Sergio Ferrari, lapluma, 2/6/2025
Traduit par Fausto
Giudice, Tlaxcala,
en utilisant l’INH (Intelligence naturelle humaine)
Un emploi sur quatre dans le
monde est exposé à l’intelligence artificielle générative (IAg). C’est ce que
révèle une récente étude menée conjointement par des experts de l’Organisation
internationale du travail (OIT) et de l’Institut national de recherche de
Pologne (NASK). Publiée fin mai sous le titre Generative AI and Jobs : An Updated
Global Occupational Exposure Index (IA générative et emplois : un indice
mondial actualisé d’exposition professionnelle), cette
étude intègre un nouvel indice mondial de l’impact négatif que cette forme
révolutionnaire d’“intelligence” peut avoir sur les emplois. Elle offre aux
dirigeants des pays un outil important pour anticiper et gérer cet impact, qui
affecte déjà de manière spectaculaire de vastes secteurs dans le monde entier.
Qu’est-ce que l’IA générative ?
Contrairement à l’intelligence
artificielle (IA) traditionnelle, qui se concentre sur l’analyse et la
classification des informations, ce nouveau phénomène tire parti de tous les
outils de l’IA traditionnelle, mais pour créer un contenu entièrement nouveau.
Ces contenus peuvent être des
textes, des images, des vidéos, des codes, de la musique ou des dessins qui,
jusqu’à présent, ne pouvaient être produits que par l’esprit humain. Comme le
souligne l’École Supérieure d’Audiovisuel The Core, à Madrid, “sa présence se
fait sentir partout : du divertissement à la mode, en passant par le marketing
et le développement de logiciels”. D’autre part, et fondamentalement, “elle
révolutionne le monde d’une manière qui, jusqu’à récemment, semblait sortir de
la science-fiction. Les machines ne se contentent plus d’analyser des données :
elles peuvent désormais créer du contenu, comme si elles étaient dotées d’une
créativité propre”.
Ce qui est important dans tout
cela, souligne The Core, c’est la façon dont l’IA générative change “notre
façon de travailler, de créer et d’innover”, en favorisant “des entreprises
plus agiles, des concepteurs avec de nouveaux outils entre les mains, et des
programmeurs qui ont maintenant un copilote intelligent qui les aide à
construire plus vite et mieux”. C’est pourquoi, conclut-elle, “l’IA générative
ne se contente pas de transformer les industries ; elle façonne une nouvelle
ère créative”. Elle traite des modèles et de grands volumes de données qui,
lorsqu’ils sont manipulés de manière créative, lui permettent de générer des
résultats qui semblent avoir été créés par des humains, même s’ils sont
entièrement artificiels. Il s’agit d’une technologie qui évolue rapidement et
qui est de plus en plus intégrée dans les outils de la vie quotidienne.
Cependant, des processus plus
rapides et une plus grande agilité productive ne correspondent pas toujours à
des améliorations des conditions sociales et de travail, comme l’observe The
Core. C’est ce que montre, par exemple, l’impact des distributeurs automatiques
de billets dans les supermarchés, des machines qui entraînent des pertes d’emploi
croissantes pour les personnes qui, jusqu’à récemment, étaient chargées de
cette tâche. Il en va de même pour les systèmes de traduction intelligents, qui
portent un coup fatal aux interprètes et aux traducteurs. Dans l’industrie
graphique, les progrès des logiciels de conception sophistiqués sont en train
de liquider presque complètement les versions les plus avancées de la
typographie et de l’impression. Pratiquement aucune activité humaine n’est à l’abri
de cette nouvelle dynamique.
L’emploi : risques et défis
L’étude de l’OIT intègre un
nouvel indice, ce qui constitue une évolution importante. Cet indice représente
l’évaluation mondiale la plus détaillée à ce jour de la manière
dont l’IA générative peut remodeler le monde du travail. Elle offre une
vision unique - et nuancée - de la manière dont elle pourrait transformer l’emploi
dans les différents pays. Pour ce faire, elle combine les données de près de 30
000 tâches professionnelles avec la validation d’experts, la notation assistée
par l’IA et les microdonnées harmonisées de l’OIT.
Présentant l’étude, Paweł Gmyrek,
auteur principal de l’étude, a déclaré qu’elle allait au-delà de la simple
théorie pour construire un outil basé sur des emplois réels. Gmyrek, qui a
rejoint l’OIT en 2008, est titulaire d’un doctorat en sciences politiques et
relations internationales de l’Université de Genève (Suisse) et d’une maîtrise
de l’Ecole d’économie de Varsovie (Pologne). En combinant la perspective
humaine, l’examen par des experts et la modélisation générative de l’intelligence
artificielle, une méthode reproductible a été créée pour aider les pays à
évaluer les risques et à y répondre avec plus de précision.
L’École Supérieure d’Audiovisuel espagnole,
qui reconnaît les contributions de l’intelligence artificielle, alerte
également contre les risques et les dangers possibles. Elle met en garde contre
les défis éthiques, sécuritaires et sociaux liés à l’IA générative.
Parmi ces risques, elle cite les “deepfakes”
: des vidéos hyperréalistes générées par l’IA qui donnent l’impression que
quelqu’un a dit ou fait quelque chose qui n’est jamais arrivé. Elles sont
utilisées dans le cadre de campagnes de désinformation, de fraude ou même de
chantage, et constituent une menace pour la confiance du public et la sécurité
des personnes.
L’IAg peut également faciliter l’hameçonnage
avancé, une technique qui permet de créer de faux courriels très convaincants
qu’un cybercriminel envoie à un utilisateur en se faisant passer pour une
entité légitime (réseau social, banque, institution publique, etc.) dans le but
de voler des informations privées, de facturer des frais financiers ou d’infecter
l’appareil. En outre, elle peut être utilisé pour diffuser des fausses
nouvelles ou manipuler du contenu à des fins malveillantes.
Autant de méthodes de plus en
plus utilisées ces dernières années dans les campagnes électorales et dans la
vie politique en général pour discréditer un candidat en lice ou une force
rivale. Ces formes de manipulation numérique sont si répandues qu’elles peuvent
menacer le sens même de la démocratie.
En complément de l’étude de l’OIT,
l’École Supérieure d’Audiovisuel souligne l’impact de l’IA sur l’évolution
rapide du paysage de l’emploi. Si elle crée de nouveaux emplois et augmente la
productivité, elle remplace aussi des tâches humaines dans des domaines très
divers tels que la rédaction, la conception et la programmation.
Sur le plan environnemental, de plus en plus d’études démontrent l’impact néfaste de l’utilisation de l’intelligence artificielle sur la santé de la planète. Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) affirme que “l’explosion des technologies de l’IA et des infrastructures qui y sont associées présente des inconvénients”, comme le démontrent les résultats des recherches. Le PNUE souligne également que “la prolifération des centres de données hébergeant des serveurs d’IA produit des déchets d’équipements électriques et électroniques. Ils consomment également de grandes quantités d’eau, qui est de plus en plus rare dans de nombreux endroits. Ils dépendent de minéraux essentiels et d’éléments rares, qui sont souvent extraits de manière non durable. Et ils utilisent des quantités massives d’électricité, ce qui émet davantage de gaz à effet de serre qui réchauffent la planète” (lire ici).
Le rôle de l’État
L’impact de l’IA générative
variera considérablement d’une région géographique à l’autre et d’un secteur à
l’autre, en fonction de trois facteurs principaux : les limites technologiques
de chaque pays, son manque d’infrastructures de production et ses déficits de
compétences, c’est-à-dire ses difficultés à former des ressources humaines. Les
politiques néolibérales extrêmes menées dans de nombreuses régions du monde
accentuent l’impact négatif de ces facteurs.
L’étude OIT-NASK prévoit
également que les emplois administratifs seront les plus exposés car, du moins
en théorie, nombre de leurs tâches spécifiques peuvent être automatisées. Il
pourrait en être de même pour les emplois dans les secteurs des médias, des
logiciels et de la finance.
Dans ce nouveau paysage qui se
dessine de manière irréversible, les politiques guidant les transitions
numériques seront déterminantes lorsqu’il s’agira de savoir dans quelle mesure
les travailleurs pourront rester dans les professions transformées par l’IA
générative, et comment cette transformation affectera la qualité de l’emploi. L’OIT
exhorte les gouvernements, les organisations d’employeurs et les syndicats à
engager un dialogue social pour concevoir des stratégies proactives et
inclusives afin d’améliorer la productivité et la qualité de l’emploi, en
particulier dans les secteurs les plus exposés à l’IAg.
En fin de compte, l’impact
négatif plus ou moins important de cette nouvelle dynamique scientifique et
sociale sur le bien-être de la communauté humaine dépendra de la volonté
politique de ses dirigeants et de ses États de légiférer de manière appropriée,
de fixer des limites et de clarifier ce qui peut être autorisé et ce qui ne
peut pas l’être. Le problème est exacerbé lorsque l’État est faible, absent ou
détruit par des dirigeants qui le nient ou le considèrent comme un ennemi à
combattre.
Le Turc mécanique, une grande
attraction à la fin du XVIIIᵉ siècle :
un –
prétendu – automate qui battait les meilleurs joueurs d’échecs. Gravure
sur cuivre de Joseph von Racknitz (1789)