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24/11/2024

ARMANDO PALAU ALDANA
La Cour constitutionnelle de Colombie et la voie du racisme structurel
Dissertations crépusculaires

Armando Palau Aldana, CIRPA, Cali, 24/11/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La défense du Parc naturel de l’île Gorgona a été entreprise au début des années 1980 par des biologistes marins (dans le cadre du programme de biologie de l’université de Valle, qui en était à sa première décennie), des plongeurs comme Gonzalo Concha et des défenseurs des droits de l’homme comme Cecilia Castillo de Robledo, entre autres, et a abouti en décembre 1983 lorsque l’Institut national des ressources naturelles renouvelables (Inderena) de l’époque l’a déclaré parc national et a entamé le processus de fermeture de la prison dégradante, qui a été fermée en 1984.


La lutte contre l’autorisation de construire des ouvrages militaires (radar, quai et hangars) dans la station de garde-côtes autorisée (31 décembre 2015), a été un objectif indéfectible de la bicentenaire et prestigieuse Académie des sciences exactes, physiques et naturelles, visible dans la lettre de sa Commission permanente des zones protégées au directeur de l’autorité d’autorisation de l’époque (mai 2017), puis le Comité technique scientifique du parc naturel national de Gorgona se joindrait à sa lettre de protestation au président Santos ces jours-là.

Nous sommes arrivés à cette cause judiciaire il y a seulement deux ans (novembre 2022), lorsque nous avons demandé une audience publique à l’Autorité nationale des licences (Anla), ce qui a été délibérément et systématiquement refusé par le directeur subordonné (Rodrigo Negrete M), qui était le directeur juridique de María Susana Muhamad G. à l’époque où elle était secrétaire à l’environnement de la mairie de Bogota lorsque Petro en était maire, ce qui confirme le refus de la participation des citoyens par la porte-parole ministérielle de l’environnement du gouvernement qui proclame la paix avec la nature.

Le 9 avril, alors que l’on se souvenait de l’assassinat du leader libéral Jorge Eliécer Gaitán (1948) à l’origine du soulèvement dit Bogotazo, deux courageux magistrats de la Cour supérieure de Bogota ont décrété la protection constitutionnelle de la consultation préalable de la communauté noire Guapi Abajo et la suspension de la licence pour les travaux militaires susmentionnés, expliquant que le territoire ethnique provient d’une construction culturelle, indépendamment du fait que les communautés soient géographiquement situées dans ces zones, lésées sans analyse technique, anthropologique et culturelle des communautés.

Les juges de la Cour de Bogota ont précisé que dans ces cas de doute sur d’éventuels dommages environnementaux, tels que la migration de la faune marine ou le déversement de substances toxiques dans le milieu aquatique, la possibilité de suspendre l’application d’actes administratifs qui représentent un danger pour les ressources naturelles est légitime, en interprétant comme il se doit la Convention 169 de l’OIT de 1989 et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965).

Cependant, la septième chambre de révision de la Cour constitutionnelle, sur le rapport de la juge Andrea Meneses (promue à cet honorable corps judiciaire par l’ancien président Iván Duque), a révoqué la protection de la consultation préalable du Conseil des communautés noires, arguant qu’aucune preuve n’avait été fournie pour établir que le projet de construction du poste de garde-côtes était incompatible et affectait les activités de pêche menées par la communauté à l’extérieur du parc de Gorgona, où elles sont interdites.

L’arrêt T-470 a ensuite établi que la protection du droit à la consultation préalable ne pouvait être accordée que si « l’affectation directe » de la communauté concernée était attestée par « l’impact positif ou négatif » de la licence de construction des ouvrages militaires du poste de garde-côtes sur les conditions sociales, économiques, environnementales ou culturelles qui constituent la base de la cohésion sociale de la communauté ethnique, distincte du conseil sous Bajo Tapaje et la mer, qui a souscrit à l’accord d’utilisation avec l’administration des parcs nationaux.

La septième chambre de révision a estimé qu’il n’était pas possible de déduire raisonnablement l’existence d’une affectation directe de la communauté Guapi Abajo, sans tenir compte du fait qu’en plus de la pêche, les bateliers Guapi Abajo transportent des touristes et des plongeurs au parc de l’île Gorgona, et qu’ils sont également des voyagistes qui proposent des hôtels et de la gastronomie dans la municipalité de Caucan, dont les habitants ont une interconnexion dans les usages des territoires d’ afro-descendant avec les unités de chagras [éclaircies dégagées dans la forêt et destinées à la polyculture, NdT] de logement-fleuve par le biais de stratégies polyphoniques (ICANH).

Après la reconnaissance par la Cour, dans la sentence C-169 de 2001, de ces organisations ethniques comme bénéficiaires des droits de la Convention sur la consultation préalable, car elles constituent un groupe social qui partage une identité culturelle distincte de la société dominante, le T-470 fait un pas en arrière, ignorant les accords avec les parcs nationaux du Mouvement social des communautés afro-colombiennes et les conseils communautaires du Pacifique colombien (2002) et avec les organisations et autorités ethniques et territoriales des peuples noirs du Pacifique (2020), afin de décider de leurs propres priorités.

La décision T-470 de 2024 a ignoré les quatre éléments de preuve fournis par le Conseil Guapi Abajo et n’a pas évalué les éléments de preuve, ce qui a entraîné un vice de fait. Documents probants délivrés par l’Académie des sciences exactes, physiques et naturelles sur les études d’impact environnemental précaires de la marine ; Comité scientifique de Gorgona sur la faune marine ; Institut colombien d’anthropologie et d’histoire nationale (ICAHN) sur les peuples afro-descendants ; et Ingénieur électricien Luis Carlos Orejarena Morales sur la contamination par le radar prévu.

La septième chambre de la Cour a contribué à la consolidation du racisme structurel, car son arrêt T-470 contient une limitation du droit à la consultation préalable, ce qui dénote un traitement qui vise - consciemment ou inconsciemment - à annuler les droits des communautés noires, entraînant la violation de leurs garanties fondamentales en imposant une restriction qui annule et compromet la reconnaissance d’un traitement spécial pour la protection de leurs libertés dans les domaines politique, économique et culturel.

La décision T-470 a balayé la jurisprudence constitutionnelle relative au renversement de la charge de la preuve sur le titulaire du permis environnemental et non sur les communautés, une garantie de la preuve dans les scénarios de discrimination. Il a ignoré la doctrine de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Elle a transgressé la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Elle constitue un acte d’exclusion sociale en révoquant la consultation préalable établie dans la Convention 169 de 1989 avec statut de bloc constitutionnel.

La Convention 169 sur la consultation préalable ordonne aux gouvernements de veiller à ce que des études soient réalisées, en coopération avec les peuples concernés, afin d’évaluer l’impact social, spirituel, culturel et environnemental que les activités de développement prévues peuvent avoir sur ces peuples, sachant que, contrairement à la théorie des dommages certains et vérifiables, la précaution opère sur le risque de développement et impose le principe de précaution transversal au droit de l’environnement, sans exiger de certitude quant aux dommages possibles.

Après avoir été reconnu comme un pays pluriculturel et pluriethnique par l’Assemblée constituante de 1991, il est inacceptable qu’une mentalité politique et juridique rétrograde nous conduise, par le biais d’une phrase constitutionnelle, sur la voie ignominieuse du racisme en tant que discrimination structurelle de l’État, accentuant les différences sociales et économiques, provoquant la consternation des hommes et des femmes descendants de la culture bantoue, forgerons de notre histoire colombienne avec un héritage ancestral de protection de la Pachamama (la Terre mère).

Au cas où ces idées pourraient provoquer une action disciplinaire contre le soussigné, je le réaffirme et l’exprime dans l’exercice constitutionnel de ma liberté d’expression et de conscience, qui me fait fredonner le tango Cambalache [Bric-à-brac] (Santos Discépolo 1934) :

Aujourd’hui, ça revient au même
d’être loyal ou traître,
ignorant, savant ou voleur,
généreux ou fripouille !
Tout est pareil !
Rien ne l’emporte !
C’est la même chose, un âne
ou un grand professeur !
Il n’y a plus de recalés
ni de promotion,
Les gens immoraux
sont à notre niveau
.


10/11/2024

ARMANDO PALAU ALDANA
Bilan des délibérations de la COP16
Dissertations au crépuscule


Armando Palau Aldana, Cali, 10/11/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Armando Palau Aldana, avocat colombien expert en législation , gestion et droit de l'environnement, est le fondateur et le directeur de la Fondation Biodiversité (1991), pour la promotion et la protection des droits de l'environnement. Il est actuellement directeur de la branche colombienne de l'Association américaine des juristes (1975), ONG dotée d'un statut consultatif auprès du Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Conseilleur juriidique de la Corporation des journalistes et ancien membre du conseil d'administration de la Corporation autonome régionale de la Valle duCauca (2004-2006) et membre et président du conseil municipal de planification de Cali (2008-2015). Secrétaire à l'environnement de Jamundí (2018-2019). Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l'environnement : Derechos Colectivos y Acciones Populares (1994), Defensa Legal del Ambiente (1998), El Basuro de Navarro (2006), Educación Ambiental - La óptica legal (2003), Política y Medio Ambiente (2011), Reflexiones en Política y Medio Ambiente (2016), Transforma lo Público (2017), Intervención del Bosque Seco Tropical y Humedal El Cortijo Cali (2019) et Disertaciones Ambientales del Crepúsculo (2019). 

Dans un effort pour faire avancer l’objectif central de la 16ème Conférence des Parties à la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), la Présidente a convoqué la plénière de clôture à 19 heures le vendredi 1er novembre (le dernier jour de la COP16) et les délibérations se sont tenues jusqu’à 9 heures le samedi matin, lorsque plusieurs pays ont demandé l’ajournement de la session en raison de l’absence de quorum, sans que l’objectif central ne soit atteint : approuver les mécanismes de mise en œuvre et de suivi des objectifs du Cadre mondial pour la Biodiversité, qui restent de simples aspirations volontaires.

La plupart des dispositions relatives au suivi restent facultatives, limitant la précision des évaluations, laissant le cadre mondial à l’état d’actions discrétionnaires et répétant les erreurs des objectifs d’Aichi (COP10, Japon) avec son plan stratégique pour la biodiversité 2011-2020, qui visait à stopper la perte de nature, révélant l’échec cuisant de la communauté internationale à tenir ses engagements et s’avérant être une mise en scène pour un grand nombre de spectateurs non avertis.

Bien que la communauté internationale, y compris notre ministère (colombien) de l’environnement et un conglomérat d’organisations environnementales locales (sous-traitantes), estime que seules des ressources financières permettront de mettre en œuvre des mesures de conservation, le manque de liquidités ne permet pas de financer les actions prévues dans les plans nationaux pour la biodiversité (seuls 40 des 194 pays membres de la CDB ont signé), tandis que quelques pays ont proposé des fonds spécifiques pour entreprendre la mise en œuvre de programmes environnementaux.

L’évaluation mondiale de la Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES, une agence des Nations unies) indique que l’intégration des objectifs de biodiversité dans les politiques sectorielles (mainstreaming) est fondamentale pour s’attaquer aux causes de la perte de biodiversité, une crise causée par des secteurs tels que l’agriculture, la pêche, l’exploitation minière et la sylviculture (en plus de la guerre, ajoutons-nous), des facteurs qui ne figurent dans aucun des rapports des gouvernements nationaux (présidence et ministère de l’environnement).

Ainsi, il va sans dire que le rapport magnifié du Ministère de l’Environnement « Principales réalisations du Gouvernement du Changement à la COP16 » (10 pages) avec 12 points connexes et 41 hors contexte, cherche à grossir la vérité des faits pour cacher l’échec prolongé de la CDB. Comme le dit l’adage populaire, « des paroles aux actes, le chemin est long », privant l’accès à l’information environnementale d’objectivité, contrairement aux postulats du Traité d’Escazú, qui ordonne la publication d’informations d’intérêt public avec une transparence active.

En ce qui concerne le long rapport « Principales réalisations du gouvernement du changement à la COP16 », dans lequel ministre de l’Environnement s’attribue le mérite de la reconnaissance du rôle des Afro-descendants en tant qu’acteurs fondamentaux dans le soin et la protection de la biodiversité ; le site officiel de la CDB indique que pour la mise en œuvre de l’article 8j elle « Invite les Parties » à envisager, reconnaître et/ou accueillir, sur une base volontaire, les contributions des personnes d’ascendance africaine (comprenant des collectifs incarnant des modes de vie traditionnels), la possibilité de fournir un soutien financier et d’améliorer le renforcement des capacités pour protéger ces pratiques et connaissances, sans préjudice du fait qu’une telle reconnaissance peut être interprétée comme diminuant ou éteignant les droits que les peuples indigènes ont actuellement.

En ce qui concerne le programme « Diversité biologique marine et côtière et biodiversité insulaire » en cours d’élaboration lors des COP tenues entre 2006 et 2022 et de l’Assemblée générale des Nations unies sur les océans et le droit de la mer (2023), le ministère de l’Environnement se réfère uniquement à la conservation des zones marines d’une grande importance écologique dans les eaux internationales, en essayant d’exclure l’île Gorgona en tant que parc naturel, alors que le document officiel de la CDB parle de zones situées à l’extérieur et à l’intérieur de la juridiction nationale, malgré le fait que nous ayons demandé au président Petro de révoquer la licence environnementale pour intervenir sur l’île de la Science*.

Le président Gustavo Petro et sa ministre de l'Environnement Susana Muhamad, candidate à la candidature à la prochaine élection présidentielle (mars 2026)

L’instrument sur les Zones marines d’importance écologique ou biologique, en tant que processus scientifique et technique visant à contribuer à la mise en œuvre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer pour la conservation de la diversité biologique marine, couvre plus de 300 zones marines dans le monde, selon les critères suivants : exclusivité ou rareté ; cycle de vie des espèces ; espèces ou habitats menacés, en voie de disparition ou en déclin ; vulnérabilité, fragilité, sensibilité ou lenteur de la reconstitution ; productivité biologique ; diversité biologique ; et naturalité.

Pour l’examen des zones marines d’importance biologique par la Conférence des Parties à la CDB, il est suggéré pour leur identification, dont les informations sont basées sur les connaissances traditionnelles, de mener des consultations avec les peuples autochtones et les communautés locales, cependant, le rôle des Afro-descendants, en tant que collectifs qui incarnent des modes de vie traditionnels, n’a pas été inclus dans ces rôles de manière textuelle dans la mise en œuvre de la CDB, malgré le fait que la COP16 ait été présidée par la ministre de l’Environnement et qu’elle soit proclamée l’architecte de cette inclusion.

En d’autres termes, l’obstination du président Petro et de la ministre de l’Environnement Muhamad à continuer de défendre les travaux militaires pour la station de garde-côtes dans le parc naturel de l’île Gorgona, en refusant de consulter les conseils des communautés noires et des réserves indigènes de la côte pacifique du Cauca et du Nariño, malgré le fait que nous ayons réussi à obtenir du tribunal de Bogota qu’il ordonne la suspension de la licence environnementale, indique, pour citer la conférence de presse des ministres de la défense et de l’environnement (février 2024), au cours de laquelle nous avons été accusés d’être des mythomanes, que selon l’adage : « le voleur croit que tout le monde est de son métier ».

Ainsi, Petro et Muhamad nous obligent à leur dédier à nouveau « Camouflage », le tango de Francini et García (1947), qui dit : « Camouflage, / apparences trompeuses / qui ne permettent pas de voir les choses / telles qu’elles sont. / Camouflage, / embuscade perfide / dans laquelle n’importe qui tombe / avec une naïveté fatale. / Ruses / qui sont mort-nées, / parce qu’elles sont mises à nu / par la lumière de la vérité ».

 *Appelée ainsi du fait du grand nombre de scientifiques qui l’ont visitée et étudiée