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24/03/2024

CAROLINE TRACEY
Un rêve de checkpoint en plein désert : 30 ans après son entrée en vigueur , l’Accord de libre-échange nord-américain face à une contradiction insoluble
Libre passage pour les marchandises, accès contrôlé pour les humains

Versión española : Una garita soñada en el desierto
English version : Checkpoint Dreams

Caroline Tracey, Nexos, 1/1/2024
Dessins de Ricardo Figueroa
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

À en juger par les plans architecturaux que le ministère de la Sécurité intérieure [DHS] a soumis au Congrès usaméricain en 2009, le Poste de contrôle intérieur de la patrouille frontalière [BPIC, Border Patrol interior checkpoint] sur l’autoroute inter-États I-19 allait être gigantesque. Le poste de contrôle serait situé au milieu du désert de l’Arizona, à quelque 35 kilomètres au nord d’Ambos Nogales, les villes-jumelles frontalières loin de la frontière proprement dite.

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Le projet abandonné de megacheckpoint



D’où l’oxymore révélateur du nom officiel du poste de contrôle : comment peut-il se trouver à l’intérieur des terres s’il s’agit d’un poste de contrôle frontalier ? La réponse, selon l’agence des douanes et de la protection des frontières, est très simple : la frontière entre les USA et le Mexique est très large : 160 kilomètres à l’intérieur des terres à partir de la frontière territoriale des USA, pour être exact. Dans cette zone d’exception - où vivent les deux tiers de la population usaméricaine - le gouvernement usaméricain a suspendu la protection constitutionnelle contre les “recherches et saisies” ; la patrouille frontalière peut monter dans n’importe quel véhicule et procéder à une fouille sans mandat.

D’un autre point de vue, cependant, la frontière entre le Mexique et les USA devait être aussi mince que possible. L’intégration des chaînes d’approvisionnement des deux pays, réalisée par l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA), a fait de la circulation efficace des produits, des biens et des matières premières d’un côté à l’autre de la frontière un impératif non seulement juridique, mais aussi économique.

D’où l’autre oxymore - implicite, certes, mais évident compte tenu du contexte géographique et historique - du nom officiel du point de passage frontalier : comment concilier le contrôle des frontières et le libre-échange ? La réponse, selon le département de la sécurité intérieure, était encore une fois très simple : construire le plus grand point d’inspection de l’histoire des USA.

Mais aujourd’hui, le poste de contrôle de l’I-19 est une triste structure métallique au milieu du désert. L’immense complexe dont rêvaient les ingénieurs du gouvernement usaméricain n’a jamais été construit. Comme tant d’autres ambitions usaméricaines dans les années qui ont suivi l’entrée en vigueur de l’ALENA, leurs plans sont restés à l’état de projets.

Le plan initial du BPIC prévoyait que le trafic automobile privé serait dévié vers sept voies équipées de cabines d’inspection à l’arrivée au poste de contrôle depuis l’autoroute. Peu de temps après, les ingénieurs ont toutefois estimé que cette solution était insuffisante et qu’il valait mieux construire vingt-deux voies. Le trafic des camions commerciaux et des passagers serait quant à lui dévié vers une autre zone d’inspection, à côté du parking pour les voitures des 39 agents de la patrouille frontalière qui travailleraient au BPIC 24 heures sur 24.

D’autres zones comprendraient des chenils pour les K-9 [=Ka-Nine, chiens policiers] entraînés à renifler la drogue, un ascenseur pour véhicules, des tours équipées de radars et d’autres systèmes de communication (dans le cadre d’un contrat attribué à Boeing, puis annulé faute d’autorisation du ministère de l’Intérieur), un entrepôt pour la contrebande confisquée, une salle informatique avec accès aux bases de données de renseignements sur les groupes terroristes et le crime organisé, et un centre de détention pouvant accueillir trois cents personnes que le langage officiel du gouvernement usaméricain qualifie d’illégales.

Tout cela était nécessaire, ont expliqué les responsables du DHS, car la plupart des migrants sans papiers qui tentaient d’entrer dans le pays le faisaient dans la région sud de l’Arizona, où passe l’I-19 avant de rejoindre la route fédérale 15 du Mexique. Alors que la Border Patrol divise la frontière avec le Mexique en neuf secteurs, ces années-là, la moitié des arrestations ont eu lieu dans le secteur de Tucson.

La patrouille frontalière usaméricaine divise sa stratégie de contrôle et de surveillance - appelée defense in depth (“défense en profondeur”)- en trois couches, chacune plus éloignée de la frontière : line watching, la surveillance de la ligne (l’observation constante de la frontière elle-même), roving patrols, patrouilles itinérantes de petits groupes d’agents, parfois à cheval, qui se déplacent dans les zones où circulent le plus de migrants) et, enfin, les BPIC.

« On ne peut pas tout arrêter [le trafic de personnes et de marchandises] à la frontière, alors on ferme les voies de sortie », m’a dit un porte-parole de la patrouille frontalière lors d’un entretien récent. Les BPIC, a-t-il poursuivi, « permettent d’avoir un endroit où l’on peut attraper le trafic qui a réussi à passer [au-delà] de la zone frontalière ».

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 "Operation Wetback" (dos mouillé, mojado) en 1954 : des immigrés mexicains sont reconduits à la frontière dans des cages installées sur des camions

L’idée d’établir des points de contrôle de l’immigration à l’intérieur du territoire n’est pas nouvelle : dans les années 1930, le gouvernement usaméricain a mis en place des points de contrôle dans les gares ferroviaires où arrivaient la plupart des Mexicains. La base juridique de cette politique publique, que de nombreux juristes et militants considéraient comme clairement discriminatoire et inconstitutionnelle, a été établie en 1976, lorsque la Cour suprême a autorisé les agents chargés de ces points de contrôle à considérer la “race” des personnes comme un motif suffisant pour les interpeller et les interroger.


Ce qui est certain, en revanche, c’est que la taille physique et le poids symbolique des BPIC ont énormément augmenté dans les années qui ont suivi l’entrée en vigueur de l’ALENA. L’une des contradictions les plus flagrantes du traité est qu’il favorise la circulation transnationale de deux des trois catégories dont la libre circulation est au cœur de la conception néolibérale classique du libre-échange - les capitaux et les marchandises - mais ne garantit pas la même liberté de circulation pour la troisième et peut-être la plus importante de ces catégories : la main-d’œuvre. Ou, pour le dire en termes moins aliénants : les êtres humains. Les BPIC ont fini par incarner ce paradoxe : ils servent à réguler, en même temps mais de manière opposée, les flux de remorques et de personnes qui ont commencé à arriver à la frontière en nombre toujours croissant dans les années qui ont suivi l’entrée en vigueur de l’ALENA.

Aujourd’hui, lorsque vous passez par l’I-19, vous n’avez même pas besoin de quitter l’autoroute pour passer par le BPIC. À quelques kilomètres du point de passage, vous commencez à voir des panneaux vous invitant à ralentir. Devant vous, des cônes de signalisation apparaissent pour diviser les voies. Enfin, vous atteignez le point de contrôle, qui n’est guère plus qu’une tente surplombant la route et offrant de l’ombre aux patrouilleurs et à leurs chiens. Contrairement aux points de contrôle permanents du Texas, où la patrouille frontalière ne laisse passer personne sans avoir vérifié son droit d’être dans le pays, en Arizona, les agents ne prennent souvent pas la peine de vous ordonner de vous arrêter pour affirmer que vous êtes citoyen usaméricain ou, à défaut, que vous avez les documents nécessaires pour être dans le pays en toute légalité. Ils préfèrent ne pas arrêter la circulation.

Bien qu’il soit en place depuis des années, le BPIC de l’I-19 reste techniquement “temporaire”, faisant du secteur Tucson de la Border Patrol - si prioritaire selon les autorités - le seul à ne pas disposer d’un point de contrôle permanent (les huit autres secteurs comptent au total 32 BPIC). Les raisons de cet éternel provisoire n’ont malheureusement rien à voir avec un respect renouvelé du droit humain à la liberté de circulation. L’argument qui a permis d’arrêter ce nœud central des plans de militarisation des frontières du DHS - une agence qui a la réputation d’être invulnérable à la critique, à l’activisme et même au droit civil - provient de l’une des traditions usaméricaines les plus éculées : la défense à outrance de la valeur de l’immobilier. Pas dans mon jardin, disaient les propriétaires locaux.

Au départ, l’idée était que les BPIC exploiteraient l’effet de surprise. Les points de contrôle “tactiques” changeraient d’emplacement chaque semaine, de sorte que les sans-papiers et leurs guides ne sauraient pas où ils se trouveraient. Le problème est que la patrouille frontalière doit obtenir de nouveaux permis du ministère des transports de l’État à chaque fois qu’elle déplace ces points de contrôle temporaires. Lorsque ce processus bureaucratique s’est avéré trop lourd, l’agence a opté pour des points de contrôle permanents.[1]

Le secteur de Tucson a constitué une exception. En 1999, Jim Kolbe, membre du Congrès de l’Arizona, alors encore membre du parti républicain, a inséré une clause dans la loi déterminant les allocations budgétaires fédérales pour la sécurité des frontières : « Aucun fonds ne sera approuvé pour l’acquisition de terrains, la conception ou la construction d’un poste de contrôle de la patrouille frontalière dans le secteur de Tucson ». Le Congrès a renouvelé la stipulation de Kolbe chaque année jusqu’en 2006. Un avenant adopté en 2003, alors que les BPIC des autres secteurs avaient déjà été construits, obligeait la Border Patrol à déplacer le poste de contrôle du secteur de Tucson tous les quinze jours.

Mais en 2007, Kolbe a pris sa retraite. La patrouille a saisi l’occasion de convertir le point de contrôle nomade de l’I-19 en une installation fixe. Suivant la directive de rechercher des sites avec une bonne visibilité et peu d’issues de secours, les patrouilleurs ont décidé de construire le poste au nord de la ville de Tubac et, comme par dépit pour le sénateur Kolbe, se sont prêtés à la conception du BPIC le plus ambitieux de l’histoire.

Les ingénieurs de Tucson se sont inspirés du poste de contrôle nouvellement construit au nord de Laredo, au Texas : une dalle d’asphalte au milieu d’une forêt qui était alors le plus grand BPIC du pays. Selon les ingénieurs, même les six hectares de la zone du poste de contrôle de Laredo s’étaient avérés insuffisants pour l’opération de scanner de camions. En revanche, le BPIC du secteur de Tucson devait occuper 72 800 mètres carrés [7, 28 ha].

Avant le début des travaux, comme l’exige la loi, la patrouille frontalière a publié dans le journal local une annonce sollicitant les commentaires du public pendant une période de trente jours, mais elle n’a pas reçu un seul commentaire. La réaction des 1 000 habitants de Tubac les a donc pris par surprise : les citadins craignaient que le poste de contrôle ait des conséquences négatives pour les hôtels de charme, les galeries d’art et les complexes de golf qui soutiennent l’économie locale. Un boutiquier local, Old Presidio Traders, a imprimé des affiches sur lesquelles on pouvait lire « Sécurisez la frontière à la frontière » - et pas à Tubac, à plus de 40 kilomètres de la ligne de démarcation - et avec une carte des USA aux couleurs du drapeau. Les habitants de la région les ont brandies lors de leurs manifestations. À une occasion, une douzaine de personnes les ont collées sur les vitres de leur voiture et ont franchi et refranchi le poste de contrôle en masse, encore et encore, pendant des heures.


La plus grande crainte des Tubaqueños était que la présence d’une installation plus proche d’une base militaire que d’un poste de police ne porte préjudice au marché immobilier des villes de Tubac, Green Valley et Sahuarita, toutes des “exurbs” - ou banlieues éloignées - de Tucson dont la population a augmenté rapidement avec l’afflux de retraités et de familles à la recherche d’un logement abordable.

Malgré l’allusion gouvernementale de son nom, le Santa Cruz Valley Citizens Council (Conseil des citoyens de la vallée de Santa Cruz) - le groupe qui a mené l’opposition au point de contrôle - n’aurait pas pu être plus éloigné d’une entité bureaucratique. Il a été fondé dans les années 1980 dans le but de protéger les intérêts des associations de propriétaires (entités privées qui gèrent les lotissements et autres types de propriétés, exerçant souvent le type d’autorité que l’on associe à l’État, et qui sont connues aux USA pour leurs règles strictes et protectionnistes) dans la région. Le directeur des ventes de l’agence immobilière Brasher Realty - l’un des membres fondateurs du conseil des citoyens - a déclaré à un journal local que le barrage routier avait causé des pertes de plus de 5 millions de dollars : de nombreux acheteurs ont résilié leur contrat après avoir appris qu’ils devraient avoir à passer par le BPIC presque tous les jours.

Pour répondre aux protestations, la représentante démocrate Gabrielle Giffords a introduit une clause dans le projet de loi de finances 2009 qui interdisait au ministère de la sécurité intérieure de finaliser les plans visant à établir un BPIC permanent - mais pas nécessairement temporaire - dans le secteur de Tucson jusqu’à ce que le Government Accountability Office (GAO , Bureau de contrôle des comptes publics du Congrès) procède à une évaluation complète de tous les points de contrôle fixes dans le sud-est des USA. Les opposants au BPIC ont calculé que, dans le meilleur des cas, la législation de Mme Giffords interromprait la construction du poste de contrôle pendant deux ou trois ans. Mais aujourd’hui, treize ans après son ouverture en 2010, le pavillon temporaire est toujours là, près de la borne kilométrique 42 de l’ I-19.[2]

En août 2009, le GAO a publié l’évaluation des BPIC demandée par la loi Giffords. Si les enquêteurs ont conclu que les points de contrôle contribuaient à la mission de la patrouille frontalière, ils ont également noté que l’agence avait été si négligente dans la collecte des données requises par la loi qu’il était impossible de déterminer l’efficacité des points de contrôle. Dans un cas, les agents d’un BPIC avaient déclaré toutes les arrestations effectuées dans les 50 kilomètres carrés autour du point de contrôle comme si elles avaient eu lieu dans l’installation du point de contrôle. Dans un autre cas, les agents de patrouille étaient censés déclarer le nombre d’arrestations qu’ils avaient transmises au bureau du procureur des USA - l’idée étant d’évaluer l’efficacité de la patrouille frontalière dans la lutte contre le terrorisme -, mais au lieu de cela, ils ont déclaré le nombre de cas transmis à n’importe quel organisme chargé de l’application de la loi. Les fonctionnaires du secteur de Tucson ont refusé de communiquer leurs statistiques sur les arrestations et les passages clandestins, au motif que le partage de ces informations pourrait profiter à ceux qui cherchent à se soustraire au contrôle. En l’absence de preuves de l’efficacité des points de contrôle intérieurs, le GAO n’a pas pu affirmer que le secteur de Tucson avait atteint ses objectifs, mais il n’a pas non plus pu affirmer qu’il ne les avait pas atteints.

Pendant ce temps, les habitants de Tubac et d’autres villes proches du BPIC continuaient à se plaindre de la baisse de la valeur de leurs propriétés et du déclin de leur industrie touristique.

« Il est impossible que cela n’ait pas affecté nos entreprises depuis qu’il a été installé », a déclaré Garry Hembree, alors président de la chambre de commerce de Tubac, à l’Associated Press en 2012. « Je ne comprends pas comment ils ont pu le faire sans en tenir compte ».


La même année, en 2012, une étude de l’Udall Institute for Public Policy Research de l’université de l’Arizona a conclu que les habitants de Tubac avaient raison : le poste de contrôle avait en effet eu un impact négatif sur l’économie immobilière de la région. Ce rapport a, semble-t-il, sonné le glas du projet de checkpoint géant.

Fidèle au vieil adage selon lequel everything is bigger in Texas, tout est plus grand au Texas, le plus grand BPIC des USA est désormais situé à Falfurrias, une ville de l’État de l’étoile solitaire située sur l’autoroute 281, à une centaine de kilomètres au nord de McAllen. La région est devenue tristement célèbre en 2012 en raison d’une forte augmentation du nombre de décès de migrants. Malgré les protestations des militants, qui ont averti que le BPIC proposé obligerait de nombreux migrants à emprunter des itinéraires encore plus dangereux, le ministère de la sécurité intérieure a décidé de poursuivre le projet d’agrandissement du poste de contrôle. Les responsables de la patrouille frontalière ont fait valoir que la construction du poste de contrôle était impérative en raison du nombre croissant de semi-remorques se déplaçant vers le nord depuis les maquiladoras de la zone frontalière du Mexique.

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Affichage des résultats de l'entreprise Border Patrol : 57 000 kilos de drogues, 16785 étrangers sans documents

Le BPIC de Falfurrias a coûté 30 millions de dollars et a ouvert ses portes en mai 2019. Il dispose de huit voies d’inspection, de niches pour chiens et d’une nouvelle technologie appelée “portails Z”, qui capture des radiographies d’une voiture sous six angles simultanément et qui n’était auparavant utilisée qu’aux points d’entrée à la frontière proprement dite. Les patrouilleurs, qui s’ennuient terriblement lorsque c’est leur tour de gérer le poste de contrôle, l’appellent “Falcatrazz”, en référence à la célèbre prison californienne.

Susan Kibbe, présidente de la South Texas Private Property Rights Association, m’a confié lors d’un récent entretien que les propriétaires terriens locaux n’ont pas protesté contre la construction du BPIC de Falfurrias. Les voisins, m’a-t-il expliqué, auraient préféré que la patrouille frontalière s’en tienne à la surveillance de la frontière (Falfurrias se trouve à 120 kilomètres de Reynosa), mais ils s’étaient désormais habitués au poste de contrôle. Ils ne sont pas aussi préoccupés par la valeur de leurs biens immobiliers, ajoute-t-elle, car la plupart des propriétés de la région « sont de grands ranchs qui ne seront pas vendus ; ils restent dans la famille pendant de nombreuses générations ». Cependant, Mme Kibbe a ajouté qu’elle et ses voisins n’apprécient pas le fait que, malgré les millions qu’a coûté la construction du BPIC, il n’y a souvent que deux ou trois des huit couloirs occupés par des agents. Les autres restent fermés.

Depuis l’entrée en vigueur de l’ALENA, la frontière entre les USA et le Mexique est devenue plus bruyante, plus pavée et plus violente. Cette intensification des tensions dans la région frontalière se manifeste par des détails aussi divers que la perte d’habitats naturels de la faune et l’augmentation de l’asthme chez les enfants de la vallée du Rio Bravo/Grande. La transformation de la frontière est également évidente dans l’expansion constante des installations des forces de l’ordre usaméricaines qui, malgré leur efficacité douteuse, continuent de se multiplier. Quelle que soit la taille des postes de contrôle, l’immigration et la contrebande sont inéluctables. L’idée d’une frontière “fermée” est un fantasme.

Il se peut donc que la tente métallique de l’I-19 soit finalement aussi efficace que le poste de contrôle géant de Falfurrias. Nous ne le saurons jamais : nous n’avons aucun moyen d’estimer avec certitude combien de personnes traversent le désert sans être détectées ou combien de tonnes de drogue sont cachées dans les soutes de camions non inspectés. Dans la contradiction architecturale entre la vision pantagruélique du poste de contrôle de l’I-19 et sa réalité déprimée, les contradictions de l’accord de libre-échange qui a transformé la région prennent une forme tangible.

 Notes


[1] Selon le Government Accountability Office (GAO), les arrestations augmentent considérablement dans les mois qui suivent l'ouverture d'un de ces points de contrôle permanents, mais chutent à nouveau dès que les guides apprennent leur existence et trouvent des moyens de les contourner.

[2] En raison d'un accident de l'histoire - la tentative ratée d'établir le système métrique aux USA - les cent miles de la I-19 traversant Tubac sont le seul tronçon de route de tout le pays marqué en kilomètres. Parallèlement à leur lutte contre le poste de contrôle, les habitants se sont organisés pour rejeter une initiative qui aurait modifié la signalisation dans leur région pour l'aligner sur celle du reste des USA, arguant que l'imposition du système impérial [hérité des Britanniques], comme la construction du BPIC, aurait des conséquences négatives pour l'industrie touristique locale.

CarolineTracey, originaire de Denver, Colorado, est docteure en géographie de l’université de Californie à Berkeley et vit entre Tucson, Arizona et Mexico. Elle se définit comme auteure aridaméricaine Elle couvre le questions d’environnement, de géographie humaine et frontalières du Sud-Ouest des USA et du Mexique pour le mensuel High Country News et est rédactrice de chef de Zócalo Public Square. Son premier livre, Salt Lakes -un recueil de 18 essais offrant une perspective queer sur le changement climatique dans les environnements arides - sera publié en 2026 par Norton Publishers.  @ce_tracey

 

09/11/2021

RYAN DEVEREAUX
Tras 14 meses en prisión, juicio a la activista indígena Amber Ortega por protestar contra el muro de Trump

Ryan Devereaux, The Intercept, 3/11/2021
Traducido del inglés por
Sinfo Fernández, Tlaxcala 

Ryan Devereaux es un galardonado periodista usamericano de investigación que cubre temas de justicia penal, aplicación de la ley de inmigración y seguridad nacional. Ha informado sobre la guerra contra el narcotráfico en México y fue uno de los principales reporteros de la premiada serie de The Intercept “Drone Papers”, en la que sacó a la luz una campaña antiterrorista de EE. UU. en el noreste de Afganistán que tuvo graves consecuencias para los civiles sobre el terreno. Ganador del Premio de Periodismo Online 2017 a la mejor redacción de reportajes para una pequeña redacción, Devereaux ha informado sobre las prácticas policiales desde la ciudad de Nueva York hasta Ferguson, Missouri. Devereaux recibió el premio 2020 del Deadline Club al mejor reportaje periodístico o digital por “Bodies in the Borderlands” (Cuerpos en la frontera), una investigación de un año sobre la represión de la administración Trump contra los voluntarios de ayuda humanitaria que prestan asistencia a los migrantes en el desierto de Arizona. Ha informado ampliamente sobre el Departamento de Seguridad Nacional y, en 2019, reveló una operación conjunta de recopilación de inteligencia entre EE. UU. y México dirigida contra periodistas, abogados y defensores de la inmigración en la frontera entre ambos países; ha hecho el seguimiento de las protestas por la separación de familias por parte de una empresa de inteligencia privada; y se ha infiltrado en un grupo secreto y profundamente controvertido de Facebook utilizado por miles de agentes actuales y antiguos de la Patrulla Fronteriza, incluido el jefe de esta. Antes de colaborar con The Intercept, Devereaux trabajó en el Guardian US. Sus trabajos se han publicado también en Rolling Stone, The Nation y Village Voice. Vive en Brooklyn, Nueva York.

Amber Ortega fue detenida por bloquear la construcción en tierras sagradas del sur de Arizona. Ahora se enfrenta a un juicio en Tucson.

Amber Ortega, una activista de la tribu hia ced o’odham y tohono o’odham posa ante el Monumento Nacional Organ Pipe Cactus el 9 de noviembre de 2019. (Foto: Kitra Cahana/MAPS para The Intercept)

Han pasado cuatro meses desde que Amber Ortega, miembr@ de la tribu hia ced o'odham, de 35 años, fue detenida por bloquear la construcción del muro fronterizo que amenazaba un oasis sagrado del desierto en el sur de Arizona. Ortega fue detenida junto con Nellie Jo David, otra mujer hia ced o'odham, en el manantial de Quitobaquito Springs, un ecosistema de fama mundial situado en el extremo sur del Monumento Nacional Organ Pipe Cactus que ha sido un centro de tradición cultural y espiritual para los o'odham durante miles de años.

Bajo el mandato del presidente Donald Trump y para abrir paso al muro, los contratistas del gobierno atravesaron el prístino hábitat desértico de Organ Pipe en vehículos de varias toneladas, bombeando cientos de miles de galones de agua del acuífero que sustenta los manantiales y destrozando secciones de un cementerio cercano con potentes explosivos. En septiembre de 2020, Ortega y David estaban rezando en los manantiales cuando se encontraron con uno de los equipos de construcción. La pareja se sentó encima de los vehículos del equipo y les dijo que no eran bienvenidos. Los trabajadores llamaron a los equipos tácticos de los agentes de la Patrulla Fronteriza y de la policía del parque, y Ortega y David fueron detenidas.

 

Por un delito menor que normalmente se resuelve con una multa por allanamiento, las dos mujeres fueron desnudadas, encadenadas y conducidas a una cárcel gestionada con carácter privado a unos 210 kilómetros de distancia, donde las mantuvieron incomunicadas, sin poder acceder a un abogado, durante casi 24 horas. Al principio de su caso, un abogado designado por el tribunal le dijo a Ortega que era probable que los esfuerzos para luchar contra sus cargos, que conllevan una condena máxima de seis meses, pudieran acabar en fracaso. Ortega decidió no seguir con ese abogado. Aunque comprende su opinión, no luchar no era una opción para ella.

 

“Quería seguir adelante para concienciar sobre la opresión que hemos sufrido los nativos, los o'odham. Siempre nos han negado tener voz”, dijo Ortega a The Intercept. “El gobierno de Estados Unidos nos ha arrebatado nuestros derechos y el acceso a las tierras, a los lugares sagrados, y esto ha venido sucediendo desde la colonización”.

 

El jueves, Ortega se declarará no culpable en su caso y argumentará ante un tribunal de Tucson que las acciones por las que fue detenida estaban arraigadas en creencias espirituales profundamente enraizadas. El nuevo abogado de Ortega, Paul Gattone, abogado de derechos civiles con sede en Tucson, cree que su caso es sólido. “Es una joven indígena que tiene creencias muy arraigadas, religiosas y culturales, por eso estaba allí”, dijo Gattone a The Intercept. “Debido a esas creencias culturales y religiosas, se sintió obligada a actuar, y eso es lo que hizo”.

 

El juicio marca la primera instancia de la administración de Biden, que prosigue con la persecución de la era de Trump contra una defensora de las tierras fronterizas en Arizona, y la segunda vez en los últimos años en la que una activista del estado ha articulado una defensa de la libertad religiosa en respuesta a los cargos de alto perfil vinculados al aparato de seguridad fronteriza del gobierno. El trabajador humanitario Scott Warren, a quien la administración de Trump acusó de contrabando de personas por proporcionar ayuda a los migrantes en el desierto, realizó una exitosa defensa de la libertad religiosa contra dos intentos de procesamiento federal en 2019. Sustentado por el Servicio de Parques Nacionales, el caso de Ortega hace que el Departamento del Interior la procese por intentar detener la misma construcción contra la que la propia funcionaria principal de la agencia, y primera secretaria nativa americana, Deb Haaland, se había manifestado ya como miembr@ del Congreso.