Affichage des articles dont le libellé est Cour Pénale Internationale (CPI). Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Cour Pénale Internationale (CPI). Afficher tous les articles

12/07/2025

LYNA AL TABAL
I stand with Francesca Albanese/Je soutiens Francesca Albanese

Dr. Lyna Al-Tabal, Rai Al Youm, 11/7/2025
Original arabe
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane

Lyna Al Tabal  est Libanaise, docteure en sciences politiques, avocate de formation et professeure en relations internationales et en droits humains.

 Oui, j’ai choisi de titrer cet article en anglais. Non pas parce que j’aime me mettre en avant, ni parce que je crois davantage à la mondialisation de la langue qu’à son équité. Mais parce que cette phrase est devenue, sans l’autorisation de quiconque, une déclaration de solidarité mondiale.

I stand with Francesca Albanese. Je soutiens Francesca Albanese.

Une phrase courte, mais chargée... seulement cinq mots. Prononcée calmement, mais classée comme dangereuse pour la sécurité nationale... Comment ?

Il y a une femme italienne qui est aujourd’hui poursuivie à cause de Gaza. Elle n’a pas les gènes de la résistance, elle n’a aucun lien de parenté avec Gaza, aucun passé marqué par la Nakba, pas même une photo. Elle n’est pas arabe, elle n’est pas née dans un camp, elle n’a pas été élevée dans le discours de la libération. Elle n’est pas une rêveuse de gauche, elle n’a peut-être pas lu Marx dans les cafés. Elle n’a pas jeté une seule pierre sur un soldat israélien... Tout ce qu’elle a fait, c’est accomplir son devoir professionnel.

« Folle », a déclaré Trump. Lui qui monopolise ce qualificatif et le distribue comme le font les narcissiques lorsqu’ils s’effondrent devant une femme qui n’a pas gardé le silence face à l’injustice.

Elle s’appelle Francesca Albanese. Avocate et universitaire italienne, elle occupe le poste de rapporteure spéciale des Nations unies sur les droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967. Fonctionnaire internationale, assise derrière un bureau blanc, elle rédige des rapports dans un langage précis et une formulation juridique impartiale. Elle n’est pas douée pour l’art oratoire, mais elle l’a dit clairement et sans ambiguïté : ce qui se passe à Gaza est un génocide.

Elle l’a écrit noir sur blanc dans un rapport officiel publié dans le cadre de ses fonctions, dans un langage compréhensible par le droit international : ce que fait Israël à Gaza est un génocide.

Du jour au lendemain, son nom est devenu dangereux et devait être annihilé tout comme l’armée israélienne annihile les maisons à Rafah. Son nom a été détruit par un seul missile politique, et elle a été inscrite sur la liste des sanctions, aux côtés des trafiquants et des financeurs du terrorisme.

Maintenant, je le sais : dans ce monde, il suffit de ne pas mentir pour être interdit de voyage, voir ses comptes gelés et être exclu du système international.

Francesca n’a pas enfreint la loi, elle l’a appliquée. Et c’est là son véritable crime.

Elle n’a pas commis d’erreur de définition, elle n’a pas exagéré dans son langage, elle n’a pas outrepassé ses fonctions. Tout ce qu’elle a fait, c’est appeler le crime par son nom.

Non, ce rapport ne traite pas du génocide des Indiens d’Amérique. Ni du Vietnam, ni du phosphore blanc, ni de Bagdad, ni de Tripoli... Ce rapport ne remue pas le passé américain, il traite d’un présent impudent. Et du droit qui se perd lorsque nous le revendiquons... Ce rapport traite de la justice internationale qui est étouffée sous nos yeux et de la charte des droits de l’homme qui s’évapore également sous nos yeux. Alors que le coupable siège au Conseil de sécurité.

Ce rapport parle d’un monde qui ne punit pas les menteurs. Un monde qui vous tue lorsque vous aimez sincèrement, lorsque vous donnez sans compter, lorsque vous parlez avec courage, lorsque vous essayez de réparer les dégâts.

Ce rapport parle tout simplement du monde des ténèbres.

Ce monde qui étrangle tous ceux qui ne veulent pas lui ressembler.

Francesca n’était pas la première.

Lorsque le Statut de Rome a vu le jour, les USA ont traité la Cour pénale internationale comme un « virus juridique », car ils ne pouvaient pas la contrôler... Bill Clinton l’a signé (sans le ratifier). Puis George W. Bush est arrivé, a retiré sa signature et a légiféré ce qu’on a appelé la « loi d’invasion de La Haye », qui autorise l’invasion militaire des Pays-Bas si la Cour pénale ose juger ne serait-ce qu’un seul soldat américain... Barack Obama, le sage, n’a pas abrogé la loi... Puis vint Trump, le cow-boy blond, avec deux pistolets à la ceinture, qui porta le coup de grâce à la justice... Il punit Fatou Bensouda, l’ancienne procureure générale de la Cour, pour avoir ouvert les dossiers de l’Afghanistan et de la Palestine. Il lui retira son visa, gela ses avoirs et la pendit à la corde de ses tweets sarcastiques.

Puis est arrivé Karim Khan, l’actuel procureur général, chargé du dossier lourd de Gaza et d’une liste de noms tout aussi lourds : Netanyahou, Galant... Une fois de plus, le sabre de la vengeance politique est revenu et a menacé l’épée de la justice.

Karim Khan a été submergé de menaces provenant du Congrès, de la Maison Blanche et de Tel-Aviv.

 Le premier jour de son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump a signé la loi sur les sanctions contre la Cour pénale internationale. Un homme d’origine pakistanaise qui ose toucher à des noms intouchables ? Fini de jouer.

C’est ainsi qu’une institution internationale, avec tout son personnel et son équipement, a été placée sous le coup des sanctions américaines, comme s’il s’agissait d’une milice armée... Ses employés ont été frappés d’une interdiction de voyager, de travailler, voire de respirer librement... Qui a dit que l’Amérique empêchait la justice ? Tant que celle-ci ne s’approche pas de Tel-Aviv ou du Pentagone.

Et dans un moment de sincérité, Joe Biden l’a dit avec sa formulation alambiquée : ces lois n’ont pas été rédigées pour s’appliquer à « l’homme blanc », mais aux Africains... et à Poutine, lorsque cela s’avère nécessaire.

Et voilà que le paradoxe est complet : 85 % des poursuites et des procès devant la Cour pénale internationale visent des Africains.

 Et lorsque des dossiers s’ouvrent sur des Occidentaux, la justice devient une menace... et la Cour une cible.

Et maintenant, vous le savez aussi : si vous franchissez la ligne rouge,

c’est la Cour qui est jugée,
le juge qui est jugé,
et le témoin qui est jugé.

Il ne reste plus que le meurtrier... assis au premier rang, souriant aux caméras, recevant des invitations à assister à une conférence sur les droits de l’homme. Pourquoi pas ?

Trump a porté un coup fatal au droit international, un coup de poignard au cœur de la Cour pénale, puis il a enterré ce qui restait du système des droits de l’homme et nous a jeté le cadavre : « Voilà, enterrez-le », a-t-il dit sur le même ton que celui utilisé pour donner des ordres lors des massacres sur la côte syrienne, lorsque les Alaouites sont enterrés sous les décombres, sans témoins, sans enquête, parfois sans nom, avec seulement un numéro... Un trou, et tout est fini.

Trump a agi comme un cow-boy : il a tiré, puis déclaré que la cible menaçait la sécurité. Tout cela sous les yeux des nations. Et sous nos yeux aussi... Sous les yeux de l’Europe, plus précisément.

L’Europe qui a rédigé ces lois à partir des cendres de ses guerres, de ses complexes psychologiques jamais résolus, de sa peur d’elle-même.

Et aujourd’hui, elle regarde, silencieuse... Avec tous ses complexes psychologiques, l’Europe se tait aujourd’hui. Elle enterre son enfant juridique de sang-froid, comme les mères de Gaza enterrent leurs enfants...

Avec une seule larme, car le temps ne permet pas de pleurer longtemps.

Comprenez-vous maintenant ? Toutes les lois sur les droits de l’homme, du Statut de Rome à la Charte internationale, sont bonnes pour les séances académiques et les formations qui se terminent par la remise de diplômes et la prise de photos après la remise des diplômes aux experts heureux.

Et tout se décide à Washington.

C’est ainsi que la justice internationale est administrée à l’ère de l’hégémonie : une liste de sanctions... et un tapis rouge déroulé devant le bourreau.

Avez-vous bien suivi l’histoire...

Une Italienne sur la liste américaine du terrorisme politique... Elle s’appelle Francesca Albanese. Elle n’est pas originaire de Gaza, elle n’est pas sortie d’une guerre, elle n’est pas née sous le blocus. Elle ne cache pas d’arme ou de bombe dans son sac, elle n’appartient pas à une organisation secrète... Elle vient du monde du droit, des institutions des Nations unies, d’une bureaucratie neutre... Tout ce qu’elle a fait, c’est rédiger un rapport officiel sur ce qui s’est passé à Gaza...

Elle a écrit ce qu’elle a vu : du sang, des décombres, un crime à part entière... Elle a écrit que ce qui s’est passé là-bas n’était pas une opération de sécurité, ni de légitime défense, mais un génocide... Elle a fait son travail dans le langage des rapports, sans slogan, sans cri de ralliement, sans même mettre une demi-pastèque rouge dans la marge... Francesca Albanese a bouleversé l’ordre mondial parce qu’elle n’a pas menti...

Elle n’a pas enfreint les règles diplomatiques... Elle a simplement appliqué la loi...

 ➤Signez la pétition

Prix Nobel de la paix pour Francesca Albanese et les médecins de Gaza

08/06/2025

LUIS E. SABINI FERNÁNDEZ
Panorama... planétaire et focus sur Gaza

  Luis E. Sabini Fernández  5/6/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Il y a une sensation, un malaise comme lorsque l’on est près de la mer et que l’on voit venir une tempête : le ciel s’assombrit, des rafales de vent arrivent de tous côtés, le ciel se couvre...

C’est ainsi qu’on peut voir le panorama politique, non plus (seulement) local mais général.

(Bien sûr, nous n’avons pas la moindre idée de ce qui e passe en Mongolie, au Costa Rica ou en Hongrie, mais c’est une situation qui dépasse de toute façon nos particularités).

Donald Trump a été, à mon avis, défini à juste titre comme le monarque qui est de plus en plus nu (et certains d’entre nous devinent qui lui a tissé son coûteux costume invisible).

Comment est-il possible que face à la jungle qui entoure de toutes parts le jardin (unique) de l’Europe pas si chaste que ça, ce soit précisément l’Europe qui batte les tambours de guerre ? Malaise.

Et que nous ayons un autre monarque, issu d’élections démocratiques, qui consulte son chien, mort ? Malaise.

Et que la théocratie juive (dont se démarquent quelques rares juifs) mène, avec une brutalité et une franchise inattendues, un génocide « en direct » ?

Et que l’Ukraine apparaisse de plus en plus clairement comme la marionnette ventriloque des services secrets israélo-britannico-usaméricains ?

De telles politiques, récurrentes chez les pouvoirs dictatoriaux, étaient généralement dissimulées, « calfeutrées ». Mais il semble que nous soyons entrés dans une zone idéologique, psychique, sans calfeutrages.

Nous pourrions nous réjouir, voire être fiers de ce langage direct, sans détours, mais il s’avère que ces déclarations sincères sont faites avec effronterie pour réclamer encore plus de brutalité, l’élimination des obstacles à la mise en œuvre de sévices, l’audace d’exercer un despotisme sanglant  et cela s’avère « approprié » pour soumettre des populations à une volonté omnipotente.


L’excellent Francisco Claramunt révèle ces agissements dans ses articles sur le génocide palestinien et en particulier à Gaza dans le magazine Brecha.[1] Dans son dernier article, il expose le trafic d’armes de contrôle et de mort d’Israël et ses profits juteux.

Mais ce n’est certainement pas le profit qui en constitue le principal aspect. Car le pouvoir que confèrent ces déploiements est encore plus significatif.

Le traitement que l’Israël inflige aux Palestiniens, en s’appropriant leurs terres  – un processus qui dure depuis un siècle –, éveille l’intérêt de nombreuses constellations de pouvoir, tout aussi désireuses de réaffirmer leurs droits sur des terres mal acquises.

Le « cheval de bataille » des exportations réussies de matériel et de techniques militaro-policiers d’Israël se caractérise par le slogan utilisé par leurs exportateurs : « testé et éprouvé au combat ».

Et c’est là la « contribution » israélienne, l’invention d’Israël : celle d’un ennemi (et du combat qui en découle).

Car lorsque le sionisme entame la spoliation par appropriation du territoire palestinien, il se heurte à une résistance. Sociale. Mais pas militaire ni politique. Israël va alors reconfigurer la résistance en scène de combat, inventer un adversaire, ou plutôt un ennemi idéologique et politique qu’il traite comme un ennemi de guerre.

C’est une tâche militaire assez facile : il traite en ennemies les populations réfractaires pourvu qu’elles aient ne serait-ce qu’un fusil de chasse pour l’affronter. Les résultats en nombre de « pertes » l’illustrent : les grévistes de la grève générale insurrectionnelle de 1936 paieront leur soulèvement contre l’occupation sioniste de milliers de morts ; en 1948, les paysans seront expulsés de leurs terres, de leurs cultures et de leurs habitations (les pelotons sionistes détruiront environ 500 à 600 villages palestiniens) et après avoir tué les réfractaires (des milliers), ils expulseront plusieurs centaines de milliers de Palestiniens de leur habitat millénaire. Lors d’affrontements ultérieurs entre des habitants en colère et l’armée israélienne, comme lors des intifadas, et même lors des guérillas palestiniennes des années 60, des centaines de Palestiniens (hommes, femmes, enfants) mourront pour chaque soldat israélien tombé « au combat ».

Comment expliquer que des Juifs dépouillés de tout, vie comprise, au début des années 40 en Allemagne, en Pologne, dans les pays baltes, etc., quelques années plus tard, pas plus que ceux que l’on peut compter sur les doigts d’une main,  aient dépouillé les Palestiniens de leurs terres, de leurs biens, de leurs maisons avec leurs meubles, leurs vêtements et leur vaisselle (jusqu’aux tasses à thé fumantes, dans des maisons abandonnées à la hâte face à la menace de la réquisition sioniste) ?

Il ne s’agissait pas exactement des mêmes personnes. Beaucoup de ceux qui ont été spoliés par le nazisme se sont réfugiés aux USA. Et beaucoup de sionistes juifs qui occupaient la Palestine et déplaçaient les Palestiniens ne venaient pas des shtetls pillés de Russie et d’Europe orientale ni de la terreur nazie ; ils venaient souvent d’Angleterre et d’autres pays européens occidentaux, ainsi que de pays des Amériques (USA, Argentine).[2]

Une comparaison aussi irritante ne tient donc pas la route, en raison de la diversité des destins particuliers, parfois familiaux.

Réfugiés ou colonisateurs ?

Ce que nous venons d’évoquer se situe au niveau des destins personnels. Mais en outre, parce que le « destin juif »  a été superposé à la question coloniale. La colonisation proprement dite : s’emparer du territoire d’un « autre ».

Une question qui, pour les colonialistes, n’existe pas. Elle est sans importance. Car évoquer la question coloniale ouvrirait la porte aux droits des colonisés. Et pour le colonialisme, le droit est par antonomase le droit des colonisateurs. Il n’y en a pas d’autre.

De quel autre droit peut-on donc parler ? Parce que le droit colonial est élaboré et concrétisé comme le droit des colonisateurs.

Avec le même fondement que celui sur lequel les droits humains ont été élaborés à l’ONU en 1945. Le sénateur usaméricain de l’AIPAC, Lindsey Graham, l’explique, ou plutôt le dévoile, le 21 novembre 2024 : « Le Statut de Rome [de la CPI] ne s’applique pas à Israël, ni aux USA, ni à la France, ni à l’Allemagne, ni à la Grande-Bretagne, car il n’a pas été conçu pour agir sur nous. »

Examinons ce statut : le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, établi par l’ONU en 1998 et complété en 1999 et 2002, tient compte du fait « qu’au cours de ce siècle, des millions d’enfants, de femmes et d’hommes ont été victimes d’atrocités » et « que les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ne doivent pas rester impunis », [... et] résolues, aux fins d’atteindre ces objectifs et dans l’intérêt des générations présentes et futures, à établir une Cour pénale internationale à caractère permanent, indépendante [...] ». « La Cour [...] sera compétente pour exercer sa juridiction sur les personnes pour les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ».

Apparaît-il dans un passage quelconque que ces dispositions s’appliquent aux Maghrébins, aux Salvadoriens, aux Portugais ou aux Tunisiens et non aux Anglais, aux Israéliens, aux USAméricains ou aux Français ?

Il est utile de confronter les exceptions que s’octroient les puissants de la planète à l’article 6 du statut de la CPI qui traite du génocide :

“Article 6

CRIME DE GÉNOCIDE

Aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) Meurtre de membres du groupe;

b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;

c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;

d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;

 e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.”

Les cinq éléments constitutifs d’un génocide sont largement remplis par Israël en Palestine, et en particulier dans la bande de Gaza !

Et nous nous demandons d’où pourrait venir une exonération d’Israël telle que celle que prétend obtenir le sénateur soutenu par l’AIPAC pour certains citoyens du monde de première classe.

Nous n’avons pas pu trouver de raisons aussi particulières ; c’est peut-être notre aveuglement...

Il n’y a d’autre choix que de conclure, selon les critères de la CPI, que tous les actes commis par « l’armée la plus morale du monde » constituent définitivement un génocide.

Peut-être qu’à cheval sur une telle exception « grahamienne », Israël se permet de  propager ses produits de guerre, de soumission  et de torture comme « testés et éprouvés au combat ». Nous avons déjà vu que le terme « combat » sonne faux, car il transforme en guerre ce qui est simplement et brutalement une occupation militaire (il n’y a pas deux armées qui s’affrontent).

Israël arme « les scènes de combat ». Il joue à la guerre avec de nombreux « ennemis ». Beaucoup. Toute une population. En réalité, cette population victime, composée de personnes âgées, de femmes, d’enfants et de bébés, n’a été et n’est qu’un punching-ball pour l’armée israélienne.

Claramunt passe en revue l’énorme succès que cette propagande, ces tests d’armes israéliennes, remporte auprès des acheteurs : sans doute parce qu’ils veulent en faire un usage analogue...


Un moment de la « colonisation » : fabriquer des mutilés

Jusqu’en octobre 2023, outre la spoliation, la propagation de la mort, l’expulsion administrative des habitants de la société et leur maintien en détention, isolés, parfois pendant des décennies, Israël a mené une politique délibérée de mutilations, qui leur a donné un rôle important. Montrant une logique coloniale de mutilation, restreignant les possibilités pour le peuple palestinien de guérir de ses blessures, car les Palestiniens et les Palestiniennes perdent un œil, une jambe, se retrouvent avec une cheville brisée à vie […]

En octobre 2023, lorsque les Palestiniens ont pris le contrôle de casernes locales israéliennes à Gaza et fait des prisonniers, Gaza comptait 440 000 personnes handicapées, selon Danila Zizi, directrice de Handicap international pour la Palestine, soit 21 % de la population totale. Vous avez bien lu. Une personne sur cinq... Après le 8 octobre 2023, on comptait en un mois près de 100 000 blessés, dont on peut déduire qu’une grande partie seront désormais handicapés (sans compter les morts, adultes et enfants).

Le handicap n’est pas une conséquence du massacre, mais un objectif de la politique coloniale.[3]

Bien sûr, les massacres entraînent également une augmentation des mutilations et, par par conséquent, le nombre de personnes handicapées.

Test d’ignorance crasse

Quand quelqu’un qui ne sait rien de cette tragédie, ni des droits humains, est amené à parler des Palestiniens, de Gaza, d’Israël, il s’accroche à deux points et se sent en sécurité : 1) c’est une guerre (déclenchée de manière malveillante le 7 octobre 2023 ; peut-être dans un ciel serein, dans le meilleur des mondes), et 2) nous devons faire face au « réseau terroriste du Hamas ».

Ce n’est pas une guerre, et il n’y a jamais eu deux armées. Il s’agit d’une colonisation par la spoliation.

Et le Hamas n’est pas terroriste comme on peut le dire de Daech, de la Mano guatémaltèque ou de l’Irgoun sioniste.

Le Hamas s’est constitué pour venir en aide aux Palestiniens dans le besoin, leur fournir des abris, de la nourriture et préserver leur intégrité culturelle (qui est religieuse pour le Hamas). De nombreuses actions du Hamas ont été non seulement non violentes, mais résolument pacifiques, comme les Marches pour la Terre (2019 et 2020) qui ont été réprimées par Israël avec  acharnement et ont fait des centaines de morts et de blessés [4].

Mais ce ne sont pas des pacifistes. Ce sont des islamistes qui invoquent la « guerre sainte ». Et en tant que fidèles d’un monothéisme absolu (et absolutiste) – à l’instar des monothéismes verticaux juif et chrétien –, ils admettent la violence et peuvent même la glorifier. Mais même l’ONU reconnaît que contre le colonialisme qui sous-tend le projet israélien, la violence est légitime.

On dit que le Hamas a été promu et financé par l’État sioniste. Il ne faut pas l’écarter. Israël a utilisé, comme tout pouvoir établi, des résistances les unes contre les autres pour s’en débarrasser mieux (des deux). À un moment donné, Israël a peut-être facilité la tâche des islamistes pour faire plier les Palestiniens laïques dirigés par Arafat ; à un autre moment, il a pu se servir de l’Autorité nationale palestinienne pour écarter l’opposition moins malléable du Hamas.

Mais ces vicissitudes ne contredisent pas la volonté d’émancipation des Palestiniens spoliés et de plus en plus massacrés. Elles n’effacent pas non plus le moteur de cette situation, que Francesca Albanese présente si succinctement : le génocide en cours est « la conséquence de la situation exceptionnelle et de l’impunité prolongée dont bénéficie Israël ».

 Notes

[1]  Voir par exemple Gaza un genocidio de exportación, 30 mai 2025. 

[2]  Il existe des témoignages de Juifs qui n’ont pas pu banaliser« le changement » de victime à bénéficiaire.  Au moins, cela leur a coûté psychologiquement : tel est le cas de la famille juive Peled, de l’ancien Yichouv. Mais ils étaient une extrême minorité au moment de s’emparer de la Palestine.

 [3]  Voir Iñaki Urdanibia, Gaza un genocidio de exportación”,

 [4]   Expression du mépris absolu pour tout prochain qui guide les pas de la direction israélienne.

 

02/02/2025

GROUPE DE LA HAYE
Déclaration inaugurale commune

Groupe de La Haye, 31 janvier 2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Nous, représentants des gouvernements du Belize, de l'État plurinational de Bolivie, de la République de Colombie, de la République de Cuba, de la République du Honduras, de la Malaisie, de la République de Namibie, de la République du Sénégal et de la République d'Afrique du Sud, réunis à La Haye, Pays-Bas, en ce 31 janvier 2025, inaugurons le Groupe de La Haye,

Guidés par les buts et les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et par la responsabilité de toutes les nations de défendre les droits inaliénables, y compris le droit à l'autodétermination, qu'elle consacre pour tous les peuples,

Déplorant les vies, les moyens de subsistance, les communautés et le patrimoine culturel perdus en raison des actions génocidaires menées par Israël, la puissance occupante, à Gaza et dans le reste du territoire palestinien occupé contre le peuple palestinien,

Refusant de rester passifs face à ces crimes internationaux,

Déterminés à respecter nos obligations de mettre fin à l'occupation israélienne de l'État de Palestine et de soutenir la réalisation du droit inaliénable du peuple palestinien à l'autodétermination, y compris le droit à un État de Palestine indépendant,

Rappelant

-          les ordonnances rendues le 29 décembre 2023 par la Cour internationale de justice dans l'affaire Afrique du Sud contre Israël, qui témoignent d'une vive inquiétude face à la perpétration de crimes de génocide en Palestine, et notant le nombre important et diversifié d'États qui se sont joints à l'affaire en tant qu'États tiers, pour exiger la condamnation et la cessation immédiate du génocide en cours,

-          l'avis consultatif de la Cour internationale de justice du 19 juillet 2024 sur les « Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d'Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est »,

-          l'avis consultatif de la Cour internationale de justice du 9 juillet 2004 « Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé »,

-          la résolution A/RES/Es-10/24 de l'Assemblée générale des Nations unies, adoptée le 18 septembre 2024 lors de la dixième session extraordinaire d'urgence, qui a approuvé l'avis consultatif de la CIJ de juillet 2024 et l'engagement des États membres à se conformer aux obligations découlant du droit international telles qu'elles ressortent de l'avis consultatif,

- la délivrance par la Cour pénale internationale, le 21 novembre 2024, de mandats d'arrêt indiquant « qu'il y a des motifs raisonnables de croire que MM. Netanyahou et Gallant portent chacun la responsabilité pénale, en tant que supérieurs civils, du crime de guerre consistant à diriger intentionnellement une attaque contre la population civile, du crime de guerre consistant à utiliser la famine comme méthode de guerre et des crimes contre l'humanité consistant à commettre des meurtres, des persécutions et d'autres actes inhumains ».

- l'ordonnance de la Cour internationale de justice dans l'affaire Nicaragua c. Allemagne du 30 avril 2024 « rappelant à tous les États leurs obligations internationales relatives au transfert d'armes aux parties à un conflit armé, afin d'éviter le risque que ces armes soient utilisées pour violer » la convention sur le génocide et les conventions de Genève en relation avec le comportement d'Israël à Gaza et dans le reste du territoire palestinien occupé,

- la résolution 418 du Conseil de sécurité des Nations unies du 4 novembre 1977 et la résolution 591 du Conseil de sécurité des Nations unies du 28 novembre 1986, qui « imposent un embargo obligatoire sur les armes » contre l'Afrique du Sud de l'apartheid.

-          toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, y compris la résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, qui réaffirme que « l'établissement par Israël de colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n'a aucune validité juridique et constitue une violation flagrante du droit international » ;

Soulignant que les normes juridiques violées par Israël comprennent certaines obligations de caractère erga omnes qui, par leur nature même, concernent tous les États et, compte tenu de l'importance des droits en cause, tous les États peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à leur protection,

Soulignant la nécessité de veiller à ce que les auteurs des crimes les plus graves au regard du droit international répondent de leurs actes par des enquêtes et des poursuites appropriées, équitables et indépendantes au niveau national ou international, et de veiller à ce que toutes les victimes obtiennent justice et à ce que des crimes ne soient pas commis à l'avenir ;

Convaincus qu'une action collective par le biais de mesures juridiques et diplomatiques coordonnées aux niveaux national et international est un impératif urgent pour faire respecter les principes de justice et de responsabilité qui constituent le fondement de la Charte des Nations Unies,

Déclarons notre intention de :

1. Respecter la résolution des Nations unies A/RES/Es-10/24 et, dans le cas des États parties, soutenir les demandes de la Cour pénale internationale, respecter les obligations qui nous incombent en vertu du statut de Rome, en ce qui concerne les mandats émis le 21 novembre 2024, et mettre en œuvre les mesures provisoires de la Cour internationale de justice, émises les 26 janvier, 28 mars et 24 mai 2024.

2. Empêcher la fourniture ou le transfert d'armes, de munitions et d'équipements connexes à Israël, dans tous les cas où il existe un risque manifeste que ces armes et équipements connexes soient utilisés pour commettre ou faciliter des violations du droit humanitaire, du droit international relatif aux droits humains ou de l'interdiction du génocide, conformément à nos obligations internationales et à l'avis consultatif de la Cour internationale de justice du 19 juillet 2024 et à la résolution A/RES/Es-10/24 de l'Assemblée générale des Nations unies.

3. Empêcher l'accostage de navires dans tout port, le cas échéant, relevant de notre juridiction territoriale, dans tous les cas où il existe un risque manifeste que le navire soit utilisé pour transporter du carburant militaire et des armes vers Israël, qui pourraient être utilisés pour commettre ou faciliter des violations du droit humanitaire, du droit international des droits humains et de l'interdiction du génocide en Palestine, conformément à l'obligation juridique impérative des États de coopérer à la prévention du génocide et d'autres violations des normes impératives par toutes les mesures juridiques à leur disposition.

Nous prendrons de nouvelles mesures efficaces pour mettre fin à l'occupation israélienne de l'État de Palestine et lever les obstacles à la réalisation du droit du peuple palestinien à l'autodétermination, y compris le droit à un État de Palestine indépendant.

Nous invitons tous les États à prendre toutes les mesures et politiques possibles pour mettre fin à l'occupation de l'État de Palestine par Israël.
Nous appelons toutes les nations à nous rejoindre au sein du groupe de La Haye dans l'engagement solennel en faveur d'un ordre international fondé sur l'État de droit et le droit international, qui, avec les principes de justice, est essentiel à la coexistence pacifique et à la coopération entre les États.