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12/02/2024

GIDEON LEVY
Une incursion israélienne à Rafah, dans la bande de Gaza, entraînera une catastrophe humanitaire sans précédent

Gideon Levy, Haaretz, 11/2/2024
Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala

Tout ce que nous pouvons faire maintenant, c’est demander, supplier, crier : « N’entrez pas dans Rafah ». Une incursion israélienne à Rafah sera une attaque contre le plus grand camp de personnes déplacées au monde. Elle entraînera l’armée israélienne dans des crimes de guerre d’une gravité que même elle n’a pas encore commis. Il est impossible d’envahir Rafah aujourd’hui sans commettre de crimes de guerre. Si les forces de défense israéliennes envahissent Rafah, la ville deviendra un charnier.

Environ 1,4 million de personnes déplacées se trouvent actuellement à Rafah, s’abritant parfois sous des sacs en plastique transformés en tentes. L’administration usaméricaine, gardienne supposée de la loi et de la conscience israéliennes, a conditionné l’invasion de Rafah à un plan israélien d’évacuation de la ville. Un tel plan n’existe pas et ne peut pas exister, même si Israël parvient à élaborer quelque chose.

Il est impossible de transporter un million de personnes totalement démunies, dont certaines ont déjà été déplacées deux ou trois fois, d’un lieu “sûr” à un autre, qui se transforment toujours en champs de bataille. Il est impossible de transporter des millions de personnes comme s’il s’agissait de veaux destinés à être expédiés. Même les veaux ne peuvent être transportés avec une telle cruauté.

Il n’y a pas non plus d’endroit où évacuer ces millions de personnes. Dans la bande de Gaza dévastée, il n’y a plus d’endroit où aller. Si les réfugiés de Rafah sont déplacés à Al-Mawasi, comme le propose Tsahal dans son plan humanitaire, Al-Mawasi deviendra le théâtre d’une catastrophe humanitaire sans précédent dans la bande de Gaza.

Yarden Michaeli et Avi Scharf rapportent que l’ensemble de la population de la bande de Gaza, soit 2,3 millions de personnes, est censée être évacuée dans une zone de 16 kilomètres carrés, soit environ la taille de l’aéroport international Ben-Gourion. Toute la bande de Gaza dans la zone de l’aéroport, imaginez un peu.

Amira Hass a calculé que si un million de personnes seulement se rendent à Al-Mawasi, la densité de population y sera de 62 500 personnes par kilomètre carré. Il n’y a rien à Al-Mawasi : pas d’infrastructure, pas d’eau, pas d’électricité, pas de maisons. Seulement du sable et encore du sable, pour absorber le sang, les eaux usées et les épidémies. Cette idée n’est pas seulement à glacer le sang, elle montre aussi le niveau de déshumanisation qu’Israël a atteint dans sa planification.

Le sang sera versé à Al-Mawasi, comme il l’a été récemment à Rafah, l’avant-dernier refuge offert par Israël. Le service de sécurité Shin Bet trouvera un cadre du Hamas qu’il faudra éliminer en larguant une bombe d’une tonne sur le nouveau camp de tentes. Vingt passants, pour la plupart des enfants, seront tués. Les correspondants militaires nous parleront, les yeux brillants, du merveilleux travail accompli par Tsahal pour liquider le haut commandement du Hamas. La victoire totale est proche, les Israéliens seront à nouveau rassasiés.

Mais malgré ce gavage, le public israélien doit se réveiller, et avec lui l’administration Biden. Il s’agit d’une situation d’urgence plus grave que n’importe quelle autre durant cette guerre. Les USAméricains doivent bloquer l’invasion de Rafah par des actes et non par des mots. Ils sont les seuls à pouvoir arrêter Israël.

Le secteur consciencieux du public israélien cherche des sources d’information autres que les stations de « gâteaux pour soldats » qui s’autoproclament chaînes d’information. Regardez les images de Rafah sur n’importe quelle chaîne étrangère - vous ne verrez rien en Israël - et vous comprendrez pourquoi on ne peut pas l’évacuer. Imaginez Al-Mawasi avec les deux millions de personnes déplacées, et vous comprendrez les crimes de guerre qui sévissent ici.


Samedi, le corps de Hind Rajab Hamada, âgée de six ans, a été retrouvé. La fillette était devenue célèbre dans le monde entier après les moments de terreur qu’elle et sa famille avaient vécus le 29 janvier face à un char israélien - moments qui avaient été enregistrés lors d’un appel téléphonique avec le Croissant-Rouge palestinien, jusqu’à ce que les cris de terreur de sa tante s’arrêtent. Sept membres de la famille ont été tués ; seule la petite Hind avait survécu, et son sort était resté mystérieux depuis lors.

Hind a été retrouvée morte dans la voiture brûlée de sa tante, dans une station-service de Khan Younès. Blessée, recouverte par les sept corps de ses proches, elle s’est vidée de son sang avant d’avoir pu s’extraire du véhicule. Hind et sa famille avaient répondu à l’appel « humanitaire » d’Israël à évacuer. Ceux qui veulent des milliers d’autres Hind devraient envahir Rafah, dont la population sera évacuée vers Al-Mawasi.



palestinianyouthmovement

16/12/2023

GIDEON LEVY
Comme si la violence des colons ne suffisait pas :
Israël prive désormais d’eau les Palestiniens de la vallée du Jourdain

Gideon Levy & Alex Levac (photos), Haaretz, 16/12/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Depuis le début de la guerre, une vingtaine de familles palestiniennes ont été chassées de leurs maisons dans la vallée du Jourdain par la violence accrue des colons. Pendant ce temps, l’armée refuse aux communautés de bergers l’accès à l’eau. Des volontaires israéliens tentent de les protéger jour et nuit

Un campement bédouin abandonné par ses habitants en raison de la violence des colons.

Douze heures quarante-cinq, ce lundi, dans le nord de la vallée du Jourdain. Le tronçon nord de la route Allon (route 578) est désert, comme d’habitude, mais au bord de la route, entre les colonies de Ro’i et Beka’ot, un petit convoi de réservoirs d’eau, tirés par des tracteurs et des camions, est stationné et attend. Et attend. Il attend que les moutons rentrent à la maison. Des soldats des Forces de défense israéliennes étaient censés venir il y a quelques heures pour ouvrir la barrière en fer, mais les FDI ne viennent pas et n’appellent pas non plus, comme le dit la chanson. Lorsque l’on appelle le numéro indiqué par l’armée sur le portail jaune, on répond au téléphone de l’autre côté de la ligne, puis on est immédiatement déconnecté. Une militante de Machsom Watch : Women for Human Rights, Tamar Berger, a essayé trois fois ce matin, et à chaque fois, dès qu’elle s’est identifiée, l’autre partie a raccroché de manière démonstrative. Les chauffeurs palestiniens ont peur d’appeler.

C’est le temps du vent jaune, le temps des porteurs d’eau dans le nord de la vallée du Jourdain, qui sont obligés d’attendre des heures et des heures jusqu’à ce que les forces de l’armée qui détiennent la clé arrivent et ouvrent la porte pour que ceux qui transportent l’eau puissent entrer. Dans cette région desséchée, Israël n’autorise pas les résidents palestiniens à se raccorder à un quelconque réseau d’approvisionnement en eau : eux et leurs moutons doivent dépendre de l’eau coûteuse transportée dans les citernes, et les chauffeurs des camions et des tracteurs sont totalement tributaires d’un soldat muni d’une clé.

Le soldat qui détient la clé devait être ici dans la matinée. Les chauffeurs attendent ici depuis 8 heures du matin, et dans quelques minutes, il sera 13 heures. Après l’ouverture du portail, ils se dirigeront vers Atuf et rempliront les réservoirs d’eau, puis reviendront par le chemin de terre en direction des villages situés du côté est de la route, où ils devront à nouveau attendre qu’un soldat muni d’une clé daigne leur ouvrir le portail, afin qu’ils puissent distribuer l’eau aux hommes et aux animaux qui n’ont pas d’autre source d’approvisionnement.

Depuis le début de la guerre, cette barrière est fermée par défaut, après être restée ouverte pendant des années. Depuis l’attaque à la voiture piégée qui s’est produite ici il y a deux semaines, au cours de laquelle deux soldats ont été légèrement blessés, les soldats disposant de la clé ont tardé à venir ou ne sont pas venus du tout. Au cours de cette dernière période, des journées entières se sont écoulées sans que la porte ne soit ouverte et sans que les habitants n’aient accès à l’eau. Les camionneurs et les bergers doivent être punis pour une attaque terroriste (non mortelle) perpétrée par un habitant de la ville de Tamun, à l’ouest d’ici, qui a lui-même été abattu. Ainsi, les Palestiniens sont laissés à sec.

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Le côté est de la route est officiellement privé d’eau. Il est interdit de boire et d’irriguer, par ordre. C’est ce qu’a décidé Israël, dans le but inavoué d’envenimer la vie des bergers jusqu’à ce qu’elle devienne intenable pour eux, puis de les expulser de cette zone. Les colons aussi terrorisent les Palestiniens dans le but de les expulser, encore plus intensément dans l’ombre de la guerre. Comme à l’autre extrémité de l’occupation, dans les collines du sud de l’Hébron, ici aussi, à son point le plus septentrional, dans la zone appelée Umm Zuka, l’objectif principal est de se débarrasser des bergers - le groupe de population le plus faible et le plus impuissant - et de s’emparer de leurs terres.

De nouvelles clôtures ont déjà été érigées le long de la route, apparemment par des colons, autour de toute la zone, dans le but d’achever le processus de nettoyage. À ce jour, une vingtaine de familles, soit près de 200 personnes, enfants compris, ont fui, emportant leurs moutons et laissant derrière elles, dans leur fuite, des tranches de vie et des biens.

Un camion bloqué à un barrage improvisé dans la vallée du Jourdain en attendant que l’armée se décide à déverrouiller la barrière. Si les camions transportant de l’eau ne peuvent pas passer, les bergers et leurs troupeaux n’auront rien à boire.

Retour à la barrière jaune. Dafna Banai, une vétérane de Machsom Watch dans la vallée du Jourdain, qui aide les résidents avec un dévouement sans faille depuis des années, attend avec les chauffeurs de camion depuis le matin. Elle et Berger ont été arrêtés par des soldats au poste de contrôle de Beka’ot au motif fallacieux qu’elles étaient entrées dans la zone A. « Je sais qui vous êtes et ce que vous faites », leur a lancé le commandant de l’unité. Rafa Daragmeh, un chauffeur de camion qui attend depuis 9h30, est censé faire quatre tournées de livraison d’eau par jour, mais c’est maintenant le milieu de la journée, son réservoir est plein et il n’a pas encore terminé une seule tournée. Un jour, il a demandé à un soldat pourquoi ils ne venaient pas. Le soldat a répondu : « Demandez à celui qui a commis l’attaque terroriste », ce qui ressemble à une punition collective - mais ce n’est pas possible, puisque la punition collective est un crime de guerre [et que l’armée la plus morale du monde ne commet pas de crimes de guerre, NdT].

De l’autre côté du poste de contrôle, un camion-citerne vide attend également depuis le matin. Le chauffeur, Abdel Khader, du village de Samara, est là depuis 8 heures du matin. Un autre camion est rempli d’aliments pour animaux - il est peu probable que les soldats le laissent passer. Son chauffeur doit apporter la cargaison à une communauté qui vit à 200 mètres à l’est de la barrière. Deux pièges à mouches sont suspendus à côté du poste de contrôle, le temps s’écoule.

Après 13 heures, une Nissan Jeep civile avec un feu jaune clignotant s’arrête. Les forces armées en sortent, déterminées et confiantes : Quatre soldats, armés et protégés comme s’ils étaient à Gaza. Ils prennent rapidement position. Un soldat grimpe sur un cube de béton et pointe son fusil sur nous sans broncher ; son commandant, masqué et portant des gants, nous demande de « ne pas interférer avec le travail » et nous menace de ne pas laisser passer les camions si nous osons prendre des photos. Peut-être a-t-il honte de ce qu’il fait.

Un troisième soldat ouvre le compartiment à bagages de la Nissan et en sort une clé qui pend au bout d’un long lacet. C’est la clé convoitée, la clé du royaume. Le soldat se dirige vers la barrière et l’ouvre. C’est maintenant l’étape du contrôle de sécurité. Peut-être que l’eau est empoisonnée, peut-être que c’est de l’eau lourde, peut-être que c’est un engin explosif. Avec les Arabes, on ne sait jamais.

Pour passer ici, il faut de la “coordination”. Un chauffeur bédouin israélien du nord du pays affirme qu’il a de la coordination. Son camion transporte des matériaux de construction. Le chauffeur du camion-citerne nous dit que la cargaison est destinée aux colons ; le chauffeur bédouin le nie et dit que c’est pour les bergers. Mais il n’y a pas un seul berger dans ces régions qui ait l’autorisation de construire ne serait-ce qu’un muret.

Un berger allemand se réchauffe au soleil et observe les événements avec émerveillement. Un tracteur passe sans encombre ; un camion, celui qui vient de l’ouest, est retardé et son chauffeur s’assoit par terre au poste de contrôle en attendant. Mais le grotesque ne fait que commencer. Le summum est atteint lorsqu’un minibus portant des plaques d’immatriculation israéliennes arrive et déverse un groupe d’étudiants de yeshiva haredi, équipés d’un amplificateur diffusant de la musique hassidique et d’un plateau de sufganiot, des beignets de Hanoukka. Les chauffeurs palestiniens qui attendent encore n’en croient pas leurs yeux - ils pensaient avoir déjà tout vu aux postes de contrôle.

Dafna Banai, vétérane de Machsom Watch dans la vallée du Jourdain, près du barrage routier cette semaine.

Les étudiants de la yeshiva, originaires de la ville de Migdal Ha’emek, dans le nord d’Israël, font une mitzvah en distribuant des beignets envoyés par le centre Chabad de Beit She’an aux soldats à ce point de contrôle et à d’autres, au grand étonnement des transporteurs d’eau palestiniens qui ne demandent qu’à traverser et à livrer leur cargaison d’eau.

Le soldat au fusil qui nous vise mâche paresseusement son beignet, une main le tenant, l’autre sur la gâchette. Tous ensemble maintenant : “Maoz tzur yeshuati” – “O puissante forteresse de mon salut”. Le camion de nourriture pour animaux ne passe pas. Pas de coordination. Un officier portant une kippa est appelé sur les lieux et, de loin, nous prend en photo avec son téléphone.

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L’unité du porte-parole des FDI, en réponse à une question de Haaretz sur le fonctionnement irrégulier du point de contrôle : « À la suite d’un certain nombre d’événements liés à la sécurité qui se sont produits ici, la porte a été partiellement bloquée. Le passage par la porte est uniquement coordonné et est autorisé en fonction de l’appréciation de la situation opérationnelle dans le secteur ».

À quelques kilomètres au nord, on trouve des vestiges de vie sur le bord de la route. Ici, deux familles d’éleveurs de moutons ont vécu pendant des années, mais les colons des avant-postes voisins ont fait de leur vie une misère jusqu’à ce qu’ils partent, il y a deux semaines, en abandonnant leurs maigres biens. Un parc pour enfants, deux réfrigérateurs, un lit en fer rouillé, deux enclos pour animaux, quelques livres pour enfants et un dessin de chaussettes légendé par le mot chaussettes en hébreu, probablement tiré d’un livre d’école.

Dafna Banai explique que les colons ont clôturé toute la zone de la réserve naturelle d’Umm Zuka, soit quelque 20 000 dunams (2 000 hectares), afin de la débarrasser de ses bergers. C’est toujours le même système, explique Banai : d’abord, on empêche les moutons de paître et on réduit les pâturages, puis les habitants des petites communautés sont attaqués presque chaque nuit - parfois les assaillants urinent sur leurs tentes, parfois ils commencent aussi à labourer le sol au milieu de la nuit, afin de créer des “faits sur le terrain”. Tareq Daragmeh, qui vivait ici avec sa famille, n’en pouvait plus et est parti, tout comme son frère, qui vivait à côté de lui avec sa famille. Nous ne sommes pas à Gaza, mais ici aussi, les gens sont forcés de quitter leur maison sous les menaces et les agressions violentes.

Plus au nord encore se trouve une communauté de bergers bien aménagée et animée. Il s’agit d’El-Farsiya, à l’extrême nord de la vallée du Jourdain, presque à la périphérie de Beit She’an. Trois familles de bergers vivent ici et deux autres non loin de là. Deux familles sont parties. L’une d’elles est revenue après que des volontaires israéliens ont commencé à dormir ici chaque nuit après le début de la guerre, protégeant ainsi les habitants. Ils sont 30 à 40 de ces beaux Israéliens, la plupart d’un âge relativement avancé (60 ans ou plus), à se partager les quarts de travail pour protéger les Palestiniens dans la partie nord de la vallée du Jourdain, qui s’étend de la colonie de Hemdat jusqu’à Mehola. « Mais combien de temps pourrons-nous les protéger 24 heures sur 24 ? » demande Banai, qui a organisé cette force bénévole.

Yossi Gutterman, l’un des volontaires, cette semaine. « Je ne pense pas que le but de la violence des colons soit de causer des dommages en tant que tels - c’est l’usure, l’intimidation, la création du désespoir », dit-il.

Trois des volontaires descendent de la colline. Amos Megged de Haïfa, Roni King de Mazkeret Batya et Yossi Gutterman, le vétéran du groupe, de Rishon Letzion. Ils sont deux ou trois par équipe de 24 heures. King était jusqu’à récemment le vétérinaire de la Direction de la Nature et des Parcs’ ; Megged, le frère cadet de l’écrivain Eyal Megged, est un historien spécialisé dans les annales des Indiens du Mexique ; et Gutterman est un professeur de psychologie à la retraite. Il est équipé d’une caméra corporelle.

Aujourd’hui, ils reviennent d’un incident de vol de moutons à des Palestiniens, et il n’y a pas encore de volontaires pour la nuit à venir. Depuis le début de la guerre, il est devenu urgent de dormir ici, explique Gutterman. « La violence des colons est devenue une affaire quotidienne, considérée comme allant de soi, et comprend des invasions nocturnes du camp de tentes, la casse d’objets, le bris de panneaux solaires. Je ne pense pas que le but soit de causer des dommages en tant que tels - c’est l’usure, l’intimidation, la création du désespoir ».

Une famille est partie, racontent les volontaires, après que des colons de Shadmot Mehola et leurs invités du shabbat d’un internat religieux du kibboutz Tirat Zvi ont cassé le bras du père de famille. « Il y a deux semaines », explique Gutterman, « alors que trois de nos amis étaient ici, des colons ont réveillé tout le camp de tentes à 2h30 du matin avec des cris et des lampes de poche, et ont effrayé tout le monde. Ils ont ensuite commencé à labourer une parcelle de terre privée qui avait récemment été déclarée “terre abandonnée”».

Il y a moins de deux semaines, deux volontaires ont été attaqués ici. L’un a été frappé avec un gourdin et a reçu un spray au poivre dans les yeux, l’autre a reçu une pierre à la tête. « Une campagne de nettoyage ethnique est en cours ici », dit Gutterman.

Suite à un appel téléphonique, les trois hommes se précipitent vers leur voiture et se dirigent vers le nord, en direction de Shdemot Mehola. Un berger leur dit que des colons viennent de lui voler des dizaines de chèvres. La police et l’armée se rendent sur place et, avec l’aide des trois volontaires, 37 chèvres sont retrouvées et rendues à leur propriétaire. Ce ne sont pas toutes les chèvres qui ont été volées.

Pendant ce temps, les chauffeurs de tracteurs et de camions finissent de faire le plein d’eau et se dépêchent de revenir afin de passer par la même porte, qui devait rester ouverte pendant une heure. A leur arrivée, à 14h30, ils constatent que la barrière est fermée et les soldats partis. Ils ont attendu leur retour pendant quatre heures, jusqu’à 18h30. Sans doute “en raison de l’appréciation de la situation opérationnelle dans le secteur”.

 

10/09/2023

GIDEON LEVY
Tout d’un coup, les soldats et les officiers israéliens sont des criminels de guerre

Gideon Levy, Haaretz, 10/9/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

L’anxiété, vraie ou fausse, s’est emparée des chefs de l’armée et de la justice : la révolution judiciaire met les soldats des Forces de défense israéliennes et leurs commandants face à un risque concret de poursuites à l’étranger. Il est difficile de savoir si la vague de briefings qui a submergé les médias au cours du week-end n’était qu’une menace dans le cadre de la lutte contre le coup d’État gouvernemental ou si l’appréhension est réelle. Quoi qu’il en soit, les commandants de Tsahal, qui craignent pour leur avenir, se mettent soudain à dire les choses telles qu’elles sont, comme jamais auparavant, et à présenter une vérité qu’ils n’avaient jamais admise auparavant.


Cour Pénale Internationale, La Haye : "Prenez place"
Carlos Latuff

Selon ces personnes craintives, jusqu’à présent, les membres des forces de défense israéliennes bénéficiaient d’une protection efficace sous la forme de tribunaux israéliens de renommée mondiale. Maintenant que cette protection commence à se fissurer, les soldats sont susceptibles d’être poursuivis à La Haye et devant d’autres tribunaux à l’étranger. Pour la première fois, la défense et la justice israéliennes admettent qu’il y a des raisons de soupçonner que Tsahal commet des crimes de guerre et que seule la renommée des tribunaux israéliens l’a protégée jusqu’à présent.

Mais le prestige des tribunaux sur ces questions est une fabrication totale, dont les diffuseurs savaient pertinemment qu’elle était fausse. Il n’existe pas en Israël de système d’enquête sur les crimes de l’occupation. Les tribunaux militaires sont manifestement une plaisanterie pathétique, et le prestige dont jouit la Haute Cour de justice n’est justifié que tant qu’elle n’est pas confrontée à l’establishment de la défense.

Des décennies d’occupation, sans un seul jour où des crimes de guerre n’ont pas été commis, n’ont pas donné lieu à une seule enquête digne de ce nom, qui n’ait pas été blanchie et muselée, à un seul acte d’accusation qui soit à la hauteur des faits, et certainement pas à une seule peine qui corresponde au crime. Un État dans lequel le procès d’Elor Azaria - qui a abattu un assaillant palestinien blessé et hors d’état de nuire - se termine par une peine de 18 mois de prison pour homicide involontaire, réduite à 14 mois pour des “raisons de compassion et de considération”, puis réduite d’un tiers, et où l’affaire est considérée comme un traumatisme national - est un État qui n’enquête pas, ne poursuit pas et ne punit certainement pas les personnes qui commettent des crimes de guerre.

Le procès Azaria aurait dû être une lumière pour les nations et la Cour internationale de justice : c’est l’exception qui confirme la règle. Et la règle, c’est qu’Israël n’enquête pas et ne punit pas les soldats ou les commandants pour crimes de guerre. Les dossiers prennent la poussière dans le bureau de l’avocat général de l’armée, se couvrant des mensonges et des tromperies des soldats et de leurs commandants, jusqu’à ce qu’ils soient mis de côté.

Ainsi, quelqu’un d’autre doit faire le travail pour l’État. Il était commode pour La Haye et le monde de s’accrocher à la douce illusion qu’Israël est sérieux dans ses enquêtes sur les membres du service. Le coup d’État judiciaire est arrivé, et soudain, nous n’avons plus d’avocat général militaire qui enquête, ni de Haute Cour de justice qui lutte contre les crimes de guerre.

Il n’y a pas de mal sans bien. Tout comme la tentative de coup d’État a tiré un grand nombre d’Israéliens de leur torpeur et les a fait descendre dans la rue, elle permettra peut-être au monde de se réveiller de son coma.

Après plus de 35 ans de reportages sur l’occupation, après avoir entendu des milliers d’histoires époustouflantes qui se terminent toujours de la même manière : des tireurs d’élite de l’armée qui tirent sur des enfants et d’autres civils innocents, des tirs réels lors de manifestations, des frappes aériennes sur des civils sans défense, des malades au seuil de la mort qui se voient refuser l’entrée en Israël pour y recevoir des soins médicaux, des punitions collectives, des détentions sans procès, des perquisitions brutales au domicile de personnes innocentes, devant leurs enfants, des humiliations, des coups, des abus, l’utilisation de chiens d’attaque, des fouilles à nu et une myriade d’autres délits, qui se terminent tous de la même manière.

« Nous n’avons pas connaissance de plaintes concernant des violences commises par des soldats. Toute allégation de ce type sera examinée » ; « Nous ne sommes pas au courant de l’allégation selon laquelle des soldats auraient utilisé des enfants en bas âge comme boucliers humains » ; « Nous sommes au courant de l’allégation concernant la mort d’un mineur. Les circonstances font l’objet d’une enquête ».

Juges du monde : ces “enquêtes” sont éternelles et n’ont d’autre but que de tromper le monde et de maintenir l’immunité sacrée et absolue des soldats de Tsahal. Peut-être que l’abrogation du critère de raisonnabilité* vous incitera enfin à agir, auquel cas le coup d’État judiciaire aura un résultat non destructeur : la fin de l’ère du mensonge selon lequel Israël et ses militaires enquêtent sur eux-mêmes. Ils n’ont jamais eu l’intention de le faire.

NdT

*La Knesset a adopté en juillet dernier une mesure qui empêche la Cour suprême d’annuler les décisions du gouvernement au motif qu’elles sont « déraisonnables ». Ses partisans disent que la norme actuelle de « raisonnabilité » donne aux juges non élus des pouvoirs excessifs sur la prise de décision par les élus.

 

 

12/08/2023

GIDEON LEVY
Maria a miraculeusement survécu à une frappe de missile israélienne. 17 ans plus tard, un incident à un poste de contrôle a réveillé son traumatisme

Gideon Levy, Haaretz, 12/8/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Enfant, Maria Aman a été gravement blessée et a perdu la plupart des membres de sa famille lorsqu’un missile israélien a touché leur voiture à Gaza. Après une rééducation miraculeuse en Israël, mais paralysée et ventilée, elle a récemment revécu son traumatisme à un poste de contrôle.

 

Maria Aman avec son père Hamdi  Photo : Moti Mirlod

 

 Un SMS, il y a deux semaines : « Je ne peux pas supporter ce qui m’est arrivé hier. Parle à mon père ». Un message vocal le même soir, après minuit : « Bonjour Gideon, je voulais juste te dire que je suis allée à la police. Je suis allée les voir et je leur ai dit. Je leur ai raconté tout ce qui m’était arrivé au poste de contrôle et ils m’ont dit  “il n’y a rien eu de tel, nous devons vérifier ton histoire” ».

 

Retour en arrière, il y a 17 ans. 20 mai 2006, Gaza. La famille Aman achète une Mitsubishi Lancer d’occasion pour 7 000 dinars jordaniens (environ 9 000€ à l’époque) et entame joyeusement son premier voyage - parents, enfants, grand-mère, oncle - dans les rues principales de la ville. Maria, une petite fille de 3 ans et demi, se tient entre sa mère et son père dans la voiture et chante une chanson joyeuse.

 

C’était la dernière fois qu’elle se tenait debout. Un missile tiré par un pilote de l’armée de l’air israélienne sur la voiture d’un individu recherché a également endommagé le véhicule des Aman et tué presque tous ses occupants : Muhand, 7 ans, sa mère et celle de Maria, Naima, 27 ans, et leur grand-mère, Hanan, 46 ans. L’oncle, Nahed, 33 ans, mourra environ un mois plus tard. Maria, la petite fille chantante qui a perdu quatre membres de sa famille, était dans un état critique et a été plongée dans un coma artificiel et placée sous respirateur. Elle a d’abord été transportée à l’hôpital Shifa de Gaza, mais quelques jours plus tard, dans un effort apparemment ultime, elle a été transférée au centre médical Sheba de Ramat Gan.

 

Quelques jours plus tard, j’ai visité la maison familiale dans le quartier Tel al-Hawa de la ville de Gaza. Le silence sinistre qui régnait dans la maison n’était rompu que par les pleurs du père de famille, Hamdi Aman, qui avait alors 28 ans et avait perdu presque tous les êtres qui lui étaient chers. Il avait été blessé à la jambe lors de l’attaque et boitait sur le sable dans la cour, serrant dans ses bras Muaman, le fils de deux ans qui lui restait, le petit survivant qui pleurait sa mère, son frère et sa grand-mère, qui avaient disparu de sa vie. Au centre médical de Sheba, Maria était en grande difficulté.

 

Dans un premier temps, Hamdi a refusé de nous parler et nous a jeté un regard hostile. Par la suite, il nous a demandé de traduire un fax qu’il avait reçu de l’hôpital. Les médecins devaient pratiquer une petite intervention sur la trachée de Maria afin de l’aider à respirer ; son père devait signer un formulaire de consentement de toute urgence. Les autorités israéliennes avaient refusé d’accorder au père endeuillé un permis d’entrée pour être au chevet de sa fille.

 

Après la visite à Gaza, j’ai écrit dans ces pages, le 1er juin 2006 : « “Je ne déteste pas les Israéliens”, dit ce jeune homme qui a grandi [en travaillant] au marché du Carmel à Tel-Aviv et dont la famille a été ainsi détruite par Israël. Hamdi n’a rien mangé depuis la tragédie - seulement des larmes et des cigarettes, l’une après l’autre » De manière scandaleuse, le porte-parole des Forces de défense israéliennes a exprimé des doutes sur le fait que quelqu’un dans la famille ait réellement été tué par le missile de précision, mais a annoncé froidement : « Si des Palestiniens ont été tués par des tirs des Forces de défense israéliennes, des leçons opérationnelles seront tirées ».

Dix jours plus tard, j’ai fait un rapport de l’hôpital : « L’enchevêtrement de tubes et le respirateur artificiel fixé directement sur sa trachée ne peuvent cacher sa beauté. Petite fille de 3 ans allongée dans l’unité de soins intensifs pédiatriques du centre médical de Sheba, Maria Aman a de tristes yeux bruns en amande grands ouverts, ses lèvres murmurent : “De la nourriture, je veux manger”, mais tous ses membres sont paralysés, pour toujours ». Puis, le 15 juin, lors d’une visite à l’hôpital Alyn, un centre de rééducation pédiatrique à Jérusalem, j’ai écrit : « Une fin heureuse ? Ce n’est pas une fin et elle n’est pas heureuse. Maria Aman, une petite fille paralysée et ventilée, a été transférée cette semaine à l’hôpital Alyn de Jérusalem, alors qu’Israël s’apprêtait déjà à la renvoyer à Gaza ».


 Maria Aman avec son père à l’hôpital Alyn de Jérusalem en 2011. Photo : Emil Salman

 Un silence pesant, renforcé par la peur de l’inconnu, régnait dans l’ambulance de soins intensifs qui l’a transportée de Sheba à Jérusalem, où je les attendais. Son père, qui avait enfin été autorisé à entrer en Israël, et un parent de Jaffa l’accompagnaient dans l’ambulance. L’accueil à Alyn, par un médecin portant une kippa, a été chaleureux et professionnel. La bataille publique acharnée menée par quelques Israéliens pour obtenir des autorités qu’elles l’autorisent à rester en Israël pour un traitement médical a été couronnée de succès, cette fois-ci. Tous deux ont passé les cinq années et demie suivantes dans une petite chambre d’Alyn - Maria et son père, Hamdi, qui est resté à ses côtés sans relâche, jour et nuit.

Maria, qui a aujourd’hui 21 ans, peut parler et a appris à utiliser sa bouche pour faire avancer son fauteuil roulant électrique sophistiqué - tout ce qui est arrivé à Alyn, il y a plus de dix ans, était miraculeux. Grâce à la pression exercée par les quelques bons Israéliens qui se sont mobilisés pour l’aider, la bureaucratie israélienne a dérogé à la coutume et s’est comportée avec une humanité et une générosité dignes d’éloges - à grande échelle : Maria a reçu presque tout ce qu’un Israélien blessé lors d’une attaque hostile aurait reçu.

 

Elle et son frère ont le statut de résident permanent dans le pays - leur père est encore un résident temporaire - et ils vivent dans un appartement loué dans le beau quartier de Sharafat à Jérusalem-Est. La maison dans laquelle ils ont emménagé il y a quelques mois a été adaptée à son handicap, ils disposent d’un véhicule spécialement conçu, et l’équipement médical et de rééducation mis à la disposition de Maria ne ferait pas honte à un établissement médical de pointe. Aujourd’hui, Hamdi, le jeune père endeuillé et en colère de Tel al-Hawa, peut rivaliser en termes de connaissances médicales avec pratiquement toutes les infirmières et quelques médecins.


« Je dors en fonction du niveau de saturation [en oxygène, dans le respirateur de Maria] » a-t-il raconté cette semaine, assis dans le joli salon de la famille. Sa fille et lui partagent une chambre : Maria dans un lit d’hôpital sophistiqué ; lui, en bas, dans un lit de campagne. Hamdi, qui est aux côtés de sa fille 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 depuis 17 ans - nous savons tous que les Palestiniens n’aiment pas leurs enfants, n’est-ce pas ? - sait que si le respirateur se met à biper, Dieu nous en préserve, il dispose d’exactement 50 secondes pour sauver la vie de sa fille. Il sait comment changer les piles de la machine, comment faire fonctionner un dispositif d’inhalation manuelle si nécessaire, comment drainer le mucus qui s’accumule fréquemment dans les poumons de Maria, comment prendre soin de ses cheveux et de ses ongles. En général : comment s’occuper de son corps jour et nuit, comment répondre à tous ses besoins.

 

Il décrit le pacemaker implanté dans ses poumons et les médicaments qu’elle prend pour entretenir ses muscles et éviter les crampes. Sa Maria est une jeune femme extrêmement soignée, avec un bijou en or éblouissant à la main droite - qu’elle ne peut pas bouger, tout comme ses autres membres - acheté par son père à Hébron. Les murs du salon sont ornés de superbes peintures de paysages qu’elle réalise avec sa bouche. Il y a quelques années, elle a exposé à la galerie Ben Ami de Tel Aviv. Elle utilise fréquemment son téléphone portable spécialement conçu pour envoyer des messages vocaux et écrits, et pour avoir des conversations, par l’intermédiaire d’une petite tige qu’elle place dans sa bouche.

 

Au fil des ans, la maison des Aman s’est israélisée. L’arabe et l’hébreu sont entendus alternativement, la télévision est réglée sur les chaînes israéliennes. Le petit frère, Muaman, qui a été à nouveau blessé au bras par l’armée israélienne quatre mois après la catastrophe de Gaza, alors qu’il était encore coupé de son père et de sa sœur, a finalement été autorisé à les rejoindre en Israël. Il a aujourd’hui 20 ans et parle l’hébreu sans accent, plus couramment que l’arabe. Il étudie l’optométrie au Hadassah Academic College de Jérusalem, travaille comme caissier dans un supermarché et a un look tout à fait israélien. Lorsqu’il s’est avancé vers nous cette semaine, dans la rue où il vit, je n’ai pas reconnu le petit garçon effrayé que j’avais rencontré à l’époque.

 

Maria dit rêver de pouvoir poursuivre sa scolarité comme son frère et de trouver ensuite un emploi adapté à sa condition. Jusqu’à l’âge de 21 ans, elle était inscrite dans une école en tant qu’élève en éducation spéciale ; aujourd’hui, elle cherche un autre cadre pour poursuivre ses études.

 Maria Aman avec son père, Hamdi, et son frère Muaman, chez elle cette semaine à Jérusalem-Est. Photo : Moti Milrod

 

De temps en temps, la famille se rend à la plage de Bat Yam, au sud de Tel Aviv, qui est accessible aux personnes en fauteuil roulant. Au début, les médecins voulaient utiliser une sonde d’alimentation reliée directement à l’estomac, pour le reste de sa vie. Mais Hamdi a refusé. Aujourd’hui, Maria mange de tout. « Il n’y a rien que je n’aime pas manger », nous dit cette jeune femme pleine de joie de vivre.

 

Mais il y a deux semaines, tout semblait sur le point de s’effondrer. Hamdi est bénévole au sein de Road to Recovery, une organisation à but non lucratif dont les membres conduisent les Palestiniens des points de contrôle de Cisjordanie et du point de contrôle d’Erez, à la frontière de Gaza, vers les hôpitaux israéliens et vice-versa. Parfois, il aide également les patients de la bande de Gaza qui le contactent directement, comme il l’a fait le 26 juillet avec Dunya Arafat, une jeune Gazaouie qui s’était rendue à l’hôpital El-Ahli d’Hébron pour soigner son fils Fares, âgé de moins d’un mois, qui avait besoin d’une opération du cœur. Lorsqu’ils sont sortis de l’hôpital, Hamdi, avec Maria dans la voiture bien sûr, est venu les chercher pour les conduire au point de passage d’Erez. Ce qui leur est arrivé en route, au poste de contrôle de Tarkumiya, a été décrit en détail par Orly Vilnai au début du mois, dans l’édition hébraïque de Haaretz.

 

Selon Hamdi, les gardes du poste de contrôle ont exigé que Maria sorte de la voiture et soit soumise à un contrôle de sécurité, et que tout son équipement, y compris son ventilateur, sa machine de drainage et son cathéter, soit passé au scanner. Maria a commencé à avoir une crise de panique et son a pris sa défense.

 

« Faites-moi ce que vous voulez, mais ne touchez pas à Maria. Cette fille est paralysée et sous respirateur - et n’oubliez pas qu’elle est résidente permanente de l’État et que le véhicule appartient également à l’État », a-t-il dit aux gardes.

 

Hamdi et Maria décrivent l’incident comme une expérience intimidante. À un moment donné, un garde a pointé son arme sur Maria. « Vous devriez avoir honte de pointer une arme sur une jeune fille handicapée », lui a dit Hamdi. « Nous sommes une famille endeuillée, vous avez tué toute une famille, sa mère et son frère, sa grand-mère et son oncle. Comment avez-vous pu faire une chose pareille ? »

 

Des fonctionnaires du ministère de la défense ont démenti l’affirmation selon laquelle une arme aurait été pointée sur Maria et ont expliqué que les gardes sont tenus de porter des armes au poste de contrôle.

 

Yael Noy, directrice de l’organisation Road to Recovery, qui connaît très bien Hamdi et Maria et s’est rendue chez eux après l’incident, s’est également efforcée de donner une image plus douce de ce qui s’est passé. « Nous tenons à souligner que nous [notre organisation] recevons régulièrement un excellent traitement et une réponse immédiate à toutes les demandes que nous adressons aux autorités qui supervisent les postes de contrôle. Grâce au dévouement et à l’attention des autorités, nous sommes en mesure d’apporter aux patients palestiniens l’aide dont ils ont besoin dans la réalité complexe dans laquelle nous vivons ».

 

Maria Aman avec son père, Hamdi. Photo  : Moti Milrod

Il semble qu’une certaine insensibilité des gardes et l’anxiété d’un père attentionné se soient opposées au poste de contrôle, mais il n’y avait apparemment pas de malice.

 

Un porte-parole du ministère de la défense a donné la réponse suivante à Haaretz cette semaine : « M. Hamdi est arrivé sans coordination préalable, comme l’exigent les procédures, avec une femme de Gaza et son fils en bas âge. Lors d’une vérification en temps réel avec la Road to Recovery, il s’est avéré qu’ils n’avaient aucune connaissance du sujet et qu’il n’avait pas été coordonné avec eux. Malgré l’absence de coordination, il a été décidé de les accueillir et de les prendre en charge sur place.

 

« Le chef d’équipe [du poste de contrôle] a demandé à la Palestinienne de Gaza de sortir avec ses affaires pour un contrôle rapide et la saisie de son permis de transit, comme l’exige le protocole. À ce stade, M. Hamdi a commencé à expliquer qu’il avait avec lui sa fille, placée sous respirateur, et le chef d’équipe lui a dit qu’elle pouvait bien sûr rester dans le véhicule et qu’elle serait traitée dans le véhicule selon une procédure de contrôle simplifiée et rapide, ce qui a effectivement été fait.

 

« Au même moment, M. Hamdi a commencé à faire des allégations agressives et a essayé de faire sortir sa fille [du véhicule], malgré nos demandes claires de ne pas le faire. À un moment donné, M. Hamdi a commencé à prendre des photos dans l’enceinte du centre de transit. On lui a dit qu’il le faisait en violation de la loi et on a attiré son attention sur un panneau situé à proximité [indiquant] qu’il était interdit de prendre des photos sur le site.

 

« Nous notons que le comportement de M. Hamdi a retardé la conclusion du traitement de la situation, lorsqu’il lui a été demandé à plusieurs reprises de retirer les effets personnels du passager gazaoui et qu’il a tenté d’en laisser dans le véhicule, ce qui a entraîné un retard dans la conclusion du contrôle.

 

« L’allégation selon laquelle un garde aurait pointé une arme est totalement infondée et déconnectée de la réalité. Ce n’est pas notre façon d’opérer, ni professionnellement, ni moralement. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle ‘un contrôle a été effectué sur le corps de Maria et sur son matériel médical’, le contrôle a été effectué selon une procédure simplifiée, en veillant à la sécurité de la patiente et en s’assurant que le matériel médical restait intact ».

 

Pour sa part, Maria dit qu’elle ne dort toujours pas la nuit depuis l’incident. Tout est remonté à la surface. Pendant qu’elle parle, il y a une accumulation de mucus dans ses poumons et Hamdi plonge rapidement le tube de drainage au fond de sa gorge pour le retirer. Son corps est parcouru de tremblements involontaires, mais quelques minutes plus tard, tout est redevenu comme avant.