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18/07/2025

GILAD ATZMON
Le génocide de Gaza est le véritable retour à la maison des Juifs

Gilad Atzmon, 6/7/2025

Traduit par Ayman El Hakim, Tlaxcala

Avez-vous remarqué que les « bonnes âmes » hypocrites parmi nous ont enfin cessé de répandre l’absurdité selon laquelle « le judaïsme n’est pas le sionisme » ? Avec 97 % des juifs orthodoxes en Israël soutenant les crimes israéliens à Gaza, il est difficile de convaincre quiconque que le judaïsme est synonyme de paix et d’harmonie. Avec un État qui se qualifie lui-même d’« État juif » et qui se transforme en État judaïque menant une guerre d’extermination digne de l’Ancien Testament contre le peuple indigène de cette terre, il est pratiquement impossible de continuer à jouer la carte de l’innocence juive.


Mr. Fish

C’est probablement très douloureux à admettre pour certains, mais le génocide dont nous sommes tous témoins à Gaza, ce culte de la mort qui unit l’ensemble des Israéliens (à l’exception d’une poignée de véritables dissidents), est le véritable retour au bercail des enfants préférés de Dieu.

Ces crimes catastrophiques contre l’humanité perpétrés par une armée nationale avec le soutien sans faille de toute la nation, de ses rabbins et de son establishment politique sont la seule chose que les Juifs ne pouvaient pas faire en diaspora. En tant que tel, l’État juif a mis en lumière quelque chose que les Juifs ont essayé de réprimer et même de nier tout au long de leur histoire.

Pourtant, rien de tout cela n’est nouveau pour les Juifs. Voici quelques faits fascinants en rapport avec ce qui précède. L’orthodoxie juive et les premiers sionistes étaient pleinement conscients des lacunes du judaïsme en matière de valeurs éthiques fondamentales et universelles.

C’est la familiarité des premiers sionistes avec la conception juive de la moralité qui a poussé la première génération d’agitateurs à promouvoir une révolution hébraïque. Comme je l’ai mentionné à plusieurs reprises sur cette page, dans le judaïsme, l’éthique est remplacée par le litige (les lois - les mitzvot). Le juif rabbinique n’agit pas de manière éthique, il suit plutôt les mitzvot qui imitent l’acte éthique. Le sionisme des débuts, mouvement révolutionnaire, était animé par la conviction qu’une fois installés sur « leur terre », les Juifs se transformeraient en une nation normale et en un peuple ordinaire. Pour les sionistes, c’était le détachement de « leur propre terre » qui était responsable de la morbidité éthique de la diaspora. Les sionistes travaillistes croyaient que le retour au pays et le rapprochement avec la vie prolétarienne et agricole donneraient naissance à un nouveau Juif hébraïque éthique.

Le fantasme recyclé selon lequel « l’armée israélienne est l’armée la plus morale au monde » fait écho à cette aspiration sioniste primitive. Les premiers sionistes souhaitaient vraiment devenir moraux et éthiques, mais leur échec est bien plus grand que leur désir initial.

Les juifs orthodoxes ont également compris que le mélange avec les goyim est un manuel pour un désastre inimaginable. Le ghetto juif, en tant que tel, est une condition que les Juifs se sont imposée en acceptant leur propre détachement de la tendance éthique humaine universelle. Le judaïsme orthodoxe a toujours eu, et a toujours, une perception isolationniste. Il vise à minimiser les interactions avec le monde extérieur en acceptant que la barrière métaphysique et éthique entre les Juifs pratiquants et les goyim est infranchissable. Le ghetto juif, en tant que tel, existe pour sauver les Juifs, mais aussi pour protéger les goyim.

Il est fascinant de constater que les juifs orthodoxes et les premiers sionistes considéraient l’émancipation comme un événement désastreux dans l’histoire juive. Les orthodoxes voyaient que l’assimilation entraînerait une catastrophe pour les Juifs. Hitler leur a donné raison, mais les sionistes ont également identifié un danger similaire et ont promis d’emmener les Juifs loin de là.

Au cours des dernières années du XIXe siècle, Max Nordau, agitateur sioniste de la première heure, affirmait que l’émancipation des Juifs était une initiative des goyim pour se donner bonne conscience*. Ceux-ci (les goyim) n’accueillaient pas les Juifs parce qu’ils les aimaient vraiment, mais parce qu’ils aimaient se montrer tolérants. Nordau prédisait que les goyim regretteraient leur enthousiasme libéral. Moins d’un demi-siècle plus tard, l’Holocauste lui donna raison. Pourtant, le sionisme, qui a donné naissance à l’État juif, a échoué dans sa mission première. Il promettait de résoudre le problème juif, mais dans la pratique, il l’a déplacé vers un nouvel endroit et en a fait un désastre mondial. Le sionisme promettait de régler le problème des Juifs. Dans la pratique, il a créé un monstre, il a dévoilé et amplifié ce que les Juifs s’étaient efforcés de cacher tout au long de leur histoire, même à eux-mêmes.

Le génocide à Gaza est, tragiquement, le véritable sens du retour à la maison des Juifs. C’est la barbarie de l’Ancien Testament qui prend vie à travers un peuple qui se considère comme la descendance d’Abraham, de Moïse et du roi David. L’enthousiasme des Israéliens à décapiter les dirigeants politiques, culturels, scientifiques et spirituels de leurs voisins, ce qu’ils font régulièrement et avec beaucoup d’enthousiasme, est à nouveau l’esprit même du retour des Israélites bibliques. C’est précisément ce que les Israélites bibliques ont fait tout au long de l’Ancien Testament. Peut-être, juste peut-être, est-il temps pour l’humanité, et en particulier pour le christianisme, de comprendre ce que représente l’Ancien Testament et de se tenir à l’écart de ce texte primitif et catastrophique.

NdT

*Voir son discours au Premier congrès sioniste de Bâle, pp.16-26

17/07/2025

JOSEPH MASSAD
L’agression israélienne contre la Syrie fait avancer un plan vieux d’un siècle visant à embrigader les Druzes

L’article ci-dessous du chercheur palestino-usaméricain Joseph Massad, datant du mois de mai dernier, met en lumière la logique historique derrière la nouvelle attaque israélienne contre la Syrie

Joseph Massad, Midle East Eye, 6/5/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

De la Palestine de l’époque du mandat britannique à la Syrie post-Assad d’aujourd’hui, les dirigeants sionistes ont ciblé les communautés druzes pour fragmenter la société arabe et enraciner un ordre colonial de peuplement.


Des soldats israéliens empêchent une famille druze syrienne de s’approcher de la frontière près de Majdal Shams, sur le plateau du Golan occupé par Israël, le 3 mai 2025 (Jalaa Marey/AFP)

La semaine dernière (fin avril 2025), l’ armée israélienne a pris du temps sur son programme chargé d’extermination des Palestiniens de Gaza , de bombardement et de tirs sur les Palestiniens à travers la Cisjordanie, de bombardement du Liban et de lancement d’une série de bombardements sur le territoire syrien - dont la capitale Damas - pour lancer une série de bombardements très spéciaux .

Le dernier raid aérien visait ce qu’Israël a présenté comme « un groupe extrémiste » qui avait attaqué des membres de la communauté druze syrienne, qu’Israël avait « promis » de défendre en Syrie même.

Après la chute du régime de l’ancien président Bachar al-Assad provoquée en décembre dernier par Hay’at Tahrir al-Cham (HTS), ancienne branche d’Al-Qaïda, des violences sectaires liées à l’État ont éclaté contre  les Alaouites et les Druzes syriens . Les minorités religieuses se sentent assiégées et craignent de plus en plus l’avenir.

Malgré les assurances du président syrien  autoproclamé par intérim  et ancien commandant d’Al-Qaïda , Ahmed al-Charaa, selon lesquelles les minorités religieuses seraient protégées, le régime a déjà commencé à imposer des restrictions « islamistes sunnites » sur de nombreux aspects de la société, y compris  les programmes scolaires  et la ségrégation des sexes dans  les transports publics .

Pendant ce temps, la violence sectaire perpétrée par des groupes liés à l’État et des milices non étatiques persiste . 

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C’est dans le contexte de cette violence sectaire qu’Israël a vu une opportunité de poursuivre un programme que le mouvement sioniste poursuivait depuis les années 1920 : créer de nouveaux schismes, ou exploiter les schismes existants, entre les groupes religieux en Palestine et dans les pays arabes environnants, dans une stratégie classique de diviser pour mieux régner.

Cette politique israélienne continue vise à donner une plus grande légitimité à la prétendue raison d’être d’Israël – non pas en tant que colonie sioniste européenne servant les intérêts impériaux européens et usaméricains, mais en tant qu’État sectaire religieux dont le modèle devrait être reproduit dans tout le Moyen-Orient, en divisant les groupes religieux autochtones en petits États distincts pour « protéger » les minorités.

Plan sectaire

Israël estime que la normalisation des relations dans la région ne peut se faire que si de tels États sectaires sont créés, notamment au Liban et en Syrie.

Dès les années 1930, les dirigeants israéliens s’allièrent aux sectaires maronites libanais et, en 1946, ils signèrent un accord politique avec l’Église maronite sectaire.

Leur soutien ultérieur à des groupes chrétiens fascistes libanais, comme les Phalangistes – qui cherchaient à établir un État maronite au Liban – s’inscrivait dans les plans sionistes pour la communauté druze palestinienne. Cette stratégie a débuté dans les années 1920, lorsque les colons sionistes ont commencé à cibler la population druze palestinienne.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale et suite au soutien britannique au colonialisme de peuplement sioniste en Palestine, les dirigeants sionistes ont lancé des efforts pour créer des divisions sectaires entre chrétiens et musulmans palestiniens.

Les Palestiniens, cependant, étaient unis dans leur opposition au sionisme et à l’occupation britannique à travers les « Associations musulmanes-chrétiennes », établies en 1918 comme instruments institutionnels d’unité nationale et de résistance au régime colonial.

Un projet sioniste connexe visait à isoler la petite communauté religieuse druze palestinienne afin de la cultiver comme un allié potentiel.

Au début du mandat britannique en 1922, les Druzes palestiniens étaient au nombre de 7 000 , vivant dans 18 villages à travers la Palestine et représentant moins d’un pour cent des 750 000 habitants du pays.

Mythologie coloniale

Les puissances coloniales s’appuyaient souvent sur des mythologies raciales pour diviser les populations autochtones. Alors que les Français affirmaient que les Berbères algériens descendaient des Gaulois pour les distinguer de leurs compatriotes arabes, les Britanniques présentaient les Druzes comme des descendants des Croisés, les décrivant comme une « race blanche plus ancienne » non arabe et « une race beaucoup plus propre et plus belle » que les autres Palestiniens, en raison de la prédominance de la peau claire et des yeux bleus parmi eux.

Bien que les Druzes aient été initialement considérés comme trop marginaux pour être embrigadés, à la fin des années 1920 et au début des années 1930, les dirigeants sionistes ont mené une campagne concertée pour les intégrer.

Tout comme ils avaient exploité les rivalités entre les familles palestiniennes importantes de Jérusalem – les Husayni et les Nashashibi – les sionistes ont cherché à faire de même avec les Druzes, en encourageant le factionnalisme entre les Tarifet les Khayr , et en promouvant une identité sectaire particulariste.

Dans les années 1920, les autorités d’occupation britanniques ont instauré un système sectaire en Palestine pour servir la colonisation juive européenne – un système qui séparait la communauté druze palestinienne du reste du peuple palestinien. 

Aux côtés des sionistes, les Britanniques ont encouragé le factionnalisme et le communautarisme religieux – des efforts qui ont abouti à la fondation de la Druze Union Society sectaire en 1932, aux côtés de nouvelles sociétés musulmanes et chrétiennes orthodoxes formées à la même période dans le sillage de la politique britannique.

La même année, les efforts sionistes pour coopter les dirigeants druzes s’intensifient, se concentrant sur une faction en particulier et encourageant son sectarisme.

Cela provoqua des affrontements entre les différentes factions druzes en 1933, mais la famille nationaliste Tarif conserva son leadership et vainquit la faction collaborant avec les sionistes. Ces derniers espéraient que la cooptation des Druzes palestiniens ouvrirait la voie à des alliances avec les populations druzes plus importantes de Syrie et du Liban.

Tactiques anti-révolte

Dans la seconde moitié des années 1930, pendant la Grande Révolte palestinienne contre l’occupation britannique et la colonisation sioniste européenne (1936-1939), les sionistes et les Britanniques ont intensifié leur campagne sectaire pour empêcher les Palestiniens druzes de rejoindre le soulèvement anticolonial.

À cette fin, ils enrôlèrent Cheikh Hassan Abou Rukun , chef de faction druze du village palestinien d’Isfiya, à une époque où des Druzes de Palestine, de Syrie et du Liban avaient rejoint la révolte . En novembre 1938, Abou Rukun fut tué par les révolutionnaires palestiniens en tant que collaborateur, et son village fut attaqué pour expulser d’autres collaborateurs.

Les sionistes ont exploité son assassinat dans leur campagne sectaire visant à embrigader la communauté druze, affirmant qu’il était ciblé parce qu’il était druze plutôt que parce qu’il était un collaborateur.

En fait, pendant la révolte palestinienne, les révolutionnaires ont tué environ 1 000 collaborateurs palestiniens – la plupart d’entre eux étaient des musulmans sunnites, dont beaucoup étaient issus de familles importantes.

Alors même que les sionistes travaillaient assidûment à répandre le sectarisme parmi les communautés druzes de Palestine, de Syrie et du Liban, à la fin de 1937, ils prévoyaient simultanément d’expulser toute la population druze - alors au nombre de 10 000 personnes - de l’État juif projeté par la Commission Peel britannique , puisque tous les villages druzes se trouvaient à l’intérieur des frontières que celle-ci recommandait.

Pendant ce temps, les autorités d’occupation britanniques ont fait avancer leur projet sectaire en payant certains dirigeants druzes pour qu’ils s’abstiennent de participer à la révolte.

Schémas de transfert

En 1938, les sionistes établirent des relations avec le chef anticolonial druze syrien Sultan al-Attrache , dont la révolte de 1925-1927 contre le régime français avait été réprimée dix ans plus tôt. Ils proposèrent à al-Attrache le « plan de transfert » – l’expulsion de la communauté druze palestinienne, présentée comme un moyen de la protéger des attaques des révolutionnaires palestiniens.

Al-Attrache n’acceptait que la migration volontaire de ceux qui cherchaient refuge, mais refusait tout accord d’amitié avec les sionistes.

Pour atteindre al-Attrache, les sionistes ont fait appel à l’un de leurs contacts, Yusuf al-’Aysami , un ancien assistant druze syrien qui avait été en exil en Transjordanie dans les années 1930. Pendant son exil, il a rendu visite aux Druzes palestiniens et a établi des liens avec les sionistes.

En 1939, Haïm Weizmann, chef de l’Organisation sioniste, était favorable à l’idée d’expulser les Druzes. L’émigration « volontaire » de 10 000 Palestiniens – qui, selon lui, « seraient sans doute suivis dautres » – offrait une précieuse opportunité de faire progresser la colonisation européenne juive en Galilée, région du nord de la Palestine.

Le financement de l’achat de terres druzes ne se matérialisa cependant jamais. En 1940, la réconciliation entre certaines familles druzes et les révolutionnaires palestiniens allégea la pression sur les dirigeants druzes et ébranla le pari initial des sionistes sur la communauté.

En 1944, l’organisation de renseignement sioniste (alors connue sous le nom de « Shai ») et le syrien al-’Aysami ont élaboré un plan visant à transférer les Druzes en Transjordanie et à financer l’établissement de villages là-bas en échange de toutes les terres druzes en Palestine.

Les sionistes envoyèrent même une expédition d’exploration à l’est de Mafraq, en Transjordanie, pour mettre en œuvre le projet. Cependant, face à l’opposition des Druzes et des Britanniques, le projet échoua fin 1945. Néanmoins, en 1946, les sionistes réussirent à acquérir des terres appartenant aux Druzes en Palestine par l’intermédiaire de collaborateurs locaux.

Embrigadement

En décembre 1947, davantage de Druzes palestiniens rejoignirent la résistance, alors même que les sionistes et les collaborateurs druzes s’efforçaient de maintenir la neutralité de la communauté ou de la recruter du côté sioniste.

En fait, les Druzes de Syrie et du Liban ont rejoint la résistance palestinienne à la conquête sioniste en 1948.

En avril 1948, les combattants de la résistance druze palestinienne ont riposté contre la colonie juive de Ramat Yohanan en réponse à l’attaque d’un colon contre une patrouille druze et ont subi de lourdes pertes .

Cependant, malgré les victoires sionistes, la désertion et le désespoir parmi les combattants druzes ont donné aux agents de renseignement sionistes – parmi lesquels le leader sioniste ukrainien Moshe Dayan - et aux collaborateurs druzes l’occasion de recruter des transfuges druzes .

Lorsque la colonie israélienne fut établie en 1948, l’un de ses premiers actes fut d’institutionnaliser les divisions au sein du peuple palestinien en inventant des identités ethniques fictives, dessinées selon des lignes religieuses et sectaires.

À ce stade, l’État israélien a reconnu les Druzes palestiniens – alors au nombre de 15 000 – comme une secte religieuse « distincte » des autres musulmans et a établi des tribunaux religieux distincts pour eux.

Peu après, Israël a commencé à qualifier la population druze de « Druze » plutôt que d’« Arabe », tant sur le plan ethnique que national. Pourtant, à l’époque comme aujourd’hui, celle-ci a continué à subir la même discrimination raciale et l’oppression de type suprémaciste juif que tous les Palestiniens d’Israël, y compris l’ appropriation de leurs terres.

À ce moment-là, avec le soutien de l’État israélien, les collaborateurs druzes avaient pris le dessus au sein de la communauté. Certains de leurs dirigeants ont même appelé le gouvernement à enrôler des Druzes dans l’armée israélienne – une offre qu’Israël a dûment acceptée, même si les soldats druzes restent interdits de rejoindre les unités « sensibles ».

Résistance druze

Malgré la cooptation par l’État israélien de nombreux membres de la communauté druze, la résistance à la colonisation s’est poursuivie à un rythme soutenu.

Le poète druze palestinien Samih al-Qasim (1939-2014) demeure l’une des trois figures les plus célèbres du panthéon palestinien des poètes connus pour leur résistance au sionisme (les deux autres étant Tawfiq Zayyad et Mahmoud Darwish). Son œuvre est non seulement largement récitée dans la société palestinienne, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Palestine, mais nombre de ses poèmes ont été mis en musique par des chanteuses telles que Kamilya Jubran et Rim al-Banna .

Parmi les autres figures littéraires et universitaires druzes palestiniennes de premier plan à l’avant-garde de la résistance au sionisme et au colonialisme israélien figurent le romancier Salman Natour (1949-2016) ; le poète contemporain Sami Muhanna, qu’Israël a emprisonné à plusieurs reprises pour ses opinions politiques ; le regretté érudit Sulayman Bashir (1947-1991) qui a écrit sur l’histoire des relations de l’URSS avec le nationalisme palestinien et les « communistes » juifs sionistes ; et l’historien Kais Firro (1944-2019), connu pour ses histoires de la communauté druze.

La tentative actuelle d’Israël de coopter les dirigeants druzes syriens vise à reproduire ce qu’il a déjà réussi avec les collaborateurs druzes palestiniens.

Cependant, les dirigeants druzes syriens résistent à cette offensive israélienne en affirmant faire partie intégrante du peuple syrien, tout en condamnant la politique du nouveau régime « islamiste » et sectaire. 

Pourtant, la volonté d’Israël de détruire l’unité arabe reste intacte.

16/07/2025

GIDEON LEVY
Israël a autrefois sauvé des enfants des décombres. Aujourd’hui, il tue ceux qui tentent de les sauver

Gideon LevyHaaretz, 17/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala  

Hala Arafat est morte dans d’atroces souffrances, avec son mari et ses quatre enfants. Quatorze membres de leur famille, dont sept enfants, ont été tués dans le bombardement de leur maison. Quiconque tentait de s’approcher d’eux était attaqué par des drones.


Hossam Azzam porte le corps de son fils Ameer, un enfant palestinien tué lors d’une frappe israélienne nocturne sur une maison, selon les médecins, à l’hôpital Al-Shifa de Gaza, mardi. Photo Mahmoud Issa/Reuters

Un œil est fermé, l’autre ouvert. Une main agrippe le mur qui s’est effondré sur elle. Elle est coincée dans les décombres, la tête et le corps immobilisés. Elle est dans cette position depuis toute la nuit. Une ampoule est jetée près d’elle, elle tente de l’attraper, peut-être que cela la sauvera. Elle la lâche.

Puis elle lève la main, signe qu’elle est en vie. Elle lutte pour prononcer ces mots : « Sauvez-moi, je suis fatiguée. Je ne peux pas [continuer]. » Avec ses dernières forces, elle dit : « S’il vous plaît, s’il vous plaît, sauvez-moi. » Ce sont ses derniers mots. « Parle, Hala, parle », tente son beau-frère, Anas, mais en vain. Ses yeux se ferment.


On ne sait pas exactement combien de temps elle a survécu après cette photo. Mardi, Nir Hasson a écrit sur X : « Cette femme s’appelle Hala Arafat. Elle a 35 ans. Depuis 2 heures du matin, elle et 14 autres membres de sa famille, principalement des enfants, se trouvent sous les décombres de leur maison de la rue Zarqa, dans le quartier d’Al-Tuffah. J’ai parlé avec son beau-frère, qui m’a dit que toute personne qui tentait de s’approcher d’elle était attaquée par des drones. Si quelqu’un a une idée pour aider, c’est le moment. »

Le bureau du porte-parole de l’armée israélienne n’a pas pris la peine de répondre à Hasson pendant 12 heures. Pourquoi tant de précipitation ? Plus tard, le porte-parole a marmonné quelque chose à propos d’un « manque de coordonnées ».

Hala est morte dans d’atroces souffrances avec son mari et ses quatre enfants. Quatorze membres de leur famille, dont sept enfants, ont été tués dans le bombardement de leur maison.

Ils ne sont pas la seule famille qui a été massacrée mardi. La famille Azzam – Amir, Rateb, Karim et quatre bébés – a également été anéantie. Les images des quatre nourrissons morts, allongés sur le dos dans des linceuls blancs, le visage découvert, sont parmi les plus difficiles à supporter. Le visage de l’un des nourrissons est lacéré.

Certains comptes sur les réseaux sociaux sont devenus des journaux intimes d’un abattoir. Tous les Israéliens doivent désormais les regarder en face. Que les sentiments soient blessés, que les âmes sensibles soient choquées ; aucune image de la bande de Gaza ne doit être censurée. Ce n’est pas un film snuff, c’est la réalité qui doit être vue.

Les derniers mots de Hala et l’impuissance à la sauver sont impardonnables. Une femme piégée dans les décombres de sa maison devrait susciter un fort désir de la sauver. Mais la situation a incité l’armée israélienne à lancer des drones tueurs pour liquider les sauveteurs, comme cela s’est produit mercredi dans la rue Zarqa à Gaza.

Selon les informations disponibles, l’armée israélienne a tiré sur toute personne qui s’approchait. Des femmes soldats audacieuses étaient aux commandes, ou s’agissait-il de soldats jouant à un jeu mortel contre quiconque tentait de porter secours ?

Ce sont les mêmes soldats de l’armée israélienne qu’Israël continue d’embrasser comme s’ils étaient les victimes de cette guerre et ses héros. Ils ne sont ni des victimes ni des héros lorsqu’ils tirent avec des drones sur des personnes sans défense. Ils sont comme les tireurs qui ont attaqué les centres d’aide humanitaire. Mercredi, vingt personnes ont été écrasées à mort après avoir été aspergées de gaz par des soldats.

C’est cette même IDF qui, en 1999, avait sauvé une fillette turque, Shiran Franco, des décombres. Elle avait neuf ans lorsque le tremblement de terre a frappé son pays, et les soldats des FDI l’ont non seulement sauvée, mais aussi emmenée en Israël pour y être soignée. Sa photo, prise par un colonel israélien, est devenue emblématique. Comme nous étions gentils.

L’armée israélienne ne sauve plus personne. Aujourd’hui, elle tire sur quiconque tente de secourir une femme coincée entre les murs de sa maison. Y a-t-il quelque chose de plus monstrueux ?

Une fois de plus, les mots me manquent. Lors du prochain tremblement de terre, en Turquie ou dans n’importe quel autre pays du monde, il faut espérer que les unités de secours de l’armée israélienne qui oseront se montrer pour faire semblant de sauver des vies seront expulsées dans la honte.

Cette armée a perdu le droit d’être hypocrite. Une armée qui tire sur les sauveteurs et les affamés a perdu le droit moral d’offrir son aide.

Non merci, dira le monde. Nous n’accepterons pas l’aide de vos mains trempées du sang des innocents.

OMER BARTOV
Je suis un spécialiste du génocide. Quand j’en vois un, je le reconnais

 Omer Bartov, The New York Times, 15/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala  


Un mois après l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, je croyais qu’il existait des preuves que l’armée israélienne avait commis des crimes de guerre et potentiellement des crimes contre l’humanité lors de sa contre-attaque contre Gaza. Mais contrairement aux cris des critiques les plus virulents d’Israël, ces preuves ne me semblaient pas constituer un crime de génocide.

En mai 2024, les Forces de défense israéliennes avaient ordonné à environ un million de Palestiniens réfugiés à Rafah – la ville la plus au sud et la dernière relativement intacte de la bande de Gaza – de se déplacer vers la zone côtière de Mawasi, où il n’y avait que peu ou pas d’abris. L’armée a ensuite procédé à la destruction d’une grande partie de Rafah, un exploit pratiquement accompli en août.

À ce stade, il semblait impossible de nier que le modèle des opérations de Tsahal était cohérent avec les déclarations dénotant une intention génocidaire faites par les dirigeants israéliens dans les jours qui ont suivi l’attaque du Hamas.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou avait promis que l’ennemi paierait un « prix énorme » pour l’attaque et que l’armée israélienne réduirait en ruines certaines parties de Gaza, où opérait le Hamas, et il avait appelé les « habitants de Gaza » à « partir maintenant, car nous interviendrons avec force partout ». Netanyahou avait exhorté ses citoyens à se souvenir de « ce qu’Amalek vous a fait », une citation que beaucoup ont interprétée comme une référence à l’exigence, contenue dans un passage biblique, appelant les Israélites à « tuer sans distinction hommes et femmes, enfants et nourrissons » de leur ancien ennemi. Les responsables gouvernementaux et militaires ont déclaré qu’ils combattaient des « animaux humains » et ont, plus tard, appelé à « l’annihilation totale ». Nissim Vaturi, vice-président du Parlement, a déclaré sur X que la tâche d’Israël devait être « d’effacer la bande de Gaza de la surface de la terre ». Les actions d’Israël ne peuvent être comprises que comme la mise en œuvre de l’intention exprimée de rendre la bande de Gaza inhabitable pour sa population palestinienne. Je crois que l’objectif était – et demeure aujourd’hui – de forcer la population à quitter la bande de Gaza ou, considérant qu’elle n’a nulle part où aller, de l’affaiblir par des bombardements et de graves privations de nourriture, d’eau potable, d’assainissement et d’aide médicale, à tel point qu’il est impossible pour les Palestiniens de Gaza de maintenir ou de reconstituer leur existence en tant que groupe.

Ma conclusion inévitable est qu’Israël commet un génocide contre le peuple palestinien. Ayant grandi dans un foyer sioniste, vécu la première moitié de ma vie en Israël, servi dans l’armée israélienne comme soldat et officier et consacré la majeure partie de ma carrière à la recherche et à l’écriture sur les crimes de guerre et l’Holocauste, cette conclusion a été douloureuse et j’y ai résisté aussi longtemps que possible. Mais j’enseigne le génocide depuis un quart de siècle. Je sais reconnaître un génocide quand j’en vois un. Ce n’est pas seulement ma conclusion. Un nombre croissant d’experts en études sur le génocide et en droit international concluent que les actions d’Israël à Gaza ne peuvent être qualifiées que de génocide. Il en va de même pour Francesca Albanese, rapporteure spéciale des Nations Unies pour la Cisjordanie et Gaza, et Amnesty International. L’Afrique du Sud a porté plainte pour génocide contre Israël devant la Cour internationale de justice.

Le refus persistant des États, des organisations internationales et des experts juridiques et universitaires d’accorder cette qualification causera des dommages considérables non seulement aux populations de Gaza et d’Israël, mais aussi au système de droit international établi au lendemain des horreurs de l’Holocauste, conçu pour empêcher que de telles atrocités ne se reproduisent. Il s’agit d’une menace pour les fondements mêmes de l’ordre moral dont nous dépendons tous.

Le crime de génocide a été défini en 1948 par les Nations Unies comme « l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, en tant que tel ». Pour déterminer ce qui constitue un génocide, il faut donc à la fois établir l’intention et démontrer qu’elle est mise à exécution. Dans le cas d’Israël, cette intention a été publiquement exprimée par de nombreux responsables et dirigeants. Mais l’intention peut également découler d’un schéma d’opérations sur le terrain, et ce schéma est devenu clair en mai 2024 – et l’est devenu encore plus depuis – lorsque Tsahal systématiquement détruit la bande de Gaza.

La plupart des spécialistes du génocide sont prudents quant à l’application de ce terme aux événements contemporains, précisément en raison de la tendance, depuis son invention par l’avocat juif polonais Raphael Lemkin en 1944, à l’attribuer à tout cas de massacre ou d’inhumanité. Certains soutiennent même que cette catégorisation devrait être totalement abandonnée, car elle sert souvent davantage à exprimer l’indignation qu’à identifier un crime particulier. Pourtant, comme l’a reconnu Lemkin, et comme l’ont ultérieurement reconnu les Nations Unies, il est crucial de pouvoir distinguer la tentative de destruction d’un groupe particulier d’autres crimes de droit international, tels que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.

En effet, alors que d’autres crimes impliquent le meurtre aveugle ou délibéré de civils en tant qu’individus, le génocide désigne le meurtre de personnes en tant que membres d’un groupe, visant à détruire irrémédiablement ce groupe lui-même afin qu’il ne puisse jamais se reconstituer en tant qu’entité politique, sociale ou culturelle. Et, comme l’a signalé la communauté internationale en adoptant la convention, il incombe à tous les États signataires de prévenir une telle tentative, de tout mettre en œuvre pour l’arrêter pendant qu’elle se produit et de punir ensuite ceux qui ont commis ce crime des crimes, même s’il a eu lieu à l’intérieur des frontières d’un État souverain.

Cette désignation a des ramifications politiques, juridiques et morales majeures. Les pays, les hommes politiques et les militaires soupçonnés, inculpés ou reconnus coupables de génocide sont considérés comme inhumains et peuvent compromettre, voire perdre, leur droit à rester membres de la communauté internationale. Une constatation de la Cour internationale de Justice selon laquelle un État est impliqué dans un génocide, surtout si elle est appliquée par le Conseil de sécurité de l’ONU, peut entraîner de lourdes sanctions. Les hommes politiques ou les généraux inculpés ou reconnus coupables de génocide ou d’autres violations du droit international humanitaire par la Cour pénale internationale peuvent être arrêtés hors de leur pays. Et une société qui tolère et se rend complice du génocide, quelle que soit la position de ses citoyens, portera cette marque de Caïn longtemps après que les feux de la haine et de la violence auront été éteints.

Israël a nié toutes les allégations de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. L’armée israélienne affirme enquêter sur les signalements de crimes, bien qu’elle ait rarement rendu publiques ses conclusions. Lorsque des manquements à la discipline ou au protocole sont constatés, elle inflige généralement de légères réprimandes à son personnel. Les dirigeants militaires et politiques israéliens affirment à maintes reprises que l’armée israélienne agit dans le respect de la légalité, affirment qu’elle lance des avertissements aux populations civiles pour qu’elles évacuent les sites sur le point d’être attaqués et accusent le Hamas d’utiliser des civils comme boucliers humains. En réalité, la destruction systématique à Gaza, non seulement de logements, mais aussi d’autres infrastructures – bâtiments gouvernementaux, hôpitaux, universités, écoles, mosquées, sites du patrimoine culturel, usines de traitement des eaux, zones agricoles et parcs – reflète une politique visant à rendre hautement improbable la renaissance de la vie palestinienne sur le territoire. Selon une enquête récente de Haaretz, environ 174 000 bâtiments ont été détruits ou endommagés, soit jusqu’à 70 % de l’ensemble des structures de la bande de Gaza.

À ce jour, plus de 58 000 personnes ont été tuées, selon les autorités sanitaires de Gaza, dont plus de 17 000 enfants, qui représentent près d’un tiers du nombre total de victimes. Plus de 870 de ces enfants avaient moins d’un an. Plus de 2 000 familles ont été décimées, selon les autorités sanitaires. De plus, 5 600 familles ne comptent plus qu’un seul survivant. Au moins 10 000 personnes seraient encore ensevelies sous les décombres de leurs maisons. Plus de 138 000 ont été blessées et mutilées.

Gaza a désormais le triste privilège d’avoir le plus grand nombre d’enfants amputés par habitant au monde. Toute une génération d’enfants, victimes d’attaques militaires incessantes, de la perte de leurs parents et d’une malnutrition chronique, souffrira de graves répercussions physiques et mentales pour le restant de ses jours.

Des milliers d’autres personnes atteintes de maladies chroniques n’ont eu qu’un accès limité aux soins hospitaliers. L’horreur de ce qui se passe à Gaza est encore qualifiée de guerre par la plupart des observateurs. Mais c’est une appellation erronée. Depuis un an, Tsahal ne combat plus aucune force militaire organisée. La version du Hamas qui a planifié et mené les attaques du 7 octobre a été détruite, même si le groupe affaibli continue de combattre les forces israéliennes et conserve le contrôle de la population dans les zones non contrôlées par l’armée israélienne.

Aujourd’hui, Tsahal est principalement engagé dans une opération de démolition et de nettoyage ethnique. C’est ainsi que l’ancien chef d’état-major et ministre de la Défense de Netanyahou, le partisan de la ligne dure Moshe Yaalon, a décrit en novembre sur la chaîne de télévision israélienne Democrat TV et dans des articles et interviews ultérieurs la tentative de vider le nord de Gaza de sa population.

Le 19 janvier, sous la pression de Donald Trump, à la veille de son retour à la présidence, un cessez-le-feu est entré en vigueur, facilitant l’échange d’otages à Gaza contre des prisonniers palestiniens en Israël. Mais après la rupture du cessez-le-feu par Israël le 18 mars, l’armée israélienne a mis en œuvre un plan largement médiatisé visant à concentrer l’ensemble de la population gazaouie sur un quart du territoire, réparti en trois zones : la ville de Gaza, les camps de réfugiés du centre et le littoral de Mawasi, à l’extrémité sud-ouest de la bande de Gaza.

Utilisant un grand nombre de bulldozers et d’énormes bombes aériennes fournies par les USA, l’armée semble vouloir démolir toutes les structures restantes et prendre le contrôle des trois quarts restants du territoire. Ce projet est également facilité par un plan qui fournit – par intermittence – une aide alimentaire limitée à quelques points de distribution gardés par l’armée israélienne, attirant ainsi la population vers le sud. De nombreux Gazaouis sont tués dans une tentative désespérée de se procurer de la nourriture, et la famine s’aggrave.

Le 7 juillet, le ministre de la Défense, Israel Katz, a déclaré que l’armée israélienne construirait une « ville humanitaire » sur les ruines de Rafah pour accueillir initialement 600 000 Palestiniens de la région de Mawasi, qui seraient approvisionnés par des organismes internationaux et interdits de quitter la zone.

Certains pourraient qualifier cette campagne de nettoyage ethnique, et non de génocide. Mais il existe un lien entre les crimes. Lorsqu’un groupe ethnique n’a nulle part où aller et est constamment déplacé d’une zone dite sûre à une autre, bombardé et affamé sans relâche, le nettoyage ethnique peut se transformer en génocide. Ce fut le cas lors de plusieurs génocides célèbres du XXe siècle, comme celui des Hereros et des Namas dans le Sud-Ouest africain allemand, aujourd’hui la Namibie, qui a débuté en 1904 ; celui des Arméniens pendant la Première Guerre mondiale ; et même pendant l’Holocauste, qui a commencé avec la tentative allemande d’expulser les Juifs et s’est terminé par leur assassinat.

À ce jour, seuls quelques spécialistes de l’Holocauste, et aucune institution dédiée à sa recherche et à sa commémoration, ont émis un avertissement selon lequel Israël pourrait être accusé de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de nettoyage ethnique ou de génocide. Ce silence a tourné en dérision le slogan « Plus jamais ça », transformant son sens d’affirmation de résistance à l’inhumanité, où qu’elle soit perpétrée, en excuse, voire en carte blanche pour détruire autrui en invoquant sa propre victimisation passée.

C’est là un autre des nombreux coûts incalculables de la catastrophe actuelle. Alors qu’Israël tente littéralement d’anéantir l’existence palestinienne à Gaza et exerce une violence croissante contre les Palestiniens en Cisjordanie, le crédit moral et historique dont l’État juif s’est jusqu’à présent servi s’épuise. Israël, créé au lendemain de l’Holocauste comme réponse au génocide nazi des Juifs, a toujours insisté sur le fait que toute menace à sa sécurité devait être considérée comme la menace potentielle d’un nouvel Auschwitz. Cela donne à Israël le droit de présenter ceux qu’il perçoit comme ses ennemis comme des nazis – un terme utilisé à maintes reprises par les personnalités des médias israéliens pour décrire le Hamas et, par extension, tous les Gazaouis, sur la base de l’affirmation populaire selon laquelle aucun d’entre eux n’est « non impliqué », pas même les nourrissons, qui grandiront pour devenir des militants.

Ce phénomène n’est pas nouveau. Dès l’invasion du Liban par Israël en 1982, le Premier ministre Menahem Begin comparait Yasser Arafat, alors retranché à Beyrouth, à Adolf Hitler dans son bunker berlinois. Cette fois, l’analogie est utilisée en lien avec une politique visant à déraciner et à expulser toute la population de Gaza. Les scènes d’horreur quotidiennes à Gaza, dont l’opinion publique israélienne est protégée par l’autocensure de ses propres médias, révèlent les mensonges de la propagande israélienne selon lesquels il s’agirait d’une guerre défensive contre un ennemi de type nazi. On frémit lorsque des porte-parole israéliens prononcent sans vergogne le slogan creux selon lequel Tsahal serait « l’armée la plus morale du monde ».

Certains pays européens, comme la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ainsi que le Canada, ont faiblement protesté contre les actions israéliennes, notamment depuis la rupture du cessez-le-feu en mars. Mais ils n’ont ni suspendu leurs livraisons d’armes ni pris de mesures économiques ou politiques concrètes et significatives susceptibles de dissuader le gouvernement de Netanyahou.

Pendant un temps, le gouvernement usaméricain a semblé se désintéresser de Gaza. Le président Trump avait initialement annoncé en février que les USA prendraient le contrôle de Gaza, promettant d’en faire la « Riviera du Moyen-Orient », avant de laisser Israël poursuivre la destruction de la bande de Gaza et de se tourner contre l’Iran.

Pour l’instant, on ne peut qu’espérer que Trump fera à nouveau pression sur un Netanyahou réticent pour qu’il parvienne au moins à un nouveau cessez-le-feu et mette fin aux massacres incessants.

Comment l’avenir d’Israël sera-t-il affecté par l’inévitable démolition de sa moralité incontestable, issue de sa naissance sur les cendres de l’Holocauste ? Les dirigeants politiques et les citoyens israéliens devront trancher. Il semble y avoir peu de pression intérieure en faveur du changement de paradigme urgent : la reconnaissance qu’il n’existe pas d’autre solution à ce conflit qu’un accord israélo-palestinien de partage du territoire selon les paramètres convenus par les deux parties, qu’il s’agisse de deux États, d’un seul État ou d’une confédération. Une forte pression extérieure de la part des alliés du pays semble également improbable.

Je suis profondément inquiet qu’Israël persiste dans sa voie désastreuse, se transformant, peut-être de manière irréversible, en un véritable État d’apartheid autoritaire. L’histoire nous l’a enseigné, de tels États ne durent pas. Une autre question se pose : quelles conséquences le revirement moral d’Israël aura-t-il sur la culture de la commémoration de l’Holocauste et sur les politiques de mémoire, d’éducation et de recherche, alors que tant de ses dirigeants intellectuels et administratifs ont jusqu’à présent refusé d’assumer leur responsabilité de dénoncer l’inhumanité et le génocide où qu’ils se produisent ?

Ceux qui participent à la culture mondiale de commémoration et de souvenir construite autour de l’Holocauste devront faire face à un jugement moral. La communauté plus large des spécialistes du génocide – ceux qui étudient le génocide comparé ou tout autre génocide ayant marqué l’histoire humaine – se rapproche de plus en plus d’un consensus pour qualifier les événements de Gaza de génocide.

En novembre, un peu plus d’un an après le début de la guerre, le spécialiste israélien du génocide Shmuel Lederman a rejoint le courant croissant d’opinion selon lequel Israël était impliqué dans des actes génocidaires. L’avocat international canadien William Schabas est arrivé à la même conclusion l’année dernière et a récemment qualifié la campagne militaire israélienne à Gaza de « génocide absolu ».

D’autres experts du génocide, comme Melanie O’Brien, présidente de l’Association internationale des spécialistes du génocide, et le spécialiste britannique Martin Shaw (qui a également déclaré que l’attaque du Hamas était génocidaire), sont parvenus à la même conclusion, tandis que le chercheur australien A. Dirk Moses, de la City University de New York, a décrit ces événements dans la publication néerlandaise NRC comme un « mélange de logique génocidaire et militaire ». Dans le même article, Uğur Ümit Üngör, professeur à l’Institut NIOD d’études sur la guerre, l’Holocauste et le génocide, basé à Amsterdam, a déclaré qu’il existe probablement des chercheurs qui ne pensent toujours pas qu’il s’agisse d’un génocide, mais « je ne les connais pas ».

La plupart des spécialistes de l’Holocauste que je connais ne partagent pas, ou du moins n’expriment pas publiquement, ce point de vue. À quelques exceptions notables près, comme l’Israélien Raz Segal, directeur du programme d’études sur l’Holocauste et le génocide à l’Université Stockton dans le New Jersey, et les historiens Amos Goldberg et Daniel Blatman de l’Université hébraïque de Jérusalem, la majorité des universitaires qui se sont penchés sur l’histoire du génocide nazi des Juifs sont restés remarquablement silencieux, tandis que certains ont ouvertement nié les crimes d’Israël à Gaza ou accusé leurs collègues les plus critiques de discours incendiaires, d’exagérations démesurées, d’empoisonnement des puits et d’antisémitisme.

En décembre, le spécialiste de l’Holocauste Norman J.W. Goda a estimé que « des accusations de génocide comme celle-ci ont longtemps servi de cache-misère à des contestations plus larges de la légitimité d’Israël », exprimant son inquiétude quant au fait qu’elles « ont atténué la gravité du mot génocide lui-même ». Cette « diffamation génocidaire », comme l’a qualifiée le Dr Goda dans un essai, « déploie toute une série de clichés antisémites », notamment « l’association de l’accusation de génocide avec le meurtre délibéré d’enfants, dont les images sont omniprésentes sur les ONG, les réseaux sociaux et autres plateformes qui accusent Israël de génocide ».

En d’autres termes, montrer des images d’enfants palestiniens déchiquetés par des bombes de fabrication américaine lancées par des pilotes israéliens constitue, selon cette vision, un acte antisémite.

Plus récemment, le Dr Goda et un historien européen respecté, Jeffrey Herf, ont écrit dans le Washington Post que « l’accusation de génocide lancée contre Israël puise dans de profonds puits de peur et de haine » présents dans « des interprétations radicales du christianisme et de l’islam ». Elle « a déplacé l’opprobre des Juifs en tant que groupe religieux/ethnique vers l’État d’Israël, qu’elle dépeint comme intrinsèquement mauvais ».

Quelles sont les ramifications de ce clivage entre spécialistes du génocide et historiens de l’Holocauste ? Il ne s’agit pas seulement d’une querelle universitaire. La culture mémorielle créée ces dernières décennies autour de l’Holocauste englobe bien plus que le génocide des Juifs. Elle joue désormais un rôle crucial dans la politique, l’éducation et l’identité. Les musées consacrés à l’Holocauste ont servi de modèles pour la représentation d’autres génocides à travers le monde. L’insistance sur le fait que les leçons de l’Holocauste exigent la promotion de la tolérance, de la diversité, de l’antiracisme et du soutien aux migrants et aux réfugiés, sans parler des droits humains et du droit international humanitaire, s’enracine dans une compréhension des implications universelles de ce crime au cœur de la civilisation occidentale à l’apogée de la modernité. Discréditer comme antisémites les spécialistes du génocide qui pointent le génocide israélien à Gaza menace d’éroder le fondement des études sur le génocide : la nécessité constante de définir, prévenir, punir et reconstruire l’histoire du génocide. Prétendre que cette démarche est motivée par des intérêts et des sentiments malveillants – qu’elle est mue par la haine et les préjugés mêmes qui sont à l’origine de l’Holocauste – est non seulement moralement scandaleux, mais ouvre également la voie à une politique de négationnisme et d’impunité. De même, lorsque ceux qui ont consacré leur carrière à l’enseignement et à la commémoration de l’Holocauste persistent à ignorer ou à nier les actes génocidaires d’Israël à Gaza, ils menacent de saper tout ce que l’étude et la commémoration de l’Holocauste ont défendu au cours des dernières décennies. À savoir la dignité de chaque être humain, le respect de l’État de droit et l’impérieuse nécessité de ne jamais laisser l’inhumanité s’emparer du cœur des peuples et orienter les actions des nations au nom de la sécurité, de l’intérêt national et de la vengeance pure et simple.

Ce que je crains, c’est qu’au lendemain du génocide de Gaza, il ne soit plus possible de poursuivre l’enseignement et la recherche sur la Shoah comme auparavant. L’État d’Israël et ses défenseurs ayant invoqué sans relâche la Shoah pour dissimuler les crimes de Tsahal, l’étude et la mémoire de la Shoah pourraient perdre leur prétention à la justice universelle et se replier sur le même ghetto ethnique où elles ont commencé à la fin de la Seconde Guerre mondiale : une préoccupation marginalisée des survivants d’un peuple marginalisé, un événement ethniquement spécifique, avant de réussir, des décennies plus tard, à trouver sa juste place comme leçon et avertissement pour l’humanité tout entière. Tout aussi inquiétante est la perspective que l’étude du génocide dans son ensemble ne survive pas aux accusations d’antisémitisme, nous privant ainsi de la communauté cruciale d’universitaires et de juristes internationaux pour prendre le relais, à une époque où la montée de l’intolérance, de la haine raciale, du populisme et de l’autoritarisme menace les valeurs qui étaient au cœur des efforts scientifiques, culturels et politiques du XXe siècle. La seule lumière au bout de ce tunnel si sombre est peut-être la possibilité qu’une nouvelle génération d’Israéliens affronte son avenir sans se réfugier dans l’ombre de l’Holocauste, même si elle devra porter la tâche du génocide de Gaza perpétré en son nom.

Israël devra apprendre à vivre sans recourir à l’Holocauste pour justifier son inhumanité. Malgré toutes les souffrances atroces que nous observons actuellement, cela est précieux et pourrait, à long terme, aider Israël à envisager l’avenir de manière plus saine, plus rationnelle et moins craintive et violente. Cela ne compensera en rien le nombre effarant de morts et de souffrances des Palestiniens. Mais un Israël libéré du fardeau écrasant de l’Holocauste pourrait enfin accepter l’inévitable nécessité pour ses sept millions de citoyens juifs de partager leur terre avec les sept millions de Palestiniens vivant en Israël, à Gaza et en Cisjordanie, dans la paix, l’égalité et la dignité. Ce sera la seule possibilité de rédemption par la justice.

10/07/2025

Sous couvert de “ville humanitaire”, l’État juif construit un ghetto d’extermination à Gaza

Un éditorial de Haaretz et un article de Gideon Levy dénoncent le projet sionihiliste de “ville humanitaire” à Gaza. Honneur à ces trop rares voix dissidentes israéliennes.-Fausto GiudiceTlaxcala


Israël n’est pas en train de créer une “ ville humanitaire” à Gaza. Il crée des camps de transfert

Éditorial, Haaretz, 9/7/2025


Un Palestinien transporte un matelas après une frappe israélienne qui a touché une école abritant des Palestiniens déplacés dans le camp d’Al-Bureij, dans le centre de la bande de Gaza, le 8 juillet 2025. Photo Eyad Baba/AFP

Le peuple élu, seul pays démocratique du Moyen-Orient doté de l’armée la plus morale au monde, prévoit désormais de créer une “ville humanitaire” dans la bande de Gaza. Peu importe le cellophane orwellien dans lequel ils l’enveloppent. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le ministre de la Défense Israel Katz poursuivent ouvertement leurs plans visant à placer les Gazaouis dans des camps en vue de les transférer hors de l’enclave.

Le fait que Katz ait dévoilé son projet de “ville humanitaire” à Rafah pour des centaines de milliers de Palestiniens enfermés et surveillés, sans possibilité de partir, comme une solution humanitaire, n’est rien d’autre qu’une distorsion effrayante du langage. Netanyahou promeut ce projet tordu à Washington, où il a expliqué, tout en insultant l’intelligence du monde entier, que « cela s’appelle le libre choix. Si les gens veulent rester, ils peuvent rester ; mais s’ils veulent partir, ils devraient pouvoir partir ». Le Premier ministre a ajouté, sans la moindre honte, que Gaza « ne devrait pas être une prison. Elle devrait être un lieu ouvert ».

Bien que cela ressemble à une parodie de l’idée de reconstruction, ce n’est pas théorique. Selon des sources diplomatiques, l’objectif de cette mesure est de concentrer la majeure partie de la population de Gaza dans une ville fermée, de lui fournir une aide humanitaire et de l’« encourager » à émigrer « volontairement ». Tout cela est coordonné avec les responsables usaméricains. Netanyahou s’est même vanté qu’Israël et les USA étaient « sur le point de trouver plusieurs pays » prêts à accueillir les Gazaouis.

Il ne s’agit pas d’une solution humanitaire, mais d’un transfert. Seule une réalité déformée peut permettre de parler de libre arbitre à propos de personnes qui ont passé les 20 derniers mois sous les bombardements constants, confrontées à la faim et au manque d’eau, d’électricité et de médicaments. En réalité, il s’agirait d’un crime de guerre, à savoir le transfert forcé de civils, interdit par le droit international.

Les responsables de la défense sont alarmés. Lors d’une discussion très animée avec le cabinet de sécurité, le chef d’état-major de l’armée israélienne, Eyal Zamir, a demandé de suspendre le vote afin de clarifier les implications, mais NetanyahOu a fermement refusé. « Pas question », a-t-il déclaré. « Nous en avons déjà discuté. » Lorsque le chef d’état-major a demandé si l’armée serait chargée de contrôler deux millions de civils, Netanyahou a répondu : « Je vais faire venir 10 [Caterpillar] D9 pour préparer l’espace humanitaire. »

Les réserves de l’armée ont été rejetées ; la décision a été adoptée à l’unanimité. Dans l’Israël de Netanyahou, lorsqu’un membre de l’establishment de la défense met en garde contre un danger ou les implications d’une politique dangereuse, c’est juste une raison pour se débarrasser de lui. Le chef d’état-major indiscipliné est désormais moins apprécié du gouvernement après lui avoir fait prendre conscience de la réalité.

Voilà à quoi ressemble une détérioration dangereuse : des bombardements incessants à une tentative de façonner l’avenir de Gaza en ignorant le droit international, en détruisant l’armée, en négligeant le bien-être des soldats et en corrompant la société et le gouvernement. Cela ne doit pas être permis. Ce plan dangereux doit être arrêté immédiatement.


 Malcolm Evans, Nouvelle-Zélande

L’État juif construit un ghetto

Gideon Levy, Haaretz, 7/7/2025


Les ruines de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, en janvier. Photo Mohammed Salem/Reuters

Si Mordechai Anielewicz était encore en vie aujourd’hui, il serait mort. Le chef de l’Organisation juive de combat pendant le soulèvement du ghetto de Varsovie serait mort de honte et de déshonneur en apprenant les plans du ministre de la Défense – avec le soutien total du Premier ministre – visant à ériger une “ville humanitaire” dans le sud de la bande de Gaza. Anielewicz n’aurait jamais cru que quelqu’un oserait concevoir un plan aussi diabolique 80 ans après l’Holocauste.

En apprenant que ce projet avait été imaginé par le gouvernement de l’État juif, fondé sur les sacrifices de son ghetto, il aurait été dévasté. Lorsqu’il aurait compris qu’Israel Katz, l’homme à l’origine de cette idée, était le fils de Meir Katz et Malcha (Nira) née Deutsch, survivants de l’Holocauste originaires de la région de Maramures en Roumanie, qui avaient perdu la plupart des membres de leur famille dans les camps d’extermination, il n’aurait jamais pu y croire. Qu’auraient-ils pu dire à leur fils ?

Quand Anielewicz aurait pris conscience de l’apathie et de l’inaction que ce projet suscitait en Israël et, dans une certaine mesure, dans le monde entier, y compris en Europe, voire en Allemagne, il serait mort une seconde fois, cette fois d’un cœur brisé.

L’État juif est en train de construire un ghetto. Quelle phrase horrible. Il est déjà assez grave que le projet ait été présenté comme s’il pouvait être légitime – qui est pour un camp de concentration et qui est contre ? – mais de là, le chemin peut être raccourci vers une idée encore plus horrible : quelqu’un pourrait suggérer ensuite un camp d’extermination pour ceux qui ne passent pas le processus de sélection à l’entrée du ghetto. Israël tue de toute façon les habitants de Gaza en masse, alors pourquoi ne pas rationaliser le processus et épargner la vie de nos précieux soldats ? Quelqu’un pourrait également suggérer un crématorium compact sur les ruines de Khan Younès, dont l’accès, comme dans le ghetto voisin de Rafah, serait purement volontaire. Bien sûr, volontaire, comme dans la “ville humanitaire”. Seulement, quitter les deux camps ne serait plus volontaire. C’est ce que le ministre a proposé.

La nature du génocide est telle qu’il ne naît pas du jour au lendemain. On ne se réveille pas un matin pour passer de la démocratie à Auschwitz, de l’administration civile à la Gestapo. Le processus est graduel. Après la phase de déshumanisation – que les Juifs d’Allemagne et les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie ont tous deux subie à leur époque – vient la phase de diabolisation, que les deux nations ont également connue. Vient ensuite la phase de la peur : il n’y a pas d’innocents dans la bande de Gaza, le 7 octobre est considéré comme une menace existentielle pour Israël qui pourrait se reproduire à tout moment. Après quoi viennent les appels à évacuer la population avant que quelqu’un ne soulève l’idée de l’extermination.

Nous sommes maintenant dans cette dernière phase, la dernière phase avant le génocide. L’Allemagne a transféré ses Juifs vers l’est ; le génocide arménien a également commencé par une déportation, qui était alors appelée “évacuation”. Aujourd’hui, on parle d’une évacuation vers le sud de Gaza.

Free Gaza & Palestine tagués sur les murs du ghetto de Varsovie

Pendant des années, j’ai évité de faire des comparaisons avec l’Holocauste. Toute comparaison de ce type risquait de passer à côté de la vérité et de nuire à la cause de la justice. Israël n’a jamais été un État nazi, et une fois ce fait établi, il s’ensuit que s’il n’était pas un État nazi, il devait être un État moral. Il n’est pas nécessaire de se référer à l’Holocauste pour être choqué. On peut être choqué par bien moins, par exemple par le comportement d’Israël dans la bande de Gaza.

Mais rien ne nous avait préparés à l’idée d’une “ville humanitaire”. Israël n’a plus aucun droit moral d’utiliser le mot “humanitaire”. Quiconque a transformé la bande de Gaza en ce qu’elle est aujourd’hui – un cimetière géant et un champ de ruines – et la traite avec indifférence a perdu tout lien avec l’humanité. Quiconque ne voit que la souffrance des otages israéliens dans la bande de Gaza et ne voit pas que toutes les six heures, les Forces de défense israéliennes tuent autant de Palestiniens qu’il y a d’otages vivants a perdu toute son humanité.

Si 21 mois passés à voir mourir des bébés, des femmes, des enfants, des journalistes, des médecins et d’autres innocents ne suffisaient pas, le projet de ghetto devrait déclencher toutes les alarmes. Israël se comporte comme s’il planifiait un génocide et une expulsion. Et s’il n’envisage pas de le faire pour l’instant, il court le risque sérieux de sombrer rapidement et sans s’en rendre compte dans l’un ou l’autre de ces crimes. Demandez à Anielewicz.