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28/09/2025

BAHMAN KALBASI
Dans ses déclarations, le Département d’État US applique les positions d’Israël
Entretien avec Shahid Qureshi, licencié pour non-conformité

Bahman Kalbasi, BBC Persian, 17/9/2025
Traduit par Tlaxcala

Bahman Kalbasi est le correspondant de la BBC en langue persane aux Nations Unies à New York

Shahid Qureshi travaillait au Bureau des affaires publiques du Département d’État usaméricain et a récemment été licencié. Lors d’une émission spéciale, Qureshi a confié à Bahman Kalbasi : « Les condoléances aux familles des journalistes palestiniens tués par l’armée israélienne à Gaza et l’opposition des USA au nettoyage ethnique à Gaza étaient des positions que j’avais l’intention d’inclure dans les déclarations du Département d’État, conformément à la procédure habituelle, et c’est pourquoi j’ai été licencié ». Dans sa première interview accordée à un média en persan après son limogeage du Département d’État, Qureshi revient sur les événements et son expérience au sein de différentes administrations usaméricaines.

 

Bahman Kalbasi: Dans les mois qui ont suivi le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, la pression s’est accrue sur un certain nombre d’activistes et d’étudiants opposés à la guerre d’Israël à Gaza ; allant des tentatives de l’administration d’expulser certaines personnes qui n’étaient pas citoyennes américaines au licenciement d’autres personnes de leur emploi. Shahid Qureshi travaillait au service des relations publiques du département d’État américain et a été récemment licencié. Il avait tenté d’inclure, sur la base de la procédure habituelle, des condoléances aux familles de journalistes palestiniens tués par l’armée israélienne et son opposition au nettoyage ethnique à Gaza dans les déclarations du département d’État. Il affirme que c’est précisément la raison de son licenciement. C’est sa première interview avec un média persanophone depuis son renvoi du département d’État américain, dans laquelle il parle de son expérience au sein des administrations précédente et actuelle, ainsi que des événements. Je suis Bahman Kalbasi, et je m’entretiens avec cet ancien employé du département d’État américain dans un Dialogue Spécial.

 

Shahid Qureshi, merci pour l’opportunité que vous offrez à BBC Persian. Avant d’entrer dans le vif du sujet, pourriez-vous nous parler un peu de vous ? Où êtes-vous né ? Où avez-vous grandi ?

 

Shahid Qureshi : Oui, je suis né à Seattle en 1991. À l’université, j’ai étudié les Relations Internationales à l’Université de Washington. Mes parents sont de la ville de Saveh en Iran et sont venus en Amérique autour de la période de la révolution. Après avoir obtenu ma licence, je suis allé à Washington D.C. pour obtenir mon master dans la même discipline, les Relations Internationales.

 

Bahman Kalbasi: Comment avez-vous atterri au département d’État américain ?

 

Shahid Qureshi : Dès mon plus jeune âge, et après l’invasion de l’Irak par les, je suis devenu sensible aux guerres sans fin dans lesquelles les USA s’étaient engagés. J’avais le sentiment que l’image de l’Irak formée dans l’opinion publique américaine avant l’invasion avait contribué à justifier cette opération. Lorsque nous voyagions en Iran pour rendre visite à la famille et que nous revenions en Amérique, voir une image négative similaire se former sur l’Iran m’inquiétait sur le fait que ce qui s’était passé en Irak puisse se répéter pour l’Iran. C’est pourquoi je me suis beaucoup impliqué dans des organisations de la société civile qui travaillaient à mettre fin aux guerres en Irak et en Afghanistan et à empêcher leur répétition en Iran. En même temps, travailler au département d’État m’attirait en tant que diplomate, à la fois pour comprendre les forces qui mènent un pays à la guerre et pour aider à trouver des voies diplomatiques pour résoudre les différends plutôt que par la guerre. Je suis très heureux d’avoir pu y travailler pendant un moment.

 

Bahman Kalbasi: Lorsque vous avez rejoint le département d’État américain, que faisiez-vous exactement dans votre rôle au sein des relations publiques ? Quelles étaient vos fonctions ?

 

Shahid Qureshi : En septembre dernier, j’ai rejoint l’équipe des relations publiques du département d’État en tant que chargé de liaison médiatique pour les événements au Liban et en Jordanie. Un chargé de liaison médiatique a deux tâches principales. La première est de tenir continuellement le porte-parole du département d’État informé des derniers développements, des actualités et des questions que les médias pourraient poser avant qu’il ne monte au pupitre pour s’adresser aux journalistes. Pour mon secteur de couverture, la Jordanie et le Liban, il s’agissait de le préparer à expliquer les positions de l’administration dans ses réponses. 

La deuxième tâche du chargé de liaison est de répondre aux questions des médias, par exemple sur la position du gouvernement américain concernant un événement au Liban. Après quelques mois à ce poste, des responsables du département d’État ont décidé de me faire confiance pour la tâche plus importante de chargé de liaison médiatique pour les développements en Israël et en Palestine, ce qui, comme vous pouvez l’imaginer, au milieu de cette guerre, était une responsabilité bien plus lourde. Chaque jour, divers réseaux d’information me demandaient la position ou la réaction des USA concernant un événement de la guerre d’Israël à Gaza. 

Mon devoir, dans les administrations Biden et Trump, était d’écrire ma compréhension de la position du gouvernement américain et, avant de l’envoyer au journaliste ayant posé la question, de la montrer aux hauts fonctionnaires du département d’État dans les différents services concernés. Ils examinaient ce que j’avais écrit ligne par ligne et, s’ils le jugeaient nécessaire, supprimaient ou ajoutaient un mot ou quelques lignes. Lorsque le texte final était prêt, je l’envoyais au septième étage du bâtiment du département d’État, où se trouvent les conseillers principaux et les adjoints du secrétaire d’État, pour approbation. Ensuite, je le remettais au journaliste comme position officielle du gouvernement américain ou je le fournissais au porte-parole avant un point presse pour qu’il le place dans le dossier classé par pays, afin qu’il soit préparé à répondre si la même question était soulevée. Lorsque vous lisez dans un article de presse qu’« un porte-parole du département d’État nous a dit... », cette personne est soit moi, soit un autre chargé de liaison médiatique. Comme je l’ai dit, il y a un ou plusieurs chargés de liaison pour chaque région ou continent.

 

Bahman Kalbasi: Venons-en à la semaine qui a conduit à votre licenciement. Que s’est-il exactement passé cette semaine-là, et qu’essayiez-vous d’inclure dans les déclarations du département d’État ou vos réponses aux journalistes qui a mis en colère les hauts responsables du département d’État ?

 

Shahid Qureshi : Cela s’est produit sur trois jours. Tout d’abord, il y a quelques semaines, le 10 août, la terrible nouvelle est arrivée concernant la mort de 6 journalistes à Gaza, dont Anas al-Sharif, un reporter d’Al Jazeera, lors d’une attaque de missile israélien sur la tente des médias. J’ai rédigé un texte similaire à nos positions habituelles que nous avions exprimées par le passé, et j’ai ajouté une ligne que nous avions également utilisée auparavant, à savoir des condoléances aux familles des journalistes victimes. 

Dès que j’ai soumis ce texte à l’approbation des hauts responsables, ils m’ont immédiatement dit de retirer les condoléances parce que « nous ne savons pas ce que le journaliste d’Al Jazeera a fait ». Je ne veux pas dire quel responsable c’était, mais c’était un responsable nommé par le secrétaire d’État Rubio, et non un diplomate de carrière du Département. Son argument était essentiellement que l’accusation d’Israël selon laquelle le journaliste tué était membre du Hamas était peut-être vraie, et qu’en fin de compte, sur la base de cette même affirmation israélienne, ils ont empêché de présenter des condoléances. 

Mon problème était le suivant : pourquoi ne pas demander aux agences de renseignement américaines si cette affirmation est vraie ou non ? Pourquoi acceptons-nous la version israélienne sans la remettre en question ? Cette procédure s’est produite dans d’autres cas où des hauts responsables du département d’État, au lieu de consulter eux-mêmes les agences de renseignement américaines, acceptaient ce que disaient les institutions gouvernementales israéliennes. Le lendemain, l’Associated Press m’a demandé quelle était la position du gouvernement américain sur les informations selon lesquelles Israël voulait expulser les Palestiniens de Gaza et les envoyer au Soudan du Sud. C’est un sujet qui avait été soulevé plusieurs fois auparavant. Au printemps, des rapports indiquaient qu’Israël voulait envoyer des Gazaouis dans la région autonome du Somaliland. Auparavant, il avait été question de les envoyer en Libye et en Éthiopie. La position du gouvernement américain dans tous ces cas était constante : nous ne commentons pas les discussions bilatérales entre, par exemple, Israël et l’Éthiopie, mais nous nous opposons au transfert forcé des Gazaouis vers tout autre lieu. Bien sûr, le terme correct pour transfert forcé est nettoyage ethnique, mais au département d’État, nous disons « transfert forcé ». 

En bref, lorsque j’ai envoyé ces quelques lignes pour approbation au septième étage, ils ont supprimé la phrase « Nous nous opposons au transfert forcé des Palestiniens », ce qui m’a paru très étrange. Parce que nous avions adopté une position similaire auparavant sous cette même administration Trump, et cela n’avait posé aucun problème. M. Trump lui-même, dans ses propres termes, avait déclaré qu’il s’opposait au nettoyage ethnique, et son représentant spécial, M. Witkoff, avait également déclaré que nous n’avions pas l’intention d’évacuer les gens de Gaza. Il était donc tout à fait cohérent avec les positions de l’administration Trump de dire que nous ne soutenons pas le transfert forcé. Mais de toute façon, ils ont rayé cette partie du texte que j’avais écrite. 

Il est intéressant de noter que nous avions utilisé exactement la même phrase quelques semaines plus tôt concernant les développements en Éthiopie et au Soudan du Sud – « Oui, les USA  s’opposent au transfert forcé des populations de leurs terres » – et elle avait été approuvée sans problème. Ensuite, le lendemain, dans le cadre de mon travail consistant à inclure les réponses finalisées du département d’État dans le dossier du porte-parole pour les questions potentielles des journalistes, j’ai placé une réponse concernant le voyage du président de la Chambre des représentants américaine en Israël et une visite qu’il avait effectuée dans des colonies juives en Cisjordanie. Parallèlement, plusieurs conseillers principaux de l’ambassadeur américain en Israël avaient utilisé à plusieurs reprises un langage qui n’était pas conforme à la politique de longue date du gouvernement américain. À tel point que le porte-parole du département d’État, interrogé par des journalistes sur les remarques de l’ambassadeur David Friedman , a déclaré à plusieurs reprises qu’il s’agissait de « l’opinion et du langage de l’ambassadeur » avant de répéter la position officielle du gouvernement. Cela créait une certaine distance entre le département d’État et les positions de l’ambassadeur. 

La même chose s’est produite dans mon cas. Un conseiller principal de l’ambassadeur Friedman, un certain David Milstein, cherchait constamment à promouvoir des positions connues sous le nom d’« Israel First ». Cela signifie que les intérêts d’Israël sont plus importants, même lorsqu’ils peuvent ne pas correspondre aux intérêts et positions américains. Dans le langage politique américain, il est courant de dire que untel est « Israel First ». M. Milstein avait modifié le texte que j’avais préparé et finalisé pour le dossier du porte-parole du département d’État. Par exemple, j’avais écrit : « Nous nous opposons à l’instabilité en Cisjordanie car il est également important pour la sécurité d’Israël que la Cisjordanie ne devienne pas tendue. » C’est un langage très établi que nous avons utilisé de nombreuses fois par le passé. Il a rayé « Cisjordanie » et a écrit à la place « Judée-Samarie ». Vous savez que ce terme est un terme religieux et israélien utilisé par ceux qui s’opposent à un État palestinien indépendant pour affirmer que la construction de colonies en Cisjordanie, considérée comme illégale par la communauté internationale, est leur droit. Le gouvernement américain, y compris M. Trump et le secrétaire d’État Rubio, ont toujours appelé cette zone la Cisjordanie, mais l’ambassadeur américain en Israël, M. Friedman , utilise « Judée-Samarie » à la demande d’Israël. 

Avec le soutien de mes collègues du département d’État, j’ai de nouveau supprimé « Judée-Samarie » et remis « Cisjordanie ». Ainsi, trois modifications en trois jours : 1) Des condoléances pour la famille palestinienne tuée, 2) L’opposition au transfert forcé des Palestiniens de Gaza, et 3) Ma résistance à la tentative du conseiller de l’ambassadeur en Israël de supprimer « Cisjordanie » du lexique du département d’État. 

Le jour suivant ces trois jours, lorsque je suis venu travailler, mes collègues m’ont dit que ce même M. Milstein était extrêmement en colère et avait été en contact avec de hauts responsables du septième étage du Département pour exiger mon licenciement, et qu’ils avaient fait pression sur mes responsables des relations publiques pour que je parte. C’est ainsi qu’ils ont pris cette décision politique de me licencier.

 

Bahman Kalbasi: Ce vendredi où ils vous ont licencié, que vous ont-ils dit exactement ?

 

Shahid Qureshi : Ils ne nous ont jamais dit formellement ou par écrit pourquoi nous avions été licenciés. Deux jours après cet incident, lorsque la nouvelle de la pression de M. Milstein m’est parvenue, j’ai soudainement réalisé que mon accès au système informatique du département d’État avait été coupé. Le lendemain, ils m’ont simplement dit que je devais rendre mon ordinateur portable professionnel et mon badge d’accès au bâtiment. Et il n’y avait pas que cela : non seulement ils ne m’ont pas dit formellement pourquoi, mais ils ont même refusé d’indiquer par écrit la raison de mon licenciement à mes responsables de la section de liaison médiatique, ce qui montrait qu’il s’agissait d’une décision politique venue de hauts responsables.

 

Bahman Kalbasi: Que vous dit cet événement sur ce qui se passe à l’intérieur du département d’État ? En particulier les hauts responsables qui, comme vous le dites, n’étaient pas sensibles à ces positions ces derniers mois mais qui le sont devenus. Que s’est-il passé là-bas ?

 

Shahid Qureshi : Au contraire, au début de la présidence Trump, j’étais optimiste parce qu’elle avait commencé par un cessez-le-feu à Gaza. Le discours du président en Arabie saoudite était très bon. Il a dit que nous ne voulions plus de guerre. Il a critiqué les fauteurs de guerre en Amérique. Mais maintenant, je vois que l’influence de ces mêmes extrémistes pousse la politique étrangère américaine vers des décisions radicales. Les images de Gaza sont horrifiantes, et maintenant, en plus de cela, cet effort pour utiliser « Judée-Samarie » au lieu de « Cisjordanie », et le fait que nous ne puissions même pas dire que nous nous opposons au nettoyage ethnique, est terrifiant. D’autant plus que les reportages indiquent que des discussions sérieuses sur le transfert de personnes hors de Gaza sont en cours, et cela montre en soi qu’il n’était pas sans raison qu’ils aient supprimé le texte que j’avais écrit contre le transfert forcé.

 

Bahman Kalbasi: Cela signifie-t-il que même les choses que Trump lui-même a dites au début de son administration ne sont plus la politique officielle ? Cela signifie-t-il que l’ambassadeur Friedman , l’actuel ambassadeur américain en Israël, joue un rôle plus important que les autres responsables dans la formation de la politique américaine envers Israël ? Parce que nous savons que M. Friedman  est l’une des figures les plus dures et qu’il a même souligné pendant des années qu’à ses yeux, le peuple palestinien n’existait pas.

 

Shahid Qureshi : C’est exact. Pendant mon mandat, j’avais de bonnes relations non seulement avec mes collègues mais aussi avec certaines personnalités nommées par Trump. Mon licenciement, sous l’influence de l’ambassade des USA  en Israël, envoie un message à tous les diplomates et au personnel du département d’État : s’ils font un faux pas sur Israël, ils pourraient être licenciés. Cela aura un impact très négatif. Qui est prêt, dans ces conditions, dans un rôle de relations publiques, à défendre des positions appropriées et à s’opposer aux prises de position de l’ambassadeur Friedman  ? C’est un désastre pour un département d’État plein des meilleurs experts en politique étrangère. Des experts dont les points de vue et les analyses ont joué un rôle majeur dans le positionnement et la formation de la politique étrangère. Parce que maintenant, ils vont s’inquiéter que leurs opinions d’experts soient accueillies négativement par les responsables. Cela affaiblira nos relations avec d’autres pays, même les alliés des USA , de la Jordanie aux Émirats arabes unis et à l’Arabie saoudite.

 

Bahman Kalbasi: Quel est le sentiment parmi les employés du département d’État, le corps diplomatique sur place, concernant cette guerre ? Vous avez travaillé avec eux dans ce rôle et d’autres. Surtout que même pendant l’administration Biden, nous avons vu un certain nombre de diplomates du département d’État démissionner pour protester contre sa politique de soutien à Israël. Quel est le sentiment parmi vos anciens collègues maintenant ?

 

Shahid Qureshi : Rappelons-nous que le personnel du département d’État est sous forte pression en ce moment. D’une part, l’administration Trump a licencié des milliers de personnes dans le cadre d’ajustements des effectifs, et d’autre part, des politiques radicales se poursuivent. Nous sommes tous humains, et les images de Gaza sont très inquiétantes, et les diplomates transmettent ces préoccupations à ceux de la direction en qui ils ont confiance. Mais l’orientation de la politique est fixée par le président Trump et son secrétaire d’État, M. Rubio. Par conséquent, en dehors de l’expression de leurs opinions d’experts, ils ne peuvent pas faire grand-chose de plus.

 

Bahman Kalbasi: Quelle a été la réaction à votre licenciement ? Tant parmi vos anciens collègues et employés que dans les médias, dont nous avons vu qu’ils l’avaient couvert. Et si vous pouviez remonter de quelques semaines, essaieriez-vous toujours d’inclure ces points dans la déclaration du département d’État, ou pensez-vous qu’il aurait mieux valu ne pas vous impliquer du tout dans ce combat ?

 

Shahid Qureshi : De nombreux collègues ont appelé et exprimé leurs regrets, disant que les conditions étaient devenues plus difficiles après mon licenciement ; personne n’est très disposé à assumer le rôle de chargé de liaison médiatique parce qu’il est devenu trop politique et que les hauts responsables de l’ambassade américaine en Israël interfèrent. Et oui, si je devais recommencer, j’insisterais toujours sur le texte que j’ai écrit, car c’était la continuation de politiques que nous avions annoncées par le passé, comme l’opposition au transfert forcé des Gazaouis et de simples condoléances aux familles des journalistes tués.

 

Bahman Kalbasi: Ayant travaillé dans les administrations précédente et actuelle, quelle était la différence entre les deux ? Surtout en ce qui concerne la question israélo-palestinienne. Beaucoup disent qu’il n’y a pas beaucoup de différence ; Biden soutenait également pleinement Israël, et M. Trump fait de même. Il n’y a pas beaucoup de différence entre les démocrates et les républicains, surtout sur la Palestine et Israël. Cette évaluation est-elle correcte, et sur la base de votre travail sur place, avez-vous vu une différence dans cette politique ?

 

Shahid Qureshi : C’est une bonne question. Dans les quelques mois où j’occupais ce poste sous l’administration Biden, il m’est apparu clairement que M. Biden aurait dû mettre fin à la guerre de Gaza beaucoup plus tôt. S’ils l’avaient fait, nous ne serions pas dans cette situation aujourd’hui. Les images horribles de Gaza sont survenues pendant cette administration et celle-ci. Donc oui, à cet égard, il n’y a pas de différence entre les deux administrations. Mais dans le langage utilisé par le porte-parole du département d’État, il y avait une différence sous Biden, car il y avait au moins de la sympathie pour les Palestiniens, et nous demandions à Israël d’enquêter sur les cas de victimes civiles et d’en rendre compte. Le problème était que nous n’avons pas beaucoup suivi pour nous assurer que ce que nous disions était mis en œuvre. Cette administration n’offre même pas de sympathie verbale et ne demande pas de comptes ni d’enquête à Israël.

 

Bahman Kalbasi: De nombreux critiques disent que peut-être que Biden et sa politique étaient en fait pires, parce que superficiellement, il utilisait des mots, employait des termes qui suggéraient de la sympathie pour les Palestiniens, mais qu’en pratique, il mettait en œuvre la même politique que Trump. Au moins, les paroles et les actions de Trump sont les mêmes, et il dit qu’il se fiche de ce qui arrive aux Palestiniens.

 

Shahid Qureshi : Oui, c’est vrai. Je l’admets. Ce n’est pas honnête d’exprimer de la sympathie dans nos déclarations tout en laissant se poursuivre dans la pratique des événements horribles à Gaza. Le président Trump a également manqué l’occasion lorsqu’il n’a pas insisté pour maintenir le cessez-le-feu qui s’était formé au début de son administration. Par conséquent, les deux administrations ont fait des erreurs, et le prix est payé par le peuple palestinien qui se trouve dans cette situation terrible. Cette guerre doit cesser.

 

Bahman Kalbasi: Dans quelle mesure pensez-vous que vos origines irano-américaines ont joué un rôle dans votre licenciement ? Pas nécessairement, mais en général, si vous étiez un Américain blanc sans lien avec le Moyen-Orient, peut-être que leur traitement envers vous aurait été différent.

 

Shahid Qureshi : Il faut admettre que lorsque ces partisans d’« Israel First » voient un nom à consonance moyen-orientale comme le mien, Shahid Qureshi, ils peuvent plus facilement faire pression sur les autres, en disant : « Oui, cette personne n’est pas alignée sur nos politiques », ou « Il a écrit auparavant des articles anti-guerre dans les médias et doit être licencié ». Donc oui, cela n’a probablement pas été sans influence. Ce n’est pas que quelqu’un m’ait jamais dit une telle chose directement, mais ils auraient pu venir me voir et me dire : « La politique a changé, et nous ne voulons pas nous opposer ouvertement au nettoyage ethnique », et j’aurais décidé de rester ou de démissionner. Mais non, ils m’ont licencié immédiatement. Le jugement appartient aux téléspectateurs.

 

Bahman Kalbasi: Pour conclure, je souhaite examiner quelle est la principale préoccupation concernant la voie que prend le département d’État, la voie que prend l’administration Trump, et ses conséquences, en particulier dans la guerre Israël-Gaza.

 

Shahid Qureshi : Ma principale préoccupation est la souffrance des Palestiniens qui continue, et les espoirs que j’avais au début de l’administration Trump qu’un cessez-le-feu durable se maintienne, qui ont été perdus. Les discours de M. Trump lui-même disant qu’il voulait la paix n’ont pas été suivis ni mis en œuvre. Et simultanément, nous acceptons de plus en plus la narration israélienne des événements à Gaza. Le résultat de ce comportement est un isolement accru d’Israël, et cet isolement affecte également les relations de l’Amérique avec ses alliés. En ce moment même, nous voyons le gouvernement américain critiquer le Canada, l’Australie, la Grande-Bretagne et la France, demandant pourquoi ils veulent reconnaître un État palestinien indépendant ? Pour moi, les intérêts américains devraient être la priorité, le même slogan que le président Trump a donné. Mais maintenant, compte tenu de l’influence qu’a la foule des « Israel First », cette priorité a été remise en question.

 

Bahman Kalbasi: Shahid Qureshi, merci pour l’opportunité que vous m’avez offerte.

 

Shahid Qureshi : Merci beaucoup. Merci. Je suis reconnaissant que vous m’ayez permis de parler en anglais parce que mon persan n’est pas bon.