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08/09/2022

ILAN BARUCH/ALON LIEL
“Ce qui se passe en Palestine, c'est de l'apartheid”
Deux ex-ambassadeurs israéliens accusent

Ilan Baruch et Dr. Alon Liel, Berliner Zeitung, 6/9/2022
Traduit par Fausto Giudice


Ilan Baruch (à gauche) a servi comme ambassadeur d'Israël en Afrique du Sud, en Namibie, au Botswana et au Zimbabwe. Le Dr Alon Liel (à droite) a servi comme ambassadeur d'Israël en Afrique du Sud et comme directeur général du ministère israélien des Affaires étrangères.

Deux anciens ambassadeurs d'Israël en Afrique du Sud lancent un appel au Conseil œcuménique des Églises pour qu'il condamne la politique de colonisation d'Israël en tant qu'apartheid.

En tant qu'anciens ambassadeurs d'Israël en Afrique du Sud, nous avons appris de première main la réalité de l'apartheid et les horreurs qu'il a causées. Nous avons à cette époque vu de nos propres yeux comment les victimes et leurs alliés ont lutté contre cette injustice. Et comment le monde les a progressivement rejoints dans leur lutte pour mettre fin à l'apartheid en Afrique du Sud.

C'est sur la base de cette expérience que nous sommes de plus en plus inquiets de la réalité en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, où nous retrouvons aujourd'hui l'apartheid tel que nous le connaissions en Afrique du Sud dans notre propre arrière-cour. En tant qu’Israéliens qui ont consacré toute leur vie professionnelle à la défense des intérêts d'Israël, il nous est pénible de voir comment notre pays perpétue aujourd'hui ces injustices dans les territoires palestiniens occupés.

Nous partageons cette triste mais juste appréciation avec l'évêque sud-africain Frank Chikane et d'autres membres de la mission d'enquête du Conseil œcuménique des Églises (COE), pour laquelle ils sont venus en Israël et en Palestine au début de cette année. Ils nous ont appris que l'assemblée générale du COE se réunit ces jours-ci à Karlsruhe, où doit notamment être discutée une résolution sur l'apartheid israélien.

Une grande partie de l'Occident reste muette sur la réalité dans les territoires palestiniens

Nous espérons que les membres de l'Assemblée générale reconnaîtront la réalité dans les territoires palestiniens occupés pour ce qu'elle est : un apartheid. Ils feraient ainsi un pas décisif vers la promotion de l'honnêteté et de la justice, alors qu'une grande partie du monde occidental continue de garder le silence à ce sujet. Depuis plus d'un demi-siècle, Israël s'emploie à modifier à la fois la géographie et la démographie des territoires palestiniens occupés par le biais d'une politique de colonisation expansive - une politique illégale au regard du droit international.

Ces colonies sont situées entre et autour des communautés palestiniennes, créant ainsi des enclaves au sein de la population palestinienne. En isolant ces communautés dans des nids denses et fragmentés, Israël tient en respect la population indésirable et renforce son contrôle sur elle - une ressemblance frappante avec les bantoustans de l'apartheid sud-africain.

La fragmentation géographique totale de la Cisjordanie empêche ce que l'on pourrait appeler la « continuité territoriale » des Palestiniens - la possibilité d'un territoire palestinien continu. Elle ne laisse aucun doute sur l'intention d'Israël d'empêcher la création d'un État palestinien et de consolider sa domination militaire sur les Palestiniens. L'apartheid est en outre consolidé en Cisjordanie par un système juridique dual. Alors que les colons israéliens vivent sous le régime du droit civil israélien et jouissent de tous leurs droits civils et politiques, les Palestiniens vivant sur la même bande de terre sont soumis au droit militaire et n'ont aucune influence sur l'organe qui les domine.

 

Deux systèmes juridiques, selon des critères ethniques

La politique de séparation et d'un système juridique à deux niveaux, basé sur la discrimination nationale et ethnique, peut-elle être autre chose que de l'apartheid ? D'éminentes organisations israéliennes et internationales de défense des droits humains, telles que Yesh Din, Human Rights Watch et Amnesty International, sont arrivées à la conclusion, après une étude approfondie, que le crime d'apartheid, tel que défini dans le Statut de Rome, est commis dans les territoires palestiniens occupés.

Il faut également souligner qu'il n'est pas antisémite de qualifier le traitement des Palestiniens par Israël d'apartheid. En tant qu'Israéliens juifs, nous estimons que l'instrumentalisation de l'antisémitisme pour atteindre un objectif politique constitue un mépris flagrant du terme. Nous sommes également préoccupés par la tentative du gouvernement allemand de faire pression sur le COE pour empêcher l'adoption d'une résolution sur l'apartheid israélien.

Israël s'éloigne de la vision des pères fondateurs

Cette intervention est censée soutenir Israël, mais en réalité, elle éloigne de plus en plus Israël de la vision démocratique de ses pères fondateurs. Il est temps que les églises du monde entier et les amis d'Israël se rendent compte que ce que nous avons vécu en Afrique du Sud il y a des décennies se répète.

Après avoir été témoins du rôle crucial joué par l'Église dans l'élimination de l'apartheid en Afrique du Sud, nous sommes encouragés par le fait que, des décennies plus tard - alors que la question de l'apartheid est toujours d'actualité - ses principaux acteurs continuent à s'engager contre l'injustice.

Nous espérons que le reste de la communauté internationale, y compris l'Allemagne, prendra des mesures diplomatiques fermes pour mettre fin à l'apartheid dans les territoires palestiniens occupés et créer un avenir d'égalité, de dignité et de sécurité pour les Palestiniens comme pour les Israéliens.