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17/08/2024

DANIEL DOLEV
“Je ne crois plus que nous vivons dans une démocratie. Nous avons été bâillonnés”
Les Palestiniens de 48 interdits d‘expression

Les chiffres sont sans équivoque : depuis l’attaque terroriste du 7 octobre, la liberté d’expression en Israël est devenue un privilège réservé aux seuls Juifs. Sous prétexte de guerre, le nombre d’inculpations pour délit d’expression a explosé et des centaines de citoyens arabes ont été arrêtés pour incitation au terrorisme pour avoir fait des commentaires critiques - dont certains n’atteignent même pas le seuil de la criminalité. Dans certains cas, la police a contourné le contrôle des enquêtes sensibles par le ministère public.
Une enquête de Shomrim [“Gardiens”, Centre israélien pour les médias et la démocratie]

Yarmuk Zoabi dans son restaurant à Nazareth. Photo : Shlomi Yosef

Daniel Dolev, 25 /6/ 2024

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Issa Fayed, originaire du village de Yafia, près de Nazareth, réfléchit désormais à deux fois avant de télécharger une vidéo ou un message sur les médias sociaux. Quelques jours après l’attaque du 7 octobre, M. Fayed, père de cinq enfants et militant de longue date contre la discrimination anti-arabe dans la société israélienne, a téléchargé une vidéo sur Facebook dans laquelle il se plaint des restrictions à la liberté d’expression pour les citoyens arabes d’Israël et avertit ses 70 000 abonnés que tout commentaire n’exprimant pas un soutien total et une identification avec le discours sioniste est désormais interdit. « La seule chose autorisée aujourd’hui est de croire et de s’identifier au discours sioniste », déclare-t-il dans la vidéo. « À part ça, rien n’est autorisé. Ce qui est autorisé se réduit sans cesse. Aujourd’hui, même si vous publiez la photo d’un bébé, d’un enfant tué à Gaza par un missile de l’occupation, vous risquez d’être interrogé. Le but de ces interrogatoires est la dissuasion. Lorsqu’ils arrêtent quelqu’un et éliminent une déclaration, cela a pour but de dissuader et d’intimider les gens. Et nous, les Arabes citoyens d’Israël - à l’exception d’une minorité - la plupart d’entre nous avons été formés. Hier, j’étais assis avec ma famille, avec mes filles, et je leur ai dit que si j’étais arrêté, je ne voulais pas qu’elles crient ou qu’elles aient peur : ce ne sera qu’un jour ou deux... Mais ils [la police] pourraient essayer de me piéger ».

Dès le lendemain, des dizaines de policiers armés ont fait une descente au domicile de Fayed et l’ont arrêté. « Ils voulaient faire une démonstration de force », explique-t-il à Shomrim. « Des grenades dans tout le quartier, des officiers masqués, des forces antiterroristes. Oubliez tout ça. Ils m’ont bandé les yeux et m’ont passé les menottes, ils m’ont vraiment fait mal aux bras... Alors qu’ils m’emmenaient dans la voiture de police, ils m’ont donné un coup à la tête. L’officier qui m’a frappé m’a dit : “Tu es propriétaire d’un garage à Haïfa, n’est-ce pas ? Tu vis des Juifs ? Je vais faire en sorte que ta boîte entreprise soit fermée” ».


05/08/2024

SHAHIDUL ALAM
Bangladesh : chronique d’une révolte logique annoncée

DERNIÈRES (BONNES) NOUVELLES
Sheikh Hasina, la Première ministre du Bangladesh, a pris la fuite ce matin dans un hélicoptère de l'armée et s'est mise au vert en Inde. Le chef de l'armée a réuni les dirigeants de tous les partis sauf la Ligue Awami pour mettre en place une transition; il a annoncé que tous les prisonniers politiques vont être libérés et que des comptes seront demandés aux responsables des tueries des dernières semaines (au moins 300 morts, dont  97 dimanche et
56 lundi).

Les dépêches de Shahidul Alam sur le soulèvement au Bangladesh et les représailles du gouvernement

Shahidul Alam, photojournaliste, éducateur et militant de renom basé à Dhaka, a documenté les manifestations et est parvenu à transmettre ses dépêches aux médias malgré la coupure d’Internet.

Note de la rédaction de Himal Southasian, 25/7/2024
Le mois de juillet a été brûlant pour le Bangladesh. Au début du mois, des manifestations pacifiques sur les campus universitaires, organisées par des étudiants opposés à un système de quotas pour les emplois publics, ont dégénéré en troubles dans tout le pays après que la première ministre, Sheikh Hasina, a insulté les manifestants et ignoré leurs préoccupations. La violence a explosé lorsque les branches étudiantes et juvéniles de la Ligue Awami au pouvoir ont attaqué les manifestants, avant que la police n’intervienne à son tour. Le 20 juillet, le gouvernement a déployé l’armée et imposé un couvre-feu dans tout le pays pour tenter de maintenir l’ordre. Alors que les manifestations se poursuivent dans les rues, un grand nombre de personnes ont été tuées et des milliers d’autres blessées.


Shahidul Alam (Dhaka, 1955), fondateur de la photothèque et agence d’images Drik (“Vision” en sanskrit) a rendu en juin 2024 le doctorat honoris causa qui lui avait été attribué par l’Université des Arts de Londres en 2022, en solidarité avec le peuple palestinien et avec les étudiants de l’UAL solidaires de celui-ci.

Shahidul Alam, photojournaliste de renom, éducateur et militant basé à Dhaka, a documenté les manifestations et les représailles brutales du gouvernement. Shahidul Alam a réussi à transmettre ses dépêches aux médias malgré la coupure d’Internet imposée pour tenter de contenir les manifestations, qui a depuis été partiellement levée. Himal Southasian republie ces dépêches, qui donnent une idée de la situation au Bangladesh, même si la fermeture d’Internet a fortement limité la circulation de l’information.

Les événements et les circonstances décrits dans les dépêches ont évolué rapidement et plusieurs faits nouveaux sont intervenus depuis que M. Alam a rédigé chacune d’entre elles. Le couvre-feu a été partiellement levé et la connexion internet a été partiellement rétablie, bien qu’elle reste inégale et que la communication avec de nombreuses régions du pays reste difficile. Les dépêches reflètent l’ampleur de la violence et de la répression déclenchées par le gouvernement de Sheikh Hasina à l’encontre de son peuple. Elles ont été légèrement éditées pour plus de clarté. 

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27/05/2024

THE WASHINGTON POST
Des titans du monde des affaires ont demandé entre-quatre-z-yeux au maire de New York d’envoyer sa police contre les manifestants de Columbia : des tchats le prouvent

Hannah Natanson et Emmanuel Felton, The Washington Post, 16/5/2024
Traduit par Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Un tchat [groupe de discussion] sur WhatsApp lancé par quelques riches USAméricains après l’attaque du Hamas du 7 octobre révèle les pressions qu’ils ont exercé sur le maire noir de New York Eric Adams [ancien policier issu du ghetto, démocrate, diabétique, franc-maçon, végétarien, grand chasseur de SDF et pro-israélien virulent, NdE] et leur travail pour façonner l’opinion usaméricaine sur la guerre de Gaza.

 
Des manifestants propalestiniens scandent des slogans tout en faisant face à des agents de la police de New York à l’université de Columbia, à la fin du mois d’avril. (Ed Ou pour le Washington Post)

Un groupe de milliardaires et d’hommes d’affaires qui s’efforcent de façonner l’opinion publique usaméricaine sur la guerre à Gaza a fait pression en privé sur le maire de New York le mois dernier pour qu’il envoie la police disperser les manifestations propalestiniennes à l’université de Columbia, selon des communications obtenues par le Washington Post et des personnes familières du groupe.

Des hommes d’affaires, dont le fondateur de la société de snacks Kind, Daniel Lubetzky, le gestionnaire de fonds spéculatifs Daniel Loeb, le milliardaire Len Blavatnik et l’investisseur immobilier Joseph Sitt, ont tenu un appel vidéo Zoom le 26 avril avec le maire Eric Adams (Démocrate), environ une semaine après que le maire avait envoyé la police new-yorkaise sur le campus de Columbia, comme le montre un registre de messages de tchat. Pendant l’appel, certains participants ont discuté de la possibilité de faire des dons politiques à M. Adams, ainsi que de la manière dont les membres du groupe de discussion pourraient faire pression sur le président et les administrateurs de Columbia pour qu’ils autorisent le maire à envoyer la police sur le campus pour s’occuper des manifestants, d’après les messages de discussion résumant la conversation.

Un membre du groupe de discussion WhatsApp a déclaré au Washington Post qu’il avait fait un don de 2 100 dollars, la limite maximale légale, à Adams ce mois-là. Certains membres ont également proposé de payer des enquêteurs privés pour aider la police new-yorkaise à gérer les manifestations, comme le montre le journal de tchat - une offre qu’un membre du groupe a rapportée dans le tchat et que M. Adams a acceptée. Le département de la police de New York n’utilise pas et n’a pas utilisé d’enquêteurs privés pour aider à gérer les manifestations, a déclaré une porte-parole de la mairie.

Les messages décrivant l’appel avec Adams faisaient partie de milliers de messages enregistrés dans une discussion WhatsApp entre certains des chefs d’entreprise et financiers les plus importants du pays, notamment l’ancien PDG de Starbucks Howard Schultz, le fondateur et PDG de Dell Michael Dell, le gestionnaire de fonds spéculatifs Bill Ackman et Joshua Kushner, fondateur de Thrive Capital et frère de Jared Kushner, le gendre de l’ancien président Donald Trump [et chargé de mission au Moyen-Orient par lui, NdE].

Des personnes ayant un accès direct au contenu du journal de discussion l’ont communiqué au Post. Elles ont communiqué ces informations sous le couvert de l’anonymat, car le contenu de la discussion était censé rester privé. Des membres du groupe ont vérifié l’existence du tchat et leurs commentaires.

La discussion a été lancée par un collaborateur du milliardaire et magnat de l’immobilier Barry Sternlicht - qui ne s’est jamais joint directement au groupe, communiquant plutôt par l’intermédiaire du collaborateur, selon les messages de la discussion et une personne proche de Sternlicht. Dans un message daté du 12 octobre, l’un des premiers envoyés dans le groupe, l’employé qui s’exprimait au nom de Sternlicht expliquait aux autres membres que l’objectif du groupe était de “changer le discours” en faveur d’Israël, notamment en faisant connaître « les atrocités commises par le Hamas [...] à tous les Américains ».

Israël estime que 1 200 personnes ont été tuées lors de l’attaque du Hamas du 7 octobre. Au cours des mois qui ont suivi le début de la guerre, le nombre de morts à Gaza a dépassé les 35 000, selon le ministère de la santé de Gaza.

Le groupe de discussion s’est formé peu après l’attaque du 7 octobre et son activisme s’est étendu au-delà de New York, touchant les plus hauts niveaux du gouvernement israélien, le monde des affaires usaméricain et les universités d’élite. Intitulé “Israel Current Events”, le groupe de discussion a fini par compter une centaine de membres, comme le montre le journal de bord. Plus d’une douzaine de membres du groupe figurent sur la liste annuelle des milliardaires de Forbes ; d’autres travaillent dans l’immobilier, la finance et les communications.

Dans l’ensemble, les messages donnent un aperçu de la manière dont certaines personnalités ont utilisé leur argent et leur pouvoir pour tenter de façonner l’opinion des UAméricains sur la guerre de Gaza, ainsi que les actions de dirigeants universitaires, commerciaux et politiques, dont le maire de New York.

« Il est ouvert à toutes les idées que nous avons », a écrit Sitt, membre du tchat et fondateur de la chaîne de magasins Ashley Stewart et de la société immobilière Thor Equities, le 27 avril, le lendemain de l’appel Zoom du groupe avec Adams. « Comme vous l’avez vu, il est d’accord pour que nous engagions des enquêteurs privés et que l’équipe de renseignements de sa police travaille avec eux ».

Sitt s’est refusé à tout commentaire par l’intermédiaire d’une porte-parole.

Une demi-douzaine de membres éminents du groupe ont confirmé officiellement leur participation à la discussion. Plusieurs personnes connaissant bien le groupe ont confirmé les noms d’autres membres.

Le milliardaire chypriote israélien de l’immobilier, Yakir Gabay, a écrit dans une déclaration transmise par un porte-parole qu’il avait rejoint le groupe parce qu’il voulait « partager son soutien dans un moment difficile et douloureux », aider les victimes des attaques du Hamas et « essayer de corriger les informations fausses et trompeuses diffusées intentionnellement dans le monde entier pour nier ou dissimuler les souffrances causées par le Hamas ».

Interrogé sur la réunion e Zoom avec les membres du groupe de discussion, le bureau du maire n’a pas abordé directement la question, préférant partager une déclaration du maire adjoint Fabien Levy* qui souligne que la police new-yorkaise a pénétré à deux reprises sur le campus de Columbia en réponse à des « demandes écrites spécifiques » émanant de la direction de l’université. « Toute suggestion selon laquelle d’autres considérations auraient été prises en compte dans le processus de décision est totalement fausse », a déclaré Levy. Il a ajouté : « L’insinuation selon laquelle des donateurs juifs ont secrètement comploté pour influencer les opérations du gouvernement est un trope antisémite bien trop familier que le Washington Post devrait avoir honte d’évoquer, et encore plus de normaliser dans la presse ».

Dès le début, M. Adams s’est montré disposé à envoyer les forces de l’ordre pour s’occuper des manifestants sur les campus. Il a envoyé la police sur le campus de Columbia pour disperser les manifestants propalestiniens le 18 avril, à la demande de l’université, environ un jour après que les manifestants avaiient érigé leur campement de solidarité avec Gaza. Les policiers ont arrêté plus de 100 manifestants. Le maire a par la suite affirmé que les étudiants activistes étaient affectés par des « influences extérieures » et que l’intervention de la police était nécessaire pour empêcher que des « enfants » soient « radicalisés ».

Le président de Columbia et lui-même se sont depuis lors attirés des critiques - mais aussi des soutiens - pour avoir impliqué la police, ce qui vient s’ajouter à une période difficile pour Adams, qui doit être réélu en 2025 et qui fait face à une enquête du FBI pour corruption, selon laquelle sa campagne de 2021 aurait reçu des dons illégaux de la part de la Turquie. M. Adams a défendu cette campagne, affirmant qu’il l’avait menée dans le respect des « normes éthiques les plus strictes ».

Quatre jours après l’appel vidéo des membres du tchat avec M. Adams, des étudiants protestataires ont occupé un bâtiment du campus et le président de Columbia a invité la police à revenir sur le campus pour évacuer le bâtiment. Les policiers ont évacué et arrêté des dizaines de manifestants, bousculant, frappant et traînant des étudiants dans le processus, a rapporté le Post. Un officier a accidentellement tiré avec son arme.

Le maire de New York, Eric Adams, s’exprime lors d’une conférence de presse le 1er mai, après que les policiers new-yorkais ont évacué les manifestants du campus de l’université Columbia le 30 avril. (Mike Segar/Reuters)

Quelques mois avant les manifestations à Columbia au printemps, certains membres du tchat ont assisté à des réunions d’information privées avec l’ancien Premier ministre israélien Naftali Bennett, Benny Gantz, membre du cabinet de guerre israélien, et l’ambassadeur d’Israël aux USA, Michael Herzog, d’après les registres du tchat.

Les membres du groupe ont également collaboré avec le gouvernement israélien pour projeter à New York un film d’environ 40 minutes présentant des images compilées par les forces de défense israéliennes (FDI), intitulé « Bearing Witness to the October 7 Massacre » (Témoigner du massacre du 7 octobre). Le film présente des meurtres commis par le Hamas. Un membre du tchat a demandé l’aide d’autres membres pour projeter le film dans des universités ; il a ensuite été projeté à Harvard, une projection qu’Ackman, membre du tchat, a contribué à faciliter, à laquelle il a assisté et qu’il a promue publiquement.

Sternlicht s’est refusé à tout commentaire, bien qu’une personne proche de lui - s’exprimant sous le couvert de l’anonymat car elle n’était pas autorisée à discuter publiquement du groupe de discussion - ait confirmé que le magnat de l’immobilier était à l’origine de la discussion. D’autres membres du groupe de discussion, dont Ackman et Schultz, ont confirmé leur appartenance au groupe.

Un porte-parole a déclaré que M. Ackman n’avait pas participé au tchat depuis le 10 janvier, ajoutant qu’il n’avait jamais parlé à M. Adams des manifestations à Columbia et qu’il n’avait jamais fait de don à la campagne de M. Adams, même si M. Ackman « aime bien le maire et le soutient ». Joshua Kushner s’est refusé à tout commentaire.

 

Le magnat de l’immobilier Barry Sternlicht en janvier. (Bloomberg/Getty Images)

Le 12 octobre, un collaborateur de Sternlicht a transmis un message de son patron décrivant la mission du groupe : alors qu’Israël s’efforçait de « gagner la guerre physique », les membres du groupe de discussion « aideraient à gagner la guerre » de l’opinion publique usaméricaine en finançant une campagne d’information contre le Hamas. La campagne était désignée dans le tchat comme « Facts for Peace ».

Le site d’information Semafor a rapporté en novembre que M. Sternlicht lançait une campagne médiatique anti-Hamas de 50 millions de dollars avec divers milliardaires de Wall Street et d’Hollywood. Les personnes impliquées, selon le rapport de Semafor, comprennent certains membres du tchat WhatsApp, selon une étude du Post. Les messages du tchat, dont le contenu n’a jamais été rapporté auparavant, semblent révéler le début de la campagne, ainsi que des activités pro-israéliennes distinctes entreprises plus tard par les membres du tchat. On ignore dans quelle mesure le groupe de discussion et la campagne médiatique se sont chevauchés.

Certaines des activités de la campagne médiatique étaient publiques, notamment son site web et ses comptes Instagram, TikTok, YouTube, Facebook et X, qui ont attiré ensemble plus de 170 000 followers.

Contacts à haut niveau, briefings privés

Dans un contexte de montée de l’antisémitisme, le collaborateur de Sternlicht a écrit dans l’un des premiers messages de tchat que son patron était fier de son héritage juif et voulait soutenir Israël, mais qu’il était également préoccupé par la sécurité. L’anonymat, a écrit le collaborateur le 12 octobre au nom de Sternlicht, « est un besoin pratique et une préoccupation pour la sécurité de ma famille dans un monde de plus en plus complexe ».

Le membre du personnel a écrit que Sternlicht comprenait si d’autres membres ressentaient la même chose et a promis que toutes les contributions à la campagne médiatique resteraient anonymes. « Je suis sensible à la crainte d’être moins efficace s’il apparaît qu’il s’agit d’une initiative juive », a écrit l’employé au nom de M. Sternlicht.

Dès le début du tchat, les membres ont cherché à obtenir des conseils et des informations auprès de fonctionnaires du gouvernement israélien.

Certains membres du tchat WhatsApp ont déclaré avoir assisté à des réunions d’information privées sur la guerre de Gaza avec M. Gantz, membre du cabinet de guerre israélien, M. Bennett, ancien premier ministre, et M. Herzog, l’ambassadeur. Le journal du tchat montre des invitations de Zoom pour ces réunions.

« Je suis très reconnaissant à Naftali Bennett de m’avoir informé en coulisses », a écrit M. Schultz, l’ancien PDG de Starbucks, au groupe le 16 octobre. « « C’est tout à fait extraordinaire ! »

M. Bennett n’a pas répondu à une demande de commentaire. M. Gantz n’a pas pu être joint pour un commentaire. Un porte-parole de l’ambassade d’Israël à Washington a déclaré que la séance d’information donnée par M. Herzog aux membres du tchat était « l’une des dizaines » que l’ambassadeur avait données ce mois-là, ajoutant que « les communautés ici aux USA voulaient, à juste titre, en savoir plus sur ce qui se passait sur le terrain en Israël ».

Un porte-parole de M. Schultz a confirmé dans un communiqué qu’il avait assisté à la réunion d’information avec M. Bennett, mais il a précisé que M. Schultz « n’a pas participé ni contribué financièrement aux travaux du groupe ». M. Schultz n’a pas participé aux discussions sur M. Adams et les manifestations à Columbia, ni aux projections du film, selon le porte-parole.

À la fin du mois d’octobre, les enregistrements du tchat montrent que des membres du tchat semblent avoir suggéré aux responsables israéliens d’organiser une projection privée à New York pour les membres des médias de « Bearing Witness », le film de l’armée israélienne présentant des séquences choquantes enregistrées par les tireurs du Hamas sur des caméras corporelles et des téléphones portables alors qu’ils attaquaient Israël. Sitt a écrit dans un message adressé au groupe le 27 octobre que les responsables israéliens voulaient les remercier « d’avoir eu l’idée d’organiser un événement pour la presse à New York ».

Le mois suivant, le groupe a projeté le film à New York. Sitt a écrit le 10 novembre que le gouvernement israélien « s’est arrangé pour que nous » projetions le film au Gotham Hall le 17 novembre, ajoutant dans un message ultérieur que la projection « sera répertoriée comme un événement des FDI non affilié à Facts for Peace afin de les séparer ».

Au cours des mois suivants, les membres du groupe ont écrit dans le tchat pour signaler des articles de presse ou des messages sur les médias sociaux concernant Israël, les événements à Gaza ou, plus tard, les manifestations sur les campus universitaires.

Pour que la police de New York puisse revenir

Les étudiants de Columbia ont d’abord installé un campement le 17 avril, ce qui a conduit certains étudiants juifs à alléguer que les manifestations avaient créé une atmosphère hostile et de harcèlement. La police est intervenue pour dégager le campement à la demande du président de Columbia le 18 avril, arrêtant plus de 100 manifestants.

Lors du tchat, la discussion sur la manière dont Adams gérait les manifestations à Columbia - et sur la manière dont les membres du groupe pouvaient aider - a pris de l’ampleur le lendemain, après que les étudiants protestataires ont construit un nouveau campement pour remplacer celui qui avait été démoli.

Lubetzky, de la société de snacks Kind, a posté dans le tchat partageant un lien vers une vidéo Instagram montrant un journaliste arabe israélien se faire frapper par un homme que la légende de la vidéo affirme être un « manifestant anti-israélien ». Peu de temps après, le milliardaire Blavatnik a posté une photo d’Adams et a écrit : « Il a besoin d’aide ».

Daniel Loeb, dirigeant d’un fonds spéculatif, en janvier. (Bloomberg/Getty Images)

M. Sitt a répondu qu’il avait déjà « apporté son aide mais qu’il [Adams] avait besoin de plus de soutien ». Il a demandé si d’autres personnes étaient « prêtes à donner » [de l’argent] à Adams.

Gabay, le milliardaire chypriote israélien de l’immobilier, a répondu : « Veuillez envoyer l’information. Merci ». Puis Blavatnik a posté un lien ActBlue [plateforme de donations à des candidats démocrates] permettant de faire des dons au comité Eric Adams 2025.

Lubetzky a envoyé un message : Sitt a répondu qu’il était en train de mettre en place un « code » pour de tels dons ; interrogé sur ce message, Vito Pitta, conseiller de la campagne 2025 d’Adams, a déclaré « qu’il n’y a pas de ‘code spécial’ pour les contributions ».

Une porte-parole de M. Blavatnik a déclaré qu’il avait contribué à hauteur de 2 100 dollars à la campagne de réélection de M. Adams en avril. Elle a précisé que ce don avait été fait « pour soutenir le maire Adams dans son soutien indéfectible à Israël et sa position ferme contre l’antisémitisme ».

Les porte-parole de Lubetzky, Sitt et Gabay ont déclaré qu’ils n’avaient pas fait de dons à Adams. Loeb s’est refusé à tout commentaire.

Lors du tchat, la discussion a porté sur le fait que Columbia devait accorder une autorisation à Adams avant qu’il puisse envoyer la police municipale sur le campus.

Un membre a demandé si le groupe pouvait faire quelque chose pour pousser les administrateurs de Columbia à coopérer avec le maire. En réponse, l’ancien membre du Congrès Ted Deutch (Démocrate De Floride), PDG du Comité juif américain, a partagé le PDF d’une lettre que son organisation avait envoyée le jour même à la présidente de Columbia, Minouche Shafik, lui demandant de « mettre fin à ces manifestations ».

« Je suis également en contact avec le conseil d’administration », a écrit M. Deutch au groupe de discussion, « pour que la police de New York puisse revenir ».

Interrogée pour un commentaire, une porte-parole de Deutch a écrit dans un courriel au Post que le Comité juif américain « apprécie toutes les occasions de s’engager avec diverses personnes et institutions qui soutiennent le peuple juif et l’État d’Israël ». Interrogé sur le groupe de discussion et ses activités, un porte-parole de Columbia a répondu : « Nous n’en avons pas connaissance ».

Un appel vidéo Zoom avec les membres du groupe de discussion et Adams a eu lieu un peu après 11 heures le 26 avril, selon les enregistrements du tchat.

On ne sait pas exactement combien de membres ont assisté à la réunion, qui a duré environ 45 minutes, selon les registres de discussion. Parmi les personnes présentes figuraient au moins Blavatnik, Sitt, Loeb et Lubetzky, selon les registres.

Sitt a écrit quelques minutes après la fin de l’appel pour résumer les points « discutés aujourd’hui », y compris les dons à Adams, l’utilisation de l’ « influence » des membres du groupe pour aider à persuader le président de Columbia de laisser la police de New York revenir sur le campus, et le financement des « efforts d’enquête » pour aider la ville.

Lubetzky a répondu en énumérant des actions concrètes que les membres du groupe devraient entreprendre. Il s’agissait notamment de partager à nouveau un lien pour offrir un soutien financier à Adams, d’appeler et d’écrire au président et au conseil d’administration de Columbia, et d’ « amener les leaders noirs à condamner l’antisémitisme ». Il a cité plusieurs personnes qu’il contacterait et a demandé si l’un des membres du groupe connaissait Jay-Z, LeBron James ou Alicia Keys.

Interrogé sur ses commentaires, M. Lubetzky a écrit dans une déclaration au Post que « construire des ponts entre les communautés noire et juive (...) est plus important que jamais ».

M. Blavatnik, par l’intermédiaire d’une porte-parole, a confirmé qu’il avait participé à la conférence Zoom avec M. Adams, mais a déclaré qu’il n’avait pas « participé à une conversation sur les enquêteurs privés et qu’il n’était pas au courant des discussions liées à ce sujet ». La porte-parole a fait remarquer que d’autres participants à la conférence ont dit des choses que M. Blavatnik « n’a pas commentées ou avec lesquelles il n’était pas d’accord ». Elle a ajouté que le milliardaire, ancien élève et donateur de Columbia, n’avait rejoint le Zoom que pour comprendre comment Adams « pensait aux manifestations de Columbia ».

Le soir suivant l’appel, Sitt a partagé le lien ActBlue pour les dons au comité Adams 2025.

 

Daniel Lubetzky, PDG de Kind, en 2017. (Mark Lennihan/AP)

Le tchat n’indique pas qui a donné de l’argent à Adams ni quel en est le montant. Le site web de la commission de financement des campagnes de la ville de New York n’indique que les dons envoyés jusqu’en janvier de cette année ; les dons plus récents ne seront rendus publics qu’en juillet.

M. Pitta, l’avocat de la campagne d’Adams, a déclaré que la campagne n’avait pas reçu de dons de la part de Lubetzky, Loeb, Sitt ou Gabay. Il a confirmé que M. Blavatnik avait fait un don, mais n’a pas répondu aux questions portant sur la date de son don.

Un jour après le Zoom du 26 avril avec Adams, Loeb a écrit au groupe de discussion pour partager ses réflexions sur ce qui s’était passé pendant l’appel. Il a écrit qu’il était « triste que nous ressentions le besoin de ramper pour demander à nos élus de faire leur travail ». Il a ajouté : « Je serai reconnaissant lorsque les auteurs de ces actes seront traînés hors du campus ».

La police est revenue à Columbia le 30 avril, arrêtant des dizaines de manifestants qui avaient occupé un bâtiment de l’université. La présidente de Columbia, Mme Shafik, avait demandé l’aide des forces de l’ordre dans une lettre, écrivant que l’occupation du Hamilton Hall soulevait de « graves problèmes de sécurité ». Elle a demandé à la police de rester sur le campus au moins jusqu’au 17 mai.

Le lendemain matin, Adams a donné une conférence de presse pour résumer l’action. « Nous sommes entrés et avons mené une opération », a-t-il déclaré, « pour éliminer ceux qui ont transformé les manifestations pacifiques en un lieu où l’antisémitisme et les attitudes anti-israéliennes étaient omniprésents ».

Des étudiants propalestiniens et d’autres sympathisants se rassemblent devant la bibliothèque Elmer Holmes Bobst de l’université de New York en mai (Spencer Platt/Getty Images)

Début mai, sept mois après sa création, le tchat a été fermé. Une personne proche de Sternlicht a déclaré qu’il avait décidé de fermer le groupe parce que les activités dépassaient les objectifs initiaux et que les personnes qui l’avaient lancé - y compris lui-même - n’y participaient plus activement, et ce depuis des mois.

« Nous sommes incroyablement reconnaissants pour le dialogue et le soutien que ce groupe nous a apportés au cours des sept derniers mois », a écrit un collaborateur de Sternlicht. Il a ajouté que les membres « ne devaient pas hésiter à nous contacter s’ils avaient besoin de quoi que ce soit ».

« Nous sommes plus forts ensemble », a écrit le collaborateur en guise de conclusion.

NdE

*Fabien Levy, fils d’immigrés iraniens juifs né à Long Island, a été nommé en 2023 maire-adjoint chargé des communications -un poste nouvellement créé – après avoir été le porte-parole d’Eric Adams depuis lentrée en fonction de ce dernier comme maire le 1er janvier 2022.

 


Hannah Natanson est une journaliste du Washington Post qui couvre l’éducation nationale de la maternelle à la 12e année.
 

 

 

Emmanuel Felton est journaliste spécialisé dans les questions raciales [sic] et ethniques au bureau des USA du Washington Post.

 

 

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