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28/02/2025

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
De Bruxelles à Riyad en passant par Munich : huit jours qui ont ébranlé le monde (II)

 Sergio Rodríguez Gelfenstein, 27-2-2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

La semaine dernière, nous avons fait une observation descriptive des développements internationaux ; l'analyse de ces développements est un peu plus complexe. Il me semble que les difficultés proviennent de l'idée qu'il est possible de comprendre la situation actuelle sur la base d'une vision dichotomique entre unipolarité et bipolarité et que les catégories d'analyse utilisées pendant la guerre froide sont toujours valables. Certains analystes parlent même de l'émergence d'une nouvelle bipolarité Chine-USA.


Il y a quelques jours, un ami toujours bien informé et soucieux de suivre les développements internationaux m'a écrit pour me dire : « Je ne comprends pas ce qui se passe. Je suis perdu. Peut-être que l'empire veut redessiner le monde. Tu avais écrit quelque chose il y a de nombreuses années sur les répartitions... »

Tout cela m'a motivé à écrire cet article qui, en raison de sa longueur, a dû être publié en deux parties, ce qui n'est pas forcément avantageux. En effet, en mars 2014, mon livre a été publié d'abord au Chili puis en Argentine par la maison d'édition Biblos. “La balanza de poder. Las razones del equilibrio del sistema internacional”  [« L'équilibre des pouvoirs. Les raisons de l'équilibre du système international »]. Quelques mois plus tard, l'édition anglaise de L’ordre du monde d’Henry Kissinger est sortie en septembre.

Cherchant à établir ce que serait le système international du futur, j'ai passé en revue dans mon livre les variantes existantes basées sur l'étude des causes des conflits et de la coopération entre les États pour les résoudre. J'ai ensuite expliqué les propositions de bipolarité, de multilatéralisme, de multipolarité et d'apolarité qui étaient sur la table. Personnellement, j'ai osé affirmer que les différentes conditions existantes laissaient présager qu'à moyen terme, un système international d'équilibre des pouvoirs serait mis en place.

La définition la plus claire de l'équilibre est apparue dans les études du politologue usaméricain Morton Kaplan qui, dans un article de 1966 intitulé « Some Obstacles in International Systems Research », a établi que les acteurs de l'équilibre devaient être au moins cinq, avoir un caractère exclusivement national et entrer dans la catégorie des « acteurs nationaux essentiels au fonctionnement du système ».

Il a ensuite établi 6 règles fondamentales qui caractérisent le système d'équilibre des pouvoirs. Il s'agit de négocier avant de combattre, de combattre avant de ne pas augmenter les capacités, de ne pas combattre avant d'éliminer un acteur clé, de s'opposer à toute coalition qui tente de dominer, de limiter les acteurs qui acceptent les principes organisationnels supranationaux et de permettre aux acteurs qui sont vaincus ou limités de réintégrer le système.

Il s'agit là d'un résumé très succinct de la proposition présentée par Kaplan. Dans mon livre, publié il y a seulement 11 ans, j'ai soutenu que, de mon point de vue, pour la Chine, la recherche de l'équilibre fait partie de sa politique permanente, tandis que pour les USA, une bête blessée et jouant des griffes, l'équilibre est un impératif de survie.

Mon point de vue était et reste que le monde évolue vers un équilibre des pouvoirs. La possibilité de détruire la planète pour imposer le capitalisme n'est pas viable. Les capitalistes sont immoraux, pas suicidaires. L'accumulation a une limite - actuellement imposée par les puissances de confrontation - qui indiquent en fait une faiblesse croissante et la perte de l'hégémonie impériale. Une rationalité du capital - si elle existe et est possible - établit comme plus viable un équilibre qui lui permet de préserver une part de pouvoir plutôt que de recourir à une confrontation nucléaire dans laquelle ils peuvent difficilement obtenir des gains.

Comme je l'ai déjà dit, quelques mois après la publication de mon livre, le groupe d'édition Penguin Random House a publié le livre de Kissinger sous le titre suggestif de « World Order: Reflections on the Character of Nations and the Course of History». D'un autre point de vue, même antagoniste au mien, Kissinger affirme que l'équilibre est la seule alternative pour que USA conservent leur puissance.

Peu avant la publication de son livre, à la fin du mois d'août 2014, Kissinger a publié dans The Wall Street Journal un article intitulé « On the Assembly of a New World Order ». Dans ce texte, il donne un aperçu de certains éléments qu'il développe beaucoup plus longuement dans son livre. Il considère comme positif le fait que la démocratie et la gouvernance participative soient passées du statut d'aspiration à celui de “réalité universelle”. Notez la référence de Kissinger à la "gouvernance participative".

Il note que la majeure partie du monde est composée de pays qui forment des États souverains indépendants, mais ajoute que l'Europe n'a pas les attributs pour créer un État, offrant un “vide d'autorité tentant”. Il semble ici vouloir actualiser les caractéristiques des États-nations essentiels mentionnés par Kaplan, qui sont orientés vers la configuration d'un équilibre entre la Chine, la Russie, les USA, l'Inde et un pays européen qui émergera en tant que leader dans le conflit actuel - l'Allemagne ? le Royaume-Uni ? la France ? Peu importe lequel, mais ce sera l'un d'entre eux.

Kissinger était d'avis que l'ordre international était confronté à un paradoxe, en ce sens que - selon lui - la prospérité dépendait du succès de la mondialisation, mais que le processus produisait un contrecoup politique qui visait à remettre en cause ses objectifs. Pour remédier à cette anomalie, il a proposé la création d'un « mécanisme efficace permettant aux grandes puissances de se consulter et éventuellement de coopérer sur les questions les plus importantes ».

Pour ce faire, les USA devraient accepter l'existence de deux niveaux apparemment contradictoires : les principes universels d'une part et les particularités locales et régionales d'autre part. En tout état de cause, Kissinger ne renonce pas à ses fondements idéologiques impérialistes en affirmant que tout doit être envisagé sous l'angle du caractère exceptionnel des USA.

Sur le plan intérieur, cela signifie que les citoyens usaméricains doivent comprendre qu'ils ne sont pas les seuls à vivre sur cette planète, qu'ils doivent renoncer à certains de leurs droits pour faire progresser la mondialisation et que même ces droits doivent continuer à être violés [comme c'est le cas aujourd'hui aux USA] pour faire de la place aux opinions d'autres pays.

Dès le début du livre, Kissinger affirme que les différentes traditions culturelles permettent d'établir le concept d'ordre comme base des relations internationales. Il semble ainsi contredire Huntington, qui pensait que l'avenir serait marqué par des conflits civilisationnels. Il estime au contraire que les conflits actuels trouvent leur origine dans l'identification d'idées concurrentes sur la forme du système international à un moment où l'enjeu est d'organiser l'ordre régional tout en veillant à ce que cet ordre soit compatible avec la paix et la stabilité dans le reste du monde.

Sans que cela semble sortir de sa plume, Kissinger estime qu'il y a un grand risque à ce que l'Occident tente de répandre son modèle de démocratie dans le monde, avertissant notamment que “l'idéalisme américain” sans une stratégie claire pour le mettre en pratique ne conduira pas à une amplification de la présence de la “démocratie libérale” dans le monde.

Les notions d'impérialisme et d'équilibre peuvent sembler antagonistes, mais elles ne le sont pas. Je tiens à le répéter, pour les USA, il s'agit d'une question de survie. Il peut être nécessaire d'étudier le livre de Kissinger pour comprendre la performance internationale de la nouvelle administration usaméricaine. On sait que durant la première administration Trump, bien après l'âge de 90 ans, Kissinger était un visiteur régulier de la Maison Blanche. Décédé en 2023 à l'âge de 100 ans, ses idées et son empreinte constituent la colonne vertébrale de l'action internationale des USA à ce stade.

En décembre 2022, quelques mois après le début de l'opération militaire russe en Ukraine, alors que Joe Biden est au pouvoir à Washington, Kissinger, dans un article intitulé. “Comment éviter une nouvelle guerre mondiale ?” , a estimé que la paix devait être recherchée avec un double objectif : confirmer la liberté de l'Ukraine et définir une nouvelle structure internationale dans laquelle la Russie devrait avoir sa place. L'ancien secrétaire d'État n'était pas non plus d'accord avec l'idée que la Russie était obligée de devenir un pays impuissant après le conflit en Ukraine, car il était impératif de reconnaître que la Russie « avait contribué de manière décisive à la recherche de l'équilibre mondial et de l'équilibre des pouvoirs pendant plus d'un demi-millénaire » et que « son rôle historique ne devait pas être dégradé ».

Les questions qui ont été mises au premier plan de la dynamique internationale actuelle, telles que les immigrés déportés des USA, le canal de Panama et le Groenland, ne sont que des écrans de fumée destinés à “distraire” le monde et à le faire réfléchir et débattre sur des questions qui ne sont pas prioritaires. Selon le sénateur usaméricain Bernie Sanders, le véritable objectif de Trump est de « démanteler illégalement et inconstitutionnellement les agences gouvernementales » afin que les milliardaires et les « classes dirigeantes [qui] ont toujours voulu et cru que [le pouvoir] leur revenait de droit, [obtiennent] plus de pouvoir, plus de contrôle, plus de richesse ». Pour ce faire, ils doivent dynamiter les institutions du pays et restructurer le système international selon les paramètres définis par Trump.

Certes, pour y parvenir, ils ont besoin que la Chine, et non la Russie, soit l'ennemi dans le nouveau système qu'ils entendent construire. Cependant, face à un approfondissement stratégique de la situation critique, la seule solution pour tenter d'éviter la catastrophe et de sauvegarder une certaine part de pouvoir est de se concentrer sur la recherche d'un équilibre, comme l'a souligné Kissinger.

Il y a presque deux ans, en mai 2023, Kathleen Hicks, la vice-secrétaire d'État à la défense des USA  l'a clairement indiqué. Lors d'une conférence à Washington, elle a déclaré que le Pentagone percevait la Chine comme le challenger militaire de son pays et « le seul concurrent stratégique ayant la volonté et, de plus en plus, la capacité de remodeler l'ordre international ». Elle a ajouté que la Chine constituait “un défi générationnel” qui, même s'il évoluera avec le temps, “n'ira nulle part”.

Rappelant l'empreinte de Kissinger au cours du XXe siècle, Hicks a évoqué l'expérience historique de la confrontation avec l'Union soviétique, un concurrent “lent et lourd”, alors qu'aujourd'hui, en matière de défense, les USA doivent “évoluer plus vite que les menaces”.

Hicks a déclaré que dans cette “nouvelle ère de compétition stratégique”, l'objectif des USA 3est de dissuader, car la compétition n'est pas synonyme de conflit"” Selon la sous-secrétaire, le Pentagone a réussi à faire en sorte que « les dirigeants chinois se réveillent chaque jour, considèrent les risques d'agression et concluent" : “Aujourd'hui n'est pas le jour” et qu’ils le pensent aujourd'hui et chaque jour entre aujourd'hui et 2027, aujourd'hui et 2035, aujourd'hui et 2049, et au-delà », soulignant curieusement les années phares pour lesquelles la RPC a entrepris d'atteindre des objectifs stratégiques.

À ce stade, Trump connaît les coûts liés au maintien de 800 bases militaires et de 1,32 million de militaires en dehors de son territoire, sans compter 11 groupes d'attaque de porte-avions dont 7 sont déployés et 4 en réparation, avec un fardeau économique très important conspirant avec l'objectif de faire de « l'Amérique à nouveau grande » une réalité. Pour cette raison, il a anticipé les circonstances et a exprimé le 20 février sa volonté de négocier avec la Russie et la Chine pour réduire le nombre d'ogives nucléaires, soulignant qu'il considère comme inacceptable l'utilisation d'armes atomiques et l'augmentation du nombre de puissances nucléaires. Pour paraphraser l'ancien président Bill Clinton, on pourrait dire “It's the economy, stupid”.

Il faut le dire clairement... et le répéter, le système international de l'après-guerre s'est effondré et est sur le point de céder la place à un nouveau système. Certes, l'OTAN existe encore formellement, mais la réalité est que, comme l'a certifié le président Macron en novembre 2019, elle est en « état de mort cérébrale ». Le Secrétariat général est un poste vide, créé uniquement pour faire croire aux Européens qu'ils peuvent décider de quelque chose. Le véritable pouvoir repose sur les épaules du commandant suprême des forces alliées en Europe, qui est toujours un général usaméricain. Il est déjà question que Trump ordonne le retrait de ses troupes déployées en Europe de l'Est, dans les pays qui faisaient partie de l'Union soviétique ou du Pacte de Varsovie. Cela reviendrait au statu quo de la fin de la guerre froide, lorsque l'Union soviétique a disparu et que l'Occident a pris des engagements envers la Russie qu'il n'a jamais tenus.

Aujourd'hui, alors que des délégations de haut niveau de la Russie et des USA se sont réunies à Riyad, la capitale de l'Arabie saoudite, « les eaux reviennent à la normale ». Marco Rubio sait que Sergueï Lavrov n'est pas le ministre des Affaires étrangères indigne et stupide du Panama et que Poutine n'est pas non plus le José Raúl Mulino qui fait des génuflexions. Il ne s'agit pas d'une question de taille et de puissance d'un pays par rapport à l'autre. Un dirigeant panaméen, le général Omar Torrijos, a forcé les USA à s'asseoir à la table du dialogue, a négocié d'égal à égal avec le seul pouvoir que lui conféraient la dignité et l'histoire du peuple panaméen héroïque, et a gagné : il les a obligés à restituer le canal.

À Riyad, Rubio a dû mesurer ses mots et même ses gestes. Il s'agissait d'un premier pas, qui avait plus à voir avec la politique bilatérale qu'avec une révision de l'agenda international, même si la question de l'Ukraine était sur la table. Mais le fait que les deux plus grandes puissances nucléaires de la planète se soient assises pour discuter et que certains de leurs principaux dirigeants se soient regardés dans les yeux, face à face, et aient éteint l'allumette qui, il y a quelques semaines à peine, menaçait d'allumer le feu de l'hécatombe nucléaire, est un signe de soulagement et une voie positive pour toute l'humanité éprise de paix et de vie.

Aujourd'hui, le doute, la confusion et l'incertitude règnent, et pour les Européens, la perplexité, mais nous devons nous y habituer : c'est la dynamique de Trump et il en sera ainsi pendant au moins les quatre prochaines années. En attendant, tout en reconnaissant et en applaudissant ce qui s'est passé à Riyad et les événements qui ont conduit à la possibilité d'une guerre nucléaire, nous devons toujours nous souvenir du Comandante Ernesto Che Guevara lorsque, le 30 novembre 1964, depuis Santiago de Cuba, il a recommandé que l'on ne fasse pas confiance à l'impérialisme “même un tout petit peu, pas du tout”.

 

 

18/02/2025

REINALDO SPITALETTA
USAID : sous le masque, le vrai visage de la “charité” impérialiste

Reinaldo Spitaletta, Sombrero de Mago, 18/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Au début des années 1960, en pleine guerre froide, John Kennedy, en réaction à la révolution cubaine, comme on pensait qu’un tel mouvement social était “contagieux”, a conçu une tactique de contrôle impérialiste : l’Alliance pour le progrès. L’idée, dans le but de maintenir l’Amérique latine sous son joug, était de promouvoir certains développements économiques par le biais d’une politique accompagnée d’ingérences dans les affaires intérieures des pays. Dans ce cadre, les USA ont créé l’Agence pour le développement international, l’USAID [et la même année, 1961, le Peace Corps, familièrement appelé Peace Corpse, Cadavre de la Paix, NdT].

Lisa Benson, USA

Maintenant que Donald Trump a mis fin à cet organisme d’« aide internationale », qui s’est également consacré pendant des années au financement de fondations et d’organismes non gouvernementaux, qui apparaissaient comme indépendants, il convient de rappeler les antécédents de cette forme de domestication à la mode de Washington.

L’Alliance pour le progrès, lancée en Colombie sous le gouvernement docile d’Alberto Lleras Camargo, fondateur du Front national, a été remise en question lors de la célèbre réunion de l’OEA à Punta del Este, en Uruguay, à laquelle Che Guevara assistaiet en tant que ministre de l’Industrie de Cuba. « Le peuple qui achète commande. Le peuple qui vend, sert. Il faut équilibrer le commerce pour assurer la liberté », a déclaré le Che, qui a qualifié l’OEA de ministère des colonies des USA.

Parfois avec des mécanismes d’étrange « charité », parfois avec les secteurs pauvres d’Amérique latine, et d’autres fois avec une ingérence ouverte dans les affaires intérieures des pays qui constituaient l’immense territoire de la métropole, celle-ci, par l’intermédiaire de la CIA et d’autres organismes moins évidents dans leur interventionnisme, a déplacé des pions, encouragé des coups d’État, mis en place et destitué des présidents. Il s’agissait d’une vieille pratique impériale, avec des colonisations culturelles et économiques, mais avec l’utilisation d’un masque dissimulant sa nature vampirique et ses agressions.

Maintenant, alors que l’agitation autour de l’extinction de l’USAID, qui déguisait en « aides » ce qui était en réalité un achat de consciences, une mise en scène pour maintenir la domination impériale dans quasiment le monde entier, n’est pas encore retombée, des vieilles méthodes se font jour, comme l’infiltration de journaux, d’ONG, l’achat d’“intellectuels” et autres “saloperies”.

Les tentacules de l’« agence d’aide » usaméricaine, étendues à presque toutes les latitudes, ont piégé des médias qui se présentaient comme indépendants, mais qui, en substance, étaient au service des politiques d’expansion de Washington et des grandes entreprises. Elle a fabriqué des « pauvres de droite », a fait plier la conscience des journalistes, a infiltré le pouvoir judiciaire dans de nombreux endroits, a soutenu des médias qui se présentaient comme progressistes. Un réseau de pouvoir impérial.

C’est peut-être à cause de toutes ces pratiques qui ont contaminé certains médias vénaux que la tactique consistant à garder un « silence stratégique » sur certains sujets comme le génocide d’Israël contre la Palestine, a été adoptée. C’est la politique néfaste du « tout s’achète », « tout se vend ». Ou, pourquoi pas, celle qui est très manifeste ici et là, du « tout est permis ». Avec de telles aides, la yanquilandia pouvait établir les « ordres du jour informatifs », que dis-je, idéologiques, et bien sûr désinformatifs, de nombreux médias sous son contrôle.

Pour une poignée de dollars, des acteurs comme Angelina Jolie et Sean Penn ont soutenu l’Ukrainien Zelensky. L’Agence leur a versé du pognon à cet effet. Maintenant, il faut penser que la « nouvelle droite », dirigée par Trump et Musk, n’a pas l’intention de démocratiser quoi que ce soit, ou qu’elle a eu un élan « libertaire ». Son idée est, comme l’a déjà dit l’homme à la touffe oxygénée, de renforcer d’abord les marchés intérieurs, de revenir dans son délire à rendre à nouveau grand un empire qui, qu’on le veuille ou non, est en déclin.

Oui, l’empire est en déclin, lui qui a longtemps camouflé ses agressions, ses infiltrations et autres ingérences dans les affaires intérieures des peuples en « aide humanitaire » et « assistance économique ». Trump, qui aspire en même temps à élargir l’orbite impériale au Groenland et au Canada, a finalement démantelé l’agence internationale d’aide. Quelle est sa véritable intention ?

Pour en revenir au début, l’Alliance pour le progrès, une farce des USA pour capter ses sujets, n’a pas mis fin à la misère en Amérique latine. Elle l’a maintenue et aggravée. Elle a aggravé la pénurie alimentaire, les famines, et a été bien loin de mettre fin aux cordons de misère, qui s’étendent dans de nombreux pays, dont la Colombie. Sept ans après le début de cette expérience yankee, Richard Nixon a déclaré que la malnutrition et la pénurie alimentaire en Amérique latine s’étaient aggravées. Et que ce fût l’un des principaux agresseurs impérialistes contre les pays de ce sous-continent qui le dise, c’était franchement marrant.

On sait depuis des années qu’il faut se méfier de certaines aides, de certaines agences, de certaines politiques impérialistes. Derrière Trump et Musk, il y a d’autres dangers qui menacent les peuples.

 

Glenn Lelievre, Australie

29/01/2025

Le Révérend chanoine J Peter Pham,
le Mister Africa “réaliste” de Donald Trump II

 Ayman El Hakim, 29/1/2025

Cette fois-ci sera la bonne : en 2017, la nomination par Mike Pompeo de J Peter Pham comme Secrétaire d'État assistant aux Affaires africaines de Trump I avait été bloquée au Sénat par James Inhofe (Oklahoma), un défenseur acharné des droits du peuple sahraoui, qui avait invoqué la proximité du candidat avec le Makhzen marocain. Depuis, Inhofe a quitté le Sénat en 2023 et notre bas monde en juillet 2004. Il ne devrait donc plus y avoir d’obstacle à la nomination du Révérend chanoine Pham, 55 ans. Ci-dessous son curriculum, qui a de quoi donner le vertige.

J Peter Pham, célèbre pour les nœuds papillon qu’il arbore en toutes occasions, est arrivé à l’âge de 5 ans aux USA, où sa famille, liée au régime sud-vietnamien, avait fui après la chute de Saïgon. Il a effectué un double cursus d’études.

Après avoir obtenu une licence en économie à l'université de Chicago, Pham s'est orienté vers la prêtrise et a finalement obtenu un doctorat, rédigeant sa thèse de doctorat en théologie systématique à l'université pontificale grégorienne de Rome (université jésuite fondée en 1551 par Ignace de Loyola), sur la théologie de Hans Urs von Balthasar. Chercheur postdoctoral à l'Académie pontificale ecclésiastique, il a été diplomate au Vatican et assistant du Vicaire général de Sa Sainteté au Vatican et du président du Conseil pontifical pour la justice et la paix. Il a ensuite rejoint la faculté du Centre des sciences sociales libérales et appliquées de la JMU, l'université James Madison à Harrisburg (Virginie).

En 1995, Pham est ordonné prêtre de l’église épiscopalienne (catholiques anglicans) et exercera son ministère à l’église Saint-Paul de Washington, située dans la K Street, qui est au lobbying ce que Wall Street est à la finance, vu qu’elle est le siège de nombreuses firmes de lobbying, cabinets d’avocats et think tanks.

Nommé en août 2004 professeur associé en études de justice (sic) à la JMU, il y devient ensuite professeur de sciences politiques et d’« Africana Studies » et directeur du  Nelson Institute for International and Public Affairs, dissertant sur le Libéria, les relations entre Taiwan et la Chine et la terreur islamiste au Moyen-Orient, bien qu'il n'ait aucune qualification reconnue dans ces domaines.

Il se retrouve progressivement dans des postes de responsable dans une série d’organismes, tous liés au Parti républicain, notamment l’Acton Institute for the Study of Religion and Liberty, qui regroupe des catholiques libertariens, l’Atlantic Council, la Fondation pour la défense des démocraties et quelques autres.

En 2018, après son rejet comme secrétaire d’État assistant aux Affaires africaines, Pompeo le nomme Envoyé Spécial US pour la Région des Grands Lacs, avec rang d’ambassadeur, jusqu’en 2020, puis Envoyé Spécial pour la Région du Sahel africain jusqu’en 2021. En 2022, il a été élu membre de l’Académie diplomatique américaine.

Peter Pham a fait partie du groupe consultatif supérieur du Commandement militaire US pour l'Afrique (USAFRICOM) de 2008 à 2013 et est conseiller principal du Krach Institute for Tech Diplomacy à l'Université de Purdue. Depuis 2015, il est membre du conseil d'administration du Smithsonian National Museum of African Art à Washington, DC, dont il a été le vice-président (2016-2021) et dont il préside le comité des finances depuis 2022.

Le Révérend Pham a publié un nombre invraisemblable d’articles, d’essais et de livres sur tous les sujets possibles, de la doctrine sociale de l’Église au Liberia, la Sierra Leone, la Somalie et, last but not least, le Sahara occidental. Nous avons choisi de traduire son essai sur ce sujet [cliquer sur l'image en fin d'article], datant de 2010, qui donne une très bonne idée de ce à quoi les Sahraouis, les Marocains, les Mauritaniens et les Algériens peuvent s’attendre de la part de l’administration Trump II. Plus makhzénien que Pham, tu meurs !

Pour conclure ce portrait, nous présentons le quatrième volet du personnage, le volet business. En effet, notre bon chanoine n’est pas seulement prêtre, universitaire et diplomate. Il est aussi businessman, comme tout bon politicien usaméricain.

Business

J Peter Pham est actuellement directeur non exécutif d'Africell Global Holdings et de Rainbow Rare Earths, président non exécutif de HPX et conseiller stratégique de dClimate, bitt et de quelques autres entreprises.

Africell Global Holdings

La compagnie, fondée en 2000 et dirigée par le Libano-Américain Ziad Dalloul, est comme il se doit domiciliée sur l’île britannique de Jersey, petit paradis fiscal dans le Channel. C’est une des entreprises de téléphonie mobile à la croissance la plus rapide, avec plus de 11 millions d’abonnés en Gambie, Sierra Leone, RDC, Angola et Ouganda.

Rainbow Rare Earths

Le phosphogypse (parfois abrégé en PG) est un gypse non naturel, déchet industriel, issu du traitement industriel des minerais calciques fluorophosphatés utilisés pour la fabrication de l'acide phosphorique et des engrais phosphatés. De Salonique au Guadalquivir en passant par la Tunisie, l’Afrique de Sud et le Brésil, des centaines de millions de tonnes de ce résidu radioactif s’entassent, constituant une menace grave pour l’environnement. L’entreprise Rainbow Rare Earths, cotée à la Bourse de Londres, est engagée dans deux sites, Phalaborwa en Afrique du Sud et Uberaba au Brésil, où elle expérimente  un procédé -qu’elle présente comme « écologique » - consistant à extraire des oxydes de terres rares de ce phosphogypse. Selon Rainbow, « ce devrait permettre de produire des oxydes de terres rares séparés par le biais d'une seule usine hydrométallurgique sur le site, en se concentrant sur la récupération du néodyme, du praséodyme, du dysprosium et du terbium. Il s'agit de composants essentiels des aimants permanents à haute performance utilisés dans les véhicules électriques, les turbines éoliennes, la défense et de nouveaux marchés passionnants tels que la robotique et la mobilité aérienne avancée ».

dCLIMATE

C’est une entreprise de collecte et d’exploitation de données climatiques permettant de naviguer sur le marché des émissions de carbones et fournissant ce qui s’appelle « climate intelligence » (renseignement climatique), permettant entre autres d’évaluer les risques. dClimate se présente ainsi : « dClimate est un réseau décentralisé d'infrastructures de données climatiques qui transforme la façon dont les applications technologiques climatiques sont mises en œuvre pour favoriser un avenir résilient. » Son slogan publicitaire : « Libérer la puissance des données climatiques pour un avenir durable ». Pham siège au conseil consultatif de l’entreprise aux côtés de Mark Cuban, « investisseur, entrepreneur, star de l'émission Shark Tank sur ABC, propriétaire de l’équipe des Dallas Mavericks de la NBA (National Basketball Association) », de « SergeyNazarov, cofondateur de Chainlink » et de « D.J. Mbenga, 2 fois champion NBA de la RDC et éminent philanthrope congolais ». Du basket à la déforestation, il n’y a qu’un pas.

HPX
High Power Exploration Inc. (HPX) est une des entreprises du groupe minier dirigé par Robert Friedland, chargée de l'exploitation du gisement de minerai de fer du Mont Nimba, en Guinée.
Robert Friedland, fils d’un rescapé d’Auschwitz, a tout pour être le héros d’une série Netflix. À 19 ans – on est en 1970 – il est arrêté à Portland en possession de LSD pour une valeur de 100 000 $ qu'il avait vendu à...un agent du FBI. Il sera rapidement libéré et bénéficiera d’un non-lieu. Copain de Steve Jobs, dont il partage l’intérêt pour les philosophies orientales, il l’invite dans un verger de pommes appartenant à son oncle millionnaire en Oregon, où il créera une communauté. C’est là que Steve Jobs a trouvé le nom de son invention, Apple. Mais rapidement, Robert passe aux choses sérieuses et se lance dans les activités minières. De l'Oregon, il passe au Colorado, où il gagne le surnom de "Toxic Bob", après la catastrophe de pollution que provoque la mine qu'il a acquis à Summitville avant de se déclarer en faillite, de payer une petite amende de 20 millions de $ et de partir à la conquête de mines en Alaska, en Australie, au Myanmar, en Mongolie et en Afrique. [Lire TOXIC BOB, l’homme qui a trouvé mieux que le LSD : l’or, le cuivre et le fer. Un dossier Tlaxcala sur Robert Friedland, l’Elon Musk du sous-sol]
Frère Pham, comme président non exécutif de HPX, livre depuis quelques mois une bataille contre le monopole d’Arcelor Mittal sur les transports de minerai de fer provenant des mines du Mont Nimba sur la ligne de chemin de fer de Yekepa au port de Buchanan (360 km)  au Liberia, faisant pression sur le président Boakai pour qu’il fasse jouer la concurrence et brise le monopole du géant indien. Ce dernier a restauré et remis en route cette ligne de chemin de fer - construite par le consortium yankee/suédois LAMCO et mise en ruine par la guerre civile -, qu’il a pu refaire tourner grâce aux commandes de minerai de fer chinoises. HPX, argumente l’oncle Pham dans la presse libérienne, entend exporter 30 millions de minerai par an dans les 25 prochaines années, ce qui pourrait rapporter à l’État libérien, au tarif de 2,10 $ par tonne, la coquette somme d’ 1,6 milliard de dollars. Pourquoi laisser ce pactole entre les griffes de Tonton Lakhsmi (Narayan Mittal) ?  Bref, notre théologien sait aussi compter.

bitt

Et last but not least, en 2022, Brian Popelka, un p’tit gars du Nebraska qui vit à Salt Lake City, la capitale des Mormons (Utah),  PDG de l’entreprise bitt (Banking Innovation Through Technology) a recruté le Révérend chanoine Pham comme conseiller. Bitt propose aux banques centrales d’installer des système de monnaie numérique de banque centrale (CBDC en anglais), ce dont elle a déjà convaincu l’ Union monétaire des Caraïbes orientales et la Banque centrale des Caraïbes orientales, qui regroupent 6 États insulaires indépendants (Antigua-et-Barbuda, Dominique, Grenade, Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et Sainte-Lucie) et 2 territoires d’outre-mer britanniques (Anguilla et Montserrat). Pham a ainsi commenté sa nomination comme conseiller : « « Je suis ravi de rejoindre le conseil consultatif de bitt.  Je suis impatient de mettre à profit mon expérience en Afrique et ma connaissance des défis et des opportunités présents sur le continent pour renforcer la relation existante de bitt avec la Banque centrale du Nigeria, et aussi pour aider à forger des partenariats similaires avec d'autres institutions africaines ; contribuant ainsi au développement de la région en faisant progresser l'inclusion financière et en facilitant les échanges panafricains. »  Ite, missa est.




26/10/2024

DJAMEL LABIDI
Yahya Al Sinwar, un héros flamboyant et déjà une légende

Djamel Labidi, 24/10/2024

Yahya Al Sinwar, alias Abou Ibrahim, est tombé le 16 octobre au champ d'honneur. On dirait que cette expression a été faite pour lui. Il est mort sur sa terre de Gaza, où il était né.

Ses compagnons des brigades Ezzedine Al Qassam, ont annoncé la mort du chahid dans un message sobre : « C’est un grand honneur pour notre mouvement de voir ses dirigeants se sacrifier avant ses soldats ».

La mort héroïque de Yahya Al Sinwar a eu un écho énorme dans le monde arabe, le monde musulman, sur toute la planète. Il est des hommes qui restent dans la mémoire des peuples. Il est mort les armes à la main. Il s’est battu jusqu’au dernier moment. Blessé, une main arrachée, il se battait encore. On n’oubliera jamais son geste incroyable, lui, agonisant, lançant un bâton sur le drone qui tournait autour de lui. Ce dernier geste de combattant devrait donner à réfléchir aux « supermen du Mossad » et de l’armée israélienne.

Par hasard

Ils n’ont cessé de chercher à impressionner les gens, et aussi leurs alliés et les leurs, par de prétendus pouvoirs supranormaux qu’ils détiendraient. Mais ils n’ont pu cacher qu’ils l’ont tué, en fait, « par hasard », et sans même savoir qui il était. Il a fallu deux jours pour qu’ils s’en rendent compte. Ils avaient tellement peur d’entrer dans la maison où Abou Ibrahim s’était battu comme un lion, qu’il leur a fallu tout ce temps, même après avoir détruit la maison au canon, et avoir vérifié les lieux avec un drone. Cela donne une idée de leur forfanterie.

Ils ont caché d’abord les images Et bien d’autres, qu’ils avaient prises. Puis, ils ont été obligés de les montrer pour donner la preuve de sa mort. Ils ont dévoilé alors eux-mêmes l’âpreté de son dernier combat. Leur mensonge s’est écroulé, celui d’un chef caché dans des tunnels, fuyant le combat et Gaza. Or il était, là, à quelques mètres d’eux, se battant à la tête de ses hommes, comme il le faisait depuis plus d’un an. Un formidable message de courage, d’espoir et de lutte que les Israéliens ont délivré eux-mêmes, bien à leur insu, aux Palestiniens et à tous les résistants dans le monde. En mourant ainsi en martyr, Al Sinwar savait qu’il effectuait là un acte majeur, qu’il livrait à ses compagnons, à son peuple, à l’humanité souffrante, son dernier message : celui de continuer sans répit le combat. C’était sa dernière décision en tant que responsable de la lutte.

Yahya Al Sinwar a forcé l’admiration même de ses ennemis. Un épisode est à cet égard significatif. Le vendredi 18 octobre sur la chaine LCI, un « ex » (mais toujours évidemment) fonctionnaire du Mossad, Raphaël Jerusalmy était convié à s’exprimer sur la question. C’est un habitué des plateaux français. Lui et ses amis y séjournent comme si c’était les leurs. Les yeux cruels, un rictus en guise de sourire, le visage impassible, l’agent a cru qu’il pourrait comme d’habitude imposer son récit. Il a voulu montrer que la mort de Yahya Al Sinwar était un succès dû à l’habilité des services de renseignement israéliens et il a cherché à dévaloriser le chef des brigades Al Qassam. Les journalistes serviteurs du système, qui d’habitude n’osaient contredire cet agent du Mossad, lui ont pour la première fois coupé la parole, lui faisant remarquer que « ses services » avaient fait une erreur en publiant les photos du dernier combat du chef de la résistance, cat ils ont eux-mêmes ainsi montré qu’il combattait depuis plus d’un an et qu’il était mort en héros.

Le « testament » d’Al Sinwar

À la nouvelle de la mort de Yahya Al Sinwar, les réseaux sociaux se sont enflammés dans le monde : peine, douleur, compassion, admiration. Un « testament » a immédiatement circulé. Il n’a eu aucune confirmation officielle. Vrai ou faux, peu importe, le testament est devenu viral. Les paroles y sonnent tellement vraies, tellement justes. Écoutons un extrait : « Si je tombe, ne tombez pas avec moi, mais portez pour moi un drapeau qui n’est jamais tombé, et faites de mon sang un pont que traversera une génération qui naîtra de nos cendres, plus forte. N’oubliez pas que la patrie n’est pas une histoire à raconter, mais une vérité à vivre, et que pour chaque martyr, naissent du ventre de cette terre mille résistants ».

Sur les réseaux l’image de Al Sinwar a surgi, partout présente, magnifiée, mythifiée, glorifiée. Il est déjà devenu une légende.

Al Sinwar a combattu plus d’un an, sur un petit bout de terre, Gaza (320 km2) , le quart de la surface d’Alger (1190 km2), contre une armée de 350 000 hommes. Il était insaisissable. Il a défendu son peuple. Il a souffert avec lui. Il a affronté probablement la force la plus cruelle de l’Histoire.

La « solution finale »

Dès le premier jour, le projet de génocide était clair. Ils avaient pour projet la « solution finale » qui semble être une obsession de leur conscience torturée, fausse ou vraie conscience historique, on commence à en douter, car comment refaire les mêmes crimes dont on dit avoir tant souffert ?

Rappelons-nous le premier jour du début annoncé du génocide : « Nous les affamerons, nous les ferons mourir de soif, de faim, nous les tuerons comme les animaux humains qu’ils sont » ont-ils déclaré clairement, sans honte.

Dès le 8 octobre des centaines de canons et de chars ont été mis en ligne sur des kilomètres autour de ce petit bout de terre de Gaza. Les Palestiniens à Gaza retenaient leur souffle. Puis toutes les armes ennemies se sont mises à tirer ensemble dans un roulement de tonnerre monstrueux, ininterrompu, jour et nuit. Le 22 octobre, 90 avions bombardent sans relâche. Israël tire dans le tas, du sol et du ciel. Les immeubles, les maisons se sont mises à s’écrouler sous les coups, comme des châteaux de cartes. Un 11 septembre puissance n.

80 000 tonnes de bombes sont fournies, en un an, par l’Oncle Sam, qui essayait, comme d’habitude, de regarder ailleurs, dans sa vielle culture des génocides, les « Indiens », l’esclavagisme, Hiroshima, Nagasaki, etc.

Cela fait plus d’un an que dure le massacre. On peut dire, sans grand risque de se tromper que, quels que soient les massacres qui ont jalonné l’Histoire, aucun n’a atteint cette férocité. La raison est simple, ce massacre on le voit, il se déroule sous nos yeux, comme une retransmission télévisée, en direct sur les chaines d’Al Jazeera, palestiniennes et autres.

Dans le monde entier, on regarde mourir, agoniser les Palestiniens. Et les Israéliens continuent nuit et jour, la nuit surtout, car elle ajoute à leur plaisir de semer l’effroi, et les USA continuent de charger leurs canons, leurs avions. C’est peut-être le plus odieux des rôles échus aux citoyens des USA. Il les déshonore. L’un d’eux, Aaron, un soldat de l’aviation US, s’est immolé par le feu, le 25 février 2024, pour « ne plus être complice de ce génocide » a-t-il dit dans son dernier message, pour refuser ce déshonneur et dénoncer, par le sacrifice de sa vie, cette honte pour sa nation.

Les médias de la honte

Certainement que dans l’Histoire, même les nations les plus féroces, même les empires les plus cruels se seraient arrêtés si on les avait vus, comme on voit aujourd’hui les crimes commis par les Israéliens et les USA.

Les Israéliens n’en avaient cure au début, croyant probablement sidérer ainsi, terroriser les Palestiniens et le monde arabe, les dissuader à l’avenir de toute résistance. Puis ils se sont aperçus, avec les dirigeants occidentaux, du désastre moral pour eux.

C’est pour cela que les médias en Occident ne diffusent désormais pratiquement aucune image du martyre palestinien. Ils ont trouvé pour argument que leurs journalistes sont interdits d’entrée à Gaza par l’armée israélienne. Ils se moquent du monde ! Les images du carnage permanent sont diffusées en direct et en boucle sur les télés arabes. Il suffit de les reprendre. 170 journalistes palestiniens sont morts, jusqu’à présent, pour informer le monde de ce qui se passe à Gaza. C’est même une situation nouvelle, incroyable pour l’information : les victimes qui filment elles-mêmes leur génocide. On ne peut imaginer position plus condamnable, plus méprisable que celle des personnels de ces médias occidentaux de la honte. Comment pourront-ils affronter l’opinion et d’abord leur conscience plus tard ?

Les Palestiniens ne filment pas seulement leur mort. Ils filment aussi leur combat. Les brigades Al Qassam fournissent régulièrement les images de leurs attaques contre l’armée israélienne. Il faut un sacré courage pour se filmer en combattant. Pendant ce temps, les soldats israéliens tuent les civils.

Ils sont 350 000 soldats. Mais ces soldats, en fait, sont en sursis. Quelle vie vivront ceux qui survivront. Ils traîneront une vie faite de cauchemars, d’obsessions mortifères, et, pour les meilleurs d’entre eux, de sentiments coupables. La presse, le Times of Israel (2 février 2024), L’Orient-le Jour (14 août 2024), CNN (20 octobre), signalent déjà que des milliers de soldats israéliens sont victimes de problèmes de santé mentale. Verrait-on un résistant palestinien souffrir de même ? C’est toute la différence entre une mauvaise cause et une cause juste. Qu’on se souvienne du prix payé de la même manière par les soldats usaméricains au sortir des guerres du Vietnam, d’Afghanistan, d’Irak, des soldats français au sortir de la guerre d’Algérie. Rendez-vous dans dix ou vingt ans. On ne commet pas l’indicible, on ne sort pas de l’humanité impunément.

50 000 morts, 100 000 blessés, les Israéliens appellent cela des « victimes collatérales ». Les médias occidentaux asservis le répètent. Comment cet Occident pourrait-il à l’avenir vivre avec le monde, nous regarder dans les yeux ? Les vraies, les seules victimes collatérales sont les combattants qu’ils ont tués, par hasard, sans le savoir d’ailleurs. Ils ne peuvent d’ailleurs jamais les recenser.

La vérité, et chacun le sait, c’est qu’ils veulent tuer tous les Palestiniens. Et que dans leur inconscient génocidaire, ils sont, pour eux, tous des « Hamasniks », tous des combattants ou de futurs combattants, même les enfants.

Un an de génocide

Octobre 2023-Octobre 2024 : un an de génocide. C’est long un génocide. Et pour nous, les « témoins », un an de peine indicible, un an de sentiment de culpabilité lancinante à regarder, impuissants. Jusqu’à quand ? Pourrons-nous le supporter longtemps et garder notre intégrité mentale ?

Dans les temps les plus cruels, à l’époque des jeux de cirque romains, les esclaves révoltés, les chrétiens rebelles, étaient livrés aux bêtes féroces. Pour les Palestiniens, c’est tous les jours qu’Israël offre ce spectacle au monde, à des centaines de millions de spectateurs horrifiés. A-t-on vu pareille chose dans l’histoire de l’humanité ?

Certains, parmi nous, veulent échapper à cette souffrance, ne plus regarder. Cela se comprend. Mais les Palestiniens prennent ces images, risquent leur vie pour les envoyer au monde, pour que nous les voyons, pas pour que nous fermions les yeux. Ce serait la victoire de l’ennemi. Ne détournons pas alors les yeux, regardons, c’est le minimum de solidarité que nous pourrions avoir.

D’autres priorités

À Gaza, les Palestiniens n’ont pas un moment de répit, ils meurent tous les jours. Au moment où j’écris, Israël a entrepris l’extermination méthodique des 100 000 habitants du camp de Jabaliya, au Nord de Gaza. Ils les ont encerclés, ils les ont coupés du monde, ils les font mourir de faim, et ils les tuent, impitoyablement. Le monde laisse faire comme si cela était fatal, parce qu’il y a les élections aux USA, parce qu’il y a la réunion des BRICS, parce qu’il y a l’Ukraine, parce qu’il y a d’autres priorités, parce que .. parce que...

Mais il faudra bien qu’un jour les monstres payent, que les génocidaires payent. Gaza a été transformée en une immense morgue, un cimetière à ciel ouvert, un cimetière ou plutôt une immense fosse commune. Et il y a les milliers de corps enfouis sous les décombres qui n’auront jamais de nom, de sépulture. Israël ne refuse pas simplement le droit à la vie, il refuse aux Palestiniens le droit à une sépulture digne.

Peut-on voyager, se distraire, se reposer, se détendre, travailler ? Tout cela n’a plus de sens pour les justes de cette planète.

La dimension de l’horreur, ses caractéristiques sans précédent auront certainement des conséquences sur notre avenir humain, je ne sais pas quoi, mais ce sera certainement à la dimension de ce drame historique sans précédent.

Beyrouth

Israël veut faire de Beyrouth un autre Gaza. Netanyahou l’a dit lui-même dans ses menaces aux Libanais. Emmanuel Macron a prié les Israéliens de ne pas le faire. Le 10 octobre, Le président Biden demande à Netanyahou de « réduire au maximum l’impact sur les civils ». « L’impact », vous avez bien lu, c’est son mot.

Ils disent que c’est pour assurer « leur sécurité au moins pour quelques années » qu’ils attaquent le Liban et bombardent Beyrouth. « Pour quelques années » : ils n’ont pas de projet d’avenir. Ils le disent eux-mêmes.

Sur les plateaux TV d’Occident, tous les jours, les bombardements sont transmis en direct, notamment la nuit. Bombes usaméricaines larguées par les avions israéliens. Gigantesques gerbes de flammes orange qui déchirent le noir de la ville sans lumières. Les présents sur les plateaux regardent fascinés, ils regardent comme on regarde un feu d’artifice. On a même, à les regarder contempler ainsi « le spectacle », l’impression affreuse d’un moment pour eux d’euphorie. Comme dans les feux d’artifice monstrueux de l’hallali sur Bagdad, sur Tripoli. Un air de déjà-vu. Comme une fierté de puissance dont on voudrait conjurer le déclin. Les souvenirs du passé colonial. On punit les Arabes. Ils ne connaissent que la force, dit l’israélien moyen. Vocabulaire colonial. On parlera de même de « traque du Hezbollah » comme du Hamas. Un animateur sur un plateau parlera d’ »assassinat » de Nasrallah pour corriger vite le mot et dire « liquidation ». On n’assassine pas un "terroriste arabe".

Ils regardent aussi, l’œil morne, les longues processions de nouveaux réfugiés, des Libanais cette fois-ci. Aucune empathie, aucune émotion. Un colonel de plateau, Michel Goya, barbe blanche et visage d’aumônier militaire, et un CV de toutes les aventures militaires ratées de ces dernières décennies, expert militaire sur LCI, expliquera qu’il faut « d’abord casser les reins au Hezbollah avant de songer à la paix ».

Au Liban-Sud, sur les mêmes télés occidentales, on voit des soldats israéliens avancer avec précaution sur des pentes caillouteuses. Cela rappelle inévitablement le Djebel en Algérie. Ne connaissent-ils pas la fin de l’histoire ? Pourquoi le soldat israélien a-t-il une allure si peu militaire ? Probablement des conscrits ou une absence de conviction.

Avant Yahya Al Sinwar, Nasrallah avait été assassiné, et bien d’autres. Les perles précieuses d’un même collier. Ce que leur mort nous apprend, ce qu’ils offrent par leur sacrifice à leurs peuples, à l’humanité souffrante, est d’une valeur immense. La résistance jusqu’au bout.

La résistance révèle des hommes exceptionnels. Ces résistants indomptables poussent l’ennemi dans ses derniers retranchements. Ils en dévoilent le visage hideux. Qui ne connait pas, dans le monde aujourd’hui, le visage réel d’Israël ?

Les USA et Israël, un impérialisme archaïque

Comment les USA et Israël croient-ils qu’ils peuvent gagner la guerre à Gaza, au Liban et ailleurs, et continuer de soumettre tout le Proche-Orient ? L’asservissement des peuples était possible, de l’Antiquité jusqu’aux empires coloniaux, car les peuples étaient alors isolés. Aujourd’hui cela n’est plus possible. La base arrière des peuples en lutte est le monde entier. Ils n’ont pas tiré les leçons du Vietnam, de la guerre d’Algérie, de l’Irak, de l’Afghanistan etc. Ils représentent, dans leur union avec Israël, un impérialisme archaïque promis à l’écroulement.

Les peuples qui combattent pour leur liberté produisent leurs chefs, leurs dirigeants, qui sont des « œuvres d’art », comme le disait un grand penseur : Marx. Mais ce sont les oppresseurs qui transforment les combattants en héros. L’oppresseur croit chaque fois creuser leurs tombes mais il creuse la sienne.

Ils croient avoir tué une nation en tuant un homme. Combien de fois l’ont-ils cru ? Et ils recommencent chaque fois.

Depuis les débuts des luttes de libération nationale modernes, les colonisateurs ne cessent de récidiver, aveuglés par leur mépris de l’homme et de son humanité, incapables de comprendre un courage, car ils l’ont rarement, habitués qu’ils sont aux combats sans gloire du haut du ciel ou à distance de canon.

Pas un drapeau blanc !

Ils ont tué un homme. Un seul et ils croient avoir remporté la victoire. Ils sont aveugles, idiots et aveugles. Ils ont tué 50 000 Palestiniens à Gaza mais ont-ils arrêté la résistance ? 50 000 Palestiniens sont morts, et personne n’a déserté, personne n’a levé un drapeau blanc ! Qu’on s’en rende compte. Personne. Colossal. Que peuvent-ils faire contre un tel peuple. Ils auraient dû regarder les yeux noirs, brûlants, le regard farouche, flamboyant d’Abou Ibrahim Al Sinwar pour le comprendre.

Personne ne s’est plaint. Personne n’a désapprouvé le Hamas, malgré la soif, la faim, la maladie, les douleurs et blessures qu’on ne peut guérir, même pas atténuer, malgré les morts, les habitants pris au hasard pour des tortures massives pour leur faire dénoncer leurs frères qui combattent, les enfants morts, les tentes de refuge en flammes et dont la toile grésille sur les peaux brulées vives, les enfants ensevelis, avec leurs pères, leurs mères, les anciens, la disparition des siens, de tout ce qu’on a aimé.

Personne n’a levé un drapeau blanc. La seule fois où c’est arrivé, il s’agissait d’otages israéliens qui s’étaient probablement échappés et les soldats israéliens ont été tellement surpris qu’ils les ont abattus.

Les Israéliens, les USaméricains, se rendent-ils compte à quel peuple ils ont affaire ? Veulent-ils éteindre une résistance qui dure depuis 78 ans ?

Israël et les USA croyaient donc avoir tué la résistance palestinienne en tuant Al Sinwar. Dans un communique du 9 octobre les brigades Al Qassam déclarent que «  l’ennemi délire s’il pense que la flamme de la résistance va s’éteindre ou reculer en assassinant ses dirigeants ». Et ils sont repartis à l’assaut : le 20 octobre, quatre jours après la mort de leur chef, ils tuent le colonel [druze] israélien Ahsan Daksa, commandant de la brigade 401, principal acteur de la boucherie de Gaza. Dans leur communiqué du même jour, les brigades déclarent dédier cette opération « à l’âme du chahid Al Sinwar ».

Images de l’artiste palestinien Omar Zaghloul



16/10/2024

Après avoir volé l’entreprise CITGO au Venezuela, les vautours yankees l’ont reprise à Juanito, le crétin de service qui n’a jamais rien compris


Le fonds vautour Elliott remporte les enchères pour les actifs de CITGO, l’entreprise publique vénézuélienne basée au Texas, qui avait été « confiée » à Guaidó par Trump

 

Andy Robinson, La Vanguardia, 14/10/2024
Traduit par Fausto Giudice
, Tlaxcala

Andy Robinson (Liverpool, 1960) est un journaliste et écrivain britannique de langue espagnole. Il écrit dans le quotidien barcelonais La Vanguardia depuis 2002. Il a consacré une grande partie de son travail à suivre les capitalistes à la trace, de Davos à Las Vegas, dans ses articles, ses chroniques de blog et ses livres.

De nombreuses personnes au Venezuela, tant au sein du gouvernement que de l’opposition, parlaient déjà du « casse du siècle » après l’annonce, plus tôt cette année aux USA, que la compagnie pétrolière nationale CITGO, basée à Houston, serait vendue aux enchères pour dédommager les fonds d’investissement et les multinationales lésés par la faillite de l’État vénézuélien [sic] et les nationalisations chavistes.


Aujourd’hui, la décision préliminaire d’un tribunal du Delaware d’autoriser la vente de CITGO à une filiale du fonds controversé Elliott Investments semble confirmer les pires craintes. Après tout, Elliott est le plus agressif des fonds dits « vautours », de puissants véhicules financiers qui achètent la dette des pays pauvres en défaut de paiement et attaquent ensuite leurs gouvernements en justice pour en tirer le maximum de profits. C’est ce que le magazine The New Yorker a appelé « une façon de faire des affaires particulièrement conflictuelle et immensément lucrative ».

Si le plan du tribunal du Delaware est mis en œuvre, Elliott, dirigé par le milliardaire et donateur républicain Paul Singer - qui a réalisé de juteux profits en intentant des procès contre des pays comme l’Argentine, la République démocratique du Congo, le Pérou et le Liberia - paiera 7,3 milliards de dollars pour les actifs usaméricains de CITGO. Ceux-ci comprennent trois grandes raffineries au Texas, en Louisiane et dans l’Illinois, qui produisent plus de 800 000 barils d’essence par jour, ainsi qu’un important réseau de stations-service. Cette somme est bien inférieure à la valeur estimée de CITGO, filiale de la compagnie pétrolière nationale Petróleos de Venezuela (PDVSA), dont le logo en forme de triangle rouge a été une présence incongrue aux USA pendant des décennies de confrontation entre Caracas et Washington.

Mais Elliott doit faire face aux poursuites judiciaires d’une vingtaine de multinationales, principalement des sociétés minières et énergétiques, ainsi que des fonds d’investissement cherchant à obtenir des compensations pour les défauts de paiement de la dette vénézuélienne et les nationalisations d’entreprises privées effectuées sous les gouvernements d’Hugo Chávez et de Nicolás Maduro.

La frénésie des entreprises demanderesses, toutes déterminées à obtenir leur part de CITGO, est telle que même Elliott pourrait se sentir mal à l’aise.  Les détenteurs d’obligations se sont tournés vers d’autres tribunaux pour obtenir des décisions en faveur de leurs propres revendications. Un groupe de détenteurs d’obligations, qui a acheté des titres vénézuéliens garantis par des actifs de CITGO en 2020 pour un prix équivalant à 20 % de leur valeur d’émission, réclame à présent plus de 90 %. Menés par le fonds Gramercy, spécialisé dans l’achat d’obligations de pacotille auprès d’entités en faillite, ils veulent devancer les autres demandeurs, qu’il s’agisse d’entreprises énergétiques ou minières, dans la file d’attente pour être indemnisés en cas de défaut de paiement ou de nationalisation de leurs actifs. Le remboursement de ces investisseurs rendrait l’opération d’Elliott non viable.

Selon Paul Sankey, analyste pétrolier basé à Houston, avant la vente aux enchères, la valeur de CITGO - aux mains de l’État vénézuélien depuis 1990 - avait été estimée entre 32 et 40 milliards de dollars. En 2011, lorsque Chávez a tenté de vendre l’entreprise, elle était évaluée à 13,5 milliards de dollars.

« CITGO a perdu 50 % de sa valeur », a déclaré l’analyste pétrolier vénézuélien Einstein Millán. C’est « la remise du joyau de la couronne à des intérêts étrangers rassemblés autour du capital-risque », a-t-il ajouté.

Le gouvernement vénézuélien et l’opposition s’opposent tous deux à la vente de CITGO, qui non seulement générait des milliards de dollars de revenus pour le Venezuela, mais raffinait également le pétrole brut lourd extrait par PDVSA dans le bassin de l’Orénoque.

Mais la victoire contestée [on sait par qui, NdT] de Nicolás Maduro aux élections de juillet fait qu’il est presque impossible pour l’administration Biden d’arrêter la vente aux enchères. « S’il y avait un changement de gouvernement au Venezuela, peut-être que le gouvernement de Washington retirerait la licence, mais il semble que ce soit déjà fait », a déclaré l’économiste vénézuélien Francisco Rodriguez, qui vit aux USA.

C’est ironique. Car, pour de nombreux analystes de l’histoire alambiquée de CITGO, c’est l’opposition vénézuélienne, en collaboration avec les faucons néoconservateurs de l’administration de Donald Trump, qui a donné aux multinationales l’occasion en or de s’emparer de CITGO.

Trump a émis un décret en 2017, dans le cadre d’un embargo total sur la vente de pétrole vénézuélien, par lequel CITGO ne pouvait plus transférer ses bénéfices à Caracas. Puis, après avoir reconnu comme chef d’État le jeune leader parlementaire Juan Guaidó autoproclamé président en janvier 2019, le président usaméricain de l’époque a remis tous les actifs vénézuéliens à l’étranger, le plus précieux étant CITGO, au nouveau gouvernement « fantôme » de Guaidó. Le résultat - par erreur ou intentionnellement - serait l’éviscération des actifs de CITGO au profit de fonds et d’entreprises multinationaux.

Les actifs de CITGO équivalaient à 10 % du PIB vénézuélien, soit 13,5 milliards de dollars, selon l’estimation de la vente par Chávez en 2012.

Il y avait « une motivation cachée derrière le plan de changement de régime qui a échoué », affirme la journaliste usaméricaine Anya Parampil dans son nouveau livre Corporate coup (OR Books, 2024). « Il s’agissait d’une conspiration visant à voler l’actif international le plus convoité du Venezuela ». Avec l’arrivée d’Elliott - connu pour ses procès agressifs contre des pays en faillite qui sont allés jusqu’à forcer la saisie d’un navire militaire argentin en 2011 afin de collecter 2,6 milliards de dollars auprès du gouvernement de Cristina Kirchner - la manœuvre était peut-être déjà au point.

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Le livre « Corporate Coup » révèle le complot visant à voler les actifs de PDVSA

En prenant le contrôle du précieux réseau de distribution et des raffineries de CITGO aux USA, Guaidó et ses collaborateurs - menés par Luisa Palacios [nommée PDG de CITGO par Guaidó en 2019, elle a démissionné 20 mois plus tard, NdT], épouse d’un haut dirigeant de JP Morgan à Wall Street vivant dans le New Jersey - ont fait un cadeau aux avocats des multinationales pétrolières et des fonds mondiaux qui avaient subi des revers au Venezuela.

Ce but contre son camp s’est déroulé de la manière suivante. Pendant 20 ans, les gouvernements chavistes, conseillés par de grands avocats d’affaires, ont créé des structures administratives pour « maintenir une distance de sécurité entre CITGO, PDVSA et l’État vénézuélien », explique Parampil. Il était donc difficile de prouver, à l’aide d’arguments juridiques, que CITGO était un instrument de Maduro. Aucun créancier n’a réussi à convaincre les juges usaméricains qu’il avait le droit de percevoir ses indemnités grâce à la saisie de CITGO.

Mais, après que l’entreprise a été remise à l’équipe « gouvernementale » de Guaidó qui a nommé de nouveaux membres du conseil d’administration pour PDVSA et CITGO, le juge Leonard Stark du Delaware a accepté pour la première fois en 2023 l’argument selon lequel CITGO était un soi-disant « alter ego » de l’État vénézuélien.

En vertu de ce schéma juridique alambiqué, toute entreprise s’estimant lésée par les actions de l’État vénézuélien était en droit de demander réparation en saisissant les actifs de CITGO. Et c’est exactement ce qui s’est passé. M. Stark a tranché en faveur de l’argument selon lequel l’équipe de Guaidó « a utilisé les ressources de PDVSA à ses propres fins (ce qui) a permis aux créanciers de la république vénézuélienne (et pas seulement de PDVSA) de saisir CITGO », explique M. Rodriguez.

Les avocats consultés par La Vanguardia dans l’entourage du « gouvernement parallèle » de Guaidó répondent que la décision est due à un changement de position des juges usaméricains. « En 2023, la cour du Delaware et la cour d’appel du troisième circuit ont modifié les critères utilisés pour définir l’alter ego », dit José Ignacio Hernández, le principal représentant juridique du « gouvernement parallèle » de Guaidó. Les juges ont décidé à tort que les « contrôles normaux » - tels que la nomination du conseil d’administration - « constituaient une preuve d’“alteregoïté” et que ces contrôles étaient imputés au gouvernement intérimaire ». En tout état de cause, ajoute Hernández, la responsabilité de la perte de CITGO n’incombe pas au “gouvernement” Guaidó, mais à « la dette publique de 170 milliards de dollars, héritage d’Hugo Chávez et de Nicolás Maduro », qui a fait du Venezuela une cible pour les réclamations des créanciers et des fonds vautours [c’est une manière de voir les choses, NdT].

Qu’il s’agisse de l’erreur des avocats de Guaidó, des critères changeants des tribunaux usaméricains ou de l’héritage de l’endettement des gouvernements chavistes, le résultat est le même : CITGO - dont les actifs équivalaient à pas moins de 10 % du PIB vénézuélien - sera saisie au profit d’un groupe de fonds vautours, d’investisseurs en obligations de pacotille de Wall Street ainsi que de multinationales du secteur de l’énergie et de l’exploitation minière.

 Ne serait-ce qu’en raison de la coïncidence temporelle, il est difficile de séparer la débâcle de CITGO de la mauvaise gestion du “gouvernement” Guaidó. Parampil se demande même si le pillage de CITGO était un objectif explicite du plan ourdi en 2019 par l’administration Trump pour renverser Maduro.  « S’agissait-il d’un effet secondaire du plan de changement de régime ou d’une conséquence intentionnelle de celui-ci ? », demande-t-elle dans son livre.

Bien entendu, les bénéficiaires probables de la vente forcée de CITGO sont les alliés des faucons - dont beaucoup sont basés à Miami - qui ont organisé le coup d’État de Guaidó. Outre Elliott, il s’agit des multinationales pétrolières ConocoPhillips, l’un des principaux donateurs de la campagne de Trump, Vitol et Koch Industries, dont les partenaires, les frères Koch du Kansas, soutiennent le réseau Atlas de groupes ultraconservateurs latino-américains, dont l’actuelle opposition vénézuélienne (Pedro Urruchurtu, le conseiller de Corina Machado, la candidate de facto à l’élection présidentielle de juillet, est un activiste des réseaux libéraux liés à Atlas).

La société canadienne d’extraction d’or Crystallex, dont la concession d’extraction d’or dans le sud du Venezuela a été retirée par Chavez en 2008, est également candidate à la saisie des actifs de CITGO. Une autre société minière canadienne, Gold Reserve, est également impliquée, de même que le fabricant de verre usaméricain Owens-Illinois, qui a été nationalisé par le gouvernement Chavez et qui cherche à empocher près de 450 millions de dollars. Siemens Energy est un autre plaignant. Au total, il y a quelque 19 actions en justice dont les réclamations s’élèvent à environ 20 milliards de dollars, soit 40 % du PIB du Venezuela, ce qui représente presque trois fois ce qu’Elliott paierait pour CITGO.

L’histoire de Crystallex est essentielle pour comprendre l’issue grotesque de la tragédie de CITGO. Suite à la décision du gouvernement Chávez de lui retirer la concession de sa mine Las Cristinas, cette entreprise canadienne a poursuivi l’État vénézuélien en 2016 devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), un tribunal d’arbitrage affilié à la Banque mondiale et basé à Washington, utilisé dans le passé par des fonds vautours comme Elliott. Comme c’est souvent le cas, ce tribunal multilatéral a statué en faveur de la multinationale et a ordonné à l’État vénézuélien de verser 1,2 milliard de dollars de compensation à Crystallex. Le tribunal du Delaware ayant reconnu que CITGO est l’« alter ego » de l’État vénézuélien, Crystallex a désormais le feu vert pour obtenir tout ou partie de cette indemnisation par la saisie et la vente des actifs de CITGO, même si elle devra se mesurer à Elliott.

Un fait qui a éveillé les soupçons selon lesquels le plan Guaidó était effectivement un « coup d’État » est que le conseiller juridique susmentionné de l’équipe de Guaidó, José Ignacio Hernández, avait déjà été l’avocat de Crystallex et d’Owens-Illinois lorsqu’ils ont essayé de récupérer leurs investissements perdus au Venezuela en saisissant les actifs pétroliers de l’État vénézuélien. Bien que Hernández n’ait pas utilisé la notion d’« alter ego » dans les poursuites engagées contre le Venezuela, il a souligné que les gouvernements chavistes avaient rompu l’indépendance juridique de PDVSA et que, par conséquent, une saisie serait légale.  « J’ai déjà dit à plusieurs reprises que Maduro et Chávez avaient violé l’autonomie de PDVSA, ce qui est évident, mais il est totalement faux que j’aie soutenu la thèse de l’alter ego », a insisté Hernández dans un entretien avec votre serviteur.

Cependant, une partie de l’opposition vénézuélienne demande une enquête sur le rôle de Hernández ainsi que sur celui de Carlos Vecchio, un autre avocat qui a été nommé chargé d’affaires du “gouvernement” Guaidó aux USA, Vecchio ayant représenté la compagnie pétrolière usaméricaine Exxon.  « Il faut respecter la présomption d’innocence, mais il peut y avoir des conflits d’intérêts et c’est suffisant pour mériter une enquête », dit Francisco Rodriguez.

CITGO n’est pas le seul actif de l’État vénézuélien en faillite à avoir été exproprié pendant les années Trump. L’usine de Barranquilla (Colombie) de l’entreprise publique vénézuélienne d’engrais Monómeros - une autre filiale de PDVSA - a également été remise au “gouvernement” Guaidó. Après l’effondrement de l’entreprise suite à des allégations de corruption, Gustavo Petro, le président colombien, a restitué Monómeros à l’État vénézuélien. De même, les lingots d’or vénézuéliens conservés dans les coffres de la Banque d’Angleterre ont été soustraits au contrôle de l’État vénézuélien à la suite de l’opération Guaidó. Sans légitimité et sans le soutien des forces de sécurité, le gouvernement virtuel créé par Trump a rapidement perdu sa crédibilité. Il est aujourd’hui accusé de détournement de fonds et d’autres délits de corruption.  Guaidó s’est installé à Miami [où il attend en priant Saint-Antoine le versement du bakchich de consolation pour ses bons et loyaux services par ces messieurs les vautours d’Elliott , les Singer père et fils, NdT]

 NdT

CITGO a une capacité de traitement de 769 000 barils par jour répartis entre ses trois raffineries de l'Illinois, de la Louisiane et du Texas. Elle possède également un réseau de pipelines et plus de 4 000 stations-service, principalement sur la côte est des USA.