Affichage des articles dont le libellé est Propagande sioniste. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Propagande sioniste. Afficher tous les articles

16/02/2025

GIDEON LEVY
Si quelqu’un ne doit “ni oublier ni pardonner”, ce sont les Palestiniens

Gideon Levy, Haaretz, 16/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Une image vaut mille mots : des centaines de détenus et de prisonniers palestiniens qui ont été libérés samedi sont vus à genoux, en prison, portant des sweatshirts blancs avec une étoile de David bleue et les mots « nous n’oublierons pas et nous ne pardonnerons pas ». Israël les a ainsi contraints à devenir des bannières ambulantes du sionisme sous sa forme la plus méprisable. La semaine dernière, il s’agissait de bracelets portant un message similaire : « Le “peuple éternel” n’oublie jamais, je poursuivrai et trouverai mes ennemis ».


Des prisonniers palestiniens avec des sweatshirts portant le logo de l’administration pénitentiaire israélienne et la phrase « Nous ne pardonnerons ni n’oublierons », photo publiée samedi par l’administration pénitentiaire israélienne

Le chef de l’administration pénitentiaire israélienne, Kobi Yaakobi, s’est révélé être un rédacteur publicitaire douteux. Il n’y a rien de tel que ces images ridicules pour montrer à quel point la propagande d’un État moderne peut tomber bas. L’administration pénitentiaire voulait être Hamas, mais le Hamas réussit mieux que le service, du moins dans cette bataille pour gagner les esprits. On peut également dire qu’il est plus humain. Les captifs israéliens qui sont revenus samedi avaient meilleure mine que certains des prisonniers en sweatshirts bleus et blancs.

Aussi ridicules que soient ces images, on ne peut ignorer le message qu’Israël a choisi d’attacher aux corps des prisonniers libérés : Nous n’oublierons pas. Nous ne pardonnerons pas. Nous vous poursuivrons. Le message du Hamas était le suivant : le temps presse. Même s’il s’agit d’une propagande de bas étage, on ne peut pas ignorer le message. Il est immoral d’utiliser des prisonniers comme bannière de propagande ? Alors cela s’applique aussi à nous. Leur propagande parle de fin de guerre, la nôtre parle de poursuite et de guerre sans fin, menée par le “peuple éternel” qui n’oublie pas et ne pardonne pas.

Le monde, Israël compris, a oublié l’Allemagne nazie, le Vietnam a oublié les USA, les Algériens ont oublié la France et les Indiens ont fait de même avec la Grande-Bretagne - seul le “peuple éternel” n’oubliera jamais. C’est ridicule. Si quelqu’un ne doit un jour « ni oublier ni pardonner », ce sont les Palestiniens, après 100 ans de tourments, y compris les prisonniers qui ont été libérés samedi. Ils n’oublieront pas les conditions dans lesquelles ils ont été détenus, et certains ne pardonneront pas leur détention injustifiée, sans qu’aucun procès ait jamais eu lieu dans leur cas.

Samedi, l’émotion était à nouveau à son comble, et à juste titre. Trois nouvelles vies ont été arrachées à l’enfer. L’analyste militaire Canal 12, Nir Dvori, a expliqué aux Israéliens que la libération des otages était la preuve « de la résilience de la nation israélienne », sans préciser ce qu’il entendait par là. Pour les téléspectateurs qui ont subi un lavage de cerveau et qui sont fatigués, il n’était pas nécessaire de le faire. Il a suffi au philosophe Dvori de dire à quel point nous sommes beaux. Mais tandis que tous les yeux humides étaient tournés vers la base militaire de Re’im, premier point d’arrivée des otages, puis vers le centre médical de Sheba et l’hôpital d’Ichilov, où ils ont été emmenés, 369 autres détenus et prisonniers palestiniens ont été libérés, tous des êtres humains, exactement comme nos Sagui, Iair et Sasha.

Les caméras des médias étrangers se sont moins concentrées sur les Palestiniens, tandis que les caméras israéliennes les ont presque totalement ignorés. Après tout, ce sont tous des “meurtriers”. Aucun hélicoptère ne les a attendus pour les conduire à l’hôpital, et certains ont été immédiatement expulsés de leur pays. Une minorité d’entre eux avaient du sang sur les mains, les autres étaient des prisonniers politiques, des opposants au régime. La plupart d’entre eux étaient des habitants de Gaza qui ont été pris dans cet enfer. Il est peu probable que les centaines de Gazaouis libérés samedi aient tous levé la main sur un soldat des forces de défense israéliennes ou sur des habitants des communautés frontalières d’Israël.

Certains d’entre eux ont été enlevés à Khan Younès, tout comme des Israéliens ont été enlevés à Nir Oz. Mais aux yeux d’Israël, ils faisaient tous partie de la force Nukhba du Hamas. Ils étaient également attendus par des familles enthousiastes, tout aussi enthousiastes que les familles Dekel Chen, Troufanov et Horn. Elles aussi aiment leurs enfants.

Certains d’entre eux ne savaient pas ce qu’il était advenu de leurs proches depuis le début de la guerre, tout comme nos familles ne le savaient pas. Mais alors que nos familles, comme l’ensemble de la nation, étaient autorisées à se réjouir autant qu’elles le souhaitaient, guidées par les émissions de propagande israéliennes qui transforment toute célébration humaine en un festival d’endoctrinement à la nord-coréenne, les Palestiniens se sont vu interdire de se réjouir. À Jérusalem-Est et en Cisjordanie, toute manifestation de joie a de nouveau été interdite. Ils n’avaient pas le droit d’exprimer leur joie. Notre tyrannie est si cruelle qu’elle va jusqu’à contrôler leurs émotions.

À en juger par le traitement des prisonniers (palestiniens) et des otages (israéliens) - un indice très significatif - il est difficile de savoir quelle société est la plus humaine. Israël respecte-t-il davantage la convention de Genève que le Hamas ? Il ne peut plus le prétendre. Cette dure impression ne peut plus être corrigée, pas même avec des sweatshirts frappés d’une étoile de David bleue.

 

05/02/2025

ROGEL ALPHER
L’histoire de Yocheved Lifshitz fait éclater la bulle de la fausse image d’Israël

Voilà une parfaite farce israélienne. Cette fausse image de soi, entretenue par les mythes diffusés par les médias israéliens, télévision en tête, s’est retournée et s’est défaite de l’intérieur

Rogel Alpher, Haaretz 28/1/2025
Traduit de l’hébreu par Keren Rubinstein et de l’anglais 
par Fausto GiudiceTlaxcala

Rogel Alpher (9 juin 1967) est un journaliste et écrivain israélien. Fils d’un agent de Mossad, il a fait son service militaire dans les renseignements avant d’étudier la philosophie. Musicien, critique de cinéma et télévision, auteur de 5 romans, de BD et de scénarios, il se définit comme “gauchiste radical” antisioniste.

Keren Rubinstein est une traductrice israélo-australienne

 


Voici un scénario de satire sociale poignante. Imaginez deux femmes âgées prises en otage à Gaza. Nous les appellerons Yocheved Lifshitz (85 ans, interprétée par Tiki Dayan) et Nurit Cooper (80 ans, interprétée par Sandra Sade). Mais leurs ravisseurs ne tardent pas à découvrir que les deux femmes souffrent énormément. Cooper est à l’agonie après s’être cassé l’épaule, tandis que les vomissements et la diarrhée de Lifshitz n’en finissent pas.

Yocheved (à g.) et Nurit

Le médecin gazaoui (Eli Yatzpan) annonce la couleur : dysenterie. Les ravisseurs, incapables de supporter les nausées et les diarrhées, lui ordonnent de la soigner. Lifshitz prend des pilules - en vain. Lorsque le médecin mentionne que la maladie est contagieuse, les ravisseurs paniquent et décident que ces deux-là n’en valent pas la peine. Si elles meurent, ils n’obtiendront rien pour elles, et ils risquent de contracter la dysenterie et de mourir. « Je n’ai pas signé pour ça, mec », dit l’un d’eux en anglais. (Par ailleurs, une version usaméricaine réalisée par Spielberg, scénarisée par Aaron Sorkin, avec Bette Midler et Dolly Parton dans le rôle des otages détenues par les clandestins mexicains qui avaient traversé le Rio Grande sous le commandement d’Alon Abutbul, est également en cours de tournage).

Les ravisseurs appellent Israël et disent : prenez-les. Israël répond : pas question, nous ne paierons pas un centime pour elles. Les ravisseurs mettent au courant les otages, qui sont choquées et humiliées. Les ravisseurs ont pitié d’elles, appellent Israël et disent : nous les laissons à la frontière. Vous les voulez, prenez-les. Vous ne les voulez pas, ne les prenez pas.

26/01/2025

GIDEON LEVY
Kitsch et mensonges pour le retour des 4 “otages”
L'illusion israélienne de la grande “unité nationale”

Gideon Levy, Haaretz , 24/1/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Non seulement les quatre soldates enlevées sont rentrées chez elles samedi, mais le pays tout entier est revenu à lui-même, à son autoglorification, à son unité trompeuse, à ses fausses célébrations de victoire, à ses sentiments de supériorité, à l’ultranationalisme et à l’incitation à la violence.


La joie personnelle émouvante des membres des familles et des amis, dont le monde s’est effondré au cours de l’année écoulée, s’est transformée en un carnaval national démesuré. Nous nous y étions déjà habitués, mais samedi, nous nous sommes injecté une overdose de kitsch et de mensonges.

Après plus d’une année épouvantable, il est facile de comprendre le besoin d’être heureux, ne serait-ce qu’un instant, voire le besoin de s’enorgueillir et de se féliciter. Mais la célébration de samedi est allée bien au-delà. Comme si la joie naturelle du retour des soldates ne suffisait pas, il a fallu la couvrir de mensonges. Le besoin de propagande et d’incitation, précisément en ce jour de grande joie nationale, atteste du fait que quelque chose de mauvais bouillonne sous le couvert des embrassades, des baisers et des larmes partagés avec Karina, Naama, Daniella et Liri.

On nous a menti samedi. Le mensonge de la victoire totale sur le Hamas a volé en éclats, à la vue d’un Hamas organisé, ordonné et armé, souverain de Gaza, organisant une cérémonie de libération avec une scène et quelques figurants. Si victoire il y a eu samedi, c’est celle d’une organisation qui, après 16 mois de frappes aériennes, de tueries et de destructions, s’est relevée de ses cendres et de ses ruines, toujours debout, vivante et en pleine forme.

On nous a dit que cette organisation était nazie, cruelle, monstrueuse, démoniaque - non seulement dans les discours excités de la rue, mais aussi par les plus grands présentateurs de télévision, la voix d’Israël et ceux qui arrangent la réalité. La réalité, comment dire, était quelque peu en contradiction avec ces déclarations.

La compétition entre les présentateurs de télévision pour savoir qui pouvait le plus vilipender le Hamas dans leurs studios était en contradiction grotesque avec le spectacle réconfortant et relativement encourageant des femmes libérées de leur captivité. Elles se tenaient droites, distribuaient des sourires, tenaient des sacs contenant des souvenirs qui leur avaient été donnés par leurs ravisseurs.

Elles n’avaient pas du tout la même allure que les détenus palestiniens à leur libération, dont certains au moins ont l’air de véritables épaves. On peut supposer qu’à l’avenir, nous assisterons à des scènes plus dures de libération d’otages israéliens, et il est évident qu’il ne faut pas prendre à la légère les souffrances endurées par les soldates libérées, mais ce n’est pas à ça que ressemblent des personnes libérées par des nazis.

Regardez-nous, comme nous sommes beaux, comme nous sanctifions la vie. Nous sommes prêts à payer n’importe quel prix pour libérer nos otages. Cette perception de soi contraste avec la vérité persistante et contrariante selon laquelle la cérémonie de samedi aurait pu avoir lieu il y a huit mois, peut-être dans les jours qui ont suivi le 7 octobre. L’affirmation selon laquelle eux sanctifient la mort et nous la vie est peut-être le plus vil des mensonges.

Après 50 000 morts, pour la plupart d’innocents, causées par les forces de défense israéliennes, , il est inutile de gaspiller des mots sur cette idée. Israël sanctifie à peine la vie de ses propres fils - avec plus de 800 soldats morts au combat, on peut en douter - et ne sanctifie définitivement pas la vie d’un quelconque être humain.

Rien n’est moins cher en Israël que la vie d’un Palestinien, en temps de guerre comme au quotidien. Demandez à Gaza quelle valeur les soldats et les pilotes israéliens attribuent à la vie humaine. Ceux qui ont systématiquement détruit tous les hôpitaux de Gaza, tiré sur les ambulances et tué des centaines de secouristes n’ont pas sanctifié la vie, mais l’ont écrasée.

La solidarité a également été falsifiée ad nauseam samedi. Un ruban jaune sur une voiture n’est pas de la solidarité. Les Israéliens se soucient les uns des autres ? C’est une plaisanterie. Parcourez les autoroutes, faites la queue, considérez la falsification massive des documents d’invalidité. Ce n’est pas de la solidarité ou de l’attention réciproque, c’est le règne des puissants ; c’est chacun pour soi, et aucune parole noble ne peut cacher cette réalité.

Samedi, Israël a célébré le retour de quatre otages. La joie était sincère, émouvante et générale. Mais le maquillage était de mauvaise qualité, les accessoires bon marché et le kitsch rappelait Bollywood. Avec un peu plus de vérité et moins de mensonges, cette célébration aurait pu être beaucoup plus complète.


10/11/2024

GIDEON LEVY
Amsterdam-Gaza : un pogrom imaginaire pour justifier un génocide réel

Gideon Levy, Haaretz, 10/11/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Un pogrom hideux et criminel [sic] contre des supporters de football israéliens a eu lieu à Amsterdam jeudi. Des pogroms similaires, perpétrés par des colons, ont lieu presque quotidiennement en Cisjordanie. Les pogroms de Huwara, par exemple, ont dépassé par leur ampleur et leur violence même l’Holocauste II à Amsterdam. Le lendemain du pogrom aux Pays-Bas, des colons violents se sont déchaînés à Surif ; deux jours auparavant, ils s’étaient déchaînés à Al-Maniya.

 Alors que des Israéliens étaient tabassés à Amsterdam, dans la bande de Gaza, des dizaines de personnes ont été tuées sans distinction, y compris de nombreux enfants, comme c’est le cas tous les jours. Les pogroms quotidiens en Cisjordanie et, bien sûr, la guerre à Gaza n’ont pas été comparés à l’Holocauste ; le président de Yad Vashem n’a pas été interrogé à leur sujet ; aucune force de secours n’a été envoyée pour sauver les victimes ; le ministre israélien des affaires étrangères et le président de la Knesset n’y ont pas vu l’occasion d’une séance de photos. Ces pogroms ont lieu tous les jours et personne ne se soucie de vous en informer.
Israël a battu jeudi un nouveau record d’auto-victimisation, et les médias ont battu un nouveau record d’incitation à la haine, d’exagération, d’alarmisme et, surtout, de dissimulation des informations qui ne cadrent pas avec le récit, que leurs consommateurs apprécient. Amsterdam était une occasion à ne pas manquer : une fois de plus, des Juifs sont tabassés en Europe.
Un fan de football du Maccabi Tel Aviv a raconté qu’il avait visité la veille la Maison d’Anne Frank - quelle coïncidence qui fait froid dans le dos - et l’animateur radio a failli fondre en larmes. La correspondante de la propagande israélienne de droite et ultranationaliste en Allemagne, Antonia Yamin, a expliqué que « l’Europe ne comprend pas le problème » : l’année dernière, 300 membres d’une famille de Khan Younès sont venus à Berlin et certains d’entre eux sont déjà connus de la police. Gaza est également à blâmer à Amsterdam. Yamin a bien sûr oublié de mentionner l’enfer d’où venait cette famille et qui l’avait créé.
C’est comme ça quand on vit dans la bulle chaude et confortable, complètement déconnectée de la réalité, dans le déni complet, que les médias israéliens construisent pour nous : nous sommes toujours les victimes et les seules victimes ; il n’y a eu un massacre que le 7 octobre; tout Gaza est à blâmer ; tous les Arabes sont assoiffés de sang ; toute l’Europe est antisémite. Vous en doutez ? Voyez la Nuit de Cristal à Amsterdam.
Et maintenant, les faits : à Amsterdam, certains supporters israéliens se sont déchaînés dans les rues avant même le pogrom : les médias israéliens n’ont presque jamais montré les cris dégoûtants « Nous allons baiser les Arabes » (en hébreu) et l’arrachage d’un drapeau palestinien légitimement accroché au balcon d’un immeuble, ce qui pourrait gâcher l’image de l’antisémitisme. Personne n’a posé la première question que la vue de la violence et de la haine à Amsterdam aurait dû soulever : pourquoi nous détestent-ils à ce point ? Non, ce n’est pas parce que nous sommes juifs.
Non pas qu’il n’y ait pas d’antisémitisme : bien sûr qu’il existe et qu’il doit être combattu, mais la tentative de tout mettre sur le dos de l’antisémitisme est ridicule et mensongère. Un vent anti-israélien a soufflé sur Amsterdam jeudi, et c’est ce qui a déclenché le pogrom. Les immigrés nord-africains, les Arabes et les Néerlandais qui se sont révoltés ont vu les horreurs commises à Gaza au cours de l’année écoulée. Ils n’ont pas l’intention de les passer sous silence.
Pour eux, les victimes sont leurs frères et leurs compatriotes. Et qui peut rester indifférent lorsque son peuple est massacré de manière aussi cruelle ? Chaque garçon de café marocain dans chaque ville néerlandaise reculée a vu bien plus de Gaza que les experts des affaires arabes en Israël. Aucune personne décente ne peut rester indifférente aux images de Gaza. Les émeutiers d’Amsterdam ont commis des actes de violence flagrants et méritent d’être condamnés et punis. Rien ne peut justifier un pogrom, ni à Amsterdam, ni à Huwara.
Mais les émeutes d’Amsterdam ont aussi un contexte, et Israël ne veut pas l’aborder. Il préfère envoyer un garde du corps avec chaque supporter israélien qui se rendra désormais en Europe plutôt que de se demander pourquoi ils nous haïssent tant et comment cette haine peut être apaisée. Après tout, elle n’avait pas éclaté de la sorte avant la guerre de Gaza.
Il s’agit là d’un autre coût de la guerre à Gaza qui aurait dû être pris en compte : le monde nous détestera pour cela. Chaque Israélien à l’étranger sera désormais la cible de la haine et de la violence. C’est ce qui arrive lorsque l’on tue près de 20 000 enfants, que l’on procède à un nettoyage ethnique et que l’on détruit la bande de Gaza. C’est une petite bizarrerie du monde : il n’aime pas ceux qui commettent ce genre de crimes.

 NdT
1-Mais que fait donc Israël dans l’Europa League ?
2-Les détenteurs d’un passeport israélien peuvent voyager dans 128 pays du monde, dont ceux d’Europe à une seule exception (Arménie), sans visa
3-Les polices de l’Union européenne surveillent les hooligans, tifosi et autres supporters de près et les fichent, mais apparemment pas les 2 700 “Maccabi Fanatics” débarqués à Amsterdam. Or, à l’occasion du match de Conference League face à Olympiakos en mars 2024, les fanatics du Maccabi Tel Aviv avaient à nouveau fait parler d’eux en agressant sauvagement trois personnes sur la place Syntagma à Athènes. Un lynchage en règle qui avait envoyé une des victimes, d’’origine arabe, à l’’hôpital.
4-Les autorités turques viennent d’interdire la tenue, prévue pour le 28 novembre, d’un match entre Beşiktaş et Maccabi, qui devrait se tenir dans un “pays neutre” (le Groenland ? Les îles Kamchatka ? Les Galapagos ?)
5-Les autorités françaises ont en revanche décidé de maintenir le match France-Israël (Ligue des Nations) prévu pour le jeudi 14 novembre au Stade de France. On annonce la venue de 70 à 90 supporters israéliens, pour la protection desquels 2 500 policiers et gendarmes seront réquisitionnés, outre plusieurs compagnies de CRS réparties dans la capitale [en tout, de 4 000 à 4 500 uniformés]. « Le Stade de France et ses abords seront bunkérisés », a déclaré une source policière au journal L’Équipe. Prix de l’opération (pour les contribuables) : un minimum de 250 000 € [plus un ensemble de primes d'un montant inconnu], soit environ 2500 € par supporter.
On vit une époque formidable
Lire aussi : Violences à Amsterdam: Qui sont les supporters du Maccabi Tel Aviv?

08/09/2024

NOUR ALHAKK
Les Juifs ont-ils fait fleurir des déserts ?
Contes et légendes sionistes sur le vol des terres palestiniennes

 Nour Alhakk, 6/9/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Nour Alhakk est un testeur logiciel d’origine palestinienne vivant au Canada.

Chaque fois que j’entends un premier ministre israélien, je me souviens de l’observation incisive de Norman Finkelstein:

« S’il existait un Oscar pour la meilleure performance théâtrale d’un pays, Israël le remporterait chaque année. C’est une nation construite sur le théâtre - un État lunatique, complètement zinzin ».

 Une femme palestinienne récoltant des oranges à Jaffa, en Palestine, années 1930. (Source : Yaffa48)

Lorsque le Polonais David Grün alias Ben Gourion a proclamé la création de son État colonial, il a déclaré :

« Poussés par cet attachement historique et traditionnel, les Juifs se sont efforcés, à chaque génération successive, de se rétablir dans leur ancienne patrie. Au cours des dernières décennies, ils sont revenus en masse. Pionniers, ma’pilim (terme hébreu désignant les immigrants défiant la législation restrictive britannique) et défenseurs, ils ont fait fleurir les déserts, fait revivre la langue hébraïque, construit des villages et des villes... ».

On peut s’interroger : Quel était l’état mental de Ben Gourion lorsqu’il a fait cette déclaration ? Était-il sous l’influence de l’alcool ? Depuis quand la Palestine était-elle un désert ?

Pendant plus de 200 ans, les musulmans et les croisés se sont disputé férocement la Palestine, qui n’était pas une terre stérile.  [avant eux, Alexandre le Grand, en route de l’Égypte vers Canaan, a fait le siège de Gaza pendant 3 ans, NdT]. En 1799, le général Napoléon Bonaparte a envahi Gaza et Jaffa, avant d’essuyer une défaite décisive en tentant de s’emparer d’Acre. Napoléon essayait-il de conquérir un désert ?

La description de la Palestine par Ben Gourion comme une terre désolée n’est pas seulement inexacte, c’est aussi une déformation flagrante de l’histoire.


Yosef Weitz, 1945 Source Wikipedia

L’incohérence de l’affirmation de Ben Gourion sur le désert : le journal de Yosef Weitz de 1941 et la vérité sur la terre palestinienne

À quoi ressemblait réellement la Palestine avant la création de l’État d’Israël ?

Pour répondre à cette question, je me tournerai non pas vers un Palestinien, un Arabe ou un musulman, mais vers un proche allié de David Ben Gourion.

Yosef Weitz, un Polonais juif arrivé en Palestine en 1908 - douze ans avant Grün - était une figure clé du département de colonisation du Fonds national juif. Le journal de Weitz, qui s’étend sur cinq volumes et qui est conservé aux Archives sionistes de Jérusalem, commence en 1932 et se poursuit jusqu’à sa mort en 1970. Ce journal est rempli de notes urgentes visant à saisir les opportunités offertes par la guerre de 1948 et contient des preuves incriminantes de crimes de guerre, de pillages et d’atrocités commis par les forces de l’« État juif » nouvellement établi.

Au cours de l’été 1941, Weitz a parcouru le centre de la Palestine et a consigné ses observations dans son journal :

« De grands villages [arabes palestiniens] peuplés et entourés de terres cultivées où poussent des olives, des raisins, des figues, du sésame et des champs de maïs...

Serions-nous en mesure de maintenir des colonies dispersées parmi ces villages [arabes palestiniens] existants qui seront toujours plus grands que les nôtres ?

Et y a-t-il une possibilité d’acheter leurs [terres] ?...

Et une fois de plus, j’entends cette voix intérieure qui m’appelle : évacuez ce pays ». (Expulsion des Palestiniens, 133)

Ce récit contredit directement toute affirmation selon laquelle la Palestine était une terre stérile avant la création d’Israël.


Photographie de 1914 : Les orangeraies de Jaffa, Palestine. Source : Palestine Remembered

En outre, lorsque l’Assemblée générale des Nations unies a adopté le plan de partage de la Palestine en 1947, Weitz a noté que la majeure partie des terres cultivables de l’« État juif » proposé appartenait à des Palestiniens. Il a écrit :

« [La plupart des terres sont] cultivées par des Palestiniens :

« [La plupart des terres] n’appartiennent pas à des Juifs ni même à la catégorie du domaine de l’État dont la propriété pourrait être automatiquement assumée par un gouvernement successeur. Ainsi, sur les 13 500 000 dunums (dont 6 000 000 de désert et 7 500 000 dunums de terres cultivables) de l’État juif selon le plan de partage, SEULEMENT 1 500 000 dunums appartenaient à des Juifs ». (Expulsion des Palestiniens, p. 183)

Ces documents de Weitz révèlent un paysage riche en terres cultivées et soulignent l’écart important entre la réalité de la propriété palestinienne et les affirmations faites sur le statut de la terre.

Photographie de 1940 : La rue Nuzha : l’une des rues les plus célèbres de Jaffa, Palestine (Source : Palestine Remembered)

Le vol des terres

Les intentions de Weitz à l’égard de la population palestinienne sont tout aussi révélatrices. Lors d’une réunion avec le Comité des transferts, le 15 novembre 1937, il déclare :

« ...le transfert de la population arabe [palestinienne] de la zone de l’État juif n’a pas qu’un seul but : diminuer la population arabe.

Il sert également un second objectif, non moins important, qui est de plaider pour les terres actuellement détenues et cultivées par les Arabes [palestiniens] et de les libérer ainsi pour les habitants juifs ». (Expulsion des Palestiniens, p. 94-95)

Cette déclaration souligne que le « transfert » des Palestiniens n’était pas seulement une stratégie démographique, mais aussi un effort calculé pour les déposséder de leurs terres, facilitant ainsi leur appropriation par les colons juifs. La combinaison des observations et des intentions de Weitz donne une image plus claire de l’approche systématique du déplacement des Palestiniens et de l’appropriation de leurs terres.

Sources :

1.      Masalha, Nur. Expulsion of the Palestinians : The Concept of « Transfer » in Zionist Political Thought, 1882-1948. Washington, DC : Institut d’études palestiniennes, 1992. 

2. Jaffa avant l’occupation israélienne : Jaffa - يافا (יפו) - Palestine Remembered

NdT

« Nous avons fait refleurir le désert » est un des mantras principaux des contes et légendes sionistes tout de suite après celui proclamant que la Palestine était « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». On peut lire un exemple de cette propagande dans Faire fleurir le désert est un exploit qu’Israël est le seul à le [sic] faire au Moyen – Orient !, par Souhail Ftouh, un Tunisien se disant avocat, qui a « choisi l’exil » (vers la France) en 2012 pour mieux défendre la « cause juive » sur des sites ouèbe sionistes et fascistes.

Le site de Battir, situé à quelques kilomètres au sud-ouest de Jérusalem, dans les hautes terres entre Naplouse et Hébron a été inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO en 2014. Le paysage de collines de Battir comprend une série de vallées agricoles, widian, caractérisées par des terrasses de pierre, certaines irriguées pour la production maraîchère, d’autres sèches et plantées de vignes et d’oliviers. Le développement de ces terrasses cultivées, dans un environnement très montagneux, s’est appuyé sur un réseau de canaux d’irrigation alimenté par des sources souterraines. L’eau collectée grâce à ce réseau est attribuée selon un système traditionnel de répartition équitable entre les familles du village de Battir, situé à proximité de ce paysage culturel. Drôle de « désert »

 

20/08/2024

MEHDI HASAN
Tout le monde est du Hamas (c’est du moins ce que disent Israël et ses partisans)

Ma liste de A à Z de toutes les personnes et organisations (anglophones) qui ont été ridiculement accusées de soutenir le Hamas depuis le 7 octobre

Mehdi Hasan, Zeteo, 16/8/2024
Traduit par Hassina Bint Houmous

 Sûrement des membres du Hamas. Photo Justin Tallis/AFP

« Mais le Hamas ! »

C’est le refrain favori de tous les ardents défenseurs de la guerre brutale d’Israël contre Gaza. Et ces partisans sont, sans aucun doute, implacables.

« Hamas, Hamas, Hamas ».

C’est constant, incessant, sans fin.

Tous ceux que l’armée israélienne tue à Gaza sont des membres du Hamas. Tous ceux qui prennent la défense de la population de Gaza sont des membres du Hamas.

C’est la plus grande et - pensent-ils - la meilleure diffamation dont ils disposent.

Mais pour illustrer à quel point cette diffamation est devenue absurde, j’ai dressé une liste, par ordre alphabétique, de toutes les personnalités ou organisations (anglophones) auxquelles j’ai pu penser, qu’elles soient politiques ou apolitiques, juives ou non juives, qui ont été accusées depuis le 7 octobre 2023 de « soutenir » le Hamas, de « sympathiser » avec le Hamas, de faire l’« apologie » du Hamas*.

Voici la liste (avec les liens vers les accusations )*:

Amnesty International est du Hamas

Alexandria Ocasio-Cortez est du Hamas

Bella Hadid est du Hamas

Ben & Jerry’s est du Hamas

Bernie Sanders est du Hamas

Billy Eilish est du Hamas

Cate Blanchett est du Hamas

Charlotte Church est du Hamas

Les enfants de Gaza sont du Hamas

Chuck Schumer est du Hamas

Les étudiants sont du Hamas

Cori Bush est du Hamas

Elizabeth Warren est du Hamas

Le chef des affaires étrangères de l’UE (Josep Borrell) est du Hamas

Gary Lineker est du Hamas

Harvard est du Hamas

Les familles des otages sont du Hamas

Human Rights Watch est du Hamas

Les jeunes qui font du patin à glace sont du Hamas

IfNotNow est du Hamas

Jake Tapper est du Hamas

Les professeurs juifs sont du Hamas

Jewish Voice For Peace (JVP) est du Hamas

Joe Biden est du Hamas

John Cusack est du Hamas

John Oliver est du Hamas

Jonathan Glazer est du Hamas

José Andrés est du Hamas

Kamala Harris est du Hamas

Keir Starmer est du Hamas

Kenneth Roth est du Hamas

Le maire de Londres est du Hamas

Mme Rachel [Rachel Griffin Accurso] est du Hamas

Norman Finkelstein est du Hamas

Oxford University Press est du Hamas

Pramila Jayapal est du Hamas

L’Afrique du Sud est du Hamas

L’Espagne est du Hamas

Le Département d’État est du Hamas

Susan Sarandon est du Hamas

Les Nations Unies, c’est du Hamas

Le chef des opérations humanitaires de l’ONU est du Hamas

UNRWA est du Hamas

La rapporteure spéciale des Nations unies pour la Palestine est du Hamas

LOrganisation mondiale de la santé est du Hamas

Zara Larsson [chanteuse suédoise] est du Hamas

Quelle que soit la célébrité, le respect ou la crédibilité d’une personne ou d’une organisation, ce que nous avons appris depuis le 7 octobre, c’est que si vous osez parler en faveur des droits des Palestiniens, ou critiquer ou même remettre en question les actions d’Israël à Gaza, vous recevez automatiquement l’étiquette du Hamas. C’est aussi simple que ça. Et tout aussi ridicule.

* Si j’ai oublié d’autres exemples évidents, n’hésitez pas à les mentionner dans les commentaires ci-dessous !

09/06/2024

GARY FIELDS
1984, c’est maintenant : la novlangue et le déni du génocide

Gary Fields, Jadaliyya, 30/4/2024
Traduit par
Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Fin mars, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a publié le rapport de Francesca Albanese confirmant ce que les chercheurs en génocide, les reporters sur le terrain à Gaza et les États-nations à la Cour internationale de justice ont soutenu pendant des mois à propos de la guerre d’Israël contre l’enclave : l’assaut d’Israël contre le peuple de Gaza a atteint le seuil du génocide. Intitulé « Anatomie d’un génocide », le rapport décrit à grands traits et avec des détails graphiques ce qui est apparu comme l’offensive militaire la plus destructrice menée contre un territoire et son peuple depuis la Seconde Guerre mondiale. Cet assaut israélien a entraîné la mort de plus de 34 000 Gazaouis, dont plus de 14 000 enfants ; la destruction d’hôpitaux, d’écoles et de toutes les universités de Gaza ; l’arasementde 75 % du parc de logements et des infrastructures civiles de Gaza, y compris les usines de dessalement d’eau et les centrales électriques ; la destruction de sources de production alimentaire telles que des boulangeries et des fermes ; et l’anéantissement de symboles culturels, notamment des mosquées et des églises. 


Antonio Rodríguez, Mexique

En parallèle à ce carnage, comme le note le rapport, l’État d’Israël s’est engagé dans un effort délibéré pour éradiquer la population de Gaza en empêchant les produits de première nécessité – nourriture, eau, carburant et médicaments – d’entrer sur le territoire et a même tué des centaines de travailleurs humanitaires essayant de livrer des cargaisons d’urgence au peuple gazaoui.

02/04/2024

REBECCA RUTH GOULD
“Nouvel antisémitisme” : ces mots qui tuent
Comment le mythe du “Juif collectif” protège Israël des critiques : un livre d’Antony Lerman


Rebecca Ruth Gould, deterritorialization,  30/3/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Dans Whatever Happened to Antisemitism ? Redefinition and the Myth of the ‘Collective Jew’ [Qu’est-il advenu de l’antisémitisme ? La redéfinition et le mythe du “Juif collectif”](Pluto Books, 2022), Antony Lerman examine ce qui est arrivé à l’antisémitisme au cours des cinq dernières décennies. Comment l’effort de définition de l’antisémitisme s’est-il aligné sur la réduction au silence des discours critiques à l’égard d’Israël ? L’histoire est complexe et n’a jamais été racontée avec autant de détails et de profondeur que dans ce livre.

Lerman écrit en tant que figure centrale des débats sur l’antisémitisme. En plus d’être un observateur de longue date de la lutte contre l’antisémitisme, il a également participé à l’élaboration de cette histoire. Il a été directeur de l’Institut des affaires juives* à partir de 1991, et c’est à ce titre qu’il a fondé le rapport mondial sur l’antisémitisme, qui a été publié de 1992 à 1998.

 
Anthony Lerman, lors d’une présentation de son livre au Musée juif de Hohenems, en Autriche, en novembre 2022

Lerman décrit et documente les pressions intenses qu’il a subies pour aligner le programme de recherche de son institut sur le projet d’étude de l’antisémitisme de l’université de Tel-Aviv, financé par le Mossad. En fin de compte, le refus de Lerman de s’aligner sur les objectifs sionistes et pro-israéliens des organisations israéliennes et usaméricaines a fait de lui la cible d’attaques de la part de l’establishment. Il a décidé de démissionner de son poste en 2009, afin d’écrire de manière indépendante sur le sujet de l’antisémitisme, libre de toute contrainte institutionnelle.

S’appuyant sur des décennies de recherches empiriques approfondies, Lerman nous guide de manière experte à travers les nombreux changements qui ont eu lieu dans la signification de l’antisémitisme au cours des dernières décennies. Comme il le souligne, même si l’attention du monde s’est déplacée vers le soi-disant « nouvel antisémitisme" »centré sur la critique d’Israël, le « nouvel antisémitisme » n’a pas remplacé l’ancien antisémitisme, qui prospère même à une époque où la quasi-totalité de la censure se concentre sur le « nouvel antisémitisme ».

Lerman rejoint d’autres chercheurs, tels que la théoricienne critique interdisciplinaire Esther Romeyn, pour considérer le nouvel antisémitisme comme « un champ de gouvernance transnational" »qui est « contrôlé par des “acteurs” institutionnels et humains ». Ces acteurs comprennent les Nations unies, l’UNESCO, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la Commission européenne, diverses institutions communautaires, ainsi qu’une foule de politiciens et d’experts en la matière. Ces organisations « définissent, inventent des outils et des technologies de mesure, analysent, formulent des déclarations politiques et des programmes, et élaborent des “interventions” pour traiter et corriger » ce qu’elles considèrent comme le “nouvel antisémitisme”, qu’elles confondent souvent avec l’antisionisme et les critiques à l’égard d’Israël.

En d’autres termes, le discours qui mobilise les sociétés contre le “nouvel antisémitisme” est un outil de gouvernance, et pas seulement - ni même principalement - une praxis antiraciste. Cet outil de gouvernance s’est avéré de plus en plus utile aux États occidentaux ces dernières années dans leurs efforts pour réprimer le discours et l’activisme propalestiniens.

Une perspective historique

En expliquant comment le vieil antisémitisme a été reconfiguré en “nouvel antisémitisme” dans l’imaginaire politique des États et des institutions d’Europe et d’Amérique du Nord, Lerman identifie le 11 septembre comme le tournant décisif. Le 11 septembre marque également un tournant dramatique dans la guerre contre le terrorisme. À partir de ce moment, les attaques disproportionnées menées par les grandes puissances mondiales contre l’Afghanistan, l’Irak, le Xinjiang, le Cachemire et maintenant Gaza ont commencé à être considérées comme nécessaires et acceptables pour le maintien de l’ordre mondial.

Au moment même où l’antisémitisme était redéfini pour englober la critique d’un État-nation spécifique - Israël - les plus grandes puissances militaires du monde affirmaient leur droit à se défendre contre les insurgés terroristes et d’autres acteurs non étatiques sans tenir compte de la proportionnalité. Cette intersection entre la guerre et le discours politique sur l’antisémitisme est révélatrice car, comme l’affirme Lerman de manière lapidaire, « On ne peut pas faire la guerre à une abstraction ».

Les sections historiques (chapitres 3, 5 et 7) comptent parmi les parties les plus convaincantes de l’ouvrage. Elles documentent les défis lancés à l’État d’Israël et à l’idéologie politique du sionisme à l’ONU, ainsi que les institutions qui se sont développées en réponse à ces défis entre les années 1970 et 2000. L’un des principaux enseignements de la trajectoire historique esquissée par Lerman est que le “nouvel antisémitisme” n’est pas aussi nouveau que nous l’imaginons généralement. La tendance à confondre les critiques de gauche à l’égard d’Israël avec l’antisémitisme peut être observée dans les déclarations de responsables israéliens datant des années 1970.

En 1975, les Nations unies ont adopté la résolution 3379, qui qualifie le sionisme de « forme de racisme et de discrimination raciale ». Pourtant, dès 1973, le ministre israélien des Affaires étrangères, Abba Eban, avait perçu le sens de la marche et s’était rendu compte de l’hostilité des pays du Sud et de certains courants de gauche à l’égard d’Israël. « La nouvelle gauche est l’auteur et le géniteur du nouvel antisémitisme », affirmait Eban. Se projetant dans l’avenir, Eban ajoutait que « l’une des tâches principales de tout dialogue avec le monde des Gentils [goyim, non-juifs] est de prouver que la distinction entre l’antisémitisme et l’antisionisme n’est pas une distinction du tout ». Dans cette première déclaration, nous pouvons discerner l’idée maîtresse des débats sur l’antisémitisme qui allaient consumer les institutions communautaires et politiques juives jusqu’à aujourd’hui.

Bien que le livre de Lerman soit aujourd’hui l’étude définitive sur le sujet, il est nécessaire de signaler quelques erreurs de typographie et de translittération. Par exemple, il est impossible de savoir où commence une citation de Romeyn à la page 9 (paragraphe quatre). Plus important encore, nakba est mal orthographié en tant que naqba à la page 3. Espérons que les éditeurs procéderont à une relecture approfondie pour la prochaine édition.

Une prochaine édition sera certainement nécessaire. Les controverses autour de l’antisémitisme en relation avec Israël-Palestine, documentées dans ce livre historique, sont susceptibles de s’intensifier dans un avenir prévisible, alors que la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza se poursuit et que la menace d’un nettoyage ethnique plane sur la Cisjordanie. Nous devrions également être reconnaissants à Lerman d’avoir un livre objectif, fondé sur des principes et érudit pour nous guider à travers ces désastres.

*NdT : fondé en 1941 à New York sous les auspices du Congrès Juif Mondial, l’Institute of Jewish Affairs a déménagé à Londres en 1965 et a été renommé Institute for Jewish Policy Research en 1996

Pour lutter contre le racisme, nous avons besoin d’une approche matérialiste

Sur la politique de définition de l’antisémitisme - et de résistance à l’antisémitisme

Rebecca Ruth Gould, ILLUMINATION-Curated, 20 février 2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Pendant la première Intifada (1987-1993), l’artiste palestinien Sliman Mansour a commencé à dépeindre l’érosion des frontières de la Palestine par l’occupation militaire israélienne.

Les artistes palestiniens étaient engagés dans un boycott des produits israéliens, et Mansour n’avait accès qu’aux matériaux locaux qui pouvaient être obtenus sans commerce avec Israël : bois, cuir, boue, henné, teintures naturelles et objets trouvés.

À partir d’un mélange de bois, de boue et de teintures naturelles, il a produit une image tridimensionnelle de la Palestine, qu’il a appelée "Shrinking Object" (objet qui rétrécit). Vu en trois dimensions, le cadre de Mansour s’agrandit à mesure que la Palestine s’éloigne du champ de vision.

 

Shrinking Object ( (شئ متقلص), boue sur bois, 1996 , par Sliman Mansour

Bien qu’elle ait été créée en 1996, l’image d’une Palestine qui se rétrécit est encore plus prégnante aujourd’hui. Au cours des décennies écoulées, les frontières de la Palestine ont encore reculé. Elles ont été recouvertes par des centaines de colonies israéliennes qui ont effectivement effacé la frontière entre la Palestine et Israël et rendu obsolète le concept d’une solution à deux États.

J’ai choisi “Shrinking Object” comme couverture de mon livre, Erasing Palestine. L’image illustre parfaitement le parallèle entre l’effacement des terres palestiniennes par l’expansion du régime de colonisation et la réduction au silence de l’activisme palestinien en Europe et en Amérique du Nord.