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03/09/2025

LUCÍA ESCOBAR
Juan Josué Chel, l’instituteur guatémaltèque qui offre des expériences aux enfants

Lenseignant lutte contre le décrochage scolaire avec un plan : fêter par un voyage ses élèves qui ont terminé l’école primaire

Lucía Escobar , América Futura, El País, 2-9-2025

Journaliste guatémaltèque née en 1975, qui a dû s'exiler à deux reprises, en 2011 et en 2023.

Traduit par Tlaxcala 


Juan Josué Chel, instituteur ixil, lors d’un voyage avec ses élèves. Photo ZioN

Chaque année, dans un hameau reculé de la Sierra du Quiché, un groupe d’élèves rompt avec la routine scolaire en vivant une excursion unique, rendue possible grâce à de petits gestes et au soutien de personnes qu’ils ne connaissent pas.

Ils laissent derrière eux les collines, la boue et le brouillard pour découvrir un pays qu’ils n’avaient vu jusque-là qu’en images dans les livres. En tête marche Juan Josué Chel, un instituteur ixil peu bavard mais très actif, qui transforme loteries et collectes en voyages. Cette année, cela s’est produit alors qu’une grève des enseignants paralysait les cours au Guatemala pendant 79 jours, privant plus de 300 000 enfants de classe et de repas scolaires.

Santa Clara Chajul, située au nord d’Alta Verapaz, est l’un des villages les plus oubliés du Guatemala. Fondée par d’anciens membres des Communautés de Population en Résistance (CPR), survivants du conflit armé interne, elle affronte aujourd’hui d’autres défis comme la malnutrition infantile, qui touche 58 % de ses habitants, et l’analphabétisme, qui atteint 45 %, selon l’INE (Institut national de statistiques).

Chaque lundi, Juan Josué enfourche sa moto et traverse les montagnes du Quiché jusqu’à l’école où il enseigne à des enfants d’une communauté privée d’électricité, d’eau potable et de routes pavées. En saison des pluies, la boue transforme les sentiers en pièges qui exigent six heures de marche. Mais cela ne l’arrête pas. Cela fait vingt ans qu’il effectue ce trajet, deux fois par semaine. En 2005, quand il a commencé, il donnait cours à trois niveaux différents. Pour arriver, il fallait deux heures de voiture et six heures de marche. Son salaire était de moins de 200 dollars par mois, et même s’il a augmenté de 4 % chaque année, il reste insuffisant au regard des conditions extrêmes dans lesquelles il travaille.

Chaque semaine, il emprunte une route inaugurée au moins quatre fois par divers présidents et ministres de la communication, mais qu’aucune administration corrompue n’a su entretenir. Il loue une chambre dans le village et ne rentre chez lui que le vendredi, portant sur lui la routine de l’abandon de l’État.

Mais Chel fait partie de ceux qui savent en faire plus que le service minimum. C’est pourquoi il organise chaque année ce voyage comme « une récompense pour mes élèves qui ont atteint la dernière année du primaire. Pour moi, c’est une expérience de partage, nous avons vécu tant de choses ensemble », dit-il.

Garçons et filles de Chajul. Photo ZioN

En juillet 2025, alors que le Guatemala était paralysé par une grève menée par le Syndicat des travailleurs de l’éducation du Guatemala (STEG), Chel préparait sa huitième excursion scolaire avec plus de 25 enfants.

La grève, dirigée par le controversé Joviel Acevedo, a été perçue par la population comme une manœuvre politique davantage axée sur des négociations de pouvoir que sur l’amélioration de l’enseignement public. Elle a touché principalement les écoliers des zones rurales. Dans des régions comme Chajul, où 88 % de la population vit dans la pauvreté, les écoles ne sont pas seulement des lieux d’éducation mais aussi des cantines pour des enfants qui dépendent des repas scolaires.

Sur 100 enfants qui commencent l’école primaire, au moins 15 l’abandonnent chaque année. Et selon l’Unicef, un sur trois n’arrivera pas en sixième année. Face à ces chiffres, Chel ne baisse pas les bras. « Beaucoup de ces enfants ne connaissent même pas un feu de circulation, ils ne sont jamais allés jusqu’au chef-lieu du département. » C’est pourquoi chaque excursion est un exploit. Rien qu’en transport pour quitter le village, il dépense bien plus que ce qu’il gagne en un mois.

Une solidarité qui s’élargit

La première excursion, il y a plus de dix ans, a été financée grâce à la vente de friandises et à des loteries. Mais aussi avec l’aide de personnes de la capitale alertées par un article dans la presse.

À Antigua Guatemala, quelqu’un attend toujours le groupe d’élèves de Chajul. L’une d’elles est Suzane Brichaux. Elle a rencontré Juan Josué avant la pandémie, lorsqu’elle l’a accueilli au Cerro de la Cruz avec des encas pour ses élèves et beaucoup de curiosité. Depuis, elle soutient systématiquement l’excursion. « Je repars toujours avec plus d’espérance et de gratitude », reconnaît-elle.

Suzane a co-organisé des visites de monuments, des après-midis à la piscine et des matchs de football. Elle est impressionnée de voir comment les enfants découvrent pour la première fois la mer, la ville ou une vallée. « Cela les marque pour la vie, et cela nous marque aussi, nous qui entourons le projet. Les réponses pour transformer le Guatemala sont là, surtout dans les zones rurales. » Pour elle, accompagner l’enseignant Chel n’est pas seulement un acte de soutien : c’est un rappel qu’il existe, dans chaque recoin du pays, des leaders silencieux capables de changer des destins.

« Ils m’ont demandé si j’étais venue en avion. Pour eux, cette sortie est une expérience qui change la vie », raconte Sofía Cabrera, athlète professionnelle et marraine de l’excursion, qui parraine également un enfant. Elle les a accompagnés au zoo : « Ils étaient très heureux, couraient partout, je crois qu’ils se sentaient comme dans un autre pays, loin de chez eux. Ils m’ont dit que le trajet avait duré 18 heures ! Pour eux, c’est un voyage très long, et je pense que cela les aide énormément à rêver plus grand. »

Chaque excursion est différente. En 2017, ils ont marché des heures parmi les glissements de terrain ; en 2018, ils ont vu la mer pour la première fois et visité l’aéroport La Aurora. L’année suivante, ils ont dansé au Centre Culturel d’Espagne et découvert le Transmetro. En 2024, ils ont salué le président Bernardo Arévalo et navigué en barque sur le lac Atitlán.


Voyage de Josué Chel au lac Atitlán. Photo ZioN

Robert Gröllen, un Autrichien qui n’a jamais connu le village, a soutenu pendant des années le projet en envoyant 20 euros par mois. À son décès, son fils Richard a demandé des dons pour poursuivre le legs solidaire de son père. Ils ont réuni 800 euros, essentiels pour rendre possible l’excursion de cette année.

En 2025, accompagnés également par le professeur Gaspar Chávez Pérez, ils ont visité la Foire du Livre et reçu des exemplaires de livres grâce à la journaliste Claudia Navas. L’économiste Vivian Guzmán a aussi voyagé avec eux et souligne que Chel est un enseignant qui dépasse la salle de classe et lutte contre l’exclusion des communautés indigènes, où pauvreté et malnutrition sont des obstacles quotidiens. « Aider ne serait-ce qu’un enfant change tout », affirme Sofía Cabrera. Et à Santa Clara, chaque excursion devient un acte de résistance.

Il n’existe pas d’étude prouvant que les excursions scolaires diminuent le décrochage, mais Chel est convaincu que ces expériences ouvrent des portes qu’aucune salle de classe ne peut offrir.

Et le fait que Juan Josué ne participe pas à la grève ne signifie pas qu’il pense que tout va bien. Il reconnaît que, sous ce gouvernement, les fournitures scolaires ont doublé et qu’un budget plus important a été alloué à l’alimentation scolaire. Mais cela semble toujours insuffisant. « Nous avons besoin de bourses, d’ordinateurs et d’un toit pour le terrain de sport », dit Chel au ministère de l’Éducation.

Anabella Giracca, ministre de l’Éducation, a qualifié Chel de maître exemplaire. « À Santa Clara Chajul, où la pauvreté extrême limite les rêves des enfants, Juan Josué Chel démontre qu’enseigner, c’est aussi permettre à ses élèves de vivre, toucher et respirer le savoir, dépassant la salle de classe pour transformer l’éducation en expérience de vie », affirme-t-elle.

L’instituteur Chel enseigne dans la zone ixil, là où s’est produit un génocide et où l’on enregistre le taux de malnutrition infantile le plus élevé d’Amérique latine (58 %), ainsi qu’une migration alarmante de jeunes et d’enfants non accompagnés vers les USA. Rien qu’en 2013, environ 12 800 enfants ont été arrêtés à la frontière. Chel affronte le décrochage avec les moyens dont il dispose : persévérance, créativité et un réseau solidaire qui l’accompagne. « 3 % de mes élèves sont déjà partis aux USA », déplore-t-il.

C’est pourquoi résister et leur offrir cette expérience est important. De retour à Santa Clara Chajul, Juan Josué a projeté à l’école, alimentée par panneaux solaires, les photos de l’excursion pour de nombreux parents qui n’ont ni téléphone ni ordinateur.

Parfois, la communauté le remercie avec ce qu’elle a : des épis de maïs, des pommes, de la canne à sucre, des tissus faits main. C’est leur manière de rendre le geste, avec la même générosité qu’ils ont reçue.

Juan Josué porte des années de routes défoncées et un dos fatigué, mais cela ne l’arrête pas. Il vient d’obtenir un don de 21 ordinateurs pour ses élèves ; il cherche maintenant des logiciels et des souris pour compléter l’équipement.

Il continue de rêver à la prochaine aventure pour ses élèves. Il sait que les réussites qui comptent ne se mesurent pas en statistiques : c’est un enfant avec son premier livre, une mère qui pleure en voyant sa fille face à la mer, une fillette qui rêve de devenir ministre et un élève qui veut être enseignant, un bon enseignant, comme lui.

LUCÍA ESCOBAR
Juan Josué Chel: el maestro guatemalteco que regala experiencias

El profesor enfrenta la deserción escolar con un plan: celebrar en un viaje con sus alumnos que completaron primaria

Lucía Escobar, América Futura, El País, 2-9-2025

Periodista guatemalteca nacida en 1975 que tuvo que exiliarse en dos ocasiones, en 2011 y 2023.


Juan Josué Chel, maestro Ixil, durante un viaje con sus alumnos. Foto ZioN

Cada año, en una remota aldea de la sierra de Quiché, un grupo de estudiantes rompe la rutina escolar realizando una excursión única, y que sucede gracias a pequeños gestos y apoyos de personas desconocidas para ellos.

Dejan atrás los cerros, el lodo y la neblina para conocer un país que solo han visto en libros. Al frente va Juan Josué Chel, un maestro ixil de pocas palabras y muchas acciones, quién convierte rifas y colectas en viajes. Este año, sucedió mientras una huelga docente paralizó las clases en Guatemala durante 79 días, dejando a más de 300.000 niños sin clases, ni refacción escolar.

Santa Clara Chajul, ubicada al norte de Alta Verapaz, es una de las aldeas mas olvidadas de Guatemala. Fundada por ex integrantes de las Comunidades de Población en Resistencia, CPRs, sobrevivientes del conflicto armado interno, hoy enfrentan otros retos como la desnutrición infantil que afecta al 58% de sus habitantes y el analfabetismo del 45%, según datos del INE.

Cada lunes, Juan Josué se monta en su motocicleta y atraviesa las montañas de Quiché hacia la escuela donde enseña a niños de primaria de una comunidad que carece de electricidad, de agua potable, de caminos pavimentados. En época de lluvia, el lodo convierte las veredas en trampas de seis horas a pie. Pero eso no lo detiene. Lleva veinte años haciendo ese recorrido, dos veces por semana. En el 2005, cuando comenzó daba clases a tres grados distintos. Para llegar, se tardaba dos horas en carro y seis a pie. Su salario era de menos de 200 dólares al mes, y aunque ha subido un 4% anual, es insuficiente tomando en cuenta las condiciones extremas en las que trabaja.

Cada semana transita una carretera que ha sido inaugurada al menos cuatro veces por distintos presidentes y ministros de comunicación, pero que la corrupción no mantiene en pie. Alquila un cuarto en la aldea y regresa a su casa solo los viernes, cargando consigo la rutina del abandono estatal.

Pero Chel es de los que “dan la milla extra”. Por eso organiza este viaje anual como “un premio para mis estudiantes por haber llegado al último grado de la primaria. Para mi es parte de una convivencia, hemos compartido durante mucho con ellos” comenta.

Niños y niñas de Chajul. Foto ZioN

En julio de 2025, mientras Guatemala estaba paralizada por una huelga promovida por el Sindicato de Trabajadores de la Educación de Guatemala (STEG), Chel organizaba su octava excursión escolar con más de 25 infantes.

El paro, liderado por un controversial Joviel Acevedo, fue visto por la ciudadanía como una maniobra política, más interesada en negociaciones de poder que en mejorar la educación pública. Afectó principalmente a estudiantes de primaria en áreas rurales. En regiones como Chajul, donde el 88% de la población vive en pobreza, las escuelas no son solo centros educativos, sino también comedores para niños que dependen de los desayunos escolares para alimentarse.

De cada 100 niños que inician la primaria, al menos 15 abandonan la escuela cada año. Y según Unicef, uno de cada tres no llegará a sexto grado. Frente a esas cifras, Chel no se rinde. “Muchos de estos niños no conocen un semáforo, nunca han salido ni si quiera a la cabacera departamental”. Por eso cada excursión es una hazaña. Solo en transporte para salir de la aldea se gasta mucho más de lo que Juan Josué gana en un mes de trabajo.

Una red solidaria que crece

La primera excursión, hace más de diez año fue financiada vendiendo gelatinas y haciendo rifas. Pero también con apoyo de personas de la capital que se enteraron por una publicación en la prensa.

En La Antigua Guatemala, hay alguien que espera al grupo de niños y niñas de Chajul. Una de ellas es Suzane Brichaux. Conoció a Juan Josué, antes de la pandemia, cuando lo recibió en el Cerro de la Cruz con un bocadillos para sus alumnos y mucha curiosidad. Desde entonces, siempre apoya la excursión. “Siempre salgo más cargada de esperanza y gratitud”, reconoce.

Suzane ha co- organizado visitas a monumentos, tardes de piscina y partidos de fútbol. Le impresiona ver cómo los chicos y chicas descubren por primera vez el mar, la ciudad o un valle. “Eso les marca la vida, y también nos marca a quienes estamos alrededor del proyecto. Las respuestas para transformar Guatemala están aquí, sobre todo en lo rural”. Para ella, acompañar al profe Chel no es solo un acto de apoyo: es un recordatorio de que en cada rincón del país hay líderes silenciosos capaces de modificar destinos.

“Me preguntaba si había llegado en avión. Para ellos esa salida es una experiencia que les cambia la vida”. cuenta Sofía Cabrera, atetla profesional y una de las madrinas de la excursión y que beca también a un niño. Ella los acompañó al zoológico: “Estaban muy contentos, corrían de un lado a otro, creo que se sentían como en otro país, lejos de casa. ¡Me contaron que se habían tardado 18 horas en llegar! Eso lo sienten como un un viaje muy lejano y creo que les ayuda muchísimo para soñar más grande”.

Cada excursión es distinta. En 2017 caminaron durante horas entre deslaves; en 2018 vieron el mar por primera vez y visitaron el aeropuerto La Aurora. Un año después, bailaron en el Centro Cultural de España y conocieron el transmetro. En 2024, saludaron al presidente Bernardo Arévalo y navegaron en lancha por el Lago Atitlán.


Viaje de Josué Chel por el Lago Atitlán. Foto ZioN

Robert Gröllen, un austríaco que nunca conoció la aldea, apoyó durante años enviando 20 euros mensuales. Al fallecer, su hijo Richard pidió donaciones para continuar el legado solidario de su padre. Reunieron 800 euros, claves para hacer posible la excursión de este año.

En 2025, acompañados también por el profesor Gaspar Chávez Pérez, visitaron la Feria del Libro y recibieron ejemplares gestionados por la periodista Claudia Navas. También viajó con ellos la economista Vivian Guzmán, quien destaca a Chel como un maestro que trasciende el aula y lucha contra la exclusión de las comunidades indígenas, donde la pobreza y la desnutrición son barreras cotidianas. “Apoyar aunque sea a un niño cambia todo”, afirma Sofía Cabrera. Y en Santa Clara, cada excursión se convierte en un acto de resistencia.

No existe un estudio que diga que llevar a los niños de excursión disminuye la deserción escolar, pero Chel está convencido de que esas experiencias abren puertas que ningún aula puede ofrecer.

Y el hecho de que Juan Josué no participe en la huelga no quiere decir que crea que todo está bien, pero reconoce que durante este gobierno se duplicaron los útiles escolares y se asignó más presupuesto a la alimentación escolar. Aunque siempre parece insuficiente. “Necesitamos becas, computadoras y un techo para la cancha”, dice Chel al Ministerio de Educación.

Anabella Giracca, ministra de Educación, calificó a Chel como un maestro ejemplar. “En Santa Clara Chajul, donde la pobreza extrema limita los sueños de la niñez, Juan Josué Chel demuestra que enseñar también es llevar a sus alumnos a vivir, tocar y respirar el conocimiento, rebasando el aula para transformar la educación en una experiencia de vida”, afirma.

El maestro Chel da clases en el área ixil, el lugar en dónde se dio un genocidio y que registra la tasa de desnutrición infantil más alta de América Latina (58%), y en donde la migración de jovenes o niños no acompañados hacia Estados Unidos alcanza cifras alarmantes. Solo en el 2013, unos 12.800 niños fueron detenidos en la frontera. Chel enfrenta la deserción con lo que tiene a mano: persistencia, creatividad y una red solidaria que lo acompaña. “El 3% de mis alumnos ya se fue a Estados Unidos”, lamenta.

Por eso resistir, y darles esta experiencia es importante. Al volver a Santa Clara Chajul, Juan Josué proyectó en la escuela que funciona con paneles solares, las fotos de la excursión para muchos padres que no tienen celular ni computadora.

A veces, la comunidad agradece con lo que tiene: elotes, manzanas, caña de azúcar, tejidos hechos a mano. Es su manera de devolver el gesto, con la misma generosidad que reciben.

Juan Josué carga años de caminos rotos y una espalda adolorida, pero eso no lo detiene. Acaba de conseguir una donación de 21 computadoras para sus alumnos, ahora está buscando software y ratones para completar el equiplo.

Ahí sigue soñando con la próxima aventura para sus alumnos. Sabe que los logros que valen no se miden en estadísticas: son un niño con su primer libro, una madre llorando al ver a su hija frente al mar, una niña que sueña con ser ministra y un estudiante que quiere ser maestro, un buen maestro, como él.

08/02/2025

AYELETT SHANI
Comment Oded Twik a sauvé sa sœur et ses enfants des griffes de la secte de psychopathes juifs Lev Tahor

Sa sœur a grandi dans un foyer laïc en Israël, a servi comme officière dans l’armée et aimait faire la fête. Après que la secte ultra-orthodoxe Lev Tahor l’a embrigadée, Oded Twik a traversé l’océan pour la sauver, elle et sa famille maltraitée.

Ayelett Shani, Haaretz, 8/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


Des membres de Lev Tahor protestent devant l’école de Ciudad de Guatemala où les autorités locales ont emmené leurs enfants, le 15 janvier 2025. Photo Johan Ordonez/AFP

 Veuillez vous présenter.

Je suis Oded Twik, j’ai exactement 50 ans. Je suis marié et j’ai deux filles adorables. J’ai un commerce de produits électriques et je dirige une quincaillerie de quartier à Rishon Letzion.

Le magasin dans lequel nous nous trouvons actuellement. Dites-moi, vos clients savent-ils que le gentil monsieur qui fait des doubles de clés a mené une opération de sauvetage des personnes des griffes de Lev Tahor – Cœur Pur -, une secte religieuse ?

C’est un magasin de quartier. Certains connaissent l’histoire.

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Le mois dernier, les autorités guatémaltèques ont ont exfiltré environ 200 femmes et enfants du site de la secte à Ciudad de Guatemala.. Ils étaient tous dans un état grave, mentalement et physiquement. Les responsables locaux de l’aide sociale et la police ont été consternés par la négligence, la violence et l’ampleur des abus. En 2015, dans une sorte d’opération individuelle, vous avez fait sortir du Guatemala votre sœur et sa famille, qui étaient membres de la secte. Comment s’est-elle retrouvée impliquée dans Lev Tahor ?

Nous avons grandi ici en Israël, dans une famille tout à fait normale. Ma sœur, qui a un an de plus que moi, a servi dans l’armée en tant qu’officière au ministère de la défense, à la Kirya [quartier général de la défense]. Elle aimait la vie à Tel Aviv, elle aimait s’amuser, sortir au Coliseum Club. Après son service, elle a décidé de faire un voyage aux USA. Elle a voyagé un peu, puis a travaillé comme fille au pair dans une famille haredi pour payer le reste du voyage. Au bout d’un certain temps, elle nous a soudain envoyé une photo d’un homme à la barbe immense, qui ressemblait à [Theodor] Herzl, avec la légende suivante : « Je me marie ». Nous avons été choqués.

Avez-vous assisté au mariage ?

Mes parents y sont allés [en 1987]. Mon père est revenu en état de choc. Il a dit que c’étaient des bêtes humaines, qu’ils lui avaient rasé la tête pour qu’elle soit chauve pour le mariage. Mais nous ne connaissions ni ne comprenions rien au monde ultra-orthodoxe, et encore moins aux sectes. Nous nous sommes dit que si c’était ce qui lui permettait de se sentir bien, c’était formidable. Plus tard, j’ai découvert que le fondateur de la secte, Shlomo Helbrans, qui venait de sortir de prison [né en Israël dans une famille laïque, il est devenu un extrémiste religieux et a été condamné aux USA pour enlèvement et libéré en 1996], a envoyé une entremetteuse à la famille pour laquelle elle travaillait et lui a dit : « Je veux cette fille, je veux la marier. Même lorsque j’ai compris ce qui se passait et que j’ai essayé de convaincre mes parents de réagir, ils ont continué à me dire : « Qu’est-ce que tu veux d’elle ? L’essentiel est qu’elle soit heureuse ».

Quand avez-vous réalisé que les choses n’allaient pas si bien ?

En 2011, nous avons rendu visite à la famille de ma femme, à Chicago. La secte était basée à Montréal à l’époque, et j’ai décidé de profiter du voyage pour rendre visite à ma sœur. Elle hésite et me dit : « On verra, on verra ce que mon mari dira ». « C’est absurde », lui ai-je dit. « Je viens. J’ai réservé une chambre d’hôtel ». Il ne m’est pas venu à l’esprit qu’elle ne voulait vraiment pas que je vienne. J’arrive et je vois qu’elle agit bizarrement.

De quelle manière, par exemple ?

18/06/2024

REINALDO SPITALETTA
Bananes sanglantes : Chiquita condamnée aux USA pour ses crimes en Colombie (ce n’est qu’un début...)

Reinaldo Spitaletta, El Espectador, 18/6/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Les actions de l’United Fruit Company, rebaptisée en 1989 Chiquita Brands International, dans une grande partie de l’Amérique centrale et de la Colombie sont terrifiantes. Son histoire d’iniquités comprend, parmi une vaste collection d’infamies, les méthodes d’acquisition des terres depuis la fin du XIXe siècle, y compris les manœuvres de sabotage propageant le sigatoka noir, l’exploitation impitoyable des travailleurs, souvent réduits en esclavage, et la participation à des massacres, comme celui de 1928 dans la zone bananière colombienne.

Détail d'une toile de Diego Rivera montrant le secrétaire d'État usaméricain John Foster Dulles tendant une bombe au colonel putschiste Carlos Castillo Armas.

Il convient de rappeler, par exemple, l’ingérence de la compagnie transnationale dans le coup d’État contre le président guatémaltèque Jacobo Árbenz en 1954, encouragé par la CIA, alors que ce président démocratiquement élu avait mis en œuvre des réformes agraires et du travail avec l’objectif social d’améliorer la situation des travailleurs. En substance, outre la production de bananes et d’autres fruits, l’entreprise, aux mains maculées de sang depuis ses origines, a soutenu des gouvernements autoritaires.


Récemment, un tribunal de Floride aux USA a condamné la compagnie que l’écrivain costaricien Carlos Luis Fallas avait baptisé “Mamita Yunai”*, fer de lance du néocolonialisme, pour avoir financé les Autodéfenses unies de Colombie et parrainé leurs actions criminelles, qui ont conduit à la violation systématique des droits humains de la population civile dans l’Urabá et le Magdalena. En 2007, comme on l’a peut-être déjà oublié, il avait été prouvé que Chiquita Brands avait soutenu les paramilitaires avec de l’argent et d’autres ressources entre 1997 et 2004.

Le tribunal du district sud de Floride a jugé la multinationale responsable des conséquences pénales de son financement du paramilitarisme, suite à l’action en justice intentée par certaines familles qui ont subi les conséquences désastreuses de ce parrainage. Bien qu’il existe des milliers de plaintes contre Chiquita Brands émanant de milliers de victimes de ses abus, dans ce cas-ci, la décision est favorable à huit des neuf familles qui, depuis près de vingt ans, persistent à demander justice pour l’assassinat de leurs proches.

24/08/2023

4 enseignements à tirer des élections en Équateur et au Guatemala

Simon Romero (Mexico), Genevieve Glatsky (Bogotá) et Jody García (Ciudad de Guatemala), The New York Times, 21/8/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Les outsiders ont surperformé, soulignant la volatilité de la politique latino-américaine. Les candidats appelant à s'inspirer de la répression de la criminalité au Salvador n’ont pas obtenu de bons résultats.

Au Guatemala, le progressiste Bernardo Arévalo, qui lutte contre la corruption, a remporté une victoire écrasante sur une ancienne première dame, portant un coup à l’establishment politique conservateur. Photo : Daniele Volpe pour le New York Times

L’Équateur et le Guatemala ont organisé dimanche 20 août des élections qui ont mis en lumière des tendances primordiales dans toute l’Amérique latine, notamment les campagnes de lutte contre la corruption, l’importance croissante des jeunes électeurs et les appels à s’inspirer de la répression de la criminalité au Salvador.

En Équateur, où l’assassinat ce mois-ci du candidat à la présidence Fernando Villavicencio a assombri la campagne, Luisa González, une femme de gauche bien établie, sera opposée à Daniel Noboa, le rejeton d’une famille bien nantie connue pour son empire bananier, lors d’un second tour.

Au Guatemala, le progressiste Bernardo Arévalo, qui lutte contre la corruption, a remporté une victoire écrasante sur l’ancienne première dame, Sandra Torres, portant un coup à l’establishment politique conservateur du pays.

Alors que l’érosion de l’État de droit et l’emprise croissante des gangs de trafiquants de drogue dans différentes régions d’Amérique latine suscitent de vives inquiétudes, les scrutins ont été suivis de près, à la recherche de signes annonciateurs du sens de leurs résultats.

En voici les principaux enseignements.

Le président du Salvador, Nayib Bukele, s’est attaqué à la violence des gangs en procédant à des arrestations massives qui ont frappé des milliers d’innocents.  Photo : Brittainy Newman pour le New York Times

La criminalité n’était pas la seule préoccupation des électeurs

L’Équateur et le Guatemala sont chacun confrontés à une série de défis différents et, bien qu’il soit difficile d’exagérer la difficulté de gouverner efficacement dans ces deux pays, les nouveaux dirigeants devront s’efforcer de contrôler le crime organisé et de créer des opportunités économiques pour que leurs citoyens restent chez eux au lieu d’émigrer.

La star du moment sur la scène politique latino-américaine est le président populiste conservateur du Salvador, Nayib Bukele, qui a réussi à utiliser des tactiques dures pour réprimer la violence des gangs, y compris des arrestations massives qui ont frappé des milliers d’innocents et l’érosion des libertés civiles. Mais les espoirs de voir les adeptes de l’évangile de Bukele sur la criminalité remporter la victoire se sont évanouis en Équateur et au Guatemala.

« Il est remarquable que, dans les deux cas, les admirateurs inconditionnels de la politique dure de Nayib Bukele à l’égard des gangs criminels au Salvador n’aient pas obtenu de bons résultats », dit Michael Shifter, chercheur principal au Dialogue interaméricain, un organisme de recherche basé à Washington.

 Malgré le choc provoqué par l’assassinat de Villavicencio, les candidats explicitement “anti-crime” en Équateur  se sont partagé les voix. Jan Topić, qui s’est aligné de près sur Bukele, a obtenu des résultats médiocres malgré sa montée dans les sondages après l’assassinat de Villavicencio.

« Il a mené une campagne très axée sur la sécurité », dit Risa Grais-Targow, directrice pour l’Amérique latine de l’Eurasia Group, à propos de Topić. « Mais les électeurs ont d’autres préoccupations, notamment en matière d’économie ».

De même, au Guatemala, où l’on craignait de plus en plus un glissement vers un régime autoritaire, la promesse de Mme Torres de mettre en place une politique à la Bukele n’a pas eu beaucoup de succès. Au contraire, l’ancienne première dame a été mise sur la défensive par son rival parce qu’elle avait été assignée à résidence dans le cadre d’accusations de financement illicite de campagnes électorales.

Les mesures prises par l’autorité électorale guatémaltèque pour disqualifier purement et simplement les candidats considérés comme menaçant l’ordre établi ont également influé sur le résultat.

L’un des candidats écartés de la course avant le premier tour de juin était Carlos Pineda, un outsider qui disait vouloir reproduire la répression de la criminalité menée par Bukele. La disqualification de Pineda et d’autres candidats a ouvert la voie à Arévalo, un autre outsider, même si ses propositions pour lutter contre la criminalité sont plus nuancées.

Les candidats guatémaltèques ont essayé de capitaliser sur le soutien des jeunes. Photo : Daniele Volpe pour le New York Times

Les jeunes électeurs façonnent les élections.

Dans une large mesure, les résultats électoraux en Équateur et au Guatemala ont dépendu des choix des jeunes électeurs. En Équateur, Noboa, 35 ans, homme d’affaires et nouveau venu en politique, était dans le creux de la vague il y a quelques semaines à peine.

Mais en s’appuyant sur le soutien des jeunes tout en se présentant comme un outsider, il s’est hissé de manière inattendue au second tour avec environ 24 % des voix. (Son père, Álvaro Noboa, l’un des hommes les plus riches d’Équateur, s’était présenté sans succès à cinq reprises aux élections présidentielles).

Au Guatemala, le pays le plus peuplé d’Amérique centrale, Bernardo Arévalo, 64 ans, a également bénéficié du soutien des jeunes, en particulier dans les villes, qui ont été attirés par ses appels à mettre fin à la persécution politique des militants des droits humains, des écologistes, des journalistes, des procureurs et des juges.

Arévalo a également adopté une position plus modérée sur les questions sociales. Tout en affirmant qu’il ne chercherait pas à légaliser l’avortement ou le mariage homosexuel, il a précisé que son gouvernement n’autoriserait pas la discrimination à l’encontre des personnes en raison de leur orientation sexuelle.

Cette position, quelque peu inédite au Guatemala, contraste fortement avec celle de Mme Torres, qui a choisi un pasteur évangélique comme colistier et qui a utilisé une insulte anti-gay lors de la campagne pour désigner les partisans d’Arévalo [“tous efféminés et une bande de huecos” équivalent guatémaltèque de “pédés”].

Luisa González affrontera Daniel Noboa au second tour le 15 octobre  en Équateur . Photo: Johanna Alarcón pour le New York Times

La gauche prend des directions diverses.

Le Guatemala et l’Équateur offrent des visions très contrastées de la gauche en Amérique latine.

En effet, dans le paysage politique traditionnellement conservateur du Guatemala, Arévalo, qui critique les gouvernements de gauche comme celui du Nicaragua, est souvent décrit comme un progressiste. En ce sens, il ressemble davantage à Gabriel Borić, le jeune président modéré du Chili, qu’aux exaltés d’autres pays de la région.

Le parti d’Arévalo, Movimiento Semilla (Mouvement Semence), qui s’est coalisé après les manifestations contre la corruption en 2015, ne ressemble à aucun autre parti au Guatemala au cours des dernières décennies. Semilla a attiré l’attention en menant une campagne austère et fondée sur des principes, en affichant clairement ses sources de financement, contrairement au financement opaque qui prévaut dans les autres partis. Une autre source d’inspiration pour Semilla est le Frente Amplio (Front large) de l’Uruguay, un parti modéré et démocratique de centre-gauche.

“Arévalo est un démocrate pur et dur”, dit Will Freeman, chargé d’études sur l’Amérique latine au Council on Foreign Relations (Conseil des relations extérieures).

Luisa González, en revanche, est issue d’une autre partie de la gauche latino-américaine, caractérisée dans le cas de l’Équateur par la mise à l’épreuve des freins et des contrepoids démocratiques, opine Mister Freeman. Elle soutient Rafael Correa, un ancien président équatorien qui reste une force dominante dans la politique du pays bien qu’il ait quitté le pouvoir depuis six ans.

Correa, qui vit en Belgique après avoir fui une condamnation à huit ans de prison pour violation des règles de financement des campagnes électorales, conserve une base solide qui oscille entre 20 et 30 % de l’électorat.

Ce soutien est en grande partie dû à la “nostalgie de ce moment de bien-être qui existait sous l’ère Correa”, dit Caroline Ávila, analyste politique en Équateur.

Arévalo a obtenu plus de voix que tout autre candidat au Guatemala depuis le rétablissement de la démocratie dans le pays en 1985. Photo: Daniele Volpe pour le New York Times

Des résultats imprévisibles

Les élections en Équateur et au Guatemala ont mis en évidence une tendance régionale plus large : l’incertitude et la volatilité de la politique en Amérique latine.

Dans les deux pays, les sondages n’ont pas permis de saisir les évolutions cruciales. En Équateur, où Topić semblait pouvoir tirer parti des retombées de l’assassinat de Villavicencio, c’est Noboa qui a réussi à se qualifier pour le second tour.

Au Guatemala, Arévalo, un candidat professeur qui lit parfois ses discours et n’a pas le talent oratoire de ses rivaux, était considéré comme non menaçant par l’establishment - jusqu’à ce qu’il se qualifie pour le second tour.

Aujourd’hui, avec sa victoire écrasante, il a obtenu plus de voix que n’importe quel autre candidat depuis le rétablissement de la démocratie au Guatemala en 1985.

C’est un scénario que même de nombreux membres de son parti n’avaient pas vu venir.