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27/12/2024

ROBERT TAIT
Les détentions de familles vont reprendre dans le cadre de la répression de l’immigration, selon le “tsar des frontières ” de Trump


Tom Homan a également déclaré que les parents sans papiers d’enfants nés aux USA seraient expulsés, avec ou sans leurs enfants.

Robert Tait à Washington, The Guardian, 26/12/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les autorités usaméricaines chargées de l’immigration reprendront la politique controversée consistant à placer les familles avec enfants dans des centres de détention dans le cadre d’une campagne d’expulsion des immigrés sans papiers, a déclaré le « tsar des frontières » de la future administration Trump, Tom Homan.


Tom Homan s’exprime lors de la conférence AmericaFest 2024 à Phoenix, Arizona, le 22 décembre. Photo : Cheney Orr/Reuters : Cheney Orr/Reuters

Homan, considéré comme « l’architecte » de la politique de séparation des familles, largement vilipendée, appliquée aux immigrants sans papiers sous la première administration Trump, a également déclaré que les fonctionnaires n’hésiteraient pas à expulser les parents dont les enfants sont citoyens usaméricains parce qu’ils sont nés aux USA.

Il appartiendra aux parents de décider s’ils veulent quitter le pays en tant que famille ou laisser leurs enfants aux USA, en séparant ainsi leurs familles.

« Voilà le problème », a déclaré Homan lors d’un entretien avec le Washington Post. « Vous saviez que vous étiez dans l’illégalité et vous avez choisi d’avoir un enfant. Vous avez donc mis votre famille dans cette situation ».

Il a précisé que les agents des services de l’immigration et des douanes (ICE) retiendraient les parents avec leurs enfants dans des tentes à parois souples, semblables à celles utilisées pour gérer les flux d’immigration à la frontière méridionale des USA.

« Nous allons devoir construire des installations pour les familles », a déclaré Homan. « Le nombre de lits dont nous aurons besoin dépendra des données disponibles ».

L’administration Biden a mis fin à la détention des familles en 2021, en fermant trois centres d’environ 3 000 lits gérés par l’ICE. Ces fermetures ont fait suite aux critiques de défenseurs de l’immigration et de pédiatres, qui ont mis en garde contre les effets néfastes de ces conditions sur les enfants.

La volonté de Homan de relancer l’ICE est le signal le plus clair qu’il ait donné jusqu’à présent sur la manière dont il compte mettre en œuvre la promesse répétée du président élu Donald Trump d’expulser environ 11 millions d’immigrés sans papiers.

Il a déclaré que la politique de l’administration Trump consisterait à expulser les familles ensemble, tout en reconnaissant que le gouvernement n’avait pas le pouvoir légal d’expulser les enfants nés aux USA, et qu’il incombait donc aux parents immigrés de décider s’il fallait ou non séparer une famille.

Il a ajouté : « Nous devons montrer au peuple américain que nous pouvons le faire sans être inhumains. Nous ne pouvons pas perdre la confiance du peuple américain ».

Lors de la première présidence de Trump, pendant laquelle il était directeur intérimaire de l’ICE, Homan a été crédité d’être la force motrice d’une politique distincte de « tolérance zéro » envers les migrants, qui a vu 4 000 enfants séparés de leurs parents après avoir franchi la frontière sud des USA.

Homan a déclaré au Post qu’il ne souhaitait pas s’engager sur un nombre cible d’expulsions tant qu’il ne connaîtrait pas les ressources disponibles pour augmenter la capacité de l’ICE, ajoutant : « Je vais me mettre dans une situation difficile, car je n’ai pas les moyens de faire face à la situation : « Je m’exposerais à une déception ».

En tant que tsar des frontières de la Maison-Blanche - un poste qui ne nécessite pas la confirmation du Sénat - Homan n’aura pas de contrôle direct sur l’ICE, qui relèvera de Kristi Noem, la candidate de Trump au poste de secrétaire à la Sécurité intérieure, si elle est confirmée dans ses fonctions.

Alors que Trump et ses principaux conseillers ont évoqué la possibilité d’utiliser les troupes de la garde nationale pour procéder aux expulsions, Homan a déclaré que seuls les agents des forces de l’ordre ayant reçu une formation seraient autorisés à procéder à des arrestations liées à l’immigration, le personnel militaire étant limité au transport et à d’autres services d’appui.

« Je ne vois pas l’armée menant des opération de ratissage dans les quartiers », a-t-il déclaré. Au contraire, les arrestations seraient « ciblées » sur les personnes ayant un casier judiciaire.

Il a déjà promis d’emprisonner les maires démocrates  et les fonctionnaires qui cherchent à bloquer les déportations.

Les descentes sur les lieux de travail effectuées par les fonctionnaires de l’ICE, auxquelles l’administration Biden avait mis fin, seraient relancées, a déclaré Homan. « Nous n’avons pas encore élaboré de plan pour l’application de la loi sur les lieux de travail. Nous savons que les employeurs seront mécontents ».

Il a aussi déclaré qu’il exhorterait la nouvelle administration à réintroduire le programme « rester au Mexique » - également abandonné par Biden - qui obligeait les demandeurs d’asile à attendre en dehors des USA pendant que leur demande était examinée.


"On peut expulser en masse sans séparer les familles...
...il suffit d'expulser toute la famille ensemble"

Tom Homan et Greg Abbott, vus par Ed Wexler. Greg Abbbott, gouverneur paraplégique du Texas, est une autre figure obscure du trumpofacisme : il s’est vanté d’avoir expédié des dizaines de milliers de migrants latinos dans les villes et comtés administrés par des démocrates « z’ont qu’à se démerder avec »), il a fait interdire l’avortement même en cas de grossesse due à un viol ou un inceste, libéralisé le port d’arme, supprimé la pause de 10 minutes toutes les 4 heures pour les travailleurs du bâtiment en cas de fortes chaleurs, et a dressé une liste de 850 ivres à faire disparaître des bibliothèques, dont ceux de Martin Luther King Jr.. En février 2021, il a été férocement critiqué pour sa responsabilité dans l’incapacité des services de l’État à fournir de l’électricité à 250 000 habitants, dont plusieurs sont morts, suite à la vague de froid polaire qui s’est abattue sur ce charmant État, dont le chanteur de folk Phil Ochs avait déclaré pendant la guerre du Vietnam : « Si j’étais Dieu, je bombarderais le Texas » |NdT]


21/09/2022

FARAH STOCKMAN
Le “déferlement de migrants” sur Martha's Vineyard met en lumière une vérité : le système d'immigration usaméricain est obsolète

Farah Stockman, The New York Times, 16/9/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Farah Stockman (1974) a rejoint le comité de rédaction du New York Times en 2020 après avoir couvert la politique, les mouvements sociaux et les questions “raciales” pour le desk national. Elle avait auparavant passé 16 ans au Boston Globe, dont près de la moitié en tant que journaliste de politique étrangère à Washington. Elle a effectué des reportages en Afghanistan, au Pakistan, en Iran, au Sud-Soudan, au Rwanda et à Guantánamo Bay. Elle a également été chroniqueuse et membre du comité de rédaction du Globe, remportant un prix Pulitzer pour ses commentaires en 2016. Elle est l'auteure de American Made : What Happens to People When Work Disappears,
sur les ouvriers de l'usine de roulements à billes Rexnord à Indianapolis et les raisons de leur vote pour Trump, suite aux menaces de fermeture et de délocalisation à Monterey au Mexique, qui ont été effectivement mises à exécution. @fstockman

Depuis avril, le gouverneur Greg Abbott du Texas a fait transporter en bus plus de 7 900 migrants de l'État vers Washington, D.C. En août, il a commencé à envoyer des migrants à New York. Maintenant, le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, s'y met aussi, en envoyant deux cargaisons de migrants à Martha's Vineyard*, dans le Massachusetts. À en croire Mister Abbott, il veut ainsi  percer à jour le bluff des maires des États bleus (démocrates) qui prétendent accueillir à bras ouverts les immigrants sans papiers. Cela fait également partie d'un plan républicain pas si secret que ça, visant à attiser la colère du populo contre les démocrates avant les élections de mi-mandat.

Des immigrés se rassemblent le 14 septembre avec leurs affaires devant l'église épiscopale St Andrews à Edgartown, sur Martha's Vineyard. Photo Ray Ewing / Vineyard Gazette via AP

 Politicaillerie mise à part, une chose est claire : notre système d'immigration est depuis longtemps surchargé et obsolète, et la procédure d'asile est une grande partie de ce qui ne fonctionne pas. Le nombre de nouvelles demandes d'asile déposées devant les tribunaux usaméricains de l'immigration a explosé, passant de 32 895 pour toute l'année 2010 à 156 374 en 2022 - à quatre mois de la fin de l’année. Cela s'explique en partie par le fait que les conflits et le Covid ont créé une migration massive à travers le monde. Les tribunaux de l'immigration n'ont pas été en mesure de faire face à l'afflux de nouveaux arrivants. En 2010, il y avait un arriéré d'environ 100 000 dossiers d'asile en cours de traitement. Aujourd'hui, ce chiffre est passé à plus de 660 000. Si l'on inclut d'autres types d'affaires, comme les ordres d'expulsion, les dossiers en souffrance dans les tribunaux de l'immigration ont atteint plus de 1,8 million.

Ces chiffres reflètent un récent pic de migration. Au cours des deux dernières années, environ un million de personnes ont été autorisées à entrer dans le pays pour attendre une audience devant un tribunal de l'immigration, selon un rapport récent de ma collègue du Times, Eileen Sullivan. Chaque personne a eu un an pour déposer une demande d'asile. Ce n'est pas seulement un phénomène de l'ère Biden : un nombre similaire a été admis par l'administration Trump pendant une période de 24 mois en 2018 et 2019, lors de la dernière grande poussée migratoire.

Combinés, ces chiffres ont brisé le système. Bien que les audiences de demande d'asile soient censées se tenir dans les 45 jours suivant le dépôt d'une demande, le temps d'attente actuel pour une audience de demande d'asile est en moyenne de près de quatre ans et demi, selon les données des chercheurs compilées au centre TRAC de l'université de Syracuse. Plus la résolution d'un cas est longue, plus il peut être difficile de renvoyer les personnes dont la demande d'asile a été rejetée, comme cela s'est produit dans plus de la moitié des cas d'asile l'année dernière. Selon les prévisions, plus de 745 000 procédures d'expulsion seront engagées en 2022, soit plus du double de toutes les autres années, à l'exception de 2019. Les longs retards dans la résolution des dossiers d'asile sont devenus une crise grave et auto-entretenue : ces délais incitent les gens à déposer des demandes d'asile infondées, sachant que cela leur fera gagner des années, même s'ils sont finalement expulsés.

 

DeSantis déporte des dizaines d'immigrants
"Bienvenue à Marth's Vineyard ! Quoi que vous aimiez faire -pêcher, vous balader, faire du shopping, vous réunir, créer, manger, vous relaxer -, vous pouvez vous y livrer sans contraintes"

Dessin de Randall Enos

Le problème vient en partie du fait que l'asile est l'une des rares voies légales que les personnes économiquement désespérées peuvent utiliser pour obtenir la permission de vivre et de travailler aux USA. En vertu de la législation usaméricaine et des conventions des Nations unies établies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les personnes qui expriment une « crainte fondée d'être persécutées pour des raisons de race, de religion, de nationalité, d'appartenance à un groupe social particulier ou d'opinions politiques » sont autorisées à attendre que leur dossier d'asile soit jugé aux USA, où elles peuvent demander l'autorisation de travailler 150 jours après avoir déposé leur demande d'asile. Les documents d'autorisation de travail doivent être renouvelés tous les deux ans, ce qui crée une autre montagne de paperasse que la bureaucratie doit gérer.

Les demandeurs d'asile dont le dossier est authentique sont parmi les plus lésés par les fausses demandes, qui augmentent considérablement le temps qu'ils doivent attendre pour obtenir une protection juridique.

L'administration Trump a essayé un certain nombre de méthodes pour décourager les gens de déposer de nouvelles demandes d'asile, notamment en obligeant certaines personnes à rester au Mexique pendant qu'elles demandent l'asile aux USA. Néanmoins, les demandes d'asile ont en fait fortement augmenté sous le président Donald Trump, en partie en raison d'une poussée migratoire, mais aussi comme moyen de défense contre ses efforts accrus pour expulser les gens.

L'épidémie mondiale de Covid-19 a présenté une nouvelle opportunité de réduire les demandes d'asile. Le Titre 42 [du Code des USA], la politique de santé publique liée à la pandémie que l'administration Trump a instituée en mars 2020, a permis aux responsables usaméricains d'expulser rapidement les migrants à la frontière sans leur accorder la possibilité de déposer une demande d'asile. Beaucoup sont repoussés au Mexique, ce qui les expose à davantage de danger. L'administration Biden a annoncé qu'elle rouvrirait le traitement des demandes d'asile à la frontière et chercherait à mettre fin à l'utilisation du Titre 42, mais plus de 20 procureurs généraux républicains ont intenté une action en justice pour maintenir le Titre 42 en place, alors même que certains d'entre eux s'opposaient à d'autres efforts de prévention du Covid et insistaient sur le fait que la pandémie était exagérée. Jusqu'à présent, les efforts de l'administration pour modifier cette politique ont été bloqués par un juge fédéral.

Le Titre 42 finira par être levé ; à ce moment-là, le pays s'appuiera sur le Titre 8 [du Code des USA], l'autorité prépandémique en vertu de laquelle les agents usaméricains peuvent rapidement expulser ou mettre à l'amende les personnes prises en flagrant délit d'entrée illégale aux USA, à moins qu'elles ne soient jugées éligibles pour demander l'asile. Cela est juste ; un système bien géré doit être habilité à rejeter et à expulser rapidement les personnes dont la demande est infondée, tout en mettant en relation les personnes dont le cas est authentique avec des réseaux de soutien social. À cet égard, l'administration Biden n'a pas reçu le crédit qu'elle mérite pour un changement de règle important, bien que sous-estimé, qui pourrait remanier le système. Cet été, des agents d'asile formés ont statué sur certaines demandes d'asile dans une poignée de centres de détention de l'ICE (Police de l’immigration et des Frontières) au Texas, soulageant ainsi les tribunaux de l'immigration. Les demandeurs d'asile dont la demande est rejetée peuvent toujours faire appel auprès d'un juge. L'espoir est que les décisions rapides concernant les nouveaux cas empêcheront l'arriéré de s'accroître et décourageront les demandes fausses ou sans fondement.

La nouvelle règle n'est pas le tapis de bienvenue que de nombreux militants des droits des immigrants attendaient de l'administration Biden après quatre années de présidence Trump. Elle n'est pas non plus le traitement de tolérance zéro que de nombreux républicains considèrent comme le seul moyen de dissuader les migrants de s'amasser à la frontière. Mais il s'agit d'une politique saine fondée sur des recommandations et des recherches approfondies menées par des groupes respectés, notamment le Migration Policy Institute, un organisme non partisan. À une époque où presque tout ce que fait un président en matière d'immigration lui attire des poursuites judiciaires, elle a été soigneusement rédigée pour être le plus à l'abri possible des litiges. Combiné aux efforts bipartites visant à augmenter la capacité de traitement des non-citoyens à la frontière dans des centres d'accueil regroupant tous les départements et agences concernés sous un même toit, il pourrait finalement transformer un système défaillant en un système beaucoup plus efficace, moderne et équitable.

À une époque où les USAméricains sont déjà en désaccord entre eux sur ce que nous pourrions appeler les valeurs fondamentales - les croyances culturelles qui soudent notre pays - il est raisonnable de s'inquiéter de savoir si l'ajout de nouveaux arrivants au mélange compliquera la tâche de forger un avenir commun. Pourtant, il s'agit également d'une question qui touche au cœur de notre identité et qui nous permet de savoir si nous continuerons à être un endroit où les masses fatiguées, pauvres et entassées du monde peuvent obtenir une seconde chance. Pour être fidèles à notre identité de pays pluraliste, nous avons besoin d'un système d'asile qui garantisse que les personnes qui remplissent les conditions requises pour bénéficier d'une protection puissent l'obtenir - tout en réduisant au minimum les abus du système par ceux qui essaient simplement de passer la ligne.

NdT

Martha's Vineyard (« Le Vignoble de Martha ») est une île de l'État du Massachusetts, à 6 km de Cape Cod, au sud de Boston et à l’est de Newport. L'île est surtout connue comme résidence d'été de la jet set et des présidents  usaméricains, une mode lancée par Ulysses Grant en 1874 et suivie entre autres par Kennedy, Clinton et Obama, qui a été critiqué pour cela pendant la récession de 2007 à 2012. En 2019, les Obama y ont acheté un sam'suffit de 640 mètres carrés sur un terrain de 12 ha pour la modique somme de 11,75 millions de $. De quoi loger plusieurs centaines de migrants...

Entrée d'enfants sans papiers non accompagnés : "Venez, mais pas maintenant"