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14/06/2024

ANSHEL PFEFFER
Non, toute la politique à travers le monde ne concerne pas la guerre de Gaza, les sionistes et les antisémites

 Anshel Pfeffer, Haaretz, 14/6/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Malgré ce que disent les militants propalestiniens, les experts des médias et les responsables israéliens, Israël et Gaza sont loin d’être à l’ordre du jour pour la grande majorité des électeurs en Europe et aux USA - et ne décideront pas des résultats des élections.

Des Israélien·nes protestent contre la guerre à Gaza devant la Knesset, jeudi. De nombreux Israélien·nes pensent qu’Israël a été contraint de se lancer dans une guerre justifiée à Gaza, mais qu’en raison de la corruption de ses dirigeants et de la folie de ses généraux, il a mené cette guerre de manière criminelle. Photo Menahem Kahana / AFP

Certains responsables israéliens sont enthousiasmés par le succès des partis d’extrême droite aux élections européennes du week-end dernier, nous informe Amir Tibon dans ce journal. Ils pensent qu’avec les pertes des partis du bloc des Verts, cela tempérera les initiatives européennes visant à sanctionner Israël et à reconnaître un État palestinien.

Notre bouffon de ministre des Affaires étrangères Israël Katz (ou la personne  qui gère son compte X) partage certainement ce sentiment. S’écartant des subtilités diplomatiques, il a posté une caricature du président du gouvernement espagnol et de de sa vice-présidente couverts d’œufs, et s’est réjoui de l’échec de leurs partis de gauche aux élections européennes. « Il s’avère que soutenir les assassins et les violeurs du Hamas n’est pas électoralement rentable », a écrit Katz.

Il est facile de considérer qu’il s’agit d’une mauvaise interprétation de la politique européenne. La plupart des électeurs des 27 États membres de l’Union européenne ne considèrent pas ces élections comme aussi cruciales que leurs élections nationales et peuvent les utiliser pour protester contre les dirigeants en place. En France, le parti de droite dure du Rassemblement national de Marine Le Pen en a été le principal bénéficiaire, mais dans la plupart des autres pays, y compris l’Espagne, l’extrême droite a à peine progressé, et certains ont même perdu du terrain. Le tableau d’ensemble montre un léger glissement vers la droite, qui pourrait modifier la composition de la coalition actuelle, même si l’actuelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, une femme politique allemande de centre-droit, restera probablement à la tête de l’institution.


Des partisans du parti d’extrême droite français, le Rassemblement national, exultent après la fermeture des bureaux de vote lors des élections du Parlement européen, à Paris la semaine dernière. Photo : Sarah Meyssonnier / REUTERS

 Sous la direction de Mme von der Leyen et de sa coalition, quelle qu’elle soit, Israël n’a pas grand-chose à craindre de la part de l’Union européenne. Certains pays européens diplomatiquement sans importance comme l’Espagne, la Norvège et l’Irlande peuvent faire le geste creux de reconnaître un État palestinien inexistant, mais aucun mouvement à l’échelle européenne pour sanctionner Israël n’était à l’ordre du jour. Josep Borell, le ministre des affaires étrangères de l’UE, ou, pour utiliser son grand titre, le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a émis quelques critiques acerbes, mais en tant que socialiste espagnol, il n’a que peu de pouvoir réel au sein des principaux gouvernements européens et il est de toute façon peu probable qu’il conserve son poste au sein de la Commission européenne après les élections.

L’esprit de clocher LL’esprit de clocher des Israéliens qui leur fait croire tout ce qui se passe quelque part dans le monde tourne autour d’eux fait que les politiciens israéliens pensent que les élections européennes nous concernaient également, alors qu’en réalité, Israël, Gaza et cette guerre sont si loin dans l’agenda européen qu’ils n’en font même pas partie. Il en va de même, dans une large mesure, pour les prochaines élections en Grande-Bretagne et aux USA. Malgré l’attention incroyablement disproportionnée accordée par les médias aux campements électoralement insignifiants sur les campus et les tentatives des rabatteurs d’utiliser Gaza comme un sujet de discorde pour déplacer les électeurs musulmans mécontents, toute enquête fiable montre qu’il ne s’agit pas de questions majeures pour les électeurs.

Lors des élections générales en Grande-Bretagne, le parti travailliste est sur le point de remporter une victoire écrasante, qui ne sera pas affectée même s’il perd un ou deux sièges en raison du soutien discret du futur premier ministre Keir Starmer à Israël et de son refus de se laisser entraîner dans la controverse sur une guerre sur laquelle la Grande-Bretagne n’a aucune influence. Il a gagné beaucoup plus de sièges en désintoxiquant [sic] son parti de l’antisémitisme [resic] de l’ancien leader “propalestinien” [reresic], Jeremy Corbyn, qu’il ne pourrait jamais en gagner en faisant de la guerre un thème majeur de sa campagne.

De même, les démocrates, si Joe Biden perd effectivement en novembre, auront une longue liste de raisons électorales et sociétales, et surtout l’affrontement bizarre entre deux candidats physiquement et mentalement inaptes, pour expliquer leur défaite. Le valeureux [sic] de Joe Biden à Israël depuis le 7 octobre et ses efforts inlassables pour obtenir un cessez-le-feu seront les moindres de ces raisons.


Capture d’écran d’un post X du ministre israélien des Affaires étrangères, Israel Katz

Mais il n’y a pas que les populistes israéliens comme Katz qui voient les politiciens étrangers dans un cadre binaire “pro-Israël” ou “pro-Hamas”. Dans les bulles médiatiques où nous vivons - et oui, si vous lisez cette chronique dans l’édition anglaise de Haaretz, vous êtes également dans l’une de ces bulles où le conflit israélo-palestinien occupe un espace démesuré - beaucoup, des deux côtés, sont affligés de la même manière. C’est l’une des caractéristiques les moins attrayantes de la politique populiste de notre époque, qu’elle soit de droite ou de gauche, que de forcer des personnalités publiques qui n’ont manifestement aucune idée des faits sur le terrain à entrer dans ces cases “sionistes” et “antisémites”, “pour” ou “contre” les Palestiniens et les Israéliens.

Il est si répandu que ces derniers jours, les politiciens et les experts de New York ont dû faire précéder leur condamnation des attaques ciblées contre des Juifs à Brooklyn de la mise en garde suivante : ils peuvent à la fois dénoncer l’antisémitisme et critiquer Israël. Pourquoi l’un nécessite-t-il de mentionner l’autre ?


La représentante Rashida Tlaib (Démocrate du Michigan), la seule USAméricaine d’origine palestinienne au Congrès, prend la parole lors d’une manifestation pour appeler à un cessez-le-feu dans les hostilités menées par Israël à Gaza, au Capitole à Washington au début de l’année. Photo : J. Scott Applewhite /AP

Un membre du Congrès ou un grand journaliste peut certainement défendre ses électeurs et ses voisins sans avoir à vérifier ses positions sur un conflit qui se déroule à 10 000 kilomètres de là. Mais ils sont obligés de le faire, parce qu’ils sont aussi dans cette bulle médiatique où tout le monde doit être rangé dans l’un des camps.

Des élections réelles, où des millions de personnes réelles avec des vies réelles qui ne vivent pas dans ces bulles prouvent encore et encore que ce conflit, que nous ressentons comme consumant tout notre être, ne concerne qu’une petite minorité et que la plupart des électeurs apprécient les candidats qui consacrent leur campagne à des questions qui leur tiennent réellement à cœur. Mais dans ces bulles que nous occupons, la contrainte de diviser tout le monde comme des supporters de football étouffe les tentatives d’exprimer une quelconque position raisonnable et nuancée.

Beaucoup d’entre nous, en particulier ceux qui sont directement touchés par cette guerre, défendent ces positions et pensent qu’Israël a été contraint de s’embarquer dans une guerre justifiée à Gaza, mais qu’en raison de la corruption de ses dirigeants et de la folie de ses généraux, il a poursuivi cette guerre de manière criminelle. Ou que les Palestiniens sont privés de leurs droits depuis bien trop longtemps, mais que le Hamas n’a fait qu’apporter davantage de destruction et, très probablement, des décennies supplémentaires d’apatridie. [sic final]