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25/11/2023

Les femmes soldates qui ont averti de l’imminence d’une attaque du Hamas le 7 octobre, et qui ont été ignorées
Le blues des tatzpitanit de l’armée israélienne rescapées du Samedi noir

NdT
Les deux articles ci-dessous, du correspondant militaire du quotidien israélien Haaretz, jettent une lumière aveuglante sur le merdier qu’est devenue “l’armée la plus morale du monde”, actuellement occupée à commettre un génocide pour exercer “le droit à la défense” de “la seule démocratie du Moyen-Orient”. L’’état de l’’armée israélienne évoque de plus en plus celui de l’armée US au Vietnam à partir de l’Offensive du Têt du FNL au Sud-Vietnam en février 1968 : une armée-patchwork traversée par des clivages et des incompatibilités de toutes sortes : ethniques, idéologiques, culturels, de genre, en un mot anthropologiques. Aujourd’hui, la galère des petites guetteuses, véritables cyber-esclaves .-FG

Yaniv Kubovich, Haaretz, 20/11/2023

Tout au long de l’année écoulée, les guetteuses des Forces de défense israéliennes (FDI) stationnées à la frontière avec Gaza, toutes des femmes, ont averti que quelque chose d’inhabituel était en train de se produire. Celles qui ont survécu au massacre du 7 octobre sont convaincues que si des hommes avaient tiré la sonnette d’alarme, la situation serait différente aujourd’hui

 

Photo : Ariel Shalit / Animation : Aron Ehrlich

Trois jours après le massacre du 7 octobre dans le sud d’Israël, Mai - une guetteuse qui sert dans la division de Gaza des FDI et qui a survécu à l’assaut meurtrier du Hamas contre sa base militaire près de la frontière - a reçu un appel téléphonique à son domicile.

Au bout du fil, une personne de la division des ressources humaines de l’armée. « Si tu ne reviens pas à ton poste, l’a-t-elle prévenue, c’est de l’absentéisme en temps de guerre et ça peut te valoir jusqu’à dix ans de prison ». Des messages identiques ont également été envoyés à des collègues de la base militaire qui, comme elle, s’étaient retrouvées le Samedi noir enfermées dans une salle d’opérations, “armées” uniquement de leurs téléphones cellulaires, alors que les terroristes du Hamas se déchaînaient.

« Nous avons essayé d’expliquer que nous ne pouvions pas revenir au boulot », raconte Mai. « Nous avons perdu nos camarades. Nous avons passé des heures à nous cacher, au milieu des cadavres, dans cette salle d’opérations ».

08/10/2023

AMOS HAREL
Guerre Israël-Gaza : un fiasco catastrophique qui provoquera une onde de choc politique

Amos Harel, Haaretz, 8/10/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 

L'échec du renseignement et la mauvaise préparation israéliens n'étaient pas les seuls problèmes : il semble que la conception défensive opérationnelle d'Israël face à Gaza ait volé en éclats Netanyahou devra payer un prix politique pour sa politique à l'égard du Hamas après la guerre.

 

Un soldat de Tsahal regarde une voiture en flammes dans la ville d'Ashkelon, dans le sud d'Israël, samedi. Photo : Ilan Assayag

 

Vendredi à la mi-journée, un officier supérieur de l'état-major général s'est entretenu avec un invité dans son bureau de Tel-Aviv. Quelques minutes après que l'horloge électronique du bureau a affiché 14 heures, tous deux ont remarqué qu'ils avaient raté l'heure exacte à laquelle la guerre du Kippour avait éclaté il y a 50 ans. La conversation a naturellement dérivé sur les leçons de 1973.

 

« Dans les territoires occupés », dit l'officier, « nous sommes à cinq minutes d'une intifada ». Il dit cela sans savoir qu’il est en train de prophétiser. L'hôte, comme l'ensemble des FDI, était principalement préoccupé par ce qui pouvait se passer en Cisjordanie. Mais au nez et à la barbe de l'establishment de la défense, une attaque sans précédent du Hamas prenait forme au même moment, le long de la frontière de Gaza.

 

Il faut se méfier de l'hystérie excessive. Mais il ne faut pas minimiser la gravité de la calamité qui s'est produite. Israël est en guerre depuis samedi matin. L'attaque du Hamas, qui a pris les services de renseignement israéliens par surprise, a complètement démoli la conception défensive opérationnelle à la frontière de la bande de Gaza. On dénombre plus de 250 morts du côté israélien et plus de 1 590 blessés, un chiffre qui pourrait augmenter de manière significative une fois que tous les sites attaqués auront été fouillés.

Selon des informations en provenance de Gaza, des dizaines de prisonniers et de corps ont été emmenés d'Israël à Gaza. Même en termes d'otages [sic] et de personnes disparues, cette situation n'est pas comparable à l'enlèvement de Gilad Shalit en 2006. On voit mal le gouvernement modérer les frappes aériennes sur Gaza par souci de protéger la vie des prisonniers israéliens. Il est probable que dans le feu de l'action, de telles considérations ne seront pas prises en compte.

 

Israël a parlé de la “doctrine Dahiya”, qui implique la destruction systématique des infrastructures dans les zones fortement peuplées, comme d'une leçon tirée de la deuxième guerre du Liban en 2006. C'est ce qui se passe actuellement à Gaza, avec une grande intensité.

 

Les FDI, le Shin Bet et la police se sont livrés à des combats maison par maison pendant dix heures dans des communautés et des bases militaires où s'étaient retranchés des Palestiniens armés. Dans quelques endroits, comme la ville d'Ofakim et le kibboutz Be'eri, les terroristes se sont retranchés avec des otages [resic].

 

03/08/2023

GIDEON LEVY
La capitulation est l’acte de courage le plus noblebr>Sortie due film israélien “The Stroinghold”

Gideon Levy, Haaretz, 3/8/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Dr Nahum Werbin est un héros israélien. À première vue, Werbin est un anti-héros - le moins héroïque aux yeux d’Israël, l’opposé complet des héros qu’Israël aime et vénère.

Lorsqu’il est revenu de la mission de sa vie, la plus audacieuse et la plus étonnante de toutes, il a même été interrogé par l’avocat général des armées. Il était sur le point d’être inculpé pour trahison, incitation à la rébellion ou Dieu sait quoi. Il n’est pas étonnant qu’il n’ait pas reçu la médaille du courage qu’il méritait.

Mais Werbin est un grand héros. Il y a tant à apprendre de son histoire, tant à saluer pour sa bravoure. 


Ce soir, le merveilleux long métrage de Lior Chefetz, “Le Bastion” [The Stronghold], superbement réalisé, qui raconte la chute du poste le plus au sud de la ligne Bar-Lev pendant la guerre du Kippour [octobre 1973], sortira en salles. “The Stronghold” est un film sur la bravoure de Nahum Werbin et, dans une certaine mesure, sur la bravoure de son rival, le commandant de l’avant-poste, Shlomo Erdinast, qui s’est opposé à la reddition jusqu’à ce qu’il soit persuadé et y consente, ce qui est tout à son honneur.

Cette reddition était la mesure la plus courageuse que les commandants de l’avant-poste auraient pu prendre dans leur position, après une semaine de siège suicidaire, des bombardements incessants et avec une grave pénurie de médicaments. Le médecin de l’avant-poste, le docteur Werbin, arrivé seulement un jour plus tôt, a non seulement sauvé ses patients, qu’il a soignés avec un dévouement sans bornes, mais il a également sauvé tous les soldats de la position. S’ils n’avaient pas cédé, ils seraient aujourd’hui tous enterrés dans des cimetières militaires.

Grâce à Werbin, ils ont assisté à la première d’un film festif sur eux-mêmes, avec de merveilleux acteurs jouant leurs personnages. Erdinast a fait une noble déclaration, Werbin est resté sur scène en silence et a laissé sa fille Rana lire les mots qu’il avait écrits sur le rôle d’un médecin. Et le film était déchirant.

Parfois, la reddition est l’acte de courage le plus noble. Imaginez le bastion sans Werbin. Erdinast l’aurait poussé à continuer à se battre, jusqu’à la mort. Cela aurait pu être un Masada moderne, avec tout le kitsch nationaliste répugnant, parce que c’était un combat qui n’avait aucune chance. Les fausses valeurs d’honneur et de bravoure auraient été maintenues, mais dans les cimetières. L’histoire de l’héroïsme et du sacrifice des soldats de “The Stronghold” serait enseignée dans les écoles, afin d’apprendre à une nouvelle génération qu’il est bon de mourir.

Si les 25 soldats du poste avaient été tués, comme on s’y attendait, nous chanterions des chants de deuil en leur mémoire à l’occasion de la Journée du Souvenir. Mais on ne chante pas la bravoure de la reddition, parce que céder est toujours une honte. Israël en a toujours honte. Le neveu de Werbin, l’écrivain Yishai Sarid, a attiré mon attention cette semaine sur le fait que son oncle n’a jamais présenté la capitulation comme un idéal, mais qu’il a insisté sur la réflexion angoissante qu’il a menée avant de choisir la vie. Mais on ne peut pas quitter ce film sans applaudir la reddition, qui demande parfois beaucoup plus de courage que son contraire.

La position “Stronghold” était un microcosme israélien, avec une guerre culturelle implicite entre les soldats qui allaient à la yeshiva [école religieuse] et le médecin semi-hippie de Tel Aviv qui venait pour le week-end. Lorsque j’ai rencontré Werbin, des années plus tard, il se promenait encore avec une queue de cheval dans les couloirs du service de chirurgie d’Ichilov. Werbin me connaît sur le bout des doigts. Il y a environ 25 ans, il m’a opéré au moins trois fois et a tout vu de mon intérieur. Je connaissais déjà l’histoire de sa bravoure pendant la guerre, mais le film a apporté la touche finale.

La capitulation est parfois la solution, et pas seulement en temps de guerre. Combien de fois n’avons-nous pas capitulé, juste pour ne pas céder, dans le domaine personnel et surtout national, et en avons-nous payé le prix fort ? Et qu’y a-t-il de mal à se rendre parfois ? Qu’y a-t-il de mal à sauver les soldats du bastion, même si c’est d’une manière apparemment humiliante, devant les caméras du monde entier ? Le poste du bastion, dirigé par son médecin, a choisi la vie. C’était une reddition glorieuse dont nous devrions nous inspirer.

29/06/2023

GIDEON LEVY
Un commandant de brigade de Tsahal est-il un meurtrier ?

Gideon Levy, Haaretz, 29/6/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Ils lui ont crié “assassin” et il s’est éloigné, penaud, en disant qu’il était “blessé en tant que personne” mais qu’il “n’allait pas craquer”. Les dirigeants de l’État se sont empressés d’exprimer leur inquiétude, de condamner les attaques verbales et de louer son héroïsme.

Le commandant de la brigade Binyamin, le colonel Eliav Elbaz, était venu réconforter la famille de Harel Masoud, un colon d’un avant-poste particulièrement violent et sauvage, qui a été tué la semaine dernière lors d’une fusillade dans la colonie d’Eli, en Cisjordanie. Elbaz a été accueilli par un flot d’insultes de la part des voyous colons.

S’agissait-il d’un acte honteux ? Je n’en suis pas certain. Parfois, les colons peuvent nous apprendre quelque chose sur la manière de protester.

Elbaz mérite d’être la cible de manifestations de colère, mais dans un lieu différent et pour des raisons diamétralement opposées. Dans cet autre endroit, il serait une cible digne des slogans désobligeants et des insultes qui lui ont été lancés par les colons. Mais dans cet autre lieu, ni Elbaz ni aucun autre membre de l’armée n’est venu consoler les familles endeuillées, personne n’a protesté et personne ne portera la responsabilité.

S’il fallait insulter Elbaz pour ternir son image et noircir son nom, il aurait fallu le faire loin de la maison de la famille Masoud à Yad Binyamin. Au lieu de cela, il aurait fallu le faire dans la maison de la famille Tamimi à Nabi Saleh.

C’est cette famille qui avait besoin d’être réconfortée et indemnisée et qui avait toutes les raisons de l’insulter. Mais Elbaz, comme ses collègues officiers de l’occupation, est trop lâche pour prendre la responsabilité de l’assassinat d’un bébé. Il est encore plus lâche de ne pas exprimer son chagrin et de ne pas partager la douleur d’une famille dont le monde entier a été détruit par ses soldats.

Elbaz est le commandant de la brigade responsable de l’unité Duhifat, dont les soldats ont tué au début du mois le bambin Mohammed Tamimi. Il est le commandant de la brigade qui a truqué l’enquête et n’a jamais pensé à poursuivre qui que ce soit. C’est lui qui a inutilement envoyé les soldats à Nabi Saleh, lui qui est responsable de la confusion embarrassante qui s’en est suivie, et du doigt sur la gâchette qui a fini par abattre un enfant en bas âge et son père. Elbaz est responsable de ce terrible crime, et plus encore de la dissimulation qui a suivi.

Comme dans tout crime, celui qui envoie quelqu’un commettre un crime partage le blâme, voire en porte une part encore plus grande.

Pour ce crime et d’autres du même genre, Elbaz est sorti aussi pur que la rosée du matin. Personne n’a tué de bébé, et s’il l’a fait, c’est par erreur, et s’il s’agit d’une erreur, il n’y a pas de problème juridique ou moral.

C’est peut-être une justice poétique que ce soient les voyous colons, les voleurs de terres racistes et violents, qui aient sali l’honneur de l’officier qui méritait d’être sali, au lieu du sang de Tamimi, qui aurait dû crier contre lui depuis la terre et conduire à la révocation d’Elbaz.

Soit dit en passant, en avril de l’année dernière, Elbaz a tué de ses propres mains un homme ayant des besoins spéciaux qui tenait un fusil jouet à Ashkelon. Cette histoire a également été rapidement passée sous silence, même si la victime était juive.

Les forces de défense israéliennes doivent décider si le meurtre d’un enfant en bas âge sous les yeux de son père est un acte acceptable ou non. Les soldats auraient-ils tiré sur le bambin et son père s’il s’était agi d’une colonie juive et non d’un village palestinien, un village réputé pour sa résistance à l’occupation ? Si un tel acte est acceptable, alors nous devrions protester contre les responsables de ces normes perverties, y compris Elbaz.

Si un tel acte n’est pas acceptable, s’il est illégal et criminel, alors les suspects auraient dû être traduits en justice, y compris Elbaz, qui a cherché à dissimuler l’incident. La gauche [quelle gauche ? NdT] aurait dû réclamer cela, mais lorsque la gauche est faible et découragée, et que l’occupation ne l’intéresse plus, le résultat honteux est que personne n’est venu protester contre Elbaz pour le meurtre d’un enfant en bas âge.

Il est douteux que beaucoup de personnes de gauche oseraient traiter de “meurtrier” un officier des FDI responsable de la mort d’un bébé. Ce type de protestation - flagrante, violente et courageuse - est réservé aux jeunes des collines. Pour la gauche, des personnages comme Elbaz restent des héros dont la dignité, à Dieu ne plaise, ne doit jamais être touchée. Ils sont les vaches sacrées de la gauche.

28/06/2023

AMEER MAKHOUL
Que faire de l’(In)autorité palestinienne ? L’armée israélienne et le Shin Bet ont des divergences sur la réponse à cette question

Ameer Makhoul, Middle East Eye, 27/6/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

S’écartant de sa position antérieure, l’agence de sécurité israélienne, le Shin Bet, s’est ralliée aux politiques d’extrême droite du gouvernement.


Ronen Bar (né Berezovsky)

L’influence grandissante de l’actuel chef du Shin Bet, Ronen Bar, a entraîné une divergence notable entre l’agence de sécurité israélienne et l’armée.

Ce fossé stratégique - récemment mis en évidence par le raid de l’armée israélienne à Jénine le 19 juin - se concentre sur deux questions : l’approche vis-à-vis de l’(In)autorité palestinienne (AP) et la question des incursions dans les villes palestiniennes, en particulier dans la zone nord de la Cisjordanie.

Le Shin Bet est favorable à l’invasion des villes palestiniennes et à la destruction de toute nouvelle formation de groupes de résistance. Cependant, son incapacité à détecter les menaces potentielles avant le raid militaire a conduit à des attaques surprise palestiniennes et à la destruction de véhicules blindés par des bombes artisanales placées en bord de route.

Les militaires israéliens, quant à eux, ont émis des réserves quant à la conduite de raids en Cisjordanie. Selon eux, contrairement à la situation de 2003, où l’AP avait soutenu la seconde Intifada, déclenchant l’invasion israélienne des villes de Cisjordanie, l’AP a depuis fait volte-face.

Les militaires estiment qu’une AP forte joue un rôle essentiel dans le maintien de la sécurité d’Israël et le contrôle des activités palestiniennes. C’était également la position du Shin Bet jusqu’à récemment.

Mohamed Sabaaneh

Les colons se déchaînent

Depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement d’extrême droite, la politique israélienne à l’égard de la Cisjordanie s’est nettement infléchie. Hormis les affaires militaires, toutes les questions concernant le territoire occupé relèvent de la compétence du chef du parti Sionisme religieux et ministre des Finances, Bezalel Smotrich.

Ce changement est conforme aux accords de coalition, qui déterminent l’ordre du jour du gouvernement.

Smotrich, personnalité influente du gouvernement israélien, a pour objectif stratégique de dissoudre l’(In)autorité palestinienne. Conformément à sa doctrine stratégique consistant à établir la “souveraineté juive” sur l’ensemble de la terre de Palestine, il préconise l’invasion des villes et des camps afin d’obtenir des résultats décisifs.

Les colons israéliens agissent sous la direction de Smotrich, un leader d’extrême droite, qui, à son tour, s’efforce de façonner les politiques gouvernementales en fonction de la volonté des colons.

Le Shin Bet surveille les mouvements et les projets des colons et dispose même d’un département dédié à cette fonction. Appelé à l’origine “département non arabe”, il est aujourd’hui appelé “département juif” (dans toutes les institutions de l’État et dans la littérature officielle, le terme “non-juifs” est utilisé, alors qu’au Shin Bet, on utilise “non-arabes”). Cependant, aucune mesure n’est prise pour contrecarrer leurs activités ou leur violence.

L’incapacité du Shin Bet à contrôler les colons suggère qu’il voit un rôle dans leur violence : établir une domination sur les Palestiniens, agir comme un moyen de dissuasion et briser tout soutien populaire aux organisations armées qui résistent à l’occupation.

La récente sauvagerie des colons est donc le résultat d’une stratégie mesurée et calculée plutôt que d’une “frénésie sanglante”. Il s’agit d’une tactique visant à faciliter les objectifs plus larges d’Israël, à savoir l’intimidation et le nettoyage ethnique des Palestiniens.

Parmi les exemples récents, on peut citer les incendies criminels de Huwwara, Turmus Ayya et Um Safa, qui n’étaient pas le fruit du hasard, mais plutôt des attaques préméditées.

L’annonce par le gouvernement israélien de la construction de 1 000 unités de logement dans la colonie illégale d’Eli - à la suite de l’opération armée palestinienne qui s’y est déroulée - met encore plus en évidence ses objectifs coloniaux en Cisjordanie.

Affaiblissement de l’AP

Il y a trois mois, alors que la discorde dans les rangs de l’armée s’intensifiait en raison de leur opposition à un éventuel coup d’État judiciaire, des voix importantes de l’armée israélienne se sont fait entendre. Parmi elles, le commandant militaire et ancien chef du Shin Bet, Nadav Argaman. Leur position est sans ambiguïté : si les politiques gouvernementales sont en conflit avec l’État de droit, l’allégeance de l’armée ira à ce dernier.

Cependant, les actions de l’armée semblent aujourd’hui en contradiction avec sa position précédente. Plutôt que d’adhérer à la lettre de la loi, l’armée semble agir en accord avec les décrets du gouvernement.

Ce changement est particulièrement évident dans le cas de l’avant-poste illégal d’Evyatar en Cisjordanie, qui a été évacué sur ordre d’un tribunal israélien. Au mépris de cet ordre, les colons sont revenus et ont repris leur occupation, apparemment sans entrave de la part de l’armée, malgré le statut de zone militaire de la région.

Cette évolution est en contradiction avec la position et les évaluations de l’armée. L’armée a exprimé sa réticence à envahir les villes palestiniennes, comprenant que cela l’obligerait à jouer un plus grand rôle de maintien de l’ordre après l’invasion.

En outre, elle a ajouté qu’une telle action épuiserait les ressources actuellement mobilisées contre l’Iran, la Syrie et le Hezbollah.

C’est pour ces raisons que presque tous les anciens chefs militaires, rejoints par toutes les anciennes agences de sécurité, s’opposent à l’affaiblissement (ou à l’effondrement total) de l’(In)autorité palestinienne. Au contraire, ils perçoivent cet affaiblissement comme une perte stratégique pour Israël, qui ne propose aucune solution tangible pour la paix.

Pourtant, un changement de position significatif peut être observé dans les rangs du Shin Bet, même si ce changement ne représente pas un consensus au sein de l’organisation.

Le directeur du Shin Bet reconnaît qu’une invasion du nord de la Cisjordanie pourrait potentiellement déstabiliser l’(In)autorité palestinienne, mais il plaide en faveur d’une invasion à court terme qui ne prévoit pas ce qui se passerait par la suite. Reconnaissant l’incertitude inhérente à la guerre, il admet qu’il ne peut dicter la durée d’une invasion.

Bar reconnaît en outre que l’incendie criminel de Turmus Ayya a porté un coup terrible à la crédibilité de l’(In)autorité palestinienne - un avantage pour le Shin Bet. Les communautés palestiniennes ont critiqué la “négligence” de l’AP et son incapacité à les protéger des attaques des colons, en particulier dans la zone C, qui est entièrement contrôlée par Israël.

Dans une rare dérogation à la norme, le Shin Bet a envoyé un représentant à la commission de la Knesset chargée des projets de colonisation. Ce représentant, qui s’exprimait derrière un rideau, a exprimé le soutien de l’agence à une proposition de loi visant à étendre la présence juive dans les villes à majorité palestinienne d’Israël, comme celles de Galilée.

Ce représentant a affirmé que la “judaïsation” de la Galilée est en fait une question de sécurité nationale. Il a ajouté : « Le niveau de colonisation dans la région s’accompagne d’un renforcement des forces de police et d’application de la loi, de l’éducation, du développement des routes, etc. »

Il a également laissé entendre que le Shin Bet s’efforcerait de protéger les communautés juives contre les menaces potentielles, considérées comme des adversaires de l’État. Cette politique comprend des stratégies visant à diluer l’importante présence arabe en Galilée et à en perturber la continuité.

Les objectifs du projet de loi soutenu par l’agent du Shin Bet sont décrits comme des principes de l’accord de la coalition gouvernementale, concernant la “judaïsation” non seulement de la Galilée, mais aussi du Naqab [Néguev], de la zone C de la Cisjordanie et de Jérusalem.

Enfin, le représentant du Shin Bet, qui a choisi de rester anonyme, a corroboré ce point de vue comme étant celui de Bar, le chef de l’agence. Cette révélation pourrait signaler l'orientation potentielle de l'organisation de renseignement vers les politiques ministérielles ou, à tout le moins, suggérer une convergence croissante de leurs évaluations stratégiques.

Divergence

À la suite de l’incendie criminel de Turmus Ayya, le 21 juin, les forces israéliennes ont affirmé qu’elles n’avaient pas été informées au préalable des intentions des colons d’envahir la ville. Habituellement, ces renseignements proviennent du Shin Bet.

Cependant, certains segments de l’armée, notamment le bataillon de Cisjordanie (officiellement appelé la division de Judée et Samarie), sont fortement influencés par l’idéologie du sionisme religieux. Ces soldats et officiers n’adhèrent pas strictement aux ordres de l’état-major et se considèrent comme un corps unifié avec les colons, comme l’a déclaré l’année dernière leur commandant, le colonel Roi Zweig.

Le chaos interne s’est manifesté lorsque des gangs de colons terroristes ont perpétré l’incendie criminel sous le parapluie protecteur de l’armée et sous son œil vigilant. Cela s’est produit après que la ville a été mise en état de siège, tous les points d’accès étant bloqués. Cette tactique renvoie à une tactique sioniste historique qui a été associée à d’autres massacres tragiques.

La divergence entre l’armée israélienne et le Shin Bet menace de rompre un équilibre de longue date entre les principales institutions de sécurité d’Israël - l’armée, le Shin Bet et le Mossad - et le gouvernement. Qu’il s’agisse de questions concernant l’Iran ou la Palestine, le facteur décisif a toujours été le consensus entre ces trois agences de sécurité.

Il est intéressant de noter que le Shin Bet semble se rapprocher de la position d’extrême droite du gouvernement, en s’alignant spécifiquement sur Smotrich. Ce dernier semble convaincu que l’affaiblissement de l’AP est une étape nécessaire pour faciliter les projets du parti au pouvoir qu’il dirige. (Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, est devenu une voix que personne n’écoute lorsqu’il s’agit de questions de sécurité).

Le débat au sein de l’appareil de sécurité de l’État occupant sur la question de savoir s’il faut déstabiliser l’AP n’est pas encore tranché. Malgré des années de siège de l’AP, la volonté d’Israël de provoquer son effondrement total est incertaine.

Toutefois, le soutien à cette stratégie semble s’accroître au vu des nombreuses évaluations concernant l’ère qui suivra le président Mahmoud Abbas, âgé de 87 ans. La question du paysage post-Abbas est une question qui préoccupe profondément tous les rouages de la machinerie de l’État occupant.

Au fur et à mesure que la situation évolue, il devient de plus en plus évident que le Shin Bet cherche non seulement à rompre les liens et les attentes qui existent entre les Palestiniens vivant dans la zone C et l’(In)autorité palestinienne, mais aussi à exacerber les plaintes des résidents locaux à l’encontre de l’organe dirigeant.

L’AP, inhibée par les restrictions israéliennes, n’est pas en mesure d’assurer une quelconque forme de protection ou d’agir dans la région. Ces réalités feront probablement pencher la balance en faveur de ceux qui, en Israël, souhaitent l’affaiblir encore plus - ou carrément la détruire.

 

20/06/2023

GIDEON LEVY
Deux Palestiniens, âgés de 2 et 80 ans, morts : affaires classées

Gideon Levy, Haaretz, 18/62023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Coup sur coup, l’armée israélienne a légitimé la semaine dernière deux actes ignobles commis par ses soldats. Ils n’ont pas été jugés et n’ont pas été punis. Les FDI ont totalement innocenté ceux qui avaient envoyé à la mort un Palestinien âgé et ligoté, ainsi que celui qui avait tiré une balle dans la tête d’un enfant palestinien en bas âge, le tuant.

Les deux actes rivalisent par leur degré de barbarie. Pour les commandants des FDI, les deux sont corrects, normaux et acceptables. Désormais, les soldats de Tsahal sauront ce qu’ils savent depuis longtemps : ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent, y compris tirer sur des enfants en bas âge et brutaliser des personnes âgées.

Aucun mal ne vous sera fait, leur dit-on. Vous avez agi comme on l’attendait de vous.

Des parents palestiniens lors des funérailles d’Omar As’ad, 80 ans, dans le village de Jiljilya en Cisjordanie, en janvier dernier. Photo : JAAFAR ASHTIYEH / AFP

Le premier acte ignoble a été commis il y a environ un an et demi, à 3 heures du matin, dans le village prospère et tranquille de Jiljilya, en Cisjordanie. Des soldats du bataillon Netzah Yehuda (qui d’autre ?) arrêtent un homme de 80 ans, Omar As’ad, pour le plaisir sadique de la chose. Il rentrait tranquillement chez lui après avoir rendu visite à un ami dans le village.

Il les supplie de le laisser tranquille. Ils le sortent de force de sa voiture, lui attachent les mains dans le dos, lui bandent les yeux avec un chiffon et lui enfoncent un autre chiffon dans la bouche pour l’empêcher de crier. Ils le traînent ensuite dans la rue. À ce moment-là, l’un des pieds d’As’ad est déjà nu après qu’une tong a glissé. Ils le poussent dans la cour d’un immeuble en construction. Là, ils le jettent à plat ventre sur un sol en béton et l’abandonnent dans l’air froid de la nuit, vêtu d’une simple chemise. Son kefieh est également tombé.

Il reste là pendant environ une heure, sans bouger, jusqu’à ce que les soldats reviennent pour lui détacher les mains avant de partir. Ils n’ont même pas remarqué qu’il était mort. Rien à foutre.

Propriétaire d’une épicerie à Milwaukee, dans le Wisconsin, As’ad est retourné, à un âge avancé, dans son village natal pour y finir ses jours avec ses amis d’enfance. Les soldats, qui l’ont jeté comme un sac pour la seule raison qu’il était palestinien, ont peut-être des grands-pères de son âge. Comment se seraient-ils sentis si leurs grands-pères avaient été traités de la sorte ?

Cette question n’a pas traversé l’esprit des soldats du bataillon Netzah Yehuda, qui se traduit par Judée éternelle. L’éternité d’As’ad a pris fin cette nuit-là, le 12 janvier 2022. Les soldats de Netzah l’ont expédié à la mort.

L’autopsie a révélé qu’il était mort d’une crise cardiaque causée par la violence dont il était la cible. Lorsque j’ai visité le site où il a été jeté dans la nuit froide avec des témoins oculaires qui avaient également été arrêtés sans raison par des soldats qui s’ennuiyaient, il était difficile de comprendre une telle cruauté et une telle insensibilité à l’égard d’un homme âgé, de forte corpulence, pieds nus et sans défense.

Le fait qu’As’ad soit un citoyen usaméricain a fait naître l’espoir que, peut-être, cette fois-ci, les FDI seraient obligées de s’écarter de la dissimulation habituelle. Au lieu de cela, une simple enquête a traîné pendant un an et demi. Personne n’a été arrêté. Personne ne sera jugé. Le porte-parole du département d’État usaméricain a un peu grogné sur l’affaire la semaine dernière, mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Les USAméricains pardonneront à leur allié de traiter ainsi l’un de leurs propres citoyens.

Des hommes se tiennent à côté d’une affiche d’Omar As’ad, 80 ans, dans le village de Jiljilya en Cisjordanie, en janvier dernier. Photo : MOHAMAD TOROKMAN / REUTERS

Ce mois-ci, la nuit du 1er  juin n’était pas aussi froide à Nabi Saleh que cette nuit d’hiver à Jiljilya, et depuis, les soldats de Netzah Yehuda ont été renvoyés de Cisjordanie en raison de leur conduite - mais les nouveaux soldats du bataillon Duchifat, de la même brigade Kfir, étaient également très enthousiastes à l’idée de passer leur première nuit dans le village sans maman.

Quelqu’un avait entendu des tirs. Des soldats sont entrés dans le village et ont commencé à tirer en l’air sans se coordonner. Les soldats de la tour de garde n’ont rien signalé.

Un soldat en quête d’action a commencé à cribler de balles une voiture dont les phares avaient été allumés à l’entrée d’une maison à l’orée du village. À travers sa lunette à vision optique, il a vu ou n’a pas vu la petite tête de Mohammed Tamimi, 2 ans, et son père, Haitham. Il a tiré sur les deux, tuant le bambin.

Cette fois, l’enquête au niveau du commandement a été rapide. Le seul soldat réprimandé a tiré en l’air. Tirer sur l’enfant et son père était la bonne chose à faire - correcte, légale et morale.

14/02/2023

GIDEON LEVY
L’armée israélienne fait du sauvetage en Turquie mais passe la Cisjordanie au bulldozer

Gideon Levy, Haaretz, 12/2/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les yeux se mouillent d'émotion, le cœur se gonfle de fierté : Les soldats des Forces de défense israéliennes ont récupéré les corps de deux Juifs qui ont été tués à Antakya. Les yeux se mouillent, le cœur se gonfle : L'opération Rameau d'olivier a sorti un garçon de 9 ans des décombres vendredi soir. Une équipe des FDI a sauvé 19 personnes.

Des soldats des Forces de défense israéliennes cherchent des survivants à la suite d'un tremblement de terre meurtrier, à Kahramanmaras, en Turquie, vendredi. Photo : RONEN ZVULUN/ REUTERS

 

Comme tout ce qui se passe dans les FDI, l'opération porte un nom enfantin et bénéficie des relations publiques de la plus grande agence de relations publiques du pays, l'unité du porte-parole des FDI. Israël n'est devancé que par l'Azerbaïdjan pour l'ampleur de la mission de sauvetage qu'il a envoyée en Turquie. Il est peu probable que le principal titre du journal le plus diffusé d'Azerbaïdjan ait été vendredi « Une mission morale », comme l'a été celui du journal Israel Hayom [tabloïd gratuit]. Le cœur se gonfle de fierté.

 

Ce que les FDI font en Turquie ne peut qu'inspirer l'admiration. Creuser des décombres en terre étrangère jour et nuit, puis fournir des soins médicaux aux survivants, avec un dévouement sans fin, et dans un pays pourtant semi-hostile. Félicitations aux FDI.

 

Mais n'est-ce pas les FDI que nous connaissons ? Les mêmes FDI qui nous choquent ? Elles sauvent des enfants en Turquie et tuent des enfants en Cisjordanie ; elles creusent dans des décombres pour retrouver des cadavres turcs, et enlèvent des dizaines de cadavres palestiniens pour les stocker dans des réfrigérateurs ; elles déblaient les ruines de maisons détruites par un tremblement de terre et démolissent des centaines de maisons par an avec leurs propres bulldozers. Il ne serait pas surprenant que certains des soldats israéliens qui ont été envoyés en Turquie soient les mêmes que ceux qui rasent les bâtiments dans les villages de Masafer Yatta. Peut-être l'officier qui a scellé la maison d'A-Tor devant les caméras de télévision est-il en train de déblayer soigneusement les décombres en Turquie ?

 

Voilà ce qu'émet l'armée israélienne : une émotion singulière, morale, inspirant la fierté. Bien sûr, elle le fait par sens de la mission, mais il est impossible de cacher l'effort transpirant pour tirer également des bénéfices d'une opération humanitaire. Comme il est émouvant de ramener les corps de Fortuna et Saul Cenudioglu d'Antakya pour les enterrer en Israël - et que dire du corps de Wadi' Abu Ramuz, 17 ans, de Silwan, qu'Israël a arraché ? Il n'y a pas besoin de creuser pour l'enterrer, il suffit de le sortir du réfrigérateur où il était placé. Et que dire des centaines de corps enlevés par les FDI à des familles condamnées à pleurer leurs proches sans sépulture ?

 

Il est difficile de comprendre comment une armée aussi brutale et parfois barbare peut soudainement changer de visage pour devenir l'armée du salut. Les mêmes commandants, les mêmes soldats, les mêmes uniformes : sauver et tuer, réhabiliter et raser, sauver des ruines et, du même coup, détruire les autres. Il n'y a pas de différence entre la victime d'un tremblement de terre et la victime d'une démolition en ce qui concerne le désastre qui les a frappées : Toutes deux se retrouvent sans abri, sans rien.

 

Le jour où l'équipe des FDI a été photographiée en route pour la Turquie, la démolition d'un immeuble d'habitation à Silwan était planifiée : 12 appartements, 77 nouveaux sans-abris, dont 12 enfants. Les FDI leur fourniront-elles aussi une aide humanitaire, après leur séisme personnel ?

 

C'est ainsi que nous aimons apparaître, les plus humains, les plus secourables. Nous nous rendons dans une zone sinistrée pendant quelques jours, nous déblayons, nous secourons et, bien sûr, nous nous faisons photographier, puis nous retournons à la routine. Il est normal d'être fier des sauveteurs, mais il ne faut pas oublier qu'Israël est l'un des pays les plus cruels et les plus insensibles au monde dans son traitement des demandeurs d'asile, des réfugiés de guerre et des survivants de catastrophes.

 

Il est facile d'effectuer des missions de sauvetage. C'est beaucoup plus difficile d'accueillir des réfugiés. La Jordanie, la Turquie, la Suède et l'Allemagne sont une lumière pour les nations bien plus qu'Israël le sauveteur. Ces dernières années, ils ont accueilli des millions de réfugiés de Syrie, d'Irak et des Balkans. Ils paient un prix insupportablement lourd pour leurs actions de sauvetage, et personne ne les applaudit pour cela. Israël n'envisage même pas d'accueillir quelques-unes des victimes des tremblements de terre en Turquie.

 

Un message anonyme sur Twitter a raconté toute l'histoire : « Pendant que des soldats israéliens sauvent des musulmans en Turquie, d'autres musulmans tuent des Israéliens », peut-on lire. Et vraiment, comment se fait-il que nous n'ayons pas reçu, et immédiatement, tout le crédit que nous méritons pour l'opération Rameau d'olivier ? Et comment se fait-il que les Palestiniens ne nous pardonnent pas tout ce que nous leur faisons ? Hé, nous avons sauvé 19 Turcs des décombres. 

 


22/12/2022

GIDEON LEVY
Portrait du porte-parole de l’armée israélienne en martyr

Comment blanchir des institutions et des organisations qui trahissent leur devoir, ou qui sont ouvertement ou secrètement partenaires de l’occupation ? C’est horriblement simple : tout ce qu’une personne de droite a à faire, c’est d’attaquer l’institution ou l’organisation en question et de la qualifier de gauchiste. Le centre et la gauche prendront immédiatement sa défense, et nous aurons une agence éclairée et progressiste à laquelle on ne peut toucher, de peur que la droite ne la détruise. Une splendide laverie automatique.

Le porte-parole des FDI, Ran Kochav. Photo : Unité du porte-parole des FDI

Il en va de même pour la Cour suprême, l’un des plus grands collaborateurs de l’occupation et des colonies. Une attaque de la droite contre elle a suffi à en faire un phare de la justice pour lequel nous devons nous battre, de peur que la droite ne détruise ce bastion des Lumières. C’est également le cas de l’Administration civile, un mécanisme d’occupation brutal et corrompu. La seule menace de sa prise en charge par Bezalel Smotrich suffit à en faire une forteresse de l’humanisme, comme si Smotrich le Terrible allait la transformer en un mécanisme des ténèbres. De même, la police est soudainement devenue la gardienne de la démocratie, de peur qu’Itamar Ben-Gvir ne lui porte préjudice et ne la transforme, hélas, en une force raciste et violente, comme si elle ne l’avait pas toujours été.

Le dernier tollé concerne l’unité du porte-parole des FDI et son commandant, le général de brigade Ran Kochav. L’un des principaux fonctionnaires des colons, le chef du Conseil régional de Samarie, Yossi Dagan, a accusé Kochav de transformer l’unité en un “parti d’extrême gauche”. Voilà un homme qui fait tout ce qui lui semble bon avec l’armée dans les territoires occupés, qui organise les ridicules et scandaleuses tournées de provocation au soi-disant “Tombeau de Joseph” encore et encore, tandis que les FDI se précipitent pour une raison quelconque pour les protéger et verser davantage de sang palestinien. Cet homme est arrivé à la conclusion que l’unité de propagande de Tsahal se situe à l’extrême gauche. Il sait bien sûr qu’elle n’est pas de gauche, loin de là, mais pourquoi ne pas dire d’extrême gauche ? Les colons ne peuvent que profiter de cette manipulation cynique.

Des soldats anonymes de l’unité ont gazouillé quelque chose de gauchiste, et maintenant le porte-parole des FDI doit prouver qu’il n’a pas de sœur et n’est pas d’extrême gauche. Dagan est en train de rire jusqu’à la colonie de Shavei Shomron. Sa provocation a réussi une fois de plus et le porte-parole des FDI va purger les soldats gauchistes de ses rangs, comme si cela importait.

L’autre camp a déjà lancé une campagne pour blanchir le nom du porte-parole honnête, éclairé et séduisant des FDI. Dans un scénario qui aurait pu être écrit à l’avance, les anciens porte-parole des FDI, dont certains sont encore aujourd’hui des fonctionnaires de l’armée, se sont immédiatement mobilisés. Tous les anciens, à l’exception de l’ancienne porte-parole des FDI Miri Regev, ont défendu la réputation de l’unité. Nous savons tous que l’unité qui légitime et justifie chaque crime de guerre n’est pas de gauche. Elle n’est même pas “politique”, comme si le travail consistant à légitimer ces crimes, à cacher la vérité, à la brouiller et à la faire disparaître, ainsi que les mensonges flagrants occasionnels pour couvrir les FDI à tout prix, n’était pas politique. Comme s’il était possible que la propagande ne soit pas politique.

Il y a aussi eu un soulagement comique. Dans le cadre de la campagne visant à sauver le porte-parole des FDI, l’ancien porte-parole Avi Benayahu a été interviewé sur Canal 14 et s’est vanté de ses escapades. « En tant que porte-parole de Tsahal, j’ai mené une campagne contre Breaking the Silence. J’ai travaillé sur le darknet. J’ai exposé leurs sources de financement, et ils se sont cachés pendant six, sept ans ». C’est ce que fait le porte-parole des FDI : du darknet. Son successeur à ce poste, Ronel Manelis, a continué dans le darknet en tant que directeur général du ministère des Affaires stratégiques. Ce ministère scandaleux, qui a heureusement été fermé, avait l’habitude de persécuter les organisations de défense des droits humains dans le monde comme s’il s’agissait de bandes criminelles organisées.

C’est ainsi qu’ils remuent le couteau dans la plaie, jusqu’à ce que la vérité soit honteusement laissée de côté. Le porte-parole des actes odieux de l’occupation est qualifié de “gauchiste” par Yossi Dagan, un chef des bandes criminelles organisées des colons. Il s’agit d’une inversion cynique de la réalité, après laquelle aucune discussion réelle ne peut avoir lieu sur la performance extrêmement problématique du porte-parole des FDI.