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23/04/2023

YOSSI VERTER
Préparez-vous à une “fête de l’indépendance” d’Israël à la nord-coréenne

Yossi Verter, Haaretz, 21/4/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Si un chef de l’opposition ou un membre de la Knesset envisageait encore d’assister à la cérémonie d’allumage des torches du Jour de l’Indépendance, la conférence de presse pénible de la ministre des Transports Miri Regev a résolu la question. « La cérémonie est organisée par le gouvernement, pas par la Knesset ! Le président de la Knesset est un invité », a-t-elle menti, foulant aux pieds une tradition vieille de plusieurs décennies qui n’a été interrompue que sous l’ère du Premier ministre Benjamin Netanyahou. Cela fait partie du codex de base de madame la ministre.

Netanyahou, entre Ohana, président de la Knesset, et Herzog, président d’Israël, au Mémorial Yad Vashem il y a quelques jours. Photo Emil Salman

« Un message vidéo du premier ministre, c’est la coutume », a-t-elle déclaré, continuant à déformer la réalité. « Tous ceux qui agissent contre la loi ne seront pas là ». Foutaises. Aucune loi n’interdit de protester lors de cérémonies. Et pourtant. Si cela ne tenait qu’à elle, pour le jour de l’indépendance, il y aurait une loi spécifique prévoyant des peines de prison pour les personnes qui protesteraient lors de son événement, comme elle l’a dit en termes très clairs.

Elle a laissé planer la possibilité que, “dans des circonstances extrêmes”, la diffusion en direct soit interrompue au profit d’une vidéo de la répétition générale. Jusqu’où peut-on aller dans la ringardise ? Cela aurait pu fonctionner en 2004, lorsqu’elle était cheffe de la censure militaire un poste qui constituait dans une large mesure l’apogée de ses capacités. En réalité, il est tentant de la mettre à l’épreuve. Après tout, dès que la diffusion en direct sera interrompue, des centaines de smartphones sortiront et commenceront à filmer. En quelques secondes, les vidéos seront diffusées sur tous les réseaux sociaux, deviendront virales et seront diffusées dans les journaux télévisés en Israël et à l’étranger. Bien entendu, en temps réel, toutes les chaînes de télévision qui se respectent cesseront de diffuser la cérémonie enregistrée. Eh bien, voyons l’ancienne censeure vaincre le progrès.

La ministre des Transports Miri Regev lors d’une célébration de Pourim le mois dernier. Photo David Bachar

Tout·e politicien·ne ou personnalité publique qui s’oppose à la fameuse réforme judiciaire et à l’avilissement continu de la bonne gouvernance doit rester à l’écart de la cérémonie cette année. C’est malheureux, mais c’est le prix de la réalité. La cérémonie d’allumage des torches, sirupeuse et kitsch, fait l’objet d’un extraordinaire consensus israélien. Mais même l’extraordinaire tourne au vinaigre cette année. La coalition qui prend la démocratie en otage et menace de la détruire s’est également emparée de la cérémonie nationale et l’a déshonorée avant même qu’une seule image n’ait été diffusée.

Il n’y a rien non plus dans les tribunes du Mont Herzl pour les juges de la Cour suprême qui sont constamment menacés et calomniés par les ministres du gouvernement et les députés de la coalition. Il n’y a rien non plus pour la procureure  générale en chef. Faites confiance à Regev pour remplir les rangées au centre du balcon avec des membres du comité central du Likoud, qui applaudiront et agiteront des drapeaux chaque fois que la caméra sera braquée sur eux.

Lors de la cérémonie de 2021, Mme Regev a été surprise en train de faire des gestes frénétiques avec ses mains pour diriger le caméraman. Un an plus tard, la raison est revenue sur le Mont. La ministre de la Culture et des Sports, Chili Tropper, a organisé une cérémonie exprimant la beauté, l’ouverture et la tolérance d’Israël [sic]. Le Premier ministre Naftali Bennett a annoncé à l’avance qu’il ne ferait pas d’entrée “impériale” et dandy avec son épouse, qu’il ne prononcerait pas de discours et qu’il n’enverrait pas de vidéo. Il s’assiérait avec sa famille dans le public et rien d’autre.

La cérémonie du Jour de l’Indépendance au Mont Herzl à Jérusalem l’année dernière. Photo Ohad Zwigenberg

Ce fut un rare moment de grâce. Mais au fond de nous, nous savions que le gouvernement avait perdu sa majorité à la Knesset et que pour le 75e anniversaire de l’indépendance de l’État, il y avait de fortes chances que la normalité revienne à North Korea Productions, Inc. la société de production de la famille Netanyahou, et à son mégaphone obséquieux, Miri Regev, l’organisatrice d’événements personnels pour La Familia, les hooligans racistes du Beitar Jérusalem.

Les flambeaux seront allumés à la fin du Jour du Souvenir, qui se déroulera également à l’ombre des “réformes” destructrices et du profond fossé que le gouvernement d’extrémistes et de racistes a creusé dans cette nation. Des milliers de familles endeuillées ont exprimé leur désir de se recueillir auprès de leurs proches sans la participation de politicien·nes. Le ministre de la Défense Yoav Gallant a refusé ces demandes. Il a comparé la non-présence des politicien·nes à un “pliage du drapeau israélien”. Selon un reportage de Kan 11 News, Gallant a conseillé à une fille endeuillée qui lui demandait, en tant que responsable du ministère qui organise les cérémonies dans les cimetières militaires, d’empêcher la participation des hommes politiques de “venir la veille” du jour du souvenir - comme si la cérémonie appartenait aux ministres du gouvernement et aux membres de la Knesset, et que les familles endeuillées n’étaient que des invités.

Gallant est apparemment en train de se frayer un chemin vers le cœur de la droite, après l’épisode troublant qu’il a vécu avec l’annonce de sa destitution qui n’a pas eu lieu. L’idée qu’une bande de réfractaires [au service militaire], d’ultra-orthodoxes et d’hyper-orthodoxes nationalistes dirigés par le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, qui n’a pas été appelé sous les drapeaux en raison de son passé violent, participeront aux cérémonies, fait froid dans le dos.

Et ils ne seront pas les seuls : La ministre de la Diplomatie publique, Galit Distal Atbaryan, qui a traité les pilotes de lâches, le ministre des Communications, Shlomo Karhi, qui les a invités à aller se faire voir, la ministre des Transports, Miri Regev, qui qualifie les manifestants, y compris les parents, frères et sœurs et enfants endeuillés, de “privilégiés” et d’“anarchistes”, le ministre de N’importe quoi David Amsalem, qui exige que la présidente de la Cour suprême, Esther Hayut, et l’ancien président de la Cour suprême, Aharon Barak, soient jugés pour “tentative de renversement du gouvernement"”et qui incite réellement à les blesser physiquement.

Cérémonie du jour du souvenir à Givatayim, dans la banlieue de Tel-Aviv, en 2021. Photo Hadas Parush

C’est ce qui a engendré les manifestations en face de la maison de Barak, où les bibiistes et les amsalémites exigent qu’il soit placé devant un peloton d’exécution et lui souhaitent des morts étranges et variées. Ils n’ont aucune raison au monde de manifester en face du domicile d’un juge à la retraite de 86 ans qui a quitté la magistrature en 2006, si ce n’est la diffamation et la délégitimation dont des types comme Amsalem sont responsables.

Jeudi, un obscur député likoudnik, un imbécile parmi tant d’autres, a demandé dans une interview à la radio que Barak “démissionne” déjà.

Il était écœurant de voir le premier ministre qui a nommé Amsalem ministre bis de la Justice serrer la main de Hayut lors de la cérémonie de commémoration de l’Holocauste, sans dire un mot sur les propos méprisables de Amsalem. Hayut est déjà suffisamment expérimentée pour le savoir. Elle a encore six mois à subir sa présence hypocrite avant de prendre sa retraite.

Les scènes qui se dérouleront dans tout le pays mardi matin seront difficiles à digérer. Des cimetières, on entendra non seulement le murmure des psaumes, les chants des cantors et les pleurs des cœurs brisés. De certains d’entre eux s’élèvera la voix de la protestation. Il y aura des disputes. Il y aura un cri de douleur à propos d’Israël qui se perdra - et qui, en cours de route, annulera complètement la valeur du sacrifice de nos êtres chers.

Certains pensent qu’ils n’ont pas d’autre choix que de crier. Il est difficile de contester ce sentiment. Dans l’équation du pouvoir entre le sujet et l’oppresseur, crier est parfois la seule chose qui reste. Ou comme Yehonatan Geffen l’a dit un jour : « Nous voulions changer le monde, mais il n’était pas d’accord. S’il est impossible de sauver le monde, il est possible d’essayer au moins de sauver le monde d’une personne ».

L’ancien président de la Cour suprême, Aharon Barak, devant son domicile de Tel-Aviv, jeudi. Photo Tomer Appelbaum

 Pas d’argent, de la poussière

Avec son retour au pouvoir, Netanyahou a régulièrement ressorti ses discours caractéristiques, mêlant cris de victimes et menaces contre l’Iran. La semaine dernière, c’était lors de la cérémonie de commémoration de la Journée de l’Holocauste. La semaine prochaine, à l’occasion du Jour du Souvenir, nous aurons droit à une nouvelle interprétation. Cela fait plus d’un quart de siècle qu’il met l’Iran en garde, et pendant ce temps, l’Iran a continué à étendre sa portée, à devenir plus puissant et plus avancé dans ses capacités nucléaires. Depuis l’arrivée au pouvoir du dernier gouvernement de Netanyahou, l’Iran a également noué des liens diplomatiques avec les pays du Golfe et avec l’Arabie saoudite, avec laquelle Netanyahou souhaite ardemment signer un accord de normalisation.

Comme toujours, ses discours visent surtout à semer la peur et l’inquiétude dans le cœur des Israéliens, ainsi que la conviction qu’il est le seul à pouvoir nous sauver. Les Iraniens ont depuis longtemps cessé d’être impressionnés par ses absurdités (si tant est qu’ils l’aient jamais été). Ils n’y croient certainement pas en ce moment, alors que les relations entre Israël et les USA sont au plus bas. Sans pouvoir compter sur l’aide de l’USAmérique pendant et surtout après une frappe israélienne, dans la guerre massive qui en résulterait, Netanyahou n’oserait rien faire. Il n’a aucune légitimité aux yeux du public, l’establishment de la défense se méfie de lui, il est faible à tous égards.

Netanyahou lors de l’entretien accordé à la chaîne CNBC mercredi.

Lors d’une interview accordée cette semaine à la chaîne CNBC et truffée d’astuces et d’affabulations, il a déclaré : « 95 % des problèmes au Moyen-Orient émanent de l’Ira ». Ce qui, soit dit en passant, est aussi sa part de responsabilité dans les problèmes qui n’affectent que le petit Israël. Prenons l’exemple de l’économie, un domaine où la Journée de commémoration de l’Holocauste illustre si douloureusement la façon dont les macro-questions créées par le gouvernement affectent les micro-questions des membres les plus faibles de la société. Alors que le parti Shas était occupé à organiser une réduction morbide sur les concessions funéraires pour les survivants de l’Holocauste - ce qu’Aryeh Dery a gazouillé avec enthousiasme, avant d’effacer rapidement son tweet - cette année, le ministère des Finances a oublié de jeter un maigre os aux survivants. Aucun élément économique destiné à leur venir en aide ne figurait dans le budget de l’État qui a été adopté en première lecture. Ce n’est pas si surprenant, peut-être, quand le prix du partenariat dans la coalition étaient des milliards de shekels qui sont distribués de manière si libérale et irresponsable.

Dery a toutefois eu de la chance, car il a été rapidement dépassé par le ministre de l’Éducation, Yoav Kisch, qui a gazouillé lors d’une visite à Auschwitz, avec une inconscience qui fait froid dans le dos, « Une nation ! Un drapeau ! Un État ! » - une déclaration qui ressemble fort au slogan du parti nazi [“Ein Volk ; ein Reich, ein Führer”]. Cette déclaration rappelle la maladresse entourant le slogan original de la campagne électorale ratée de Netanyahou en 1999 : “Un leader fort pour une nation forte”, un autre slogan qui semblait provenir des pisse-copies du Führer. Ce slogan avait rapidement été remplacé par “Un dirigeant fort pour l’avenir d’Israël”.

Aussi lucide que Netanyahou puisse encore être dans certains moments, il doit comprendre qu’il ne peut compter sur aucun gain diplomatique majeur dans un avenir proche. Même s’il opère une volte-face par rapport à la poussée autocratique, il faudra du temps pour réparer les dégâts au niveau national et pour dissiper l’incertitude avec laquelle le monde éclairé et les milieux d’affaires nous considèrent aujourd’hui.


Le ministre de l’éducation Yoav Kisch et son “Une nation ! Un drapeau ! Un État !”

Dans l’interview susmentionnée, Netanyahou s’est comporté comme un vendeur de poudre de perlimpinpin : ce n’est que de la “poussière” (qui va se déposer), a-t-il déclaré avec dédain à propos de la fuite des investisseurs et de l’argent d’Israël, et de tous les indicateurs économiques négatifs qui s’accumulent. « L’argent moins intelligent suit le troupeau... L’argent intelligent arrive, et il gagnera beaucoup d’argent », a-t-il insisté, s’abstenant à peine d’ajouter un clin d’œil “faites-moi confiance” à la fin de cette phrase creuse. Comme il est déconnecté de la sombre réalité de nos vies. Pas étonnant qu’il n’accorde des interviews qu’aux chaînes étrangères, et à sa chaîne nationale, qui accueille chaleureusement ses mensonges.

Accord de plaidoyer 2.0 ?

Le procès de Netanyahou & Co. qui a repris cette semaine après six semaines d’interruption n’a pas suscité beaucoup d’intérêt. Les reportages sur le contre-interrogatoire de l’enquêteur principal de la police dans deux des affaires de corruption ont été relégués au second plan dans les journaux.

Mais pendant la pause, des événements dont l’importance ne peut être exagérée ont eu lieu, surtout lorsqu’ils sont pris ensemble.

Événement 1 : le 27 mars, il a été rapporté que l’avocat de Netanyahou, Boaz Ben Zur, avait lancé un ultimatum à son client : Si la réforme judiciaire est adoptée, il démissionnera de l’équipe de défense.

Le monde judiciaire a été stupéfait par cette grave violation de l’éthique : un avocat déclarant qu’il ne représentera son client, en l’occurrence un premier ministre, que si ce dernier ne met pas en œuvre sa politique. De plus, les tribunaux ne permettent pas aux avocats de se séparer de leurs clients, même si ceux-ci ne les paient pas ou menacent de leur causer des dommages corporels. Les avocats de la défense ne peuvent démissionner qu’avec l’accord des juges.

La décision de Ben Zur (qu’il n’a pas niée) était tellement inédite que les plus suspicieux d’entre nous se sont demandé si elle n’avait pas été coordonnée avec l’accusé pour justifier un recul par rapport au renversement de la démocratie.

Événement 2 : Le 1er avril, Ilana Dayan a rapporté sur Channel 12 News que l’avocat de Shaul Elovitch a proposé une voie alternative dans la partie d’Elovitch des affaires de corruption de Netanyahou : La “médiation judiciaire”. Les avocats de Netanyahou ont rejeté cette proposition ; ils attendront la décision du procureur général Gali Baharav-Miara.

Elovitch est jugé dans l’une des deux affaires dans lesquelles Netanyahou aurait offert des faveurs en échange d’une couverture médiatique positive. La “médiation judiciaire”, quant à elle, est une version aseptisée d’un terme plus explosif : la “négociation de peine” [réduite si l’inculpé plaide coupable, NdT].

Dans ce cas, les négociations sont confiées à un juge à la retraite, avant que la procédure ne revienne au tribunal pour qu’il prenne une décision finale.

 

L’avocat de la défense de Netanyahou, Boaz Ben Zur, au tribunal de district de Jérusalem en janvier.

L’avocat d’Elovitch, Jacques Chen, a-t-il fait cette proposition avec l’accord tacite des avocats de l’accusé n° 1 ? Peut-être. Quoi qu’il en soit, le sentiment dans le monde judiciaire est qu’une option de plaidoyer a été ressuscitée, après l’accord qui a été presque conclu avec l’ancien procureur général Avichai Mendelblit avant que Mendelblit ne prenne sa retraite en février 2022.

À l’époque, Netanyahou avait accepté de plaider coupable pour deux chefs d’accusation de fraude et d’abus de confiance afin d’éviter une décision de justice pour turpitude morale, qui l’aurait tenu à l’écart de la vie politique pendant sept ans. Le successeur de Mendelblit ne lui aurait jamais proposé un meilleur accord.

Événement 3 : Avant la Pâque, l’accusation et la défense se sont mises d’accord pour réduire considérablement le nombre de témoins de l’accusation - de 300 environ dans l’acte d’accusation à 50 ou 60 environ. Ils ont également convenu de limiter la durée de l’interrogatoire des témoins à une demi-journée ou une journée.

C’est ahurissant. Les avocats de Netanyahou ont utilisé des tactiques dilatoires tout au long du procès et ont scandaleusement fait traîner en longueur l’interrogatoire des témoins. Soudain, un esprit d’efficacité s’est emparé d’eux, comme s’ils étaient pressés de mettre fin à l’affaire.

Quiconque a lu les transcriptions des interrogatoires du Premier ministre par la police, avec leurs nombreuses contradictions et détours, est conscient du danger qui guette Bibi s’il se présente à la barre des témoins.

Les disciples stupides de Channel 14 et de la radio Galey Yisrael essaieront de faire croire que l’accusé a écrasé l’accusation, mais les décisions de justice ne sont pas écrites dans les studios. Et lorsque l’accusé, qui a la réputation d’un menteur avide et manipulateur, devra répondre aux procureurs, son charme douteux s’évaporera.

Après la limitation de la durée des témoignages, combien de temps reste-t-il avant son propre témoignage ? Les observateurs parlent de huit à dix mois. Théoriquement, un accord de plaidoyer coupable pourrait être signé juste une minute avant la décision du tribunal. En pratique, la date limite se situe juste avant que Netanyahou ne soit appelé à témoigner.

Si et quand une négociation de peine revient à l’ordre du jour, la situation sera très différente de ce qu’elle était au début de l’année 2022. L’épée que Netanyahou tient en travers de la gorge du pouvoir judiciaire est encore brûlante. À l’époque, il était le chef de l’opposition. Aujourd’hui, il est non seulement le Premier ministre le plus dangereux de notre histoire, mais aussi le plus imprévisible.

Certains disent que son fils, exilé à Porto Rico en compagnie du milliardaire du jour, veut faire de son père le martyr de la droite et qu’il exploitera le processus à fond. Difficile de savoir ce qui se passe dans ce panier de crabes. Mais conclure un tel accord dans une biosphère aussi démente n’est pas simple du tout.

Le fantôme de Ben-Gourion

Les dirigeants ultra-orthodoxes qui cherchent à protéger la sous-culture consistant à échapper au service national militaire ou civil invoquent souvent David Ben-Gourion. Après la guerre d’indépendance, le premier Premier ministre israélien a exempté 400 étudiants de yeshivas de l’armée à condition qu’ils étudient la Torah.

Ce nombre a fini par atteindre des proportions monstrueuses, et toute prudence a été abandonnée lorsque le Likoud est arrivé au pouvoir en 1977. Aujourd’hui, nous souffrons d’un manque d’égalité honteux et de tentatives de l’inscrire dans la loi.


David Ben-Gourion, qui a fini par regretter sa décision de laisser les ultra-orthodoxes échapper au service militaire. Photo : Daniel Rosenblum/Starphot

Cette semaine, un lecteur m’a envoyé une photocopie d’une lettre que Ben-Gourion a écrite en septembre 1963 à son successeur après son second mandat, Levi Eshkol. Cette lettre est parue moins de trois mois après que le Vieux Lion se fut retiré à Sde Boker, dans le sud du pays.

Le contexte : de violentes émeutes provoquées par des factions extrémistes ultra-orthodoxes. Il ressort de cette lettre que Ben-Gourion n’était pas à l’aise avec sa décision initiale, ou du moins qu’il en mesurait les conséquences pour la société israélienne.

Voici la lettre, avec quelques coupures : « Le comportement sauvage des fanatiques devient complètement incontrôlable, et je pense que j’en suis responsable dans une mesure qui est déjà connue : j’ai exempté les garçons de yeshiva du service militaire.

« Bien que je l’aie fait lorsque leur nombre était faible, ils se multiplient et, dans leur déchaînement, ils représentent un danger pour l’honneur de l’État. ... Je propose que tout garçon de yeshiva âgé de 18 ans et plus qui est pris en train de participer à un rassemblement illégal, de jeter des pierres, de se livrer à une émeute contre des citoyens ou de s’engager dans tout autre acte de violence et d’intimidation soit immédiatement incorporé dans l’armée, où il servira pendant 30 mois comme n’importe quel autre jeune en Israël - non pas dans une position religieuse, mais comme simple soldat.

« De même, il pourrait être nécessaire d’examiner si les étudiants de yeshiva devraient être exemptés d’une obligation militaire. Mais les contrevenants ne méritent absolument pas ce privilège douteux ».

L’historien Michael Bar-Zohar, qui a écrit plusieurs livres sur Ben-Gourion, m’a dit cette semaine que le vieil homme ne regrettait pas sa décision initiale concernant les 400 étudiants de yeshiva. « Nous en avons parlé à plusieurs reprises. Il respectait le monde de la Torah. Le problème, c’est qu’ils ont fait en sorte que ce nombre soit beaucoup plus important ».

Peut-être était-il difficile pour Ben-Gourion de reconnaître son péché originel, qu’il a eu trop peur de corriger pendant une décennie et demie. Mais il ne fait aucun doute qu’il a compris qu’il s’agissait d’une erreur.

Tant qu’il y avait un semblant d’efforts pour remédier à ce problème, même s’il ne s’agissait que de comités et de propositions qui traînaient en longueur - les Israéliens qui servaient dans l’armée et payaient des impôts étaient prêts à l’avaler. Le gouvernement cauchemardesque actuel ne se contente pas d’esquiver une solution au problème, il rend le péché permanent. Il l’aggrave et le légitime.

Le dernier délai fixé par la Cour suprême est le 29 mai. Les ultra-orthodoxes veulent mettre de l’ordre dans ce coin-là une fois pour toutes, sans interférence supplémentaire de la part de la Cour. Netanyahou a des problèmes bien plus graves que les philosophailleries de Ben-Gourion ; il a des acolytes qui réclament du grisbi.