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23/11/2025

Armes de volonté : le Hamas et le Jihad islamique face au plan de Trump pour Gaza

Jeremy Scahill & Jawa Ahmad, Drop Site News, 23/11/2025

Traduit par Tlaxcala

ملخص المقال باللغة العربية في نهاية الوثيقة

Resumen del artículo en español al final del documento

L’ONU vient d’apposer un sceau de légitimité sur le plan colonial du président Donald Trump pour Gaza. Dans ce reportage exclusif de Drop Site, des dirigeants de la résistance palestinienne évaluent l’état actuel de la guerre.

Introduction

Israël poursuit le siège de Gaza malgré le « cessez-le-feu » officiellement entré en vigueur le 10 octobre. Jour après jour, les forces israéliennes attaquent les Palestiniens dans l’enclave, tuant plus de 340 personnes depuis que Donald Trump a présenté son plan de « paix » comme un accomplissement monumental ouvrant une nouvelle ère. La majorité des morts sont des femmes et des enfants.

Durant la semaine écoulée, les forces israéliennes — qui occupent toujours plus de 50 % du territoire de Gaza — ont avancé encore davantage au-delà de la « ligne jaune ». Israël menace de reprendre son siège total si le Hamas ne désarme pas et ne se rend pas. L’État israélien refuse par ailleurs d’autoriser l’entrée des quantités de nourriture, de médicaments et de produits essentiels convenues dans l’accord.

Le 17 novembre, dans un geste sans précédent, le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé le plan néocolonial de Trump pour Gaza, incluant le déploiement d’une force internationale qui n’opérerait pas sous commandement onusien, mais sous la direction d’un conseil privé contrôlé par Trump. Selon ce dernier, cette force serait chargée de désarmer la résistance palestinienne et de démilitariser Gaza, afin de priver le peuple palestinien de son droit à l’autodéfense.

Dans le cadre de la série de Drop Site consacrée à la résistance palestinienne depuis le 7 octobre, des responsables de haut rang du Hamas et du Jihad islamique analysent le chemin qui a mené à la situation actuelle. Nous avons mené une série d’entretiens en personne avec ces dirigeants, qui y décrivent les événements ayant précédé l’accord de cessez-le-feu d’octobre, leur position sur le désarmement et sur le plan Trump, ainsi que leur vision de la lutte actuelle pour la libération nationale palestinienne.

Ce rapport de Jeremy Scahill et Jawa Ahmad est long et détaillé, mais nous pensons qu'il vaut vraiment la peine d'être lu.

L’incapacité de la plupart des médias occidentaux à relayer la perspective de la résistance palestinienne constitue une faute professionnelle et nuit profondément à la compréhension du public.


Des membres des Brigades Al-Qassam du Hamas près de la rue Bagdad, dans la ville de Gaza, le 5 novembre 2025. Photo Hamza Z. H. Qraiqea / Anadolu via Getty Images.

 La frappe de Doha

Peu après 15h46, heure de Doha, le 9 septembre, Osama Hamdan — un dirigeant de haut rang du Hamas — reçut l’appel d’un journaliste lui demandant s’il avait entendu parler d’une explosion qui venait de secouer la capitale qatarie. Hamdan se trouvait alors à une réunion, à l’autre bout de la ville, loin des bureaux du mouvement islamique de résistance, situés dans le quartier huppé de Legtaifiya, rue Wadi Rawdan. Il n’avait entendu aucun bruit.

« Il y a eu une explosion à Doha », se souvient-il que le journaliste lui a dit. « Je crois que vos gens ont été ciblés. »
Hamdan commença à appeler d’autres responsables du Hamas. « Personne ne répondait. Tous les téléphones étaient hors service », se remémore-t-il. « Au bout de cinq minutes environ, un des frères est venu me voir et m’a dit : “Il y a eu une frappe aérienne contre le bureau.” »

La tentative d’assassinat à Doha et le récit d’Osama Hamdan

Alors qu’il se rendait sur les lieux, Hamdan apprit par les médias que des responsables israéliens confirmaient une série de frappes visant à assassiner plusieurs dirigeants de haut rang du Hamas.
L’armée israélienne déclara que les membres de la direction visés « dirigeaient depuis des années les activités terroristes », qu’ils avaient « planifié et supervisé le massacre du 7 octobre » et « dirigeaient la guerre contre Israël ».

Selon Israël, la frappe avait pour objectif d’assassiner le chef du Hamas à Gaza, le Dr Khalil Al-Hayya. « Nous attendons de voir les résultats », déclara un responsable israélien.

Au moment des frappes, Benyamin Netanyahou participait à un événement organisé par l’ambassade usaméricaine à Jérusalem.
Il s’en vanta immédiatement : « Au début de la guerre, j’ai promis qu’Israël atteindrait ceux qui ont perpétré cette horreur. Aujourd’hui, c’est fait. »

Ces frappes israéliennes représentaient une escalade spectaculaire, d’autant qu’elles furent menées sur le territoire du Qatar, pays allié des USA, qui abrite le CENTCOM, l’un des principaux centres névralgiques militaires USaméricains au Moyen-Orient.

Les bureaux du Hamas à Doha avaient été établis en 2011 à la demande directe du gouvernement usaméricain, précisément afin de maintenir une voie de communication diplomatique ouverte avec le mouvement. Le Qatar, avec l’Égypte, joue depuis longtemps un rôle crucial de médiateur dans les conflits et négociations régionales.

Pour Hamdan, l’objectif israélien était clair : « C’était un message politique évident : Netanyahou ne voulait ni cessez-le-feu ni solution.
Il voulait éliminer la délégation qui négociait. En frappant au Qatar, il a montré qu’il ne respectait même pas ceux qui cherchent à obtenir un accord. »


Fumée s’élevant après les explosions survenues dans la capitale qatarie Doha, le 9 septembre 2025. Photo Jacqueline Penney / AFPTV / AFP via Getty Images.

Désinformation et bilan humain

Quelques minutes après les frappes, les réseaux sociaux furent inondés de comptes pro-israéliens affirmant que : Khalil Al-Hayya avait été tué, ainsi que Khaled Mechaal et Zaher Jabbarin.

Netanyahou se félicita publiquement de frappes visant « les chefs terroristes du Hamas ».

Mais Hamdan découvrit rapidement qu’aucun dirigeant majeur n’avait été tué. « Ils ont concentré les frappes sur l’endroit où ils pensaient que la réunion se tenait », explique-t-il. « Mais ils ont échoué. »

En réalité, les frappes tuèrent Hammam Al-Hayya, fils du Dr Khalil Al-Hayya, son secrétaire personnel, trois assistants et gardes du corps ainsi qu’un officier de sécurité qatari.

L’armée israélienne tira entre 10 et 12 missiles sur le complexe, détruisant les bureaux administratifs et l’appartement de la famille Al-Hayya. L’épouse du dirigeant, sa belle-fille et ses petits-enfants furent blessés.

Hamdan dut annoncer lui-même la mort de son fils à Al-Hayya. Ce dernier, qui avait déjà perdu un autre fils — Osama — tué dans une frappe israélienne en 2014, a perdu de nombreux membres de sa famille dans le génocide en cours.

Dans une déclaration publique empreinte de dignité, Al-Hayya affirma ensuite : « La douleur de perdre mon fils, mon compagnon, le directeur de mon bureau et les jeunes autour de moi, c’est une douleur immense. Nous ne sommes pas faits de fer ou de pierre. Nous pleurons nos martyrs, nos familles, nos frères. Mais ce que je vois chaque jour — les tueries, la tyrannie, les assassinats, la destruction à Gaza — me fait oublier ma douleur personnelle. Parce que je sens qu’ils sont tous comme mes propres enfants. »

Une frappe motivée par les négociations

Bien qu’Israël justifie publiquement la frappe de Doha au nom du 7 octobre, la réalité était toute autre : Il s’agissait d’éliminer l’équipe de négociation du Hamas au moment exact où elle examinait une nouvelle proposition usaméricaine.

Dans les jours précédant les frappes, l’administration Trump avait transmis au Hamas, via les médiateurs qataris, un texte présenté comme une nouvelle initiative de cessez-le-feu.
Ce document exigeait notamment la remise immédiate de tous les captifs israéliens — vivants et morts — détenus à Gaza.

Du point de vue du Hamas, cette “offre” ressemblait à un piège : elle était vague, elle n’engageait pas clairement Israël à mettre fin au génocide, elle ne garantissait aucune levée du siège ou retrait militaire.

Le Hamas se souvenait aussi qu’en mai, Trump avait renié une promesse similaire faite lors d’un échange visant à libérer le soldat usaméricano-israélien Edan Alexander.

Funérailles à Doha

Les funérailles furent organisées dès le lendemain, dans la capitale qatarie. Elles rassemblèrent une foule nombreuse : diplomates, responsables politiques, membres de la diaspora palestinienne, journalistes, et figures du mouvement national.

Le cercueil du fils de Khalil Al-Hayya — Hammam — fut porté en tête du cortège, suivi de ceux des quatre membres du Hamas tués dans la frappe, ainsi que celui de l’officier de police qatari. Les dirigeants du Hamas, visiblement éprouvés, prononcèrent des discours de deuil et de résilience.
Ils insistèrent sur le fait que l’attaque ne briserait pas la volonté palestinienne de poursuivre les efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre — malgré l’évidence que l’objectif israélien était précisément d’éliminer la délégation chargée de négocier.


Funérailles à Doha du fils de Khalil Al-Hayya, de quatre membres du Hamas et d’un officier qatari tués lors de la frappe israélienne. Photo Diwan de l’Émirat du Qatar / Anadolu via Getty Images

Le Hamas avait accepté un accord avant les frappes israéliennes

Le 18 août — soit trois semaines avant la tentative d’assassinat de Doha — les factions palestiniennes avaient déjà accepté un accord de cessez-le-feu élaboré par les USA et Israël.

Cet accord, appelé “cadre Witkoff”, du nom de l’émissaire spécial usaméricain Steve Witkoff, comportait 13 points. Il incluait :

  • un cessez-le-feu de 60 jours,
  • la reprise de l’aide humanitaire,
  • la libération de la moitié des captifs israéliens, vivants ou morts,
  • la possibilité de prolonger la trêve pendant que les négociations se poursuivaient.

Pour les dirigeants palestiniens, il s’agissait d’un compromis difficile, mais acceptable, afin de stopper l’hécatombe à Gaza. Mohammad Al-Hindi, chef de la délégation du Jihad islamique, raconte : « Trump pensait que le Hamas ne remettrait jamais vingt captifs d’un seul coup. Nous avons consulté toutes les factions et décidé d’accepter l’accord Witkoff. »

Des concessions palestiniennes majeures

Dans l’accord du 18 août, les Palestiniens avaient accepté :

  • la libération immédiate de huit captifs le premier jour,
  • l’absence de calendrier clair pour le retrait israélien du corridor de Philadelphie,
  • une zone tampon israélienne plus profonde que ce qu’ils avaient exigé,
  • la possibilité d’un accord même sans garantie que la guerre cesserait complètement.

Selon un haut responsable qatari, le Hamas avait accepté 98 % de ce que les USA et Israël réclamaient.

Pourtant…

Israël ne répondit jamais. Les USA firent porter la faute au Hamas

Lorsque les Palestiniens annoncèrent qu’ils acceptaient l’accord, Israël ne donna aucune réponse officielle.

Au lieu de cela :

  • les responsables usaméricains déclarèrent que le Hamas bloquait les négociations,
  • l’armée israélienne accéléra les bombardements,
  • Israël annonça une nouvelle offensive terrestre imminente,
  • les médias israéliens affirmèrent que les Palestiniens « refusaient la paix ».

Al-Hindi : « Ils ont donné à Israël une excuse pour intensifier les frappes et prétendre que nous refusions un accord — alors que nous l’avions accepté. »

08/10/2025

Déluge d’Al-Aqsa : deux ans de résistance et d’affrontements légendaires

 Les communiqués de l’Axe de la Résistance à l’occasion du second anniversaire de l’opération Déluge d’Al-Aqsa, lancée le 7 octobre par le Hamas, et à laquelle se sont jointes toutes les factions de la Résistance palestinienne.

  • Communiqué du Hamas
  • Communiqué du Jihad islamique palestinien
  • Communiqué conjoint des factions de la Résistance palestinienne
  • Communiqué du Hezbollah

Source : RNN

Traduction : lecridespeuples.substack.com

Lire ici



27/09/2025

OFER ADERET
L’historien israélien Avi Shlaim a tourné le dos au sionisme il y a longtemps. Aujourd’hui, il soutient le Hamas

Depuis l’université d’Oxford, Shlaim affirme que le Hamas incarne la résistance palestinienne, s’éloignant ainsi même de ses collègues les plus radicaux.

Ofer Aderet, Haaretz, 25/9/2025
Traduit par Tlaxcala


Avi Shlaim : « Les jeunes Arabes et musulmans me remercient de parler en leur nom. » Photo Charlie Bibby/The Financial Times Ltd

Résumé : L’historien Avi Shlaim, universitaire juif israélien à l’université d’Oxford, est devenu une figure controversée [en Israël, NdT] en raison de ses critiques acerbes à l’égard d’Israël et de sa vision du Hamas comme un mouvement de résistance légitime, en particulier depuis les événements du 7 octobre. Dans une interview, Shlaim revient sur son parcours, qui l’a mené du patriotisme sioniste à la critique virulente, en s’appuyant sur son histoire personnelle en tant que Juif irakien et sur des décennies de recherches dans les archives. À l’approche de son 80e anniversaire, il appelle à une réévaluation fondamentale du discours israélien sur le conflit.

Six mois après l’attaque du 7 octobre, une vidéo a été mise en ligne, provoquant la colère de nombreux internautes. L’homme qui y apparaît est le professeur Avi Shlaim, historien juif israélien de l’université d’Oxford. À première vue, il ressemble à un gentil grand-père britannique, avec sa chevelure blanche et son élocution lente et douce. Mais ses propos sont loin d’être agréables à entendre pour les Israéliens.

Une publication partagée par Hamzah Saadah (@hamzahpali)


« Le Hamas est le seul groupe palestinien qui incarne la résistance à l’occupation israélienne », déclarait-il dans la vidéo. « En lançant l’attaque contre Israël le 7 octobre, le Hamas a envoyé un message fort : les Palestiniens ne seront pas mis à l’écart, la résistance palestinienne n’est pas morte. Même si l’Autorité palestinienne collabore avec Israël en Cisjordanie, le Hamas continuera à mener la lutte pour la liberté et l’indépendance des Palestiniens. »

En octobre, Shlaim fêtera son 80e  anniversaire chez lui, à Oxford. « Depuis le début de la guerre, je suis devenu une sorte de célébrité. Les gens me reconnaissent dans la rue et me serrent la main. C’est une nouvelle expérience pour moi », déclare-t-il dans une interview accordée au magazine Haaretz Weekend.

« Les jeunes Arabes et musulmans me remercient de parler en leur nom, de leur donner une voix et de l’espoir pour l’avenir, et de leur redonner confiance dans les Juifs. »

Et qu’en est-il de l’autre côté ?

« Je reçois également des courriels hostiles et des menaces de mort, mais pour chacun d’entre eux, il y en a dix positifs. Je reçois de plus en plus de soutien et de moins en moins de critiques. Dans le passé, chaque fois que je m’exprimais devant un public, il y avait toujours un étudiant juif qui me contestait et défendait Israël. Depuis le début de la guerre à Gaza, cela ne s’est pas produit une seule fois. Israël a aliéné même ses propres partisans. Il est responsable de l’effondrement spectaculaire de sa réputation.

Les médias occidentaux continuent de pencher en faveur d’Israël et ne relaient pas le discours du Hamas, mais les jeunes n’écoutent plus la BBC et ne lisent plus les journaux : ils s’informent via les réseaux sociaux. C’est ainsi que j’explique le soutien croissant dont je bénéficie. »

Quel est le « discours » du Hamas dans ce cas ?

« J’ai étudié le récit du Hamas concernant l’attaque du 7 octobre et la guerre. Expliquer le comportement du Hamas n’est pas la même chose que le justifier. Tuer des civils est mal, point final. Mais comme toujours, le contexte est crucial. Les Palestiniens vivent sous occupation. Ils ont le droit de résister, y compris par la résistance armée. Les combattants du Hamas ont reçu des instructions explicites pour l’attaque, et il y avait des cibles militaires spécifiques. Le Hamas a d’abord frappé des bases militaires et tué des soldats, des policiers et des membres des  forces de sécurité. Ce n’est pas un crime de guerre. Les choses ont ensuite dégénéré. »

08/06/2025

LUIS E. SABINI FERNÁNDEZ
Panorama... planétaire et focus sur Gaza

  Luis E. Sabini Fernández  5/6/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Il y a une sensation, un malaise comme lorsque l’on est près de la mer et que l’on voit venir une tempête : le ciel s’assombrit, des rafales de vent arrivent de tous côtés, le ciel se couvre...

C’est ainsi qu’on peut voir le panorama politique, non plus (seulement) local mais général.

(Bien sûr, nous n’avons pas la moindre idée de ce qui e passe en Mongolie, au Costa Rica ou en Hongrie, mais c’est une situation qui dépasse de toute façon nos particularités).

Donald Trump a été, à mon avis, défini à juste titre comme le monarque qui est de plus en plus nu (et certains d’entre nous devinent qui lui a tissé son coûteux costume invisible).

Comment est-il possible que face à la jungle qui entoure de toutes parts le jardin (unique) de l’Europe pas si chaste que ça, ce soit précisément l’Europe qui batte les tambours de guerre ? Malaise.

Et que nous ayons un autre monarque, issu d’élections démocratiques, qui consulte son chien, mort ? Malaise.

Et que la théocratie juive (dont se démarquent quelques rares juifs) mène, avec une brutalité et une franchise inattendues, un génocide « en direct » ?

Et que l’Ukraine apparaisse de plus en plus clairement comme la marionnette ventriloque des services secrets israélo-britannico-usaméricains ?

De telles politiques, récurrentes chez les pouvoirs dictatoriaux, étaient généralement dissimulées, « calfeutrées ». Mais il semble que nous soyons entrés dans une zone idéologique, psychique, sans calfeutrages.

Nous pourrions nous réjouir, voire être fiers de ce langage direct, sans détours, mais il s’avère que ces déclarations sincères sont faites avec effronterie pour réclamer encore plus de brutalité, l’élimination des obstacles à la mise en œuvre de sévices, l’audace d’exercer un despotisme sanglant  et cela s’avère « approprié » pour soumettre des populations à une volonté omnipotente.


L’excellent Francisco Claramunt révèle ces agissements dans ses articles sur le génocide palestinien et en particulier à Gaza dans le magazine Brecha.[1] Dans son dernier article, il expose le trafic d’armes de contrôle et de mort d’Israël et ses profits juteux.

Mais ce n’est certainement pas le profit qui en constitue le principal aspect. Car le pouvoir que confèrent ces déploiements est encore plus significatif.

Le traitement que l’Israël inflige aux Palestiniens, en s’appropriant leurs terres  – un processus qui dure depuis un siècle –, éveille l’intérêt de nombreuses constellations de pouvoir, tout aussi désireuses de réaffirmer leurs droits sur des terres mal acquises.

Le « cheval de bataille » des exportations réussies de matériel et de techniques militaro-policiers d’Israël se caractérise par le slogan utilisé par leurs exportateurs : « testé et éprouvé au combat ».

Et c’est là la « contribution » israélienne, l’invention d’Israël : celle d’un ennemi (et du combat qui en découle).

Car lorsque le sionisme entame la spoliation par appropriation du territoire palestinien, il se heurte à une résistance. Sociale. Mais pas militaire ni politique. Israël va alors reconfigurer la résistance en scène de combat, inventer un adversaire, ou plutôt un ennemi idéologique et politique qu’il traite comme un ennemi de guerre.

C’est une tâche militaire assez facile : il traite en ennemies les populations réfractaires pourvu qu’elles aient ne serait-ce qu’un fusil de chasse pour l’affronter. Les résultats en nombre de « pertes » l’illustrent : les grévistes de la grève générale insurrectionnelle de 1936 paieront leur soulèvement contre l’occupation sioniste de milliers de morts ; en 1948, les paysans seront expulsés de leurs terres, de leurs cultures et de leurs habitations (les pelotons sionistes détruiront environ 500 à 600 villages palestiniens) et après avoir tué les réfractaires (des milliers), ils expulseront plusieurs centaines de milliers de Palestiniens de leur habitat millénaire. Lors d’affrontements ultérieurs entre des habitants en colère et l’armée israélienne, comme lors des intifadas, et même lors des guérillas palestiniennes des années 60, des centaines de Palestiniens (hommes, femmes, enfants) mourront pour chaque soldat israélien tombé « au combat ».

Comment expliquer que des Juifs dépouillés de tout, vie comprise, au début des années 40 en Allemagne, en Pologne, dans les pays baltes, etc., quelques années plus tard, pas plus que ceux que l’on peut compter sur les doigts d’une main,  aient dépouillé les Palestiniens de leurs terres, de leurs biens, de leurs maisons avec leurs meubles, leurs vêtements et leur vaisselle (jusqu’aux tasses à thé fumantes, dans des maisons abandonnées à la hâte face à la menace de la réquisition sioniste) ?

Il ne s’agissait pas exactement des mêmes personnes. Beaucoup de ceux qui ont été spoliés par le nazisme se sont réfugiés aux USA. Et beaucoup de sionistes juifs qui occupaient la Palestine et déplaçaient les Palestiniens ne venaient pas des shtetls pillés de Russie et d’Europe orientale ni de la terreur nazie ; ils venaient souvent d’Angleterre et d’autres pays européens occidentaux, ainsi que de pays des Amériques (USA, Argentine).[2]

Une comparaison aussi irritante ne tient donc pas la route, en raison de la diversité des destins particuliers, parfois familiaux.

Réfugiés ou colonisateurs ?

Ce que nous venons d’évoquer se situe au niveau des destins personnels. Mais en outre, parce que le « destin juif »  a été superposé à la question coloniale. La colonisation proprement dite : s’emparer du territoire d’un « autre ».

Une question qui, pour les colonialistes, n’existe pas. Elle est sans importance. Car évoquer la question coloniale ouvrirait la porte aux droits des colonisés. Et pour le colonialisme, le droit est par antonomase le droit des colonisateurs. Il n’y en a pas d’autre.

De quel autre droit peut-on donc parler ? Parce que le droit colonial est élaboré et concrétisé comme le droit des colonisateurs.

Avec le même fondement que celui sur lequel les droits humains ont été élaborés à l’ONU en 1945. Le sénateur usaméricain de l’AIPAC, Lindsey Graham, l’explique, ou plutôt le dévoile, le 21 novembre 2024 : « Le Statut de Rome [de la CPI] ne s’applique pas à Israël, ni aux USA, ni à la France, ni à l’Allemagne, ni à la Grande-Bretagne, car il n’a pas été conçu pour agir sur nous. »

Examinons ce statut : le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, établi par l’ONU en 1998 et complété en 1999 et 2002, tient compte du fait « qu’au cours de ce siècle, des millions d’enfants, de femmes et d’hommes ont été victimes d’atrocités » et « que les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ne doivent pas rester impunis », [... et] résolues, aux fins d’atteindre ces objectifs et dans l’intérêt des générations présentes et futures, à établir une Cour pénale internationale à caractère permanent, indépendante [...] ». « La Cour [...] sera compétente pour exercer sa juridiction sur les personnes pour les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ».

Apparaît-il dans un passage quelconque que ces dispositions s’appliquent aux Maghrébins, aux Salvadoriens, aux Portugais ou aux Tunisiens et non aux Anglais, aux Israéliens, aux USAméricains ou aux Français ?

Il est utile de confronter les exceptions que s’octroient les puissants de la planète à l’article 6 du statut de la CPI qui traite du génocide :

“Article 6

CRIME DE GÉNOCIDE

Aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) Meurtre de membres du groupe;

b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;

c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;

d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;

 e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.”

Les cinq éléments constitutifs d’un génocide sont largement remplis par Israël en Palestine, et en particulier dans la bande de Gaza !

Et nous nous demandons d’où pourrait venir une exonération d’Israël telle que celle que prétend obtenir le sénateur soutenu par l’AIPAC pour certains citoyens du monde de première classe.

Nous n’avons pas pu trouver de raisons aussi particulières ; c’est peut-être notre aveuglement...

Il n’y a d’autre choix que de conclure, selon les critères de la CPI, que tous les actes commis par « l’armée la plus morale du monde » constituent définitivement un génocide.

Peut-être qu’à cheval sur une telle exception « grahamienne », Israël se permet de  propager ses produits de guerre, de soumission  et de torture comme « testés et éprouvés au combat ». Nous avons déjà vu que le terme « combat » sonne faux, car il transforme en guerre ce qui est simplement et brutalement une occupation militaire (il n’y a pas deux armées qui s’affrontent).

Israël arme « les scènes de combat ». Il joue à la guerre avec de nombreux « ennemis ». Beaucoup. Toute une population. En réalité, cette population victime, composée de personnes âgées, de femmes, d’enfants et de bébés, n’a été et n’est qu’un punching-ball pour l’armée israélienne.

Claramunt passe en revue l’énorme succès que cette propagande, ces tests d’armes israéliennes, remporte auprès des acheteurs : sans doute parce qu’ils veulent en faire un usage analogue...


Un moment de la « colonisation » : fabriquer des mutilés

Jusqu’en octobre 2023, outre la spoliation, la propagation de la mort, l’expulsion administrative des habitants de la société et leur maintien en détention, isolés, parfois pendant des décennies, Israël a mené une politique délibérée de mutilations, qui leur a donné un rôle important. Montrant une logique coloniale de mutilation, restreignant les possibilités pour le peuple palestinien de guérir de ses blessures, car les Palestiniens et les Palestiniennes perdent un œil, une jambe, se retrouvent avec une cheville brisée à vie […]

En octobre 2023, lorsque les Palestiniens ont pris le contrôle de casernes locales israéliennes à Gaza et fait des prisonniers, Gaza comptait 440 000 personnes handicapées, selon Danila Zizi, directrice de Handicap international pour la Palestine, soit 21 % de la population totale. Vous avez bien lu. Une personne sur cinq... Après le 8 octobre 2023, on comptait en un mois près de 100 000 blessés, dont on peut déduire qu’une grande partie seront désormais handicapés (sans compter les morts, adultes et enfants).

Le handicap n’est pas une conséquence du massacre, mais un objectif de la politique coloniale.[3]

Bien sûr, les massacres entraînent également une augmentation des mutilations et, par par conséquent, le nombre de personnes handicapées.

Test d’ignorance crasse

Quand quelqu’un qui ne sait rien de cette tragédie, ni des droits humains, est amené à parler des Palestiniens, de Gaza, d’Israël, il s’accroche à deux points et se sent en sécurité : 1) c’est une guerre (déclenchée de manière malveillante le 7 octobre 2023 ; peut-être dans un ciel serein, dans le meilleur des mondes), et 2) nous devons faire face au « réseau terroriste du Hamas ».

Ce n’est pas une guerre, et il n’y a jamais eu deux armées. Il s’agit d’une colonisation par la spoliation.

Et le Hamas n’est pas terroriste comme on peut le dire de Daech, de la Mano guatémaltèque ou de l’Irgoun sioniste.

Le Hamas s’est constitué pour venir en aide aux Palestiniens dans le besoin, leur fournir des abris, de la nourriture et préserver leur intégrité culturelle (qui est religieuse pour le Hamas). De nombreuses actions du Hamas ont été non seulement non violentes, mais résolument pacifiques, comme les Marches pour la Terre (2019 et 2020) qui ont été réprimées par Israël avec  acharnement et ont fait des centaines de morts et de blessés [4].

Mais ce ne sont pas des pacifistes. Ce sont des islamistes qui invoquent la « guerre sainte ». Et en tant que fidèles d’un monothéisme absolu (et absolutiste) – à l’instar des monothéismes verticaux juif et chrétien –, ils admettent la violence et peuvent même la glorifier. Mais même l’ONU reconnaît que contre le colonialisme qui sous-tend le projet israélien, la violence est légitime.

On dit que le Hamas a été promu et financé par l’État sioniste. Il ne faut pas l’écarter. Israël a utilisé, comme tout pouvoir établi, des résistances les unes contre les autres pour s’en débarrasser mieux (des deux). À un moment donné, Israël a peut-être facilité la tâche des islamistes pour faire plier les Palestiniens laïques dirigés par Arafat ; à un autre moment, il a pu se servir de l’Autorité nationale palestinienne pour écarter l’opposition moins malléable du Hamas.

Mais ces vicissitudes ne contredisent pas la volonté d’émancipation des Palestiniens spoliés et de plus en plus massacrés. Elles n’effacent pas non plus le moteur de cette situation, que Francesca Albanese présente si succinctement : le génocide en cours est « la conséquence de la situation exceptionnelle et de l’impunité prolongée dont bénéficie Israël ».

 Notes

[1]  Voir par exemple Gaza un genocidio de exportación, 30 mai 2025. 

[2]  Il existe des témoignages de Juifs qui n’ont pas pu banaliser« le changement » de victime à bénéficiaire.  Au moins, cela leur a coûté psychologiquement : tel est le cas de la famille juive Peled, de l’ancien Yichouv. Mais ils étaient une extrême minorité au moment de s’emparer de la Palestine.

 [3]  Voir Iñaki Urdanibia, Gaza un genocidio de exportación”,

 [4]   Expression du mépris absolu pour tout prochain qui guide les pas de la direction israélienne.

 

27/02/2025

RAMZY BAROUD
L’“arabe” perdu : Gaza et l’évolution du langage de la lutte palestinienne


Ramzy Baroud, Middle East Monitor, 26/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

La langue a son importance. Outre son impact immédiat sur notre perception des grands événements politiques, y compris la guerre, la langue définit également notre compréhension de ces événements à travers l’histoire, façonnant ainsi notre relation avec le passé, le présent et l’avenir.


Mohammad Sabaaneh, 2018

Alors que les dirigeants arabes se mobilisent pour empêcher toute tentative de déplacer la population palestinienne de Gaza, frappée par la guerre - et aussi de la Cisjordanie occupée d’ailleurs-, je ne pouvais m’empêcher de réfléchir à la langue : quand avons-nous cessé de parler de « conflit israélo-arabe » pour commencer à utiliser l’expression « conflit israélo-palestinien » ?

Outre le problème évident que les occupations militaires illégales ne devraient pas être décrites comme des « conflits » – un terme neutre qui crée une équivalence morale – le fait de retirer les « Arabes » du « conflit » a considérablement aggravé la situation, non seulement pour les Palestiniens, mais aussi pour les Arabes eux-mêmes.

Avant de parler de ces répercussions, de l’échange de mots et de la modification de phrases, il est important d’approfondir la question : quand exactement le terme « arabe » a-t-il été supprimé ? Et tout aussi important, pourquoi avait-t-il été ajouté en premier lieu ?

La Ligue des États arabes a été créée en mars 1945, plus de trois ans avant la création d’Israël. La Palestine, alors sous « mandat » colonial britannique, a été l’une des principales causes de cette nouvelle unité arabe. Non seulement les quelques États arabes indépendants comprenaient le rôle central de la Palestine dans leur sécurité collective et leur identité politique, mais ils percevaient également la Palestine comme la question la plus cruciale pour toutes les nations arabes, indépendantes ou non.

Cette affinité s’est renforcée avec le temps.

Les sommets de la Ligue arabe ont toujours reflété le fait que les peuples et les gouvernements arabes, malgré les rébellions, les bouleversements et les divisions, étaient toujours unis par une valeur singulière : la libération de la Palestine.

La signification spirituelle de la Palestine s’est développée parallèlement à son importance politique et stratégique pour les Arabes, ce qui a permis d’ajouter une composante religieuse à cette relation.

L’attaque à la bombe incendiaire perpétrée en août 1969 contre la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem occupée a été le principal catalyseur de la création de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) plus tard dans l’année. En 2011, elle a été rebaptisée Organisation de la coopération islamique, bien que la Palestine soit restée le sujet central du dialogue musulman.

Pourtant, le « conflit » restait « arabe », car ce sont les pays arabes qui en ont supporté le poids, qui ont participé à ses guerres et subi ses défaites, mais qui ont aussi partagé ses moments de triomphe.

La défaite militaire arabe de juin 1967 face à l’armée israélienne, soutenue par les USA et d’autres puissances occidentales, a marqué un tournant. Humiliées et en colère, les nations arabes ont déclaré leurs fameux « trois non » lors du sommet de Khartoum en août-septembre de la même année : pas de paix, pas de négociations et pas de reconnaissance d’Israël tant que les Palestiniens seront retenus captifs.

Cette position ferme n’a cependant pas résisté à l’épreuve du temps. La désunion entre les nations arabes est apparue au grand jour, et des termes tels qu’Al-’Am al-Qawmi al-’Arabi (la sécurité nationale arabe), souvent axés sur la Palestine, se sont fragmentés en de nouvelles conceptions autour des intérêts des États-nations.

Les accords de Camp David signés entre l’Égypte et Israël en 1979 ont approfondi les divisions arabes - et marginalisé davantage la Palestine – même s’ils ne les avaient pas créées.

C’est à cette époque que les médias occidentaux, puis le monde universitaire, ont commencé à inventer de nouveaux termes concernant la Palestine.

Le terme « arabe » a été abandonné au profit de « palestinien ». Ce simple changement a été bouleversant, car les Arabes, les Palestiniens et les peuples du monde entier ont commencé à établir de nouvelles associations avec le discours politique relatif à la Palestine. L’isolement de la Palestine a ainsi dépassé celui des sièges physiques et de l’occupation militaire pour entrer dans le domaine du langage.

Les Palestiniens se sont battus avec acharnement pour obtenir la position légitime et méritée de gardiens de leur propre combat. Bien que l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ait été créée à la demande de l’Égypte lors du premier sommet arabe au Caire en 1964, les Palestiniens, sous la direction de Yasser Arafat du Fatah, n’en ont pris la tête qu’en 1969.

Cinq ans plus tard, lors du sommet arabe de Rabat (1974), l’OLP était collectivement considérée comme le « seul représentant légitime du peuple palestinien », et devait plus tard se voir accorder le statut d’observateur aux Nations unies.

Idéalement, un leadership palestinien véritablement indépendant devait être soutenu par une position arabe collective et unifiée, l’aidant dans le processus difficile et souvent sanglant de la libération. Les événements qui ont suivi ont toutefois témoigné d’une trajectoire bien moins idéale : Les divisions arabes et palestiniennes ont affaibli la position des deux camps, dispersant leurs énergies, leurs ressources et leurs décisions politiques.

Mais l’histoire n’est pas destinée à suivre le même schéma. Bien que les expériences historiques puissent sembler se répéter, la roue de l’histoire peut être canalisée pour aller dans la bonne direction.

Gaza, et la grande injustice résultant de la destruction causée par le génocide israélien dans la bande de Gaza, est une fois de plus un catalyseur pour le dialogue arabe et, s’il y a assez de volonté, pour l’unité.

Les Palestiniens ont démontré que leur soumoud (résilience) suffit à repousser toutes les stratagèmes visant à leur destruction, mais les nations arabes doivent reprendre leur position de première ligne de solidarité et de soutien au peuple palestinien, non seulement pour le bien de la Palestine elle-même, mais aussi pour celui de toutes les nations arabes.

L’unité est désormais essentielle pour recentrer la juste cause de la Palestine, afin que le langage puisse, une fois de plus, évoluer, en insérant la composante « arabe » comme un mot essentiel dans une lutte pour la liberté qui devrait concerner toutes les nations arabes et musulmanes, et, en fait, le monde entier.


11/02/2025

JEREMY SCAHILL
Une fois de plus, Netanyahou se prépare à saboter le cessez-le-feu à Gaza

Tout juste rentré de son voyage triomphal à Washington, D.C., le dirigeant israélien prépare une série de nouvelles demandes pour la phase 2 qu'il espère voir rejetées par le Hamas.

Jeremy Scahill, DropSite News, 10/2/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Dès l'instant où Israël a accepté l'accord de cessez-le-feu, son Premier ministre Benjamin Netanyahou et ses conseillers l'ont qualifié d'accord limité visant à obtenir la libération du plus grand nombre possible de prisonniers israéliens et non d'un plan global pour mettre fin à la guerre. Encouragé par ses récentes rencontres à la Maison Blanche et porté par un tsunami d'enthousiasme face à la proposition du président Donald Trump de confier le contrôle de Gaza aux USA, Netanyahou est rentré en Israël dimanche, prêt à saboter l'accord déjà fragile et à étendre le siège de ses forces sur la Cisjordanie.


Fahd Bahady, Syrie

« Ce voyage, et les conversations que nous avons eues avec le président des États-Unis, ont permis de réaliser d'autres avancées incroyables qui peuvent garantir la sécurité d'Israël pour des générations », s'est vanté Netanyahou. « Je n'exagère pas. Je ne charrie pas. Il y a ici des possibilités que nous n'aurions jamais imaginées, ou du moins qui ne semblaient pas possibles jusqu'à ces derniers mois, mais qui sont possibles. »

Selon les termes de l'accord de cessez-le-feu entré en vigueur le 19 janvier, Israël et le Hamas devaient entamer des négociations sur les détails d'une deuxième phase de 42 jours du cessez-le-feu au plus tard 16 jours après le début de la phase 1. La deuxième phase prévoit la libération de tous les prisonniers israéliens restants en échange d'un nombre important de Palestiniens détenus par Israël, le retrait complet des forces israéliennes de Gaza et le début d'un cessez-le-feu permanent qui ouvrirait la voie à une reconstruction massive de la bande de Gaza, d'un coût de plusieurs milliards de dollars. Trois semaines après l'accord, ces négociations n'ont cependant pas encore commencé. Netanyahou a d'abord refusé d'envoyer une délégation à Doha, au Qatar, pour les négociations de la phase 2, mais après l'intervention de la Maison Blanche, il a envoyé à contrecœur une délégation habilitée uniquement à discuter des détails techniques en cours liés à la phase actuelle, et non à négocier les prochaines étapes.

Netanyahou a atterri à Tel Aviv en affirmant qu'Israël avait conclu un accord stratégique avec Trump et son envoyé spécial au Moyen-Orient, Steve Witkoff, concernant les positions qu'Israël défendrait lors du prochain cycle de négociations. Netanyahou a déclaré lundi qu'il revenait de Washington, D.C. avec de nouveaux plans pour Gaza et que lui et Trump étaient « sur la même longueur d'onde » quant à la manière de procéder. « Vous vouliez un jour après [le plan] ? Vous l'avez eu... Cela ne correspond tout simplement pas au récit d'Oslo... Nous ne répéterons pas cette erreur... Je suis revenu avec une vision sans le Hamas et sans l'Autorité palestinienne », a annoncé Netanyahou. Brandissant le poing lors d'une réunion à la Knesset, il a déclaré : « Nous savons ce qu'est une victoire totale et nous ne renoncerons pas à elle ».

Peu après le discours de Netanyahou, Abu Obeida, le porte-parole des Brigades Al Qassam, la branche armée du Hamas, a annoncé que le groupe retarderait la libération des trois prochains Israéliens dont l'échange était prévu samedi, invoquant les violations israéliennes du cessez-le-feu. « Les dirigeants de la résistance ont surveillé les violations de l'ennemi et son non-respect des termes de l'accord au cours des trois dernières semaines », a-t-il déclaré, ajoutant que leur libération « sera reportée jusqu'à nouvel ordre, et jusqu'à ce que l'occupation s'engage à respecter et à compenser rétroactivement les points convenus des dernières semaines, et nous affirmons notre engagement envers les termes de l'accord tant que l'occupation s'y engage ».

Depuis l'entrée en vigueur officielle du cessez-le-feu le 19 janvier, Israël a continué de mener des attaques ciblées à l'intérieur de la bande de Gaza presque quotidiennement. Selon le ministère de la Santé de Gaza, plus de 110 Palestiniens ont été tués lors de ces attaques au cours des trois dernières semaines. Dimanche, les forces israéliennes ont tiré sur des Palestiniens dans le nord de Gaza qui, selon Israël, s'étaient trop rapprochés du territoire israélien. Au moins trois personnes ont été tuées. « Personne ne s'approche du périmètre et personne ne retourne dans le périmètre », a déclaré Netanyahou. « Nous l'appliquerons, et nous l'appliquerons fermement. Nous attendons du Hamas qu'il remplisse toutes ses obligations, et celle-ci en fait partie. »

Le Hamas a accusé Israël de jouer « un jeu déloyal » en ralentissant ou en bloquant la livraison convenue de l'aide dans la bande de Gaza, y compris la nourriture, les médicaments, les tentes, les générateurs et autres produits de première nécessité, ainsi qu'en continuant à tuer des Palestiniens à Gaza. « Cela pourrait menacer l'accord et le faire échouer », a déclaré Bassem Naim, membre du bureau politique du Hamas. « Netanyahou est revenu des USA avec la ferme intention de saboter l'accord. »

Le cabinet israélien doit se réunir mardi, date à laquelle Netanyahu a déclaré qu'il officialiserait les demandes d'Israël qui seront présentées lors des négociations par l'équipe israélienne. Parmi celles-ci, selon les médias israéliens, figurent l'exil des dirigeants du Hamas et le désarmement total de sa branche militaire, les Brigades Ezzedine Al Qassam. Le mois dernier, Netanyahou a déclaré au cabinet israélien qu'il avait reçu des lettres d'accompagnement de l'administration sortante de Biden et de l'équipe de Trump garantissant qu'Israël pourrait reprendre la guerre à Gaza avec un minimum de justification. Aujourd'hui, il semble que le soutien ira plus loin.

20/11/2024

RODOLFO WALSH
La Revolución palestina
Edición bilingüe/Édition bilingue


En 1974, Rodolfo Walsh, écrivain et journaliste révolutionnaire, militant des Montoneros argentins, est chargé par son organisation d’établir des relations avec le Fatah de Yasser Arafat, alors principal mouvement de résistance palestinien. De son voyage à Alger, Le Caire et Beyrouth, il rapporte un reportage publié par le quotidien Noticias.  50 ans plus tard, ce texte exemplaire, enfin disponible en français, est une lecture obligatoire pour tous les activistes, étudiants et chercheurs concernés par la cause des peuples, de l’Argentine sous « Mi Ley » à la Kanaky sous Macron.
Ce livre est publié à l’occasion de deux anniversaires :
Le 20 novembre en Argentine est la Journée de la Souveraineté nationale, commémorant la bataille de 1845, au cours de laquelle les combattants de la Confédération Argentine repoussèrent les envahisseurs franco-anglais qui entendaient coloniser le pays.
Le 29 novembre 1947, l’ONU adopta le Résolution 181, décrétant le partage de la Palestine entre les sionistes et les Palestiniens. Ce jour-là, les représentants de 33 pays déclenchèrent une catastrophe qui dure à ce jour.

En 1974, Rodolfo Walsh, escritor y periodista revolucionario, militante de los Montoneros argentinos, recibió de su organización el encargo de establecer relaciones con el Fatah de Yasser Arafat, entonces principal movimiento de resistencia palestino. De su viaje a Argel, El Cairo y Beirut, trajo un reportaje publicado por el diario Noticias. 50 años después, este texto ejemplar, por fin también disponible en francés, es una lectura imprescindible para todos los militantes, estudiantes e investigadores que se interesan por la causa de los pueblos, desde la Argentina bajo “Mi Ley” hasta Kanaky bajo Macron.
Publicamos este libro con ocasión de dos aniversarios:
El 20 de noviembre se celebra en Argentina el Día de la Soberanía Nacional, en conmemoración de la batalla de 1845 en la que los combatientes de la Confederación Argentina rechazaron a los invasores anglo-franceses que pretendían colonizar el país.
El 29 de noviembre de 1947, la ONU adoptó la Resolución 181, decretando la partición de Palestina entre sionistas y palestinos. Ese día, los representantes de 33 países desencadenaron una catástrofe que continúa hasta nuestros días.

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Índice
Nota del editor
Prólogo (Ángel Horacio Molina)
La Revolución palestina
Terror en Medio Oriente
La Embajada de Israel replica
Respuesta del autor a la embajada
Bio-bibliografía
Nota autobiográfica
Anexo Carta abierta de un escritor a la Junta Militar
Table des matières
Note de l’éditeur
Avant-propos (Ángel Horacio Molina
La Révolution palestinienne
Terrorisme au Moyen-Orient
L’ambassade d’Israël réplique
Réponse de l’auteur à l’ambassade
Biobibliographie
Notice autobiographique
Annexe Lettre ouverte d’un écrivain à la junte militaire
Nota del editor
En Argentina, bajo el gobierno del loco de la motosierra cuyo apellido podría leerse como «Mi Ley», uno se pregunta si Rodolfo Walsh es algo más que el nombre de una estación de la línea E del subte bonaerense para la generación más joven -los menores de 29 años-, la mayoría de los cuales votaron a un hombre que planea hundirlos aún más en el precariado y, si se insurgen, masacrarlos.
En la llamada América Latina del siglo XX, era un milagro que un revolucionario llegara vivo a los 50 años. Desde Emiliano Zapata hasta Ernesto Che Guevara, era habitual caer víctima de las balas antes de cumplir los 40.
Rodolfo acababa de cumplir 50 cuando, cerca de la estación Entre Ríos, cayó bajo las balas del capitán Astiz y sus gorilas. Corrió la misma suerte que su hija María Victoria, «Vicky», que había caído poco antes, a los 26 años. Pero a diferencia de muchas de las 30.000 personas forzosamente desaparecidas durante la dictadura militar, Rodolfo Walsh nos dejó una extraordinaria obra escrita, que desgraciadamente se ha traducido muy poco. Fue el inventor tanto del periodismo de investigación como del periodismo narrativo, en forma de «novelas de no ficción», nueve años antes que Truman Capote, generalmente presentado como su padre fundador por su libro A sangre fría. Pero Rodolfo no se limitó a escribir. Actuó, organizó y luchó, aunque lo único que tenía para defenderse de los esbirros que lo rodearon el 25 de marzo de 1977 era una ridícula pistolita que no le daba la medida. El día anterior acababa de empezar a difundir su 
Carta abierta de un escritor a la Junta Militar, con la que firmó su sentencia de muerte.
Rodolfo fue uno de los fundadores de la agencia de prensa cubana Prensa Latina. Fue uno de los pilares de Noticias, diario revolucionario que sólo duró el tiempo de un embarazo antes de ser prohibido por Isabelita por orden de la camarilla fascista reclamándose peronista que la rodeaba. Y en 1976 inventó ANCLA, la Agencia de Noticias Clandestina, que empezó a difundir información censurada sobre los crímenes de la dictadura.
Rodolfo, que murió como montonero, no siempre había sido peronista; incluso había sido furibundamente antiperonista y luego, en el curso de su labor investigadora, se había acercado a posiciones revolucionarias de izquierda, terminando con los Montoneros, esos extraños peronistas/marxistas/foquistas a los que se apresuraba a criticar por sus concepciones militarista-golpistas de la lucha, ya que aborrecía los métodos sumarios de ejecución de verdaderos o supuestos enemigos.
No he mencionado al Che al azar. Lo que ambos tenían en común era que eran argentinos por cuyas venas corría sangre irlandesa (véase más adelante la nota autobiográfica de Walsh). Los proletarios campesinos irlandeses que habían huido de la opresión de la pérfida Albión no habían encontrado un paraíso terrenal cuando desembarcaron en el Río de La Plata. La Plata no era para ellos. Tuvieron que laburar duro y dejar a su prole al cuidado de curas y monjas que sabían cómo adiestrar a esos zapallos, potencial carne de horca.
Al ir al encuentro de los palestinos, de Argel a Beirut, nuestro irlandés-argentino sabía que encontraría hermanos. De hecho, los Montoneros le habían pedido que estableciera contacto con Al Fatah. En un campo de refugiados, tuvo la impresión de volver a la Villa 31, en el conurbano bonaerense, donde trabajaba el padre Carlos Mugica, un luchador de la teología de la liberación que también fue asesinado y cuyo nombre lleva ahora la barriada.
Argentina e Israel no sólo tienen banderas similares. Sus historias de asentamientos son paralelas. Un chiste sudamericano dice: «El hombre desciende del mono, el argentino desciende del barco». Basta reemplazar argentino por israelí. Y bajo la ley de la motosierra, los argentinos corren serio peligro de sufrir un destino similar al de los palestinos. Las páginas de Rodolfo Walsh no han envejecido nada en cincuenta años. Tiempo para (re)leerlas. «El hombre del futuro es el que tendrá la memoria más larga» (Nietzsche)            

Fausto Giudice, Túnez, noviembre de 2024


Note de l’éditeur    
Dans l’Argentine sous la coupe du fou furieux à la tronçonneuse dont on peut traduire le nom par « Ma Loi » (Mi Ley), on peut se demander si, pour les jeunes générations -les moins de 29 ans - qui ont en grande partie voté pour un homme planifiant de les enfoncer encore plus dans la précarité et, s’ils se révoltent, de les massacrer - Rodolfo Walsh est autre chose que le nom d’une station du métro de la ligne E de Buenos Aires.
Dans l’Amérique dite latine du XXe siècle, arriver à l’âge de 50 ans et être encore en vie, pour un révolutionnaire, tenait du miracle. D’Emiliano Zapata à Ernesto Che Guevara, il était d’usage de tomber sous les balles avant d’avoir atteint les 40 ans. Rodolfo venait d’avoir 50 ans lorsque, près de la station Entre Ríos, il est tombé sous les balles du capitaine Astiz et de ses sbires. Il a ainsi connu le même sort que sa fille María Victoria, « Vicky », tombée peu de temps auparavant à 26 ans. Mais à la différence d’une bonne partie des 30 000 disparus forcés de la dictature militaire, Rodolfo Walsh nous a laissé une œuvre écrite extraordinaire, qui n’a malheureusement été que trop peu traduite. Il été l’inventeur à la fois du journalisme d’investigation et du journalisme narratif, sous forme de « romans de non-fiction », neuf ans avant Truman Capote, généralement présenté comme son père fondateur pour son livre De sang froid. Mais Rodolfo n’a pas fait qu’écrire. Il a agi, organisé, combattu, même s’il n’avait pour se défendre contre les sbires qui l’ont encerclé le25 mars 1977 qu’un ridicule petit calibre qui ne faisait pas le poids. La veille, il venait de mettre en circulation sa fameuse 
Lettre ouverte d’un écrivain à la junte militaire, par laquelle il a signé son arrêt de mort.
Rodolfo fut l’un des fondateurs de l’agence de presse cubaine Prensa Latina. Il fut l’un des piliers de Noticias, un quotidien révolutionnaire qui ne dura que temps d’une grossesse avant d’être interdit par Isabelita sur les ordres de la camarilla fasciste se réclamant du péronisme qui l’entourait. Et il fut l’inventeur, en 1976, de l’ANCLA, l’Agencia de Noticias Clandestina (Agence de nouvelles clandestine), qui commença à diffuser des informations censurées sur les méfaits de la dictature.
Mort comme Montonero, Rodolfo n’avait pas été péroniste « depuis toujours », il avait même été furieusement antipéroniste puis avait, au fil de ses travaux d’enquête, évolué vers des positions révolutionnaires de gauche pour finir chez les Montoneros, ces drôles de péronistes/marxisants/guévaristes qu’il ne se fit pas faute de critiquer pour leurs conceptions militaro-putschistes de la lutte, lui qui avait en  horreur les méthodes expéditives consistant à abattre sommairement les ennemis ou supposés tels.
Je n’ai pas évoqué le Che au hasard. Tous deux avaient en commun d’être des Argentins dans les veines desquels coulait du sang irlandais (lisez en page 80 la notice autobiographique de Walsh). Les paysans prolétarisés irlandais qui avaient fui l’oppression de la perfide Albion n’avaient pas trouvé un paradis terrestre en débarquant sur le Rio de La Plata. La Plata (l’argent, le pèze), ça n’était pas pour eux. Il leur avait fallu turbiner et confier leur progéniture aux curés et aux bonnes sœurs qui savaient comment s’y prendre pour dresser ces sauvageons, gibiers de potence en puissance.
En allant à la rencontre des Palestiniens, d’Alger à Beyrouth, notre Irlando-Argentin savait retrouver des frères. Il avait en fait été chargé par les Montoneros d’établir un contact avec le Fatah. Dans un camp de réfugiés, il a l’impression de retrouver la Villa 31 de la banlieue de Buenos Aires, où travaillait le père Carlos Mugica, combattant de la théologie de libération, lui aussi assassiné et dont le bidonville porte aujourd’hui le nom.
L’Argentine et Israël n’ont pas seulement en commun d’avoir des drapeaux similaires. L’histoire de leur peuplement est parallèle. Une blague sud-américaine dit : « L’homme descend du singe, l’Argentin descend du bateau ». Il suffit de remplacer Argentin par Israélien. Et sous la loi de la tronçonneuse, les Argentins risquent sérieusement de connaître un destin similaire à celui des Palestiniens. Les pages de Rodolfo Walsh n’ont donc pas pris une ride en cinquante ans. Il est temps de les(re)lire.
« L'homme de l'avenir est celui qui aura la mémoire la plus longue » (Nietzsche)

Fausto Giudice, Tunis, novembre 2024