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11/02/2025

JEREMY SCAHILL
Une fois de plus, Netanyahou se prépare à saboter le cessez-le-feu à Gaza

Tout juste rentré de son voyage triomphal à Washington, D.C., le dirigeant israélien prépare une série de nouvelles demandes pour la phase 2 qu'il espère voir rejetées par le Hamas.

Jeremy Scahill, DropSite News, 10/2/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Dès l'instant où Israël a accepté l'accord de cessez-le-feu, son Premier ministre Benjamin Netanyahou et ses conseillers l'ont qualifié d'accord limité visant à obtenir la libération du plus grand nombre possible de prisonniers israéliens et non d'un plan global pour mettre fin à la guerre. Encouragé par ses récentes rencontres à la Maison Blanche et porté par un tsunami d'enthousiasme face à la proposition du président Donald Trump de confier le contrôle de Gaza aux USA, Netanyahou est rentré en Israël dimanche, prêt à saboter l'accord déjà fragile et à étendre le siège de ses forces sur la Cisjordanie.


Fahd Bahady, Syrie

« Ce voyage, et les conversations que nous avons eues avec le président des États-Unis, ont permis de réaliser d'autres avancées incroyables qui peuvent garantir la sécurité d'Israël pour des générations », s'est vanté Netanyahou. « Je n'exagère pas. Je ne charrie pas. Il y a ici des possibilités que nous n'aurions jamais imaginées, ou du moins qui ne semblaient pas possibles jusqu'à ces derniers mois, mais qui sont possibles. »

Selon les termes de l'accord de cessez-le-feu entré en vigueur le 19 janvier, Israël et le Hamas devaient entamer des négociations sur les détails d'une deuxième phase de 42 jours du cessez-le-feu au plus tard 16 jours après le début de la phase 1. La deuxième phase prévoit la libération de tous les prisonniers israéliens restants en échange d'un nombre important de Palestiniens détenus par Israël, le retrait complet des forces israéliennes de Gaza et le début d'un cessez-le-feu permanent qui ouvrirait la voie à une reconstruction massive de la bande de Gaza, d'un coût de plusieurs milliards de dollars. Trois semaines après l'accord, ces négociations n'ont cependant pas encore commencé. Netanyahou a d'abord refusé d'envoyer une délégation à Doha, au Qatar, pour les négociations de la phase 2, mais après l'intervention de la Maison Blanche, il a envoyé à contrecœur une délégation habilitée uniquement à discuter des détails techniques en cours liés à la phase actuelle, et non à négocier les prochaines étapes.

Netanyahou a atterri à Tel Aviv en affirmant qu'Israël avait conclu un accord stratégique avec Trump et son envoyé spécial au Moyen-Orient, Steve Witkoff, concernant les positions qu'Israël défendrait lors du prochain cycle de négociations. Netanyahou a déclaré lundi qu'il revenait de Washington, D.C. avec de nouveaux plans pour Gaza et que lui et Trump étaient « sur la même longueur d'onde » quant à la manière de procéder. « Vous vouliez un jour après [le plan] ? Vous l'avez eu... Cela ne correspond tout simplement pas au récit d'Oslo... Nous ne répéterons pas cette erreur... Je suis revenu avec une vision sans le Hamas et sans l'Autorité palestinienne », a annoncé Netanyahou. Brandissant le poing lors d'une réunion à la Knesset, il a déclaré : « Nous savons ce qu'est une victoire totale et nous ne renoncerons pas à elle ».

Peu après le discours de Netanyahou, Abu Obeida, le porte-parole des Brigades Al Qassam, la branche armée du Hamas, a annoncé que le groupe retarderait la libération des trois prochains Israéliens dont l'échange était prévu samedi, invoquant les violations israéliennes du cessez-le-feu. « Les dirigeants de la résistance ont surveillé les violations de l'ennemi et son non-respect des termes de l'accord au cours des trois dernières semaines », a-t-il déclaré, ajoutant que leur libération « sera reportée jusqu'à nouvel ordre, et jusqu'à ce que l'occupation s'engage à respecter et à compenser rétroactivement les points convenus des dernières semaines, et nous affirmons notre engagement envers les termes de l'accord tant que l'occupation s'y engage ».

Depuis l'entrée en vigueur officielle du cessez-le-feu le 19 janvier, Israël a continué de mener des attaques ciblées à l'intérieur de la bande de Gaza presque quotidiennement. Selon le ministère de la Santé de Gaza, plus de 110 Palestiniens ont été tués lors de ces attaques au cours des trois dernières semaines. Dimanche, les forces israéliennes ont tiré sur des Palestiniens dans le nord de Gaza qui, selon Israël, s'étaient trop rapprochés du territoire israélien. Au moins trois personnes ont été tuées. « Personne ne s'approche du périmètre et personne ne retourne dans le périmètre », a déclaré Netanyahou. « Nous l'appliquerons, et nous l'appliquerons fermement. Nous attendons du Hamas qu'il remplisse toutes ses obligations, et celle-ci en fait partie. »

Le Hamas a accusé Israël de jouer « un jeu déloyal » en ralentissant ou en bloquant la livraison convenue de l'aide dans la bande de Gaza, y compris la nourriture, les médicaments, les tentes, les générateurs et autres produits de première nécessité, ainsi qu'en continuant à tuer des Palestiniens à Gaza. « Cela pourrait menacer l'accord et le faire échouer », a déclaré Bassem Naim, membre du bureau politique du Hamas. « Netanyahou est revenu des USA avec la ferme intention de saboter l'accord. »

Le cabinet israélien doit se réunir mardi, date à laquelle Netanyahu a déclaré qu'il officialiserait les demandes d'Israël qui seront présentées lors des négociations par l'équipe israélienne. Parmi celles-ci, selon les médias israéliens, figurent l'exil des dirigeants du Hamas et le désarmement total de sa branche militaire, les Brigades Ezzedine Al Qassam. Le mois dernier, Netanyahou a déclaré au cabinet israélien qu'il avait reçu des lettres d'accompagnement de l'administration sortante de Biden et de l'équipe de Trump garantissant qu'Israël pourrait reprendre la guerre à Gaza avec un minimum de justification. Aujourd'hui, il semble que le soutien ira plus loin.

« Pendant un an, on nous a dit que le jour d'après, l'OLP, l'Autorité palestinienne, devait être dans la bande de Gaza. Le président Trump est arrivé avec une vision complètement différente, bien meilleure pour l'État d'Israël », a déclaré Netanyahou. Il a qualifié la proposition de Trump de reprise de Gaza par les USA de « révolutionnaire, créative - et nous en discutons. Il est très déterminé à la mettre en œuvre. Cela nous ouvre de nombreuses opportunités. » Netanyahou a également déclaré qu'il ne retirerait pas complètement les forces israéliennes du couloir Philadelphi, qui s'étend le long de la frontière de Gaza avec l'Égypte et qui serait le seul accès de la bande de Gaza au monde extérieur non contrôlé par Israël. En vertu de l'accord, les forces israéliennes sont tenues de se retirer complètement du couloir au plus tard le 50e jour suivant la signature du cessez-le-feu.

Exiger l'exil complet des dirigeants du Hamas à Gaza et le désarmement total de sa branche armée empêcherait effectivement l'accord de passer à une deuxième phase et créerait à la place un nouveau statu quo impliquant une phase 1 indéfinie où les futurs échanges de prisonniers se feraient au cas par cas sans garanties plus importantes concernant un cessez-le-feu permanent ou le retrait complet des forces israéliennes. Il s'agit d'une extension de la stratégie de Netanyahou tout au long de la guerre, consistant à présenter au Hamas des conditions qu'il sait que le groupe rejettera afin qu'Israël et les USA puissent accuser le Hamas d'obstruction. Une telle configuration permettrait à Israël de continuer, indéfiniment, à mener des frappes à l'intérieur de la bande de Gaza sous couvert de faire respecter le cessez-le-feu tout en maintenant des troupes israéliennes à l'intérieur du sud de Gaza, ce qui est en soi une contradiction avec l'accord signé le mois dernier.

Un récent sondage montre que l'opinion publique israélienne souhaite massivement que la phase 2 se poursuive afin que tous les otages soient libérés. Dans le même temps, un nombre presque égal de personnes soutiennent également le plan de Trump visant à vider Gaza de ses Palestiniens.

Les « sales jeux » de Netanyahou

Netanyahou a réitéré que l'un des principaux objectifs restants d'Israël à Gaza est l'élimination totale du Hamas, et plusieurs conseillers de Trump ont déclaré que les USA soutenaient cet objectif. D'un point de vue pratique, les experts affirment qu'il serait impossible de détruire le Hamas en tant que mouvement, même si Israël assassinait l'ensemble de ses dirigeants. Alors que sa popularité en tant qu'autorité gouvernementale à Gaza était déjà en déclin avant les attaques du 7 octobre, le soutien à la résistance armée contre Israël a parallèlement augmenté.

Tout en promouvant son plan de prise de contrôle de Gaza, l'administration Trump a également laissé entendre qu'elle soutiendrait la reprise de la guerre par Israël sous le prétexte d'éliminer le Hamas. « À l'heure actuelle, les FDI, les Forces de défense israéliennes, ont dû intervenir et continueront de détruire le Hamas s’il n'honore pas les termes de ce cessez-le-feu », a déclaré Mike Waltz, conseiller à la sécurité nationale de Trump, dimanche sur NBC.

Au-delà de cela, l'attention obsessionnelle portée au Hamas ignore le fait que le groupe a déjà déclaré qu'il n'avait pas l'intention de gouverner la bande de Gaza après la guerre. « Le Hamas nous a dit plus d'une fois qu'il ne voulait pas faire partie du gouvernement ou être le gouvernement, mais que le gouvernement devait être accepté par tous », a déclaré Mustafa Barghouti, président de l'Initiative nationale palestinienne, ancien candidat à la présidence et élu au Parlement en 2006, dans une récente interview accordée à Drop Site. Barghouti est devenu une figure centrale des négociations intra-palestiniennes sur la future gouvernance de Gaza. « Je suis d'accord avec ça », a-t-il poursuivi. « Aucun gouvernement ne peut fonctionner à Gaza s'il n'est pas accepté par toutes les parties [palestiniennes] ». Il a souligné qu'Israël a non seulement cherché à interdire au Hamas de gouverner Gaza, mais qu'il ne veut « pas non plus de place pour l'Autorité palestinienne et pas de place pour un gouvernement d'unité ».

Le roi Abdallah de Jordanie doit rencontrer Trump mardi à la Maison Blanche et des réunions avec le président égyptien Abdel Fatah Al-Sisi et le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane seraient en cours d'organisation. « Je m'engage à acheter et à posséder Gaza », a déclaré Trump dimanche. « En ce qui concerne notre reconstruction, nous pouvons la donner à d'autres États du Moyen-Orient pour en construire des sections, d'autres personnes peuvent le faire, sous nos auspices. Mais nous nous engageons à le posséder, à le prendre et à veiller à ce que le Hamas ne revienne pas ».

L'Égypte et la Jordanie ont maintenu que, malgré les affirmations confiantes de Trump, elles n'accepteront pas le déplacement forcé et massif des Palestiniens de Gaza vers leur pays. Interrogé sur la condamnation généralisée du plan de Trump pour Gaza par les nations arabes, le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, a déclaré : « Alors venez à la table des négociations avec votre plan si vous n'aimez pas le sien. »

Si Trump a fait la une des journaux internationaux et suscité la colère au Moyen-Orient à cause de son plan, l'idée de chasser les Palestiniens de Gaza n'est pas nouvelle. Peu après les attentats du 7 octobre, alors qu'Israël commençait à déclencher une guerre tous azimuts, l'administration Biden a adopté une proposition israélienne visant à forcer les Palestiniens à se rendre dans la péninsule égyptienne du Sinaï sous les auspices d'un « corridor humanitaire ». L'idée était basée sur une proposition du ministère israélien du renseignement rédigée une semaine après les attentats menés par le Hamas. À la mi-novembre 2023, selon l'universitaire de Harvard Sara Roy, « un responsable de l'USAID a approché un de mes collègues et lui a demandé s'il serait possible de construire un camp de tentes dans le Sinaï, qui serait suivi d'un arrangement plus permanent quelque part dans la partie nord de la péninsule ». Biden a envoyé le secrétaire d'État de l'époque, Antony Blinken, faire le tour des alliés arabes les plus proches de Washington, qui ont rapidement rejeté le plan. Biden a ensuite annoncé que les USA n'iraient pas de l'avant avec un plan visant à déplacer les Palestiniens de Gaza. Au lieu de cela, l'administration a veillé à ce qu'Israël puisse mener une campagne de bombardements et de frappes au sol qui a déplacé à l'intérieur des frontières près de la totalité de la population de Gaza et l'a laissée dans un état de décombres parsemés de munitions non explosées, dont une grande partie a été fournie par les USA.

Trump n'a pas caché qu'il souhaitait présider à un accord de normalisation entre l'Arabie saoudite et Israël, bien que le royaume ait publiquement insisté sur le fait qu'un tel accord n'aura pas lieu en l'absence d'une voie crédible et irréversible vers la création d'un État palestinien basé sur les frontières de 1967 avec Jérusalem comme capitale. Assis aux côtés d'un Netanyahou souriant dans le bureau ovale le 4 février, Trump a été interrogé sur la question de savoir si l'Arabie saoudite exigeait un État palestinien. « Non, ils ne le font pas », a-t-il répondu. « Non ». Jeudi, Netanyahou a déclaré à la chaîne israélienne Channel 14 : « Les Saoudiens peuvent créer un État palestinien en Arabie saoudite ; ils y possèdent beaucoup de terres ».

L'Arabie saoudite a rejeté ces affirmations, déclarant qu'elle « poursuivra ses efforts incessants pour établir un État palestinien indépendant », selon une déclaration du ministère des Affaires étrangères. L'Arabie saoudite « n'établira pas de relations diplomatiques avec Israël sans cela », a ajouté la déclaration, affirmant que la position du royaume est « non négociable et non sujette à des compromis ». L'Égypte a annoncé qu'elle accueillerait une session extraordinaire de la Ligue arabe le 27 février au Caire pour discuter des « nouveaux développements dangereux », principalement la menace de Trump de s'emparer de Gaza.

L'administration Trump considère un accord entre l'Arabie saoudite et Israël comme le joyau de la couronne des accords d'Abraham, qui ont débuté pendant le premier mandat présidentiel de Trump avec des accords de normalisation conclus avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan. De nombreux analystes estiment que si les Saoudiens vont de l'avant, cela ouvrira la porte à d'autres nations musulmanes, dont l'Indonésie, qui pourraient suivre le mouvement. Le principal objectif des Saoudiens dans un tel accord n'est pas tant leur relation avec Israël que la conclusion d'un pacte de défense avec les USA et le soutien de Trump à l'expansion du programme nucléaire civil de l'Arabie saoudite. En échange, les USA obtiendraient une plus grande influence sur les prix du pétrole et la politique énergétique et imposeraient des limites à la relation entre le royaume et la Chine, qui a considérablement renforcé sa propre diplomatie dans la région depuis le premier mandat de Trump, notamment avec un accord de normalisation entre l'Arabie saoudite et l'Iran en mars 2023.

Alors qu'Israël se prépare à une nouvelle campagne pour saper l'accord de cessez-le-feu, le Hamas a déclaré que sa délégation était prête à discuter de la mise en œuvre de la phase 2. Une source proche des négociateurs palestiniens a déclaré à Drop Site News que le Hamas continuait à faire pression pour la libération de tous les prisonniers palestiniens condamnés à la perpétuité. Parmi eux figurent Marwan Barghouti, un leader politique populaire dont beaucoup pensent qu'il remporterait une élection démocratique en Palestine, et Ahmed Saadat, secrétaire général du Front populaire de libération de la Palestine. Comme précédemment indiqué par Drop Site, Israël a bloqué la libération des deux hommes lors de la première phase de l'accord, mais selon la source, les deux noms figurent sur la liste des échanges dans une deuxième phase. Israël pourrait encore chercher à opposer son veto à leur libération, mais le Hamas a insisté sur le fait que si Israël veut que tous ses soldats soient libérés de captivité, Barghouti, Saadat et les autres Palestiniens condamnés à la perpétuité doivent être libérés. Dans le cas de nombreux dirigeants politiques ou résistants palestiniens de grande valeur, Israël a insisté pour expulser les hommes libérés.

La source proche des négociations a déclaré à Drop Site que la position des négociateurs du Hamas est que le groupe n'acceptera aucune expulsion à moins qu'elle ne soit d'abord acceptée par le prisonnier palestinien concerné. Lors de la première série d'échanges, deux Palestiniens ont refusé les accords d'expulsion et, dans un cas, Israël l'a maintenu en prison et a échangé un autre prisonnier contre sa libération, selon la source.

Selon les termes initiaux de l'accord, le Hamas a accepté de libérer 33 prisonniers israéliens au cours de la première phase de 42 jours. À ce jour, il en a libéré 16, en plus de cinq ressortissants thaïlandais non inclus dans l'accord. Sur les 17 autres Israéliens dont la libération était prévue, neuf d'entre eux, dont un double citoyen usaméricain et israélien, seraient en vie. À la fin de la phase 1, une soixantaine de prisonniers israéliens resteront à Gaza.


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