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12/03/2025

JORGE MAJFUD
La culture supérieure : celle du leader ou celle du malfrat ?

 Jorge Majfud, 9/3/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


Le 4 mars 2025, lors d’un discours à l’université d’Austin, le PDG milliardaire de Palantir, Alex Karp, a fait une déclaration dans le plus pur style du XIXe siècle : « Je ne pense pas que toutes les cultures soient égales [...] Ce que je dis, c’est que cette nation [les USA] est incroyablement spéciale et nous ne devrions pas la considérer comme égale, mais comme supérieure ». Comme nous l’avons détaillé dans le livre Plutocracia: Tiranosaurios del Antropoceno (2024) et dans plusieurs émissions de télévision, Karp est membre de la secte de la Silicon Valley qui, avec le soutien de la CIA et de la corpoligarchie de Wall Street, promeut le remplacement de la démocratie libérale inefficace par une monarchie patronale.

 

Maintenant, “notre nation, notre culture” est supérieure en quoi ? En efficacité pour envahir, asservir, opprimer d’autres peuples ? Supérieure en fanatisme et arrogance ? Supérieure dans la psychopathologie historique des tribus qui se croient élues par leurs propres dieux (quel hasard) et, loin d’être une responsabilité solidaire avec les « peuples inférieurs », cela devient automatiquement une licence pour tuer, voler et exterminer les autres ? L’histoire de la colonisation anglo-saxonne de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique n’est-elle pas l’histoire de la spoliation des terres, des biens et l’exploitation obsessionnelle d’êtres humains (Indiens, Africains, métis, blancs pauvres) qui étaient considérés comme des instruments de capitalisation plutôt que comme des êtres humains ? De quoi parlons-nous lorsque nous parlons de « culture supérieure » de cette manière, avec ces affirmations aveugles et avec un contenu religieux mystique caché mais fort, comme l’était la Destinée Manifeste ?

 

Non seulement nous avons répondu à ça dans les journaux il y a un quart de siècle, mais nous avons également mis en garde contre le fascisme qui allait tuer ce fier Occident, lequel se plaint maintenant que ses ennemis le tuent, comme l’a dit Elon Musk il y a quelques jours auparavant. L’un de ces longs essais, écrit en 2002 et publié par le journal La República d’Uruguay en janvier 2003 et par la Monthly Review de New York en 2006, s’intitulait « Le lent suicide de lOccident ».

 

Cette idéologie de l’égoïsme et de l’individu aliéné comme idéaux supérieurs, promue par Adam Smith au XVIIIe siècle et radicalisée par des écrivains comme Ayn Rand et des présidents de puissances mondiales comme Donald Trump et des marionnettes néocoloniales comme Javier Milei, s’est révélé pour ce qu’il est : un suprémacisme pur et dur, une pathologie cannibale pure et dure. Le racisme et le patriotisme impérialiste sont tous deux des expressions de l’égolâtrie tribale, dissimulées dans leurs contraires : l’amour et besoin de survie de l’espèce.


Pour donner une touche d’intellectualisme à leur justification, les idéologues de la droite fasciste du XXIe siècle recourent à des métaphores zoologiques telles que celle du mâle alpha. Cette image est basée sur la meute de loups des steppes où un petit groupe de loups suit un mâle qui les sauvera de la faim et du froid. Une image épique qui séduit les millionnaires qui n’ont jamais souffert ni de la faim ni du froid. Pour les autres, qui ne sont pas millionnaires mais qui se sentent menacés par les classes inférieures (voir « Le paradoxe des classes sociales »), le mâle alpha est la traduction idéologique d’une catharsis du privilégié historique qui voit ses droits spéciaux perdre l’adjectif « spécial » et devenir de simples droits, un substantif nu. En d’autres termes, ils réagissent avec colère à la perte éventuelle de droits spéciaux de genre, de classe, de race, de citoyenneté, de culture, d’hégémonie. Tous les droits spéciaux justifiés comme au XIXe siècle : nous avons le droit d’asservir les Noirs et d’exploiter nos colonies parce que nous sommes une race supérieure, une culture supérieure et, pour cette raison même, Dieu nous aime et déteste nos ennemis, que nous devons exterminer avant qu’ils n’aient la même idée, mais sans nos bons arguments.

 

Ironiquement, l’idée d’être « élu par Dieu » ou par la nature n’incite pas les fanatiques à prendre soin des « humains inférieurs », comme ils le font pour leurs animaux de compagnie, bien au contraire : le destin des inférieurs et des faibles doit être l’esclavage, l’obéissance ou l’ extermination. S’ils se défendent, ce sont des terroristes.

 

La dernière version de ces suprémacismes qui commettent autant de génocides en Palestine ou au Congo avec une fierté et une conviction fanatiques, tout comme ils diabolisent les femmes qui revendiquent l’égalité des droits aux USA a récemment trouvé sa métaphore explicite dans l’image du mâle alpha du loup des steppes. Cependant, si nous prêtons attention au comportement de ces animaux et d’autres espèces, nous verrons une réalité beaucoup plus complexe et contradictoire.

 

Le professeur de l’université Emory, Frans de Waal, l’un des experts les plus reconnus dans l’étude des chimpanzés depuis des décennies, s’est chargé de démolir ce fantasme. L’idée du mâle alpha provient des études sur les loups dans les années 40, mais, non sans ironie, de Waal lui-même a déploré qu’un homme politique usaméricain (le très conservateur président de la Chambre des représentants, Newt Gingrich) ait popularisé son livre La politique du chimpanzé (1982) et le concept de mâle alpha, pour de mauvaises raisons.


Les mâles alpha ne sont pas des brutes, mais des leaders conciliateurs. « Les mâles alpha chez les chimpanzés sont populaires s’ils maintiennent la paix et apportent l’harmonie au groupe ». Lorsqu’un véritable leader tombe malade (cas mentionné du chimpanzé Amos), il n’est pas sacrifié, mais la prise en charge de ses soins est assurée par le groupe.

 

Selon de Waal, « nous devons faire la distinction entre domination et leadership. Il y a des mâles qui peuvent être la force dominante, mais ces mâles finissent mal dans le sens où ils sont expulsés ou tués... Ensuite, il y a les mâles qui ont des qualités de leadership, qui résolvent les conflits, défendent les plus faibles, réconfortent ceux qui souffrent. Si vous avez ce type de mâle alpha, alors le groupe se rallie à lui et lui permet de rester au pouvoir pendant longtemps ». Cette période est généralement de quatre ans, bien qu’on ait répertorié des mâles alpha qui ont été des leaders pendant 12 ans, qui avaient l’habitude de distribuer la nourriture et de maintenir une alliance politique avec d’autres leaders plus jeunes. Selon de Waal, le mâle alpha leader sera jugé en fonction de sa capacité à résoudre les conflits et à établir un ordre pacifique pour sa société.

 

Dans un conflit, les leaders alpha « ne prennent pas parti pour leur meilleur ami ; ils évitent ou résolvent les disputes et, en général, défendent les plus démunis. Cela les rend extrêmement populaires au sein du groupe car ils apportent de la sécurité aux membres de rang inférieur ».

 

Le mâle alpha est le leader qui a le soutien de la majorité des femelles et de certains mâles, mais d’autres jeunes mâles utiliseront toujours la même stratégie pour le détrôner et s’imposer comme dominants : ils commencent par des provocations indirectes et à distance pour tester la réaction du leader. S’il n’y a pas de réaction, le jeune mâle le plus fort tentera de conquérir d’autres jeunes mâles pour augmenter ses provocations qui gagnent du terrain et deviennent plus violentes. Puis il conquiert des alliés, en échange de quelques faveurs. Bien que le candidat au pouvoir alpha ne se soucie pas des bébés, mais de la puissance, il essaie de se montrer affectueux avec les petits de différentes femelles, exactement comme le font les politiciens en campagne électorale.


28/05/2024

JORGE MAJFUD
Le mystère du peuple palestinien : il existe et en même temps, il n'existe pas

Jorge Majfud, Escritos Críticos, 27/5/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Les Palestiniens n’ont jamais existé en tant que peuple lorsqu’ils revendiquent leurs droits humains. Ils ont existé en tant que peuple Amalek il y a trois mille ans, quand il faut les massacrer.


-Crève, crève !
-Ils ont le droit de se défendre, vous savez bien...
Wilfred Hildonen
, Norvège/Finlande/Portugal

Les Palestiniens sont un peuple très étrange. Comme les particules subatomiques, selon la physique quantique et selon les sionistes, ils ont la capacité d’exister sous deux formes différentes et dans des lieux différents en même temps. Ils sont et ils ne sont pas.

Ils n’existent pas, mais « tuez-les tous », comme l’a dit la députée Andy Ogles à Washington. « Effacez tout Gaza de la surface de la terre », a insisté la députée israélienne Galit Distel Atbaryan, « toute autre chose est immorale ». Le ministre israélien de la Défense, Ben-Gvir, a été clair : « Pourquoi y a-t-il tant d’arrestations ? Ne pouvez-vous pas en tuer quelques-uns ? Qu’allons-nous faire de tant d’arrestations ? C’est dangereux pour les soldats ». Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a déclaré lors d’un téléconseil des ministres : « Rafah, Deir al-Balah, Nuseirat, tout doit être anéant », conformément à l’ordre de Dieu : « Vous effacerez la mémoire d’Amalek sous les cieux ». À plusieurs reprises, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a répété, en parlant des Palestiniens : « Vous devez vous souvenir de ce qu’Amalek vous a fait, dit notre Sainte Bible ». Motti Inbari, professeur d’études juives, a précisé les propos de Netanyahou : « Le commandement biblique est de détruire complètement tout Amalek. Et quand je parle de détruire complètement, il s’agit de tuer chacun d’entre eux, y compris les bébés, leurs biens, les animaux, tout ». Danny Neumann, membre du Likoud, a déclaré à la télévision : « Tous les habitants de Gaza sont des terroristes. Nous aurions dû en tuer 100 000 le premier jour. Très peu d’habitants de Gaza sont des êtres humains ». Le ministre du Patrimoine, Amihai Eliyahu, a proposé de gagner du temps et de larguer une bombe atomique sur Gaza pour accomplir le mandat divin.

Au cours des sept premiers mois de bombardements, 40 000 hommes, femmes et enfants ont été détruits par les bombes, sans compter les disparus, les déplacés, les affamés, les malades, les mutilés et les traumatisés irréversibles. Mais de Netanyahou au président Joe Biden, « ce que fait Israël n’est pas un génocide, c’est de l’autodéfense ». Si un groupe armé répond par la violence (ce qui est reconnu comme un droit par le droit international), il s’agit alors de terroristes.

Ceux qui ne se laissent pas tuer sont des terroristes. Ceux qui critiquent le massacre, comme les étudiants usaméricains, sont des terroristes. C’est pourquoi, en Europe et aux USA, les manifestations contre le massacre de Gaza sont repoussées par la police militarisée, tandis que les violentes attaques sionistes et les défilés nazis sont observés avec respect. C’est parce que les puissants sont si lâches. Sans armes puissantes, sans médias dominants et sans capitaux saisis, ils ne sont personne. Un bras raide pour le salut fasciste et une main tremblante pour remettre en question un massacre contre l’humanité perpétré contre ceux qui ne peuvent pas se défendre.

Selon les sionistes, la Palestine n’a jamais existé et les Palestiniens n’ont jamais existé. Lorsque, par l’accord des sionistes avec Hitler, les Palestiniens inexistants devaient accueillir les réfugiés du nazisme en Europe, les inexistants constituaient l’écrasante majorité de la population, du fleuve à la mer. Les bateaux arrivant « avec du bon matériel génétique » selon les sionistes, arrivaient sur des navires battant pavillon nazi et britannique. Lorsqu’en 1947, l’Exodus, transportant 4 500 réfugiés, s’est approché de Haïfa, le capitaine britannique a averti ses passagers qu’ils seraient arrêtés à l’arrivée, car l’Empire britannique n’autorisait pas l’immigration illégale. « Si vous résistez à l’arrestation, nous devrons recourir à la force ». À leur arrivée en Palestine, les réfugiés déploient une pancarte sur laquelle on peut lire : « Les Allemands ont détruit nos familles. S’il vous plaît, ne détruisez pas nos espoirs ». De nombreux réfugiés restent en détention, mais un quart de million réussit à entrer en Palestine, dont au moins 70 000 illégalement et par la force.

Bientôt, une partie (nous ne savons pas quel pourcentage) des victimes de l’Europe deviendront les bourreaux du Moyen-Orient. Le plan sioniste a été soutenu par une campagne d’attentats terroristes en Palestine qui a fait sauter des hôtels, des postes de police et massacré des centaines de Palestiniens. Folke Bernadotte, le diplomate suédois qui a facilité la libération de plusieurs centaines de Juifs des camps de concentration nazis en 1945, a été assassiné à Jérusalem deux ans plus tard par le Lehi (bande Stern), un groupe sioniste qui se décrivait comme des terroristes et des « combattants de la liberté ». Le Lehi, une faction d’un autre groupe terroriste, l’Irgoun, avait négocié avec les nazis allemands la création d’Israël en tant qu’État totalitaire allié au Reich d’Hitler. Cette alliance ayant échoué, ils ont essayé Staline, avec le même résultat. L’un des (ex-)terroristes de l’Irgoun, le Biélorusse Menahem Begin, est devenu premier ministre d’Israël en 1977. L’un des (ex-)terroristes, également biélorusse, Isaac Shamir, lui a succédé et est devenu Premier ministre d’Israël en 1983. Naturellement, ils ont tous changé leurs noms et prénoms de naissance.

Dès avant la création de l’État d’Israël, les habitants inexistants de la Palestine ont commencé à être dépossédés de leurs maisons pour accueillir des réfugiés. Certains réfugiés juifs et certains Palestiniens inexistants ont résisté à la dépossession et à l’exil, si bien qu’il a fallu recourir à la force, forme particulière d’un droit à l’existence non reconnu par le reste de l’humanité, et à la colère d’un dieu impitoyable, redouté par le reste de l’humanité elle-même. Début 2024, la réalisatrice israélienne Hadar Morag se souvient : « Lorsque ma grand-mère est arrivée en Israël après l’Holocauste, l’Agence juive lui a promis une maison. Elle n’avait rien. Toute sa famille avait été exterminée. Elle a attendu longtemps, vivant dans une tente dans une situation très précaire. Puis ils l’ont emmenée à Ajami, à Jaffa, dans une magnifique maison sur la plage. Elle a vu que sur la table se trouvaient encore les plats des Palestiniens qui avaient vécu là et qui avaient été expulsés. Elle est retournée à l’agence et a dit : “Ramenez-moi à ma tente, je ne ferai jamais à personne ce qu’on m’a fait”. C’est mon héritage, mais tout le monde n’a pas pris cette décision ; comment pouvons-nous devenir ce qui nous a opprimés ? C’est une grande question ».

Certains des Palestiniens, qui n’existent pas, ont accueilli des réfugiés juifs alors que même les USA n’en voulaient pas, alors qu’un président comme Roosevelt avait renvoyé sur le Saint-Louis près d’un millier de réfugiés juifs pour qu’ils meurent dans des camps de concentration en Europe. Lorsqu’en 1948, les Nations unies ont créé deux États, Israël et la Palestine, Israël a décidé que ni la Palestine ni les Palestiniens n’existaient, même si, pour que le miracle quantique se produise, ils ont dû voler leurs maisons et leurs terres, les déplacer en masse et les tuer avec joie. En même temps, ils déploraient le sale boulot qu’ils avaient à faire. « Nous ne pardonnerons jamais aux Arabes de nous avoir forcés à tuer leurs enfants », a déclaré l’immigrante ukrainienne Golda Meir, qui deviendra plus tard Premier ministre. « Les Palestiniens n’ont jamais existé », a-t-elle déclaré en 1969. « J’ai été Palestinienne de 1921 à 1948 parce que j’avais un passeport palestinien », a-t-elle ajouté un an plus tard. C’est comme dire que l’Allemagne est une invention d’Hitler et de von Papen ou que la Grande-Bretagne est la Prusse parce que son hymne (“God save the Queen”) sonne de la même manière que l’hymne de la Prusse (“Gott mit uns”).

Les références aux Arabes et aux Palestiniens en tant qu’animaux ou sous-hommes n’ont rien de nouveau. Il s’agit d’un genre classique de racisme suprémaciste sioniste qui ne choque personne dans le monde impérial et civilisé. Ce même monde civilisé qui ne tolère pas d’entendre le mot “nègre” mais qui ne veut pas se souvenir ou reconnaître (et encore moins indemniser) les centaines de millions de Noirs massacrés pour la prospérité de ses peuples élus. Comme les nazis l’ont fait avec les Juifs, avant de les massacrer sans remords, il fallait déshumaniser l’autre.

En 1938, l’un des chefs du groupe terroriste sioniste Irgoun, le Biélorusse Yosef Katzenelson, déclarait : « Nous devons créer une situation où tuer un Arabe est comme tuer un rat. Qu’il soit bien entendu que les Arabes sont des déchets et que c’est nous, et non eux, qui gouvernerons la Palestine ». En 1967, le diplomate israélien David Hacohen a déclaré : « Ce ne sont pas des êtres humains, ce ne sont pas des gens, ce sont des Arabes ». En novembre 2023, l’ancien ambassadeur d’Israël aux Nations unies, Dan Gillerman, a déclaré : « Je suis très perplexe quant à l’intérêt constant que le monde porte au peuple palestinien et, en fait, à ces animaux horribles et inhumains qui ont commis les pires atrocités que ce siècle ait connues ». Mais si quelqu’un remarque qu’il s’agit de racisme pur et simple, il est accusé d’être antisémite, c’est-à-dire raciste.

Les Palestiniens n’existent pas, mais s’ils se défendent, ce sont de mauvais terroristes. S’ils ne se défendent pas, ce sont de bons terroristes. S’ils se laissent massacrer, ce sont des terroristes inexistants. À Gaza, « toute personne âgée de plus de quatre ans est un partisan du Hamas » a déclaré Rami Igra, ancien agent du Mossad, à la télévision d’État. « Tous les civils de Gaza sont coupables et méritent d’être confrontés à la politique israélienne de punition collective, qui les empêche de recevoir de la nourriture, des médicaments et de l’aide humanitaire ». Il a laissé tomber la phrase concernant le bombardement systématique et aveugle qui, chaque jour, décapite et détruit des dizaines d’enfants, même âgés de moins de quatre ans, qui seraient des sous-hommes, des animaux, des rats, mais pas encore des terroristes diplômés.

Israël a le droit de se défendre, ce qui inclut tous les autres droits humains et divins : le droit de déplacer, le droit d’occuper, le droit d’enlever, le droit d’emprisonner et de torturer sans limites des mineurs d’un peuple qui n’existe pas.

Le droit à ce que personne ne critique leur droit.

Le droit de se considérer comme un peuple supérieur, par la grâce de Dieu et par la grâce de sa nature particulière, de son esprit supérieur, là jusqu’où les goys n’iront jamais.

Le droit de pleurer les victimes causées par cette supériorité ethnique et le droit de pleurer les victimes causées par les sous-hommes, les rats humains.

Le droit d’acheter des présidents, des sénateurs, des représentants et des rédacteurs en chef d’autres pays, comme les USA.

Le droit de ruiner la carrière et la vie de quiconque ose remettre en cause l’un de ces droits sous l’accusation d’antisémitisme.

Le droit de massacrer lorsqu’il le juge nécessaire.

Le droit de tuer même pour le plaisir lorsque les soldats s’ennuient.

Le droit de danser et de faire la fête lorsque dix tonnes de bombes massacrent des dizaines de réfugiés dans un camp rempli de gens affamés.

Tout cela parce que les Palestiniens sont et ne sont pas. Selon ce récit suprémaciste et messianique, les Palestiniens n’ont jamais existé en tant que peuple lorsqu’ils revendiquent leurs droits de l’homme. Ils ont existé en tant que peuple Amalek il y a trois mille ans, en tant qu’habitants d’un peuple qui devait être déplacé et exterminé « jusqu’à ce qu’il ne reste plus un seul » de ces êtres fictifs et inexistants.

Si vous ne croyez pas à cette histoire, il vous suffit de la répéter un nombre infini de fois pour comprendre qu’il s’agit de la vérité. Si vous osez remettre en question cette vérité, vous devenez un terroriste, comme la femme de Lot est devenue une colonne de sel pour avoir osé désobéir et regarder en arrière, là où, dit-on, Dieu massacrait un peuple à cause de l’orientation sexuelle de certains de ses membres.

La plus ancienne carte connue de Palestine figure dans le traité de Géographie du savant gréco-égyptien Claude Ptolémée (100-168 ap. J.-C.), qui fut traduit en arabe par Al-Khwarizmi entre 813 et 833 ap. J.-C., au sein de Beit El Hikma à Bagdad. La version ci-dessus est une copie grecque byzantine, sans doute retraduite de l’arabe en grec, et tirée du Codex Vaticanus Urbinas Graecus 82, Constantinople vers 1300. L’ouvrage, produit par Maximus Planudes, fut plus tard en possession du banquier philosophe Palla Strozzi (1372-1462) puis de Federico da Montefeltro, duc d’Urbino. Encore une preuve, vieille de près de 2000 ans, de l’inexistence du peuple palestinien... [NdT]

 

21/12/2023

JORGE MAJFUD
Mais tout ça, c’est la faute de ces emmerdeurs de gauchards
L’araignée et les mouches

Jorge Majfud, 20/12/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

En raison de la guerre de l'OTAN en Ukraine et du blocus de la Russie qui en découle, les sanctions contre le Venezuela se sont un peu relâchées au cours de l'année 2023. Les sanctions, les blocus et le harcèlement des USA et de l'Union européenne se sont radicalisés il y a dix ans et ont mis fin à une longue période de croissance économique et de réduction de la pauvreté dans ce pays, ce que la propagande a réussi à vendre comme un échec historique. Ce n'est pas une coïncidence si l'hyperinflation historique du Venezuela est tombée à 185 % par an, ce qui est inférieur au taux atteint par l'Argentine cette année.


Comme nous le répétons depuis des années, les dettes (inflationnistes) des néo-colonies sont nécessaires pour les maintenir dans un état de nécessité productive, ce qui est très similaire à la logique qui se reproduit dans ces mêmes sociétés entre les travailleurs qui arrivent à peine à joindre les deux bouts et une oligarchie qui les diabolise comme “parasites de l'État” lorsqu'ils reçoivent un quelconque subside ou lorsqu'ils sont déjà foutus et qu'ils ne peuvent plus porter de sacs de ciment.

À cause de ces dettes éternelles, les néo-colonies sont obligées de produire, d'exporter et d'acheter des dollars pour “honorer leurs engagements”. En même temps qu’on exige de ces colonies la “responsabilité fiscale”, on oublie aux USA que nous sommes les champions de l'irresponsabilité fiscale, avec des déficits et des dettes pharaoniques qui ne cessent de croître, mine de rien. Qui peut nous malmener et nous bloquer, alors que nous avons l'armée la plus puissante du monde ? Historiquement inefficace pour toute guerre, mais toujours puissante pour harceler les autres et, plus encore, pour forcer notre population à se saigner davantage au nom d'une terreur inoculée par les médias - des réactions à nos propres interventions qui, lorsqu'elles ne suffisent pas, sont inventées avec davantage de provocations ou d'attaques sous faux drapeau.

Alors qu'une économie impériale est inévitablement très productive, la nôtre est basée sur la consommation (70 %) et non sur la production. En fait, nous n'avons pas besoin de produire beaucoup ; nous n'avons même pas besoin de payer des impôts pour rembourser les dettes du gouvernement, un instrument des entreprises qui attisent les guerres partout où cela est nécessaire pour maintenir le déficit croissant de l'État et les transferts massifs de capitaux de la classe ouvrière vers leurs coffres insatiables à Londres et à Wall Street.

Les dollars ont été inventés de toutes pièces, même plus sous forme de papier. Bien sûr, on peut imprimer des dollars, mais on ne peut pas imprimer de la richesse. L'impression massive d'une monnaie mondiale est un moyen d'extraire la valeur d'autres régions qui la détiennent comme réserve ou comme épargne personnelle. Si l'inflation n'explose pas dans le pays qui l'imprime, c'est parce qu'une grande partie de cette inflation est exportée.

Il s'agit également d'un instrument d'extorsion. Si un pays n'est pas endetté, il doit l'être. C'est ce qu'avait reconnu le tout nouveau ministre argentin, Luis Caputo, lorsqu'en 2017 il a assuré que le retour au FMI et le prêt massif reçu « nous permet de laisser plus de place au secteur privé ; il n'y a pas de signe de crise ; c'est préventif ; c'est la première fois qu'un gouvernement [celui de Mauricio Macri] fait des choses comme ça, préventives... »

L'endettement massif, comme celui de l'Argentine, est inflationniste, presque autant que le blocage du crédit et des marchés au Venezuela (par les champions du marché libre), parce qu'ils obligent ces pays à imprimer de la monnaie ou à s'abstenir d'investir dans leur propre société. Aujourd'hui, le fait qu'en Argentine, les néolibéraux aient à nouveau nationalisé (étatisé) les dettes privées est une nouvelle insulte à l'intelligence du peuple - bien sûr, il n'était pas nécessaire d'avoir une grande intelligence non plus ; un peu de mémoire suffisait.

Désigner l'impérialisme mondial comme la cause première des grandes crises économiques et sociales ne signifie pas déresponsabiliser ses administrateurs nationaux. Et surtout, les bradeurs bien de chez nous. Cela ne signifie pas non plus qu'il faille ériger un pays en modèle pour les autres. Bien sûr, il est inutile de clarifier ce point. La pensée cavernicole ne mourra jamais, car elle est efficace comme peu d'autres : « Cuba oui ou Cuba non », « Salvador oui ou Salvador non » ; « Vous vivez aux USAA et vous critiquez son gouvernement, pourquoi n'allez-vous pas vivre au Venezuela ? » ; « Si vous critiquez le massacre de Gaza, pourquoi n'allez-vous pas vivre en Iran ? » ; "si vous critiquez le massacre de Gaza, pourquoi n'allez-vous pas vivre en Iran" ; « Si vous défendez tant les immigrés, pourquoi ne les emmenez-vous pas dormir dans la chambre de votre fils ? » ; « Si vous défendez tant les homosexuels, pourquoi ne couchez-vous pas avec l'un d'entre eux ? » Bref, la dialectique classique de l'ivrogne qui commence à perdre l'euphorie du dernier verre.


 Autre erreur classique : la décontextualisation historique et géopolitique de toute réalité. Pour les libertariens affranchis (néolibéraux), le monde est aussi plat qu'une pizza. Il n'y a pas de classes sociales, pas de nations hégémoniques. Il n'y a pas d'empires ni de parasites oppresseurs. Tout ce qui se passe dans un pays, en particulier dans un pays périphérique, est purement et simplement la faute de de ces emmerdeurs de gauchards. Les gouvernements font la différence, pour le meilleur ou pour le pire, mais ils ne sont pas les seuls à décider de leur propre contexte, comme peut le faire celui d’un pays capitaliste situé au centre. C'est-à-dire un pays impérial - hégémonique, si le mot empire heurte les sensibilités.

À une époque, le capitalisme a fonctionné pour une grande partie des Européens et des USAméricains, mais le même capitalisme (plus radical, plus libéré) n'a jamais fonctionné pour le Honduras, le Guatemala, l'Inde ou le Congo. Au contraire, parce qu'être une puissance impériale et extractive, l'araignée qui tisse sa toile et domine depuis le centre, ce n'est pas la même chose que d'être l'une des mouches dans la toile. Historiquement, les pays non alignés ont subi des sanctions économiques et financières, voire militaires (invasions, coups d'État, assassinats de leurs dangereux dirigeants, attentats sous fausse bannière, tous bien documentés), qui ont ensuite été traduits en “échecs” que la propagande impériale a vendus et vend comme des démonstrations que les idéologies alternatives “ne fonctionnent jamais” et autres clichés similaires propagés par les médias mondiaux, par les agences secrètes et, surtout, par les majordomes créoles, qui se sont toujours chargés de reproduire à l'infini les idéologies parasitaires des esclavagistes et des oligarchies coloniales.

C'est tout. Nous insistons sur ces points depuis des décennies. Dans certains livres, comme Moscas en la telaraña, nous avons exposé ces mêmes idées de manière plus complète et, à mon avis, plus claire, et je n'insisterai donc pas davantage ici. Mais il est nécessaire de rappeler (et de répéter ad nauseam) les aspects les plus simples qui sont stratégiquement oubliés. Toujours. Comme, par exemple, qu'il n'y a pas de développement sans indépendance économique ; qu'il n'y a pas d'indépendance sans union des non-alignés ; qu'il n'y a pas de voies propres sans indépendance culturelle ; que la périphérie n'est qu'une réalité géopolitique, pas nécessairement philosophique et culturelle...

Des choses simples que les empires du Nord se sont chargés, au cours des derniers siècles, de détruire à tout prix. Tout cela au nom de la liberté et de la prospérité - tout ce que les mouches répètent lorsqu'elles sont disséquées par l'araignée salvatrice.

 



29/10/2023

JORGE MAJFUD
Les nazis de notre temps ne portent pas la moustache

Jorge MajfudEscritos Críticos, 28/10/2023

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

C’est une tragique ironie de l’histoire que ceux qui, dès le début, ont condamné les actions belliqueuses du Hamas et du gouvernement israélien soient accusés d’être en faveur du terrorisme par ceux qui ne font que condamner le Hamas et justifier le terrorisme massif, historique et systématique du gouvernement israélien.


Heureusement, des centaines de milliers de Juifs (surtout dans l’hémisphère nord) ont eu le courage que les évangéliques ou les laïques politiquement corrects et prévisibles n’ont pas eu de descendre dans la rue et dans les centres du pouvoir mondial pour clarifier que l’État d’Israël et le judaïsme ne sont pas la même chose, une confusion fondamentale, stratégique et fonctionnelle qui se trouve au cœur du conflit et ne profite qu’à quelques-uns avec la complicité fanatique et ignorante de beaucoup d’autres.

 

En fait, des dizaines de milliers de studieux juifs des livres saints du judaïsme, tels que la Torah, ont affirmé que le judaïsme était antisioniste. Beaucoup diront que c’est une question d’opinion, mais je ne vois pas pourquoi leur opinion devrait être moins importante que celle du reste des charlatans bellicistes.

 

Ce sont ces Juifs, qui savent que leur coexistence avec les musulmans a été, pendant des siècles, bien meilleure que cette tragédie moderne, qui ont crié à Washington et à New York “Pas en notre nom”, “Arrêtez le génocide de l’apartheid” et qui, dans bien des cas, ont été arrêtés pour avoir exercé leur liberté d’expression, qui, dans les démocraties impériales, a toujours été la liberté de ceux qui n’étaient pas assez importants pour défier le pouvoir politique, comme le montre, par exemple, la liberté d’expression à l’époque de l’esclavage. Mais c’est à eux que reviendra la dignité conférée par l’histoire.

 

Quand la lumière reviendra à Gaza et que le monde apprendra ce qu’une des plus puissantes armées nucléaires du monde, avec la complicité de l’Europe et des USA, a fait à un ghetto sans armée et à un peuple qui n’a droit qu’à respirer, quand il le peut, il apprendra que ce ne sont pas des milliers mais des dizaines de milliers de vies aussi précieuses que les nôtres, écrasées par la haine raciste et mécanique de malades, dont quelques-uns disposent d’un grand pouvoir politique, géopolitique, médiatique et financier, qui, en fin de compte, gouvernent le monde.

 

Naturellement, la propagande commerciale tentera de le nier. L’histoire ne le pourra pas. Elle sera implacable, comme elle l’est généralement lorsque les victimes ne dérangent plus.

 

Beaucoup se tairont, tremblant devant les conséquences, devant les listes noires (journalistes sans travail, étudiants sans bourses, hommes politiques sans dons, comme l’ont même rapporté des médias comme le New York Times), devant l’opprobre social dont souffrent et souffriront ceux qui oseront dire qu’il n’y a pas de peuples ni d’individus choisis par Dieu ou par le Diable, mais de simples injustices d’une puissance déchaînée.

Qu’une vie vaut autant et de la même manière qu’une autre.

 

Que le peuple palestinien (avec une population huit fois supérieure à celle de l’Alaska, quatre ou cinq fois supérieure à celle d’autres États usaméricains), coincé dans une zone invivable, a les mêmes droits que n’importe quel autre peuple à la surface de la sphère planétaire.

Que les Palestiniens, hommes, femmes et enfants écrasés par les bombes aveugles, ne sont pas des “animaux à deux pattes”, comme le prétend le Premier ministre Netanyahou (s’ils étaient des chiens, ils seraient au moins mieux traités). Les Israéliens ne sont pas non plus “le peuple de la lumière” combattant “le peuple des ténèbres”.

 

Que les Palestiniens ne sont pas des terroristes parce qu’ils sont nés Palestiniens, mais l’un des peuples qui a le plus souffert de la déshumanisation et du siège constant, du vol, de l’humiliation et du meurtre en toute impunité depuis près d’un siècle.


Mais ceux qui osent protester contre un massacre historique, un parmi tant d’autres, sont, comme par hasard, ceux qui sont accusés de soutenir le terrorisme. Il n’y a là rien de nouveau. C’est ainsi que les terroristes d’État ont toujours agi dans toutes les parties du monde, tout au long de l’histoire et sous des drapeaux de toutes les couleurs.



Arcadio Esquivel, Costa Rica, 2017