanitaire gérés par les USA, risquant sa vie  pour essayer de ramener de quoi manger à ses enfants affamés. Depuis que je suis arrivé chez eux, il me raconte jour après jour les mêmes histoires poignantes.

« Aujourd’hui, j’ai rampé à quatre pattes parmi une foule de milliers de personnes », m’a-t-il récemment confié en me montrant un sac rempli de restes de nourriture qu’il avait réussi à récupérer. « J’ai dû ramasser tout ce qui était tombé par terre : des lentilles, du riz, des pois chiches, des pâtes, même du sel. J’ai mal partout où j’ai été piétiné, mais je dois le faire pour mes enfants. Je ne supporte pas d’entendre leurs cris de faim. »

Un jour, Mahmoud est revenu les mains vides. Il était livide et semblait sur le point de s’effondrer. Il m’a raconté que l’armée israélienne avait ouvert le feu sans avertissement. « Le sang d’un jeune homme à côté de moi a éclaboussé mes vêtements, m’a-t-il dit. Pendant un instant, j’ai cru que c’était moi qui avais été touché. Je me suis figé, persuadé que la balle était dans mon corps. »

Le jeune homme s’est effondré juste devant lui, mais Mahmoud n’a pas pu s’arrêter pour lui venir en aide. « J’ai couru plus de six kilomètres sans me retourner. Mes enfants ont faim et attendent que je leur ramène à manger », a-t-il déclaré d’une voix brisée, « mais ils ne seront pas contents si je rentre mort ».

 
Un Palestinien blessé récupère de l’aide humanitaire distribuée par des organisations internationales à Gaza, dans le nord de la bande de Gaza, le 26 juin 2025. (Yousef Zaanoun/Activestills)

Mon autre cousin, Khader, a 28 ans. Il a une fille de 2 ans et sa femme est enceinte. Il est rongé par l’inquiétude pour leur enfant à naître, qui doit venir au monde dans deux mois. Sa femme ne mange pas correctement et chaque jour, il reste assis en silence, tourmenté par les mêmes questions : Cette famine va-t-elle nuire à ma femme ? L’enfant qu’elle mettra au monde sera-t-il en bonne santé ou malade ?

Sa fille de deux ans, Sham, pleure toute la journée parce qu’elle a faim. Elle réclame du pain, n’importe quoi d’autre que les aliments insipides et lourds à digérer qui composent son régime quotidien, à savoir du riz, des lentilles et des haricots, qui lui ont donné la diarrhée à plusieurs reprises.

Un jour, une amie de Khader lui a donné une poignée de raisins pour elle. C’était un petit miracle. Khader s’est agenouillé à côté de Sham et lui a offert les raisins, mais elle les a simplement regardés, jouant avec eux dans ses petites mains et refusant de les manger. Elle ne les reconnaissait pas : en deux ans de vie à Gaza, elle n’avait jamais vu de raisins.

Ce n’est que lorsque son père en a mis un dans sa bouche et lui a souri qu’elle l’a imité avec hésitation. Elle a mâché. Puis elle a ri.

Les corps s’éteignent

Je me tiens souvent à la porte de la maison, à regarder les enfants du camp. Ils passent la plupart de leur temps assis par terre, le regard vide, fixant les passants. Quand je demande à l’un d’eux de m’acheter une carte Internet pour que je puisse travailler ou appeler ma nièce depuis la maison du voisin, ils me répondent d’une voix faible et fatiguée. Ils me disent qu’ils ont faim. Qu’ils n’ont pas mangé de pain depuis des jours.

Je n’ai que 30 ans, mais je ne suis plus la femme énergique que j’étais autrefois. Avant, je travaillais de longues heures. entre l’enseignement et le journalisme, mais depuis que cette guerre a commencé, je n’ai pas eu un instant de répit. Je jongle entre des tâches ménagères épuisantes — prendre soin de ma mère et de ma famille — tout en essayant simultanément de continuer à documenter et à rédiger  à propos de tout ce qui se passe autour de moi.

 

Une femme palestinienne déplacée prépare du pain sous sa tente, à Al-Mawasi, dans le sud de la bande de Gaza, le 13 juillet 2025. (Doaa Albaz/Activestills)

Mais depuis environ un mois, je ne suis plus capable de suivre l’actualité. Je n’arrive plus à me concentrer. Mon corps est à bout. Je souffre d’anémie après avoir mangé exclusivement des lentilles et d’autres légumineuses pendant des mois. Et depuis deux jours, je ne peux plus avaler à cause d’une grave inflammation de la gorge, conséquence de ma consommation excessive de dukkah et de piments rouges pour tenter d’apaiser ma faim.

Mahmoud, un photographe de 28 ans qui travaille avec moi sur des reportages vidéo, est également en difficulté. « Je n’ai rien mangé depuis deux jours, à part de la soupe », m’a-t-il récemment confié. « Je n’ai plus la force de travailler. » Personne n’en a la force. Travailler pendant un génocide exige une force impossible à maintenir. La famine a paralysé la productivité de tous les travailleurs de Gaza.

Hier, j’ai accompagné ma mère à l’hôpital Nasser pour une séance de kinésithérapie après son opération. Sur le chemin, nous avons vu des dizaines de personnes qui ne pouvaient pas marcher plus de quelques mètres sans devoir s’arrêter pour se reposer. Ma mère était dans le même état : ses jambes étaient trop faibles pour la porter. Elle s’est assise sur une chaise en plastique au bord de la route, rassemblant le peu d’énergie qu’elle pouvait pour continuer.

Alors que nous continuions à marcher, nous avons entendu des cris. Des jeunes hommes et femmes couraient en criant de joie : « Il y a des camions de farine dans la rue ! » Une foule immense s’était formée. Les gens couraient désespérément vers les camions pour tenter d’obtenir un sac de farine.

C’était le chaos. Personne n’escortait les camions pour s’assurer que tout le monde puisse obtenir sa part en toute sécurité. Au lieu de cela, nous avons vu la foule se précipiter vers des zones dangereuses contrôlées par l’armée israélienne, juste pour obtenir de la farine.

Certaines personnes sont revenues avec des sacs. D’autres ont été tuées. Nous avons vu des corps emportés sur les épaules d’hommes, abattus à bout portant là où l’aide était censée leur sauver la vie.

Des Palestiniens transportent un homme blessé par des tirs israéliens alors qu’il tentait d’obtenir de l’aide alimentaire dans la rue Al-Rashid, au nord de la ville de Gaza, le 16 juin 2025. (Yousef Zaanoun/ActiveStills)

18 morts de faim en 24 heures

Après la séance de thérapie, nous avons quitté l’hôpital et sommes passées devant des femmes qui pleuraient sur leurs enfants affamés, mourant sous nos yeux. Une femme, Amina Badir, hurlait en serrant son enfant de 3 ans dans ses bras.

« Dites-moi comment sauver ma fille Rahaf de la mort », s’écria-t-elle. « Depuis une semaine, elle ne mange qu’une cuillère de lentilles par jour. Elle souffre de malnutrition. Il n’y a pas de traitement, pas de lait à l’hôpital. Ils lui ont retiré son droit à la vie. Je vois la mort dans ses yeux. »

Selon le ministère de la Santé à Gaza, le nombre de morts dus à la faim et à la malnutrition depuis le 7 octobre a augmenté  à 86 personnes, dont 76 enfants. Hier, il a  signalé  que 18 personnes étaient mortes de faim au cours des dernières 24 heures seulement. Le personnel médical a tenu un piquet de protestation à l’hôpital Nasser pour demander l’intervention internationale avant que davantage de personnes ne meurent de faim.

Je n’ai pas trouvé de taxi pour nous ramener à la maison. Ma mère a attendu à la porte de l’hôpital pendant que je cherchais un moyen de transport, mais le carburant est rare et les taxis sont pratiquement inexistants. J’ai passé une heure entière à essayer.

Quand je suis revenue, j’étais étourdie et faible. Je me suis effondrée. J’ai essayé de rester forte pour ma mère, mais il n’y avait personne d’autre avec nous. Autour de moi, je voyais des gens s’évanouir partout. Un homme m’a dit : « S’il y avait eu de la nourriture convenable, ta mère ne serait pas tombée aussi malade. »

Nous essayons tous de nous réconforter mutuellement dans cette famine sans fin. Sur Facebook, les gens expriment leur colère, publiant post après post sur la politique d’affamement menée par Israël qui a mis Gaza à genoux. Nous ne pouvons plus faire les choses les plus élémentaires que les gens font chaque jour partout dans le monde. La faim nous a tout pris.

21/07/2025

HAGAI EL-AD
Vous avez un enfant dans l’armée israélienne ? Vous pourriez être les parents d’un criminel de guerre

Où est le procureur général militaire ? Le chef d’état-major de l’armée israélienne ? La procureure générale ? Le chef de l’opposition à la Knesset ? Le président de la Knesset ? Le président ? Silence. Nous sommes en train de massacrer.

Hagai El-Ad,Haaretz, 20 juillet 2025 

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Ils disent aux gens affamés de venir chercher de la nourriture à 11 heures, mais ceux-ci, indisciplinés et affamés, arrivent à 10 heures. Alors ils ordonnent aux soldats de les bombarder, de les mitrailler, de les abattre. Et les soldats, soldats juifs disciplinés, les bombardent, les mitraillent, les abattent. Par dizaines, par centaines.

Avez-vous un enfant qui sert sur un bateau lance-missiles israélien ? Peut-être avez-vous un enfant qui est un criminel de guerre. Artilleur ? Tireur d’élite ? Et bien sûr, avant tout, pilote ?

Réfléchissez-y : vous pourriez être les parents d’un criminel de guerre. Si votre enfant ne l’était pas, il ne bombarderait pas des gens indisciplinés et affamés qui se sont présentés une heure plus tôt. Des gens qui sont venus une heure plus tôt parce qu’ils avaient faim, affamés parce que nous les avons affamés.

C’est pire que Kafr Qasem –le tristement célèbre massacre de 1956 de 47 citoyens palestiniens d’Israël qui ont été abattus par la police des frontières pour avoir enfreint sans le savoir un couvre-feu.

C’est bien pire. Pas seulement à cause du « drapeau noir » marquant les ordres manifestement illégaux qui a été réduit à l’état de chiffon, et pas seulement à cause de l’ampleur terrifiante et infiniment plus grande des crimes commis. C’est bien pire encore à cause du silence – et du soutien public général en Israël, de part et d’autre du mur.

Après tout, il est clair pour tous ceux qui vivent ici qu’il n’y aura pas d’autre procès de Kafr Qasem, et qu’il n’y aura certainement pas de procès de Nuremberg pour nos criminels de guerre – le haut commandement militaire et les dirigeants politiques. Il n’y aura rien, pas même une amende de 10 centimes, comme la peine infligée au commandant de brigade jugé responsable de Kafr Qasem.

Où est l’avocate générael militaire ? Elle reste silencieuse. Elle doit être occupée à améliorer le mécanisme de dissimulation – pardon, je veux dire « d’enquête » – des Forces de défense israéliennes.

Et le chef d’état-major de l’armée israélienne ? Il est certainement en train de chercher dans le dictionnaire la signification de cette expression désormais courante, « être guidé par des valeurs ». Mais il n’y trouve que du vide, car c’est précisément pour ça que nous avons inventé cette expression. Pour ne pas parler de moralité, pour oublier : « Tu ne tueras point ».

Et où est la procureure générale ? Occupée avec Bibi, et le défendant devant la Cour internationale de La Haye. Et où est le chef de l’opposition à la Knesset ? Laissez-nous rire. Et où est le président de la Knesset ? C’est une bonne blague. Le président ? Bof. Silence, nous sommes en train de massacrer.

Vous souvenez-vous de tous les discours prononcés à l’occasion du 50e anniversaire de la guerre du Kippour, quelques jours avant le 7 octobre, dans lesquels on affirmait avoir compris le « poids de la responsabilité » et tiré les leçons du passé ? Et comment tout ce verbiage s’est révélé être un ramassis de conneries, de mots vides de sens, dans les kibboutzim près de la frontière avec Gaza, à Sderot, à Ofakim et au festival Nova ? Des fleuves de sang et d’horreur impossibles à comprendre et qui ne le seront jamais.

Au-dessus de tout cela règne une leadership qui n’a rien appris, un Premier ministre machiavélique qui a l’honneur de détrôner Golda Meir de son titre de pire Premier ministre de l’histoire d’Israël – un gouvernement composé des pires nullités qui tiennent des discours grandiloquents, derrière lesquels il n’y a rien non plus. Une démonstration de leçons apprises au lieu de modestie et de bon sens.

Vous vous souvenez de tout ça ? Alors souvenez-vous aussi de tous les discours prononcés lors de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, de toutes les cérémonies, de tous les cours à l’école. Nous avons appris de l’Holocauste non seulement que les Juifs ne seraient plus jamais sans défense, mais aussi que les soldats juifs ne seront jamais comme eux. Vous vous souvenez ? Voici un autre océan de paroles creuses, un autre tas de conneries. Des prétentions vides d’engagement envers les valeurs humaines fondamentales – et une réalité faite de corps brisés partout dans la bande de Gaza.

Des mots comme du sable, pourris jusqu’aux fondations – et les corps pourrissent sous le sable.

On peut déjà imaginer la montagne de détritus qui va s’accumuler au sujet de la « nécessité militaire », du danger probable, de la complexité de la situation et de l’évaluation des renseignements. Et bien sûr, la proportionnalité et les procédures qui ont été clarifiées, ah, les procédures !

Mais comment est-il possible de supporter tous ces mots blanchis ? Après tout, tout le monde connaît la « nécessité » ; nous savons tous ce qu’Israël fait à Gaza : détruire autant que possible, tuer autant que possible.

16/07/2025

GIDEON LEVY
Israël a autrefois sauvé des enfants des décombres. Aujourd’hui, il tue ceux qui tentent de les sauver

Gideon LevyHaaretz, 17/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala  

Hala Arafat est morte dans d’atroces souffrances, avec son mari et ses quatre enfants. Quatorze membres de leur famille, dont sept enfants, ont été tués dans le bombardement de leur maison. Quiconque tentait de s’approcher d’eux était attaqué par des drones.


Hossam Azzam porte le corps de son fils Ameer, un enfant palestinien tué lors d’une frappe israélienne nocturne sur une maison, selon les médecins, à l’hôpital Al-Shifa de Gaza, mardi. Photo Mahmoud Issa/Reuters

Un œil est fermé, l’autre ouvert. Une main agrippe le mur qui s’est effondré sur elle. Elle est coincée dans les décombres, la tête et le corps immobilisés. Elle est dans cette position depuis toute la nuit. Une ampoule est jetée près d’elle, elle tente de l’attraper, peut-être que cela la sauvera. Elle la lâche.

Puis elle lève la main, signe qu’elle est en vie. Elle lutte pour prononcer ces mots : « Sauvez-moi, je suis fatiguée. Je ne peux pas [continuer]. » Avec ses dernières forces, elle dit : « S’il vous plaît, s’il vous plaît, sauvez-moi. » Ce sont ses derniers mots. « Parle, Hala, parle », tente son beau-frère, Anas, mais en vain. Ses yeux se ferment.


On ne sait pas exactement combien de temps elle a survécu après cette photo. Mardi, Nir Hasson a écrit sur X : « Cette femme s’appelle Hala Arafat. Elle a 35 ans. Depuis 2 heures du matin, elle et 14 autres membres de sa famille, principalement des enfants, se trouvent sous les décombres de leur maison de la rue Zarqa, dans le quartier d’Al-Tuffah. J’ai parlé avec son beau-frère, qui m’a dit que toute personne qui tentait de s’approcher d’elle était attaquée par des drones. Si quelqu’un a une idée pour aider, c’est le moment. »

Le bureau du porte-parole de l’armée israélienne n’a pas pris la peine de répondre à Hasson pendant 12 heures. Pourquoi tant de précipitation ? Plus tard, le porte-parole a marmonné quelque chose à propos d’un « manque de coordonnées ».

Hala est morte dans d’atroces souffrances avec son mari et ses quatre enfants. Quatorze membres de leur famille, dont sept enfants, ont été tués dans le bombardement de leur maison.

Ils ne sont pas la seule famille qui a été massacrée mardi. La famille Azzam – Amir, Rateb, Karim et quatre bébés – a également été anéantie. Les images des quatre nourrissons morts, allongés sur le dos dans des linceuls blancs, le visage découvert, sont parmi les plus difficiles à supporter. Le visage de l’un des nourrissons est lacéré.

Certains comptes sur les réseaux sociaux sont devenus des journaux intimes d’un abattoir. Tous les Israéliens doivent désormais les regarder en face. Que les sentiments soient blessés, que les âmes sensibles soient choquées ; aucune image de la bande de Gaza ne doit être censurée. Ce n’est pas un film snuff, c’est la réalité qui doit être vue.

Les derniers mots de Hala et l’impuissance à la sauver sont impardonnables. Une femme piégée dans les décombres de sa maison devrait susciter un fort désir de la sauver. Mais la situation a incité l’armée israélienne à lancer des drones tueurs pour liquider les sauveteurs, comme cela s’est produit mercredi dans la rue Zarqa à Gaza.

Selon les informations disponibles, l’armée israélienne a tiré sur toute personne qui s’approchait. Des femmes soldats audacieuses étaient aux commandes, ou s’agissait-il de soldats jouant à un jeu mortel contre quiconque tentait de porter secours ?

Ce sont les mêmes soldats de l’armée israélienne qu’Israël continue d’embrasser comme s’ils étaient les victimes de cette guerre et ses héros. Ils ne sont ni des victimes ni des héros lorsqu’ils tirent avec des drones sur des personnes sans défense. Ils sont comme les tireurs qui ont attaqué les centres d’aide humanitaire. Mercredi, vingt personnes ont été écrasées à mort après avoir été aspergées de gaz par des soldats.

C’est cette même IDF qui, en 1999, avait sauvé une fillette turque, Shiran Franco, des décombres. Elle avait neuf ans lorsque le tremblement de terre a frappé son pays, et les soldats des FDI l’ont non seulement sauvée, mais aussi emmenée en Israël pour y être soignée. Sa photo, prise par un colonel israélien, est devenue emblématique. Comme nous étions gentils.

L’armée israélienne ne sauve plus personne. Aujourd’hui, elle tire sur quiconque tente de secourir une femme coincée entre les murs de sa maison. Y a-t-il quelque chose de plus monstrueux ?

Une fois de plus, les mots me manquent. Lors du prochain tremblement de terre, en Turquie ou dans n’importe quel autre pays du monde, il faut espérer que les unités de secours de l’armée israélienne qui oseront se montrer pour faire semblant de sauver des vies seront expulsées dans la honte.

Cette armée a perdu le droit d’être hypocrite. Une armée qui tire sur les sauveteurs et les affamés a perdu le droit moral d’offrir son aide.

Non merci, dira le monde. Nous n’accepterons pas l’aide de vos mains trempées du sang des innocents.

15/07/2025

HAARETZ
Le mode de paiement par l’armée israélienne des conducteurs civils de bulldozers révèle le véritable objectif des démolitions systématiques à Gaza
Crimes de guerre, vous avez dit crimes de guerre ?

Éditorial, Haaretz, 13/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala  

Alors que le Premier ministre Benjamin Netanyahou négocie un cessez-le-feu avec le Hamas, des centaines de bulldozers, d’excavatrices et de bulldozers blindés Caterpillar D9 israéliens poursuivent leurs efforts pour rendre Gaza inhabitable pendant des années.

La position officielle des Forces de défense israéliennes concernant les démolitions de maisons dans la bande de Gaza est que les travaux menés par des centaines d’engins lourds sont nécessaires pour des raisons opérationnelles.

En d’autres termes, l’armée israélienne ne donne l’ordre de raser des bâtiments résidentiels ou autres que lorsqu’ils constituent, par exemple, un danger pour les soldats ou entravent la circulation des véhicules militaires.

Cependant, le modèle selon lequel l’armée israélienne indemnise les opérateurs d’engins lourds à Gaza semble contredire cette affirmation. Selon un article publié la semaine dernière dans l’édition hébreue de Haaretz, l’armée propose de payer 2 500 shekels (environ 640 €) aux conducteurs de bulldozers et d’excavatrices pour raser un bâtiment de trois étages maximum et 5 000 shekels (1280 €) pour des structures plus hautes.

Cette structure tarifaire incite clairement les entrepreneurs à démolir autant de bâtiments que possible, aussi rapidement que possible. Si ces opérations étaient véritablement motivées par des besoins militaires, il serait difficile de justifier une telle indemnisation.

Le fait que le paiement soit effectué quotidiennement ou mensuellement renforce ce point. Même ainsi, cela représente beaucoup plus que ce que les opérateurs gagneraient pour un travail similaire en Israël, certains gagnant jusqu’à 30 000 shekels [7 700€] par mois selon certaines sources. Ces salaires élevés visent à compenser les risques mortels qui dissuadent de nombreux professionnels du secteur de se rendre à Gaza.

Dans la pratique, cependant, pour de nombreux opérateurs, ce travail reflète également un engagement idéologique. Parmi eux figure un groupe important de colons, tandis que les Arabes israéliens [=Palestiniens de 48], qui constituent une part importante du secteur des engins lourds en Israël, sont notablement absents.

Les conversations avec les personnes sur le terrain, qu’il s’agisse d’employés civils de l’armée israélienne ou de réservistes, révèlent que beaucoup abordent leur travail avec un sentiment de vengeance lorsqu’ils conduisent leurs bulldozers à travers les ruines des villes de Gaza.

Le résultat est que, tandis que le Premier ministre Benjamin Netanyahou négocie un cessez-le-feu avec le Hamas, des centaines de bulldozers, d’excavatrices et de bulldozers blindés Caterpillar D9 israéliens poursuivent le processus qu’ils ont entamé ces derniers mois : intensifier leurs efforts pour rendre Gaza inhabitable pendant des années.

Cette destruction n’est pas un effet secondaire des besoins militaires, mais un objectif en soi.

Il est profondément troublant de constater la destruction de biens civils sans objectif militaire impératif, une destruction disproportionnée par rapport à tout avantage militaire obtenu et le ciblage de sites religieux, d’hôpitaux et d’autres bâtiments à vocation humanitaire ou éducative est défini comme un crime de guerre, en particulier si cette destruction vise à garantir que les Palestiniens de Gaza n’aient nulle part où retourner, dans le cadre d’un plan de transfert ou d’expulsion de population.

Israël doit mettre fin immédiatement à ces activités.



03/07/2025

HAARETZ
“C’est un champ de mise à mort” : des soldats israéliens ont reçu l’ordre de tirer délibérément sur des Gazaouis non armés qui attendaient l’aide humanitaire
Témoignages sur des crimes de guerre avérés

Des officiers et des soldats de l’armée israélienne ont déclaré à Haaretz qu’ils avaient reçu l’ordre de tirer sur des foules non armées près des sites de distribution de nourriture à Gaza, même en l’absence de menace. Des centaines de Palestiniens ont été tués, ce qui a incité le parquet militaire à demander une enquête sur d’éventuels crimes de guerre Netanyahou et Katz rejettent ces accusations, les qualifiant d’ accusation calomnieuses”


Des Palestiniens se rassemblent à un point de distribution d’aide mis en place par la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), une organisation privée, près du camp de réfugiés de Nuseirat, dans le nord de la bande de Gaza, le 25 juin 2025. Photo par Eyad BABA / AFP)

 

Nir Hasson, Yaniv Kubovich et Bar Peleg, Haaretz, 27/6/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

 

Écouter résumé audio


Des soldats israéliens à Gaza ont déclaré à Haaretz que l’armée avait délibérément tiré sur des Palestiniens près des sites de distribution d’aide au cours du mois dernier.

Des conversations avec des officiers et des soldats révèlent que les commandants ont ordonné aux troupes de tirer sur la foule pour la repousser ou la disperser, même s’il était clair qu’elle ne représentait aucune menace.

Un soldat a décrit la situation comme un effondrement total des codes éthiques des Forces de défense israéliennes à Gaza.

Selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, 549 personnes ont été tuées près des centres d’aide et dans les zones où les habitants attendaient les camions de nourriture de l’ONU depuis le 27 mai. Plus de 4 000 personnes ont été blessées, mais le nombre exact de personnes tuées ou blessées par les tirs de l’armée israélienne reste incertain.

Haaretz a appris que le procureur général militaire a chargé le mécanisme d’évaluation des faits de l’état-major de l’armée israélienne, un organisme chargé d’examiner les incidents impliquant des violations potentielles du droit de la guerre, d’enquêter sur les crimes de guerre présumés commis sur ces sites.

Dans une déclaration publiée à la suite de la publication de cet exposé, le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le ministre de la Défense Israel Katz ont rejeté ces accusations, qu’ils ont qualifiées d’ “accusations calomnieuses”.

Les centres d’aide de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF) ont commencé à fonctionner dans la bande de Gaza à la fin du mois de mai. Les circonstances de la création de cette fondation et son financement sont obscurs : on sait qu’elle a été mise en place par Israël en coordination avec des évangéliques usaméricains et des sociétés de sécurité privées. Son PDG actuel est un leader évangélique proche du président Trump et de Netanyahou.



Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir des vivres à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 25 juin 2025. Photo DAWOUD ABU ALKAS/
REUTERS

La GHF gère quatre sites de distribution alimentaire – trois dans le sud de Gaza et un dans le centre – connus au sein de l’armée israélienne sous le nom de « centres de distribution rapide » (Mahpazim). Ils sont gérés par des travailleurs USaméricains et palestiniens et sécurisés par l’armée israélienne à une distance de plusieurs centaines de mètres.

Des milliers, voire parfois des dizaines de milliers de Gazaouis se rendent chaque jour sur ces sites pour y récupérer de la nourriture.

Contrairement aux promesses initiales de la fondation, la distribution est chaotique, la foule se précipitant sur les piles de cartons. Depuis l’ouverture des centres de distribution rapide, Haaretz a recensé 19 incidents impliquant des coups de feu à proximité. Si l’identité des tireurs n’est pas toujours claire, l’armée israélienne n’autorise pas la présence d’individus armés dans ces zones humanitaires sans en être informée.

Les centres de distribution n’ouvrent généralement qu’une heure chaque matin. Selon les officiers et les soldats qui ont servi dans ces zones, l’armée israélienne tire sur les personnes qui arrivent avant l’ouverture pour les empêcher de s’approcher, ou à nouveau après la fermeture des centres, pour les disperser. Comme certains incidents impliquant des tirs ont eu lieu la nuit, avant l’ouverture, il est possible que certains civils n’aient pas pu voir les limites de la zone désignée.

« C’est un champ de mise à mort », a déclaré un soldat. « Là où j’étais stationné, entre une et cinq personnes étaient tuées chaque jour. Elles sont traitées comme une force hostile – aucune mesure de contrôle des foules, pas de gaz lacrymogène – juste des tirs à balles réelles avec tout ce qui est imaginable : mitrailleuses lourdes, lance-grenades, mortiers. Puis, une fois que le centre ouvre, les tirs cessent et les gens savent qu’ils peuvent s’approcher. Notre forme de communication, ce sont les tirs. »

Le soldat a ajouté : « Nous ouvrons le feu tôt le matin si quelqu’un tente de faire la queue à quelques centaines de mètres de distance, et parfois nous chargeons simplement à bout portant. Mais il n’y a aucun danger pour les forces. » Selon lui, « je ne connais pas un seul cas de riposte. Il n’y a pas d’ennemi, pas d’armes. » Il a également déclaré que l’activité dans sa zone de service est appelée « Opération Poisson salé », du nom de la version israélienne du jeu pour enfants « Feu rouge, feu vert ».

Des officiers de l’armée israélienne ont déclaré au journal Haaretz que l’armée n’autorisait ni le public israélien ni celui étranger à voir les images de ce qui se passe autour des sites de distribution de nourriture. Selon eux, l’armée estime que les opérations de la GHF ont empêché l’effondrement total de la légitimité internationale de la poursuite de la guerre. Ils pensent que l’armée israélienne a réussi à transformer Gaza en « arrière-cour », en particulier depuis le début de la guerre avec l’Iran.


Des Palestiniens transportent des colis d’aide humanitaire distribués par la GHF à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le jeudi 26 juin 2025. Photo Abdel Kareem Hana/AP

 « Gaza n’intéresse plus personne », a déclaré un réserviste qui a terminé une nouvelle période de service dans le nord de la bande de Gaza cette semaine. « C’est devenu un endroit avec ses propres règles. La perte de vies humaines n’a aucune importance. Ce n’est même plus un « incident malheureux », comme on disait autrefois. »

Un officier chargé de la sécurité d’un centre de distribution a décrit l’approche de l’armée israélienne comme profondément défaillante : « Travailler avec une population civile alors que votre seul moyen d’interaction est d’ouvrir le feu, c’est pour le moins très problématique », a-t-il déclaré à Haaretz. « Il n’est ni éthiquement ni moralement acceptable que des personnes doivent atteindre, ou ne parviennent pas à atteindre, une [zone humanitaire] sous le feu des chars, des snipers et des obus de mortier. »

L’officier a expliqué que la sécurité sur les sites est organisée en plusieurs niveaux. À l’intérieur des centres de distribution et du « couloir » qui y mène se trouvent des travailleurs usaméricains, et l’armée israélienne n’est pas autorisée à opérer dans cet espace. Un niveau plus externe est constitué de superviseurs palestiniens, dont certains sont armés et affiliés à la milice Abou Shabab.

Le périmètre de sécurité de l’armée israélienne comprend des chars, des tireurs embusqués et des mortiers dont le but, selon l’officier, est de protéger les personnes présentes et de garantir la distribution de l’aide.

« La nuit, nous ouvrons le feu pour signaler à la population qu’il s’agit d’une zone de combat et qu’elle ne doit pas s’approcher », a déclaré l’officier. « Une fois, a-t-il raconté, les mortiers ont cessé de tirer et nous avons vu des gens commencer à s’approcher. Nous avons donc repris le feu pour leur faire comprendre qu’ils n’avaient pas le droit de s’approcher. Finalement, l’un des obus a atterri sur un groupe de personnes. »

Dans d’autres cas, a-t-il déclaré, « nous avons tiré avec des mitrailleuses depuis des chars et lancé des grenades. Il y a eu un incident au cours duquel un groupe de civils a été touché alors qu’il avançait à couvert dans le brouillard. Ce n’était pas intentionnel, mais ce genre de choses arrive. »

Il a souligné que ces incidents avaient également fait des morts et des blessés parmi les soldats de l’armée israélienne. « Une brigade de combat ne dispose pas des outils nécessaires pour gérer une population civile dans une zone de guerre. Tirer des mortiers pour éloigner des personnes affamées n’est ni professionnel ni humain. Je sais qu’il y a des membres du Hamas parmi eux, mais il y a aussi des personnes qui veulent simplement recevoir de l’aide. En tant que pays, nous avons la responsabilité de veiller à ce que cela se fasse en toute sécurité », a déclaré l’officier.

L’officier a souligné un autre problème lié aux centres de distribution : leur manque de cohérence. Les habitants ne savent pas quand chaque centre ouvrira, ce qui ajoute à la pression sur les sites et contribue à nuire aux civils.

« Je ne sais pas qui prend les décisions, mais nous donnons des instructions à la population, puis soit nous ne les suivons pas, soit nous les modifions », a-t-il déclaré.

« Au début du mois, nous avons été informés qu’un message avait été diffusé indiquant que le centre ouvrirait dans l’après-midi, et les gens se sont présentés tôt le matin pour être les premiers à recevoir de la nourriture. Comme ils sont arrivés trop tôt, la distribution a été annulée ce jour-là. »

Les sous-traitants comme shérifs

Selon les témoignages des commandants et des combattants, l’armée israélienne était censée maintenir une distance de sécurité entre les zones peuplées par les Palestiniens et les points de distribution de nourriture. Cependant, les actions des forces sur le terrain ne correspondent pas aux plans opérationnels.

« Aujourd’hui, tout entrepreneur privé travaillant à Gaza avec du matériel d’ingénierie reçoit 5 000 shekels [environ 1 250 €] pour chaque maison qu’il démolit », a déclaré un combattant chevronné. « Ils font fortune. De leur point de vue, chaque instant où ils ne démolissent pas de maisons est une perte d’argent, et les forces doivent sécuriser leur travail. Les entrepreneurs, qui agissent comme une sorte de shérif, démolissent où ils veulent sur tout le front. »

En conséquence, a ajouté le combattant, la campagne de démolition des entrepreneurs les amène, avec leurs équipes de sécurité relativement réduites, à proximité des points de distribution ou le long des itinéraires empruntés par les camions d’aide humanitaire.

 

Un Palestinien porte un sac de farine alors que des gens se rassemblent pour recevoir des vivres à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 26 juin 2025. Photo Hatem Khaled/REUTERS

 « Afin que [les entrepreneurs] puissent se protéger, une fusillade éclate et des personnes sont tuées », a-t-il déclaré. « Ce sont des zones où les Palestiniens sont autorisés à se trouver – c’est nous qui nous sommes rapprochés et avons décidé qu’ils représentaient un danger pour nous. Ainsi, pour qu’un entrepreneur gagne 5 000 shekels supplémentaires et démolisse une maison, il est jugé acceptable de tuer des personnes qui ne cherchent qu’à se nourrir. »

Un officier supérieur dont le nom revient régulièrement dans les témoignages sur les fusillades près des sites d’aide humanitaire est le brigadier général Yehuda Vach, commandant de la division 252 de l’armée israélienne. Haaretz a déjà rapporté comment Vach a transformé le corridor de Netzarim en une route mortelle, mis en danger les soldats sur le terrain et été soupçonné d’avoir ordonné la destruction d’un hôpital à Gaza sans autorisation.

Aujourd’hui, un officier de la division affirme que Vach a décidé de disperser les rassemblements de Palestiniens qui attendaient les camions d’aide humanitaire de l’ONU en ouvrant le feu. « C’est la politique de Vach », a déclaré l’officier, « mais de nombreux commandants et soldats l’ont acceptée sans poser de questions. [Les Palestiniens] ne sont pas censés être là, donc l’idée est de s’assurer qu’ils partent, même s’ils ne sont là que pour la nourriture. »



La division de Vach n’est pas celle qui opère dans la région. Elle est responsable du nord de Gaza, et la politique de Vach concerne donc ceux qui pillent les camions d’aide humanitaire de l’ONU, et non les sites du GHF.

Un soldat de réserve de la division blindée qui a récemment servi dans la division 252 dans le nord de Gaza a confirmé ces informations et a expliqué la « procédure de dissuasion » de l’armée israélienne pour disperser les civils qui se rassemblent en violation des ordres militaires.

« Les adolescents qui attendent les camions se cachent derrière des monticules de terre et se précipitent vers eux lorsqu’ils passent ou s’arrêtent aux points de distribution », a-t-il déclaré. « Nous les voyons généralement à des centaines de mètres de distance ; ils ne représentent pas une menace pour nous. »

Lors d’un incident, le soldat a reçu l’ordre de tirer un obus en direction d’une foule rassemblée près du littoral. « Techniquement, il s’agit d’un tir d’avertissement, destiné soit à repousser les gens, soit à les empêcher d’avancer », a-t-il déclaré. « Mais ces derniers temps, tirer des obus est devenu une pratique courante. Chaque fois que nous tirons, il y a des blessés et des morts, et quand quelqu’un demande pourquoi un obus est nécessaire, il n’y a jamais de bonne réponse. Parfois, le simple fait de poser la question agace les commandants. »



Dans ce cas précis, certaines personnes ont commencé à fuir après le tir d’obus et, selon le soldat, d’autres forces ont ensuite ouvert le feu sur elles. « Si c’est censé être un tir d’avertissement, et que nous les voyons courir vers Gaza, pourquoi leur tirer dessus ? », a-t-il demandé. « Parfois, on nous dit qu’ils se cachent toujours et que nous devons tirer dans leur direction parce qu’ils ne sont pas partis. Mais il est évident qu’ils ne peuvent pas partir si, dès qu’ils se lèvent et courent, nous ouvrons le feu. »

Le soldat a déclaré que cela était devenu une routine. « Vous savez que ce n’est pas juste. Vous sentez que ce n’est pas juste, que les commandants ici prennent la loi entre leurs mains. Mais Gaza est un univers parallèle. Vous passez rapidement à autre chose. La vérité, c’est que la plupart des gens ne s’arrêtent même pas pour y réfléchir. »

Au début de la semaine, des soldats de la division 252 ont ouvert le feu à un carrefour où des civils attendaient des camions d’aide humanitaire. Un commandant sur le terrain a donné l’ordre de tirer directement au centre du carrefour, causant la mort de huit civils, dont des adolescents. L’incident a été porté à l’attention du chef du commandement sud, le général de division Yaniv Asor, mais jusqu’à présent, mis à part un examen préliminaire, il n’a pris aucune mesure et n’a pas demandé d’explications à Vach concernant le nombre élevé de victimes dans son secteur.

« J’étais présent lors d’un événement similaire. D’après ce que nous avons entendu, plus de dix personnes ont été tuées là-bas », a déclaré un autre officier supérieur de réserve commandant les forces dans la région. « Lorsque nous avons demandé pourquoi ils avaient ouvert le feu, on nous a répondu que c’était un ordre venant d’en haut et que les civils représentaient une menace pour les troupes. Je peux affirmer avec certitude que les gens n’étaient pas proches des forces et ne les mettaient pas en danger. C’était inutile, ils ont été tués pour rien. Cette pratique consistant à tuer des innocents est devenue normale. On nous répétait sans cesse qu’il n’y avait pas de non-combattants à Gaza, et apparemment, ce message a été bien compris par les troupes. »

Un officier supérieur familier avec les combats à Gaza estime que cela marque une nouvelle détérioration des normes morales de l’armée israélienne. « Le pouvoir que les commandants supérieurs exercent sur le commandement général menace la chaîne de commandement », a-t-il déclaré.

Selon lui, « ma plus grande crainte est que les tirs et les dommages causés aux civils à Gaza ne soient pas le résultat d’une nécessité opérationnelle ou d’un mauvais jugement, mais plutôt le produit d’une idéologie défendue par les commandants sur le terrain, qu’ils transmettent aux troupes sous forme de plan opérationnel ».

Bombardements

Au cours des dernières semaines, le nombre de victimes près des zones de distribution alimentaire a fortement augmenté : 57 le 11 juin, 59 le 17 juin et environ 50 le 24 juin, selon le ministère de la Santé de Gaza. En réponse, une discussion a eu lieu au Commandement sud, où il est apparu que les troupes avaient commencé à disperser les foules à l’aide d’obus d’artillerie.

« Ils parlent d’utiliser l’artillerie sur un carrefour rempli de civils comme si c’était normal », a déclaré une source militaire qui a assisté à la réunion. « Toute la conversation porte sur le bien-fondé ou non de l’utilisation de l’artillerie, sans même se demander pourquoi cette arme était nécessaire au départ. Ce qui préoccupe tout le monde, c’est de savoir si cela nuira à notre légitimité de continuer à opérer à Gaza. L’aspect moral est pratiquement inexistant. Personne ne s’arrête pour se demander pourquoi des dizaines de civils à la recherche de nourriture sont tués chaque jour. »

 



Un autre officier supérieur familier avec les combats à Gaza a déclaré que la normalisation des meurtres de civils avait souvent encouragé les tirs à leur encontre près des centres de distribution d’aide humanitaire.

« Le fait que des tirs réels soient dirigés contre une population civile – que ce soit avec de l’artillerie, des chars, des tireurs d’élite ou des drones – va à l’encontre de tout ce que l’armée est censée représenter », a-t-il déclaré, critiquant les décisions prises sur le terrain. « Pourquoi des personnes qui collectent de la nourriture sont-elles tuées simplement parce qu’elles ont dépassé la ligne ou parce qu’un commandant n’aime pas qu’elles doublent tout le monde ? Pourquoi en sommes-nous arrivés à un point où un adolescent est prêt à risquer sa vie juste pour prendre un sac de riz dans un camion ? Et c’est contre lui que nous tirons avec l’artillerie ? »

Outre les tirs de l’armée israélienne, des sources militaires affirment que certaines des victimes près des centres de distribution d’aide humanitaire ont été tuées par des tirs provenant de milices soutenues et armées par l’armée. Selon un officier, l’armée israélienne continue de soutenir le groupe Abou Shabab et d’autres factions.

« Il existe de nombreux groupes qui s’opposent au Hamas, mais Abou Shabab est allé plus loin », a-t-il déclaré. « Ils contrôlent des territoires où le Hamas ne pénètre pas, et l’armée israélienne encourage cela. »

Un autre officier a fait remarquer : « Je suis stationné là-bas, et même moi, je ne sais plus qui tire sur qui. »

Lors d’une réunion à huis clos cette semaine avec des hauts responsables du bureau du procureur général militaire, organisée à la lumière des dizaines de morts quotidiennes de civils près des zones d’aide, les responsables juridiques ont demandé que les incidents soient examinés par le mécanisme d’évaluation et d’enquête de l’état-major de l’armée israélienne. Cet organisme, créé après l’incident de la flottille Mavi Marmara, est chargé d’examiner les cas où il y a suspicion de violation des lois de la guerre, afin de repousser les demandes internationales visant à enquêter sur les soldats de l’armée israélienne pour crimes de guerre présumés.

Au cours de la réunion, les hauts responsables juridiques ont déclaré que les critiques internationales concernant les meurtres de civils s’intensifiaient. Les officiers supérieurs de l’armée israélienne et du commandement sud ont toutefois affirmé que ces cas étaient isolés et que les tirs visaient des suspects qui représentaient une menace pour les troupes.

Un jeune homme transporte un carton contenant des fournitures humanitaires de la GHF, dimanche. Photo AFP

 Une source ayant assisté à la réunion a déclaré à Haaretz que les représentants du bureau du procureur général militaire avaient rejeté les affirmations de l’armée israélienne. Selon eux, ces arguments ne tiennent pas face aux faits sur le terrain. « L’affirmation selon laquelle il s’agit de cas isolés ne correspond pas aux incidents au cours desquels des grenades ont été larguées depuis les airs et des mortiers et des tirs d’artillerie ont été dirigés contre des civils », a déclaré un responsable juridique. « Il ne s’agit pas de quelques personnes tuées, mais de dizaines de victimes chaque jour. »

Bien que le procureur général militaire ait chargé le mécanisme d’évaluation et d’enquête d’examiner les récents incidents de tirs, ceux-ci ne représentent qu’une petite partie des cas dans lesquels des centaines de civils non impliqués ont été tués.


Yaniv Asor : sa place est à La Haye, devant la CPI

De hauts responsables de l’armée israélienne ont exprimé leur frustration face au fait que le commandement sud n’ait pas enquêté de manière approfondie sur ces incidents et ignore les morts civiles à Gaza. Selon des sources militaires, le chef du commandement sud, le général de division Yaniv Asor, ne mène généralement que des enquêtes préliminaires, s’appuyant principalement sur les témoignages des commandants sur le terrain. Il n’a pris aucune mesure disciplinaire à l’encontre des officiers dont les soldats ont blessé des civils, malgré des violations manifestes des ordres de l’armée israélienne et des lois de la guerre.

Un porte-parole de l’armée israélienne a répondu : « Le Hamas est une organisation terroriste brutale qui affame la population de Gaza et la met en danger afin de maintenir son pouvoir dans la bande de Gaza. Le Hamas fait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher la distribution de nourriture à Gaza et perturber l’aide humanitaire. L’armée israélienne autorise l’organisation civile américaine (GHF) à opérer de manière indépendante et à distribuer de l’aide aux habitants de Gaza. L’armée israélienne opère à proximité des nouvelles zones de distribution afin de permettre la distribution tout en poursuivant ses activités opérationnelles dans la bande de Gaza.

« Dans le cadre de leurs opérations menées à proximité des principales voies d’accès aux centres de distribution, les forces de défense israéliennes (FDI) mènent des processus d’apprentissage systématiques afin d’améliorer leur réponse opérationnelle dans la région et de minimiser autant que possible les frictions potentielles entre la population et les forces de défense israéliennes. Récemment, les forces ont travaillé à la réorganisation de la zone en installant de nouvelles clôtures, des panneaux de signalisation, en ouvrant des routes supplémentaires, etc. À la suite d’incidents au cours desquels des civils se rendant dans les centres de distribution auraient été blessés, des enquêtes approfondies ont été menées et des instructions ont été données aux forces sur le terrain sur la base des enseignements tirés. Ces incidents ont été soumis à l’examen du mécanisme de débriefing de l’état-major général. »

L’armée israélienne a publié une réponse supplémentaire à la suite de la publication de cet article, affirmant qu’elle « rejette fermement l’accusation soulevée dans l’article : l’armée israélienne n’a pas donné pour instruction à ses forces de tirer délibérément sur des civils, y compris ceux qui s’approchaient des centres de distribution. Pour être clair, les directives de l’armée israélienne interdisent les attaques délibérées contre des civils ».

L’armée a ajouté que « toute allégation de violation de la loi ou des directives de l’armée israélienne fera l’objet d’un examen approfondi et des mesures supplémentaires seront prises si nécessaire. Les allégations de tirs délibérés sur des civils présentées dans l’article ne sont pas reconnues sur le terrain ».

Circulez, ya rien à voir [NdT]