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04/07/2025

REINALDO SPITALETTA
Deux barbares qui peuvent nous tuer

Reinaldo Spitaletta, 1/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


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Nous les simples mortels sans pouvoir et sans gloire, sommes comme « des brins légers dans le vent et au hasard » [citation de “Canción de la vida profunda” de Porfirio Barba Jacob, NdT], et nous sommes exposés à être arrosés de missiles ou mis en pièces comme les enfants palestiniens de Gaza. Tout dépend si, à un moment donné, lorsque les dirigeants du monde le décident, les bombardements sont nécessaires pour, en plus de semer la mort et la terreur, promouvoir la reconstruction ou le chantage afin de voler du pétrole, de forer des terres avec des soldats envahisseurs, ou effacer une certaine mémoire de l’humanité.

Ou, au cas où, il faut raser au sol les petits garçons et les petites filles dans leurs maisons, dans les hôpitaux, dans un abri précaire, parce que, comme l’ont dit les despotes, ils sont les graines du terrorisme et doivent être pulvérisés au berceau. Le monde, ou une partie du monde, semble être entre les mains criminelles de deux ou trois satrapes qui décident quand violer la souveraineté d’un peuple, quand larguer des bombes, qui peut et ne peut pas avoir la paix et la tranquillité, à quelles heures semer la panique.


Israël attaque l’Iran, l’Iran se défend et riposte. Les USA, ultime puissance impérialiste, dirigés par un matamore, bombardent le pays de l’Ayatollah et pensent avoir anéanti ses centrales nucléaires. Ils le font d’ailleurs en violation flagrante du droit international et des thèses de souveraineté, un pays qui, jusqu’à présent, a été le seul à en attaquer un autre avec des bombes nucléaires, comme ils l’ont fait contre les Japonais lors de la Seconde Guerre mondiale.

Pendant ce temps, le massacre de Gaza se poursuit, dans un génocide qui, pour certains, ne peut être qualifié de génocide, parce que quiconque le ferait se rendrait coupable d’« antisémitisme ». C’est l’approche toute nouvelle et erronée de certains détraqués, avec des arguties arbitraires, comme quoi c’est le « peuple élu » qui « se défend », qui doit faire respecter la décision absurde d’une divinité qui l’a désigné comme le sauveur du monde.

Et c’est à nous, mortels, en attendant que les bombes explosent de ces côtés-ci et partout, de nous taire dans l’impuissance parce que le monde n’appartient qu’à quelques « élus ». Il est entre les mains de ceux qui ont la force. Il est manipulé selon les caprices d’un petit groupe de potentats, qui placent et déplacent les marionnettes correspondantes à leur guise. Trump, à son tour, manipulé par des magnats, certains déguisés en « humanistes », en êtres charitables, en donateurs miséricordieux, croit qu’il peut faire ce qu’il veut. « Je vais bombarder et alors ! », semble être le message du givré à touffe.

Le monde, hier comme aujourd’hui, mais plus aujourd’hui qu’hier, marche sur la corde raide de l’angoisse, et le plus grand nombre, subjugué et terrifié, est la proie facile de la peur collective, et peut même perdre la parole. Il est, ou plutôt, nous sommes cloués sur la croix de la domination de quelques puissants, soutenus par un armement apocalyptique. Que la guerre (et même ses simulacres) soit la continuation de la politique par d’autres moyens, comme les missiles, les canons et les bombes, n’est rien d’autre qu’une offense à toute forme de droit des peuples à se défendre et, surtout, à vivre en paix.

Les explosions de bombes, le feu destructeur qui tombe du même ciel universel sur d’autres territoires, affectent ceux d’entre nous qui se croient loin du théâtre des événements. Il nous brûle et nous insère dans tous les cercles de l’enfer. Nous, mortels de ce côté-ci du monde, sommes aussi assassinés lorsqu’un enfant est tué, des centaines d’enfants à Gaza. Et bien que certains puissent dire « qu’est-ce que j’en ai à cirer », ces mêmes personnes, lorsqu’elles sentiront leurs entrailles brûler, se rendront compte de ce qu’un poète anglais [John Donne] a dit il y a des années, et qui est toujours vrai aujourd’hui : « la mort de tout homme (enfant) me diminue ».

Qu’est-ce que ça signifie d’être entre les mains criminelles de Trump ou de Netanyahou ? Qu’est-ce qui attend ceux d’entre nous qui se trouvent de ce côté-ci du monde troublé lorsque les échos des bombes qui produisent des conflagrations mortelles au Moyen-Orient nous parviendront ? Nous, mortels, victimes passives dans ce cas, ne pouvons donc pas rester indifférents, car il est probable qu’à tout moment, comme le battement des ailes d’un papillon à Pékin, notre souffle, ce qui reste de nos rêves et nos estomacs seront affectés.

Plan de prise de possession de Gaza, par Emad Hajjaj

Espérons que la station balnéaire que Trump et ses voraces associés et copains veulent construire à Gaza deviendra un cauchemar permanent pour eux, que tous les enfants morts, les personnes âgées mortes, les journalistes morts, les médecins morts dans cette bande de cimetière vivront dans la mémoire du peuple. Nous espérons, nous mortels, que tout ce sang, que “toutes les voix toutes”, comme dirait Tejada Gómez, deviennent un chant dans les vents contaminés par les bombes.

Trump, Netanyahou et les autres barbares de la même engeance doivent brûler dans les flammes de l’histoire et, surtout, de l’enfer. Que leurs noms soient à jamais marqués du sceau de l’infamie.

29/06/2025

KENNETH WALTZ
Pourquoi l’Iran devrait obtenir la bombe
L’équilibre nucléaire serait synonyme de stabilité


Kenneth N. Waltz, Foreign Affairsjuillet/août 2012

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

Cet article, paru en juillet 2012 alors que le troisième round de négociations venait de sachever à Moscou entre l’Iran et le groupe dit P5+1 (USA, Russie, Chine, Allemagne, France, Royaume-Uni) avait, lors de sa publication par la prestigieuse revue Foreign Affairs, suscité bien des controverses. Or, à le lire aujourd’hui, on ne peut que constater qu’il relève d'un certain bon sens dystopique mais somme toute réaliste. Son auteur, mort en 2013 à 89 ans, était un théoricien des relations internationales, fondateur du courant dit néoréaliste dans les sciences politiques aux USA. Un article qui n’a rien perdu de son actualité.-FG

 

Carlos Latuff, 2012

Ces derniers mois ont été marqués par un débat houleux sur la meilleure façon pour les USA et Israël de répondre aux activités nucléaires de l’Iran. Alors que le débat faisait rage, les USA ont renforcé leur régime de sanctions, déjà musclé, à l’encontre de la République islamique, et l’Union européenne a annoncé en janvier qu’elle commencerait à imposer un embargo sur le pétrole iranien à partir du 1er juillet. Bien que les USA, l’Union européenne et l’Iran soient récemment revenus à la table des négociations, un sentiment palpable de crise plane toujours.


Bibi après les bombardements sur l’Iran : “ ça pourrait signifier la fin du régime
Ben-Gvir : “Il parle bien de l’Iran, hein ?
Smotrich :“Oui, oui
Dessin de David Rowe, The Australian Financial Review, 17/6/2025

Cela ne devrait pas être le cas. La plupart des commentateurs et des décideurs usaméricains, européens et israéliens avertissent qu’un Iran doté de l’arme nucléaire serait la pire issue possible de l’impasse actuelle. En fait, il s’agirait probablement de la meilleure issue possible : celle qui est la plus susceptible de restaurer la stabilité au Moyen-Orient.

LA PUISSANCE NE DEMANDE QU’À ÊTRE ÉQUILIBRÉE

La crise liée au programme nucléaire iranien pourrait prendre fin de trois manières différentes. Tout d’abord, la diplomatie associée à des sanctions sévères pourrait convaincre l’Iran d’abandonner sa quête de l’arme nucléaire. Mais ce résultat est peu probable : l’histoire montre qu’il est rarement possible de dissuader un pays de se doter d’armes nucléaires. Punir un État par des sanctions économiques ne fait pas inexorablement dérailler son programme nucléaire. Prenons l’exemple de la Corée du Nord, qui a réussi à fabriquer ses armes en dépit d’innombrables séries de sanctions et de résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Si Téhéran décide que sa sécurité dépend de la possession d’armes nucléaires, il est peu probable que les sanctions le fassent changer d’avis. En fait, l’ajout de sanctions supplémentaires aujourd’hui pourrait faire en sorte que l’Iran se sente encore plus vulnérable, ce qui lui donnerait encore plus de raisons de rechercher la protection de la force de dissuasion ultime.

La deuxième possibilité est que l’Iran ne teste pas d’arme nucléaire mais développe une capacité de rupture [breakout capability, capacité de sortir de l’état de désarmement nucléaire], c’est-à-dire la capacité de construire et de tester une arme nucléaire assez rapidement. L’Iran ne serait pas le premier pays à se doter d’un programme nucléaire sophistiqué sans construire de véritable bombe. Le Japon, par exemple, dispose d’une vaste infrastructure nucléaire civile. Les experts estiment qu’il pourrait produire une arme nucléaire à brève échéance.

Une telle capacité pourrait satisfaire les besoins politiques internes des dirigeants iraniens en assurant aux partisans de la ligne dure qu’ils peuvent bénéficier de tous les avantages de la bombe (comme une plus grande sécurité) sans les inconvénients (comme l’isolement et la condamnation de la communauté internationale). Le problème est qu’une capacité de rupture pourrait ne pas fonctionner comme prévu.

Les USA et leurs alliés européens sont principalement préoccupés par la militarisation, et pourraient donc accepter un scénario dans lequel l’Iran ne parviendrait pas à se doter d’une arme nucléaire. Israël, en revanche, a clairement indiqué qu’il considérait une capacité d’enrichissement iranienne significative comme une menace inacceptable. Il est donc possible qu’un engagement vérifiable de l’Iran à ne pas se doter d’une arme puisse apaiser les grandes puissances occidentales mais laisser les Israéliens insatisfaits. Israël serait moins intimidé par une arme nucléaire virtuelle que par une arme réelle et poursuivrait donc probablement ses efforts risqués de subversion du programme nucléaire iranien par le sabotage et l’assassinat, ce qui pourrait amener l’Iran à conclure qu’une capacité de rupture est finalement un moyen de dissuasion insuffisant et que seul l’armement peut lui apporter la sécurité qu’il recherche.

La troisième issue possible de l’impasse est que l’Iran continue sur sa lancée et devienne publiquement nucléaire en testant une arme. Les responsables usaméricains et israéliens ont déclaré que cette issue était inacceptable, arguant du fait qu’un Iran nucléaire constituait une perspective particulièrement terrifiante, voire une menace existentielle. Ce langage est typique des grandes puissances, qui se sont historiquement énervées chaque fois qu’un autre pays a commencé à développer sa propre arme nucléaire. Pourtant, jusqu’à présent, chaque fois qu’un autre pays a réussi à se frayer un chemin dans le club nucléaire, les autres membres ont toujours changé d’avis et décidé de s’en accommoder. En fait, en réduisant les déséquilibres en matière de puissance militaire, les nouveaux États nucléaires renforcent généralement la stabilité régionale et internationale, au lieu de la réduire.


Équilibre fragile, par Thiago Lucas, Brésil

Le monopole nucléaire régional d’Israël, qui s’est avéré remarquablement durable au cours des quatre dernières décennies, a longtemps alimenté l’instabilité au Moyen-Orient. Il n’existe dans aucune autre région du monde un État nucléaire isolé et incontrôlé. C’est l’arsenal nucléaire d’Israël, et non le désir de l’Iran d’en avoir un, qui a le plus contribué à la crise actuelle. Après tout, la puissance ne demande qu’à être équilibrée. Ce qui est surprenant dans le cas israélien, c’est qu’il ait fallu tant de temps pour qu’un équilibreur potentiel émerge.

Bien entendu, il est facile de comprendre pourquoi Israël veut rester la seule puissance nucléaire de la région et pourquoi il est prêt à recourir à la force pour garantir ce statut. En 1981, Israël a bombardé l’Irak pour éviter que son monopole nucléaire ne soit remis en cause. Il a fait de même avec la Syrie en 2007 et envisage maintenant une action similaire contre l’Iran. Mais les actes qui ont permis à Israël de conserver son avantage nucléaire à court terme ont prolongé un déséquilibre insoutenable à long terme. La capacité avérée d’Israël à frapper impunément ses rivaux nucléaires potentiels a inévitablement incité ses ennemis à développer les moyens d’empêcher Israël de recommencer. Ainsi, les tensions actuelles ne doivent pas être considérées comme les premières étapes d’une crise nucléaire iranienne relativement récente, mais plutôt comme les dernières étapes d’une crise nucléaire qui dure depuis des décennies au Moyen-Orient et qui ne prendra fin que lorsque l’équilibre des forces militaires sera rétabli.

DES CRAINTES INFONDÉES

L’une des raisons pour lesquelles le danger d’un Iran nucléaire a été largement exagéré est que le débat qui l’entoure a été faussé par des inquiétudes mal placées et des malentendus fondamentaux sur la manière dont les États se comportent généralement dans le système international. La première préoccupation majeure, qui sous-tend de nombreuses autres, est que le régime iranien est intrinsèquement irrationnel. Malgré l’idée largement répandue du contraire, la politique iranienne n’est pas le fait de “mollahs fous”, mais d’ayatollahs parfaitement sains d’esprit qui veulent survivre, comme n’importe quel autre dirigeant. Bien que les dirigeants iraniens se laissent aller à une rhétorique incendiaire et haineuse, ils ne montrent aucune propension à l’autodestruction. Les décideurs politiques des USA et d’Israël commettraient une grave erreur s’ils pensaient le contraire.

Pourtant, c’est précisément ce que de nombreux responsables et analystes usaméricains et israéliens ont fait. Présenter l’Iran comme un pays irrationnel leur a permis d’affirmer que la logique de la dissuasion nucléaire ne s’appliquait pas à la République islamique. Si l’Iran se dote d’une arme nucléaire, préviennent-ils, il n’hésitera pas à l’utiliser dans une première frappe contre Israël, même si, ce faisant, il s’expose à des représailles massives et risque de détruire tout ce qui est cher au régime iranien.

Bien qu’il soit impossible d’être certain des intentions iraniennes, il est beaucoup plus probable que si l’Iran souhaite se doter d’armes nucléaires, c’est pour assurer sa propre sécurité et non pour améliorer ses capacités offensives (ou s’autodétruire). L’Iran peut se montrer intransigeant à la table des négociations et défiant face aux sanctions, mais il agit toujours pour assurer sa propre préservation. Les dirigeants iraniens n’ont par exemple pas tenté de fermer le détroit d’Ormuz, bien qu’ils aient lancé des avertissements fanfarons à ce sujet après l’annonce par l’UE de son projet d’embargo pétrolier en janvier. Le régime iranien a clairement conclu qu’il ne voulait pas provoquer ce qui aurait certainement été une réponse usaméricaine rapide et dévastatrice à une telle action.

Néanmoins, même certains observateurs et décideurs politiques qui admettent que le régime iranien est rationnel craignent qu’une arme nucléaire ne l’enhardisse, en fournissant à Téhéran un bouclier qui lui permettrait d’agir de manière plus agressive et d’accroître son soutien au terrorisme. Certains analystes craignent même que l’Iran ne fournisse directement des armes nucléaires aux terroristes. Le problème de ces inquiétudes est qu’elles contredisent les antécédents de tous les autres États dotés d’armes nucléaires depuis 1945. L’histoire montre que lorsque des pays acquièrent la bombe, ils se sentent de plus en plus vulnérables et prennent conscience que leurs armes nucléaires font d’eux une cible potentielle aux yeux des grandes puissances. Cette prise de conscience décourage les États nucléaires d’agir de manière audacieuse et agressive. La Chine maoïste, par exemple, est devenue beaucoup moins belliqueuse après avoir acquis des armes nucléaires en 1964, et l’Inde et le Pakistan sont tous deux devenus plus prudents depuis qu’ils se sont dotés de l’arme nucléaire. Il y a peu de raisons de croire que l’Iran sortira de ce moule.

En ce qui concerne le risque de transfert à des terroristes, aucun pays ne pourrait transférer des armes nucléaires sans courir un risque élevé d’être découvert. Les capacités de surveillance des USA constitueraient un obstacle sérieux, tout comme leur capacité impressionnante et croissante à identifier la source des matières fissiles. En outre, les pays ne peuvent jamais contrôler entièrement ni même prévoir le comportement des groupes terroristes qu’ils soutiennent. Une fois qu’un pays comme l’Iran aura acquis une capacité nucléaire, il aura toutes les raisons de maintenir un contrôle total sur son arsenal. Après tout, la fabrication d’une bombe est coûteuse et dangereuse. Il serait insensé de transférer le produit de cet investissement à des parties qui ne sont pas dignes de confiance ou qui ne peuvent pas être gérées.

Une autre crainte souvent évoquée est que si l’Iran obtient la bombe, d’autres États de la région lui emboîteront le pas, ce qui entraînera une course aux armements nucléaires au Moyen-Orient. Mais l’ère nucléaire a maintenant près de 70 ans et, jusqu’à présent, les craintes de prolifération se sont révélées infondées. Au sens propre, le terme “prolifération” signifie une propagation rapide et incontrôlée. Rien de tel ne s’est produit ; en fait, depuis 1970, l’émergence d’États nucléaires s’est nettement ralentie. Il n’y a aucune raison de s’attendre à ce que cette tendance change maintenant. Si l’Iran devenait la deuxième puissance nucléaire du Moyen-Orient depuis 1945, ce ne serait pas le début d’un glissement de terrain. Lorsqu’Israël a acquis la bombe dans les années 1960, il était en guerre avec nombre de ses voisins. Ses armes nucléaires représentaient une menace bien plus grande pour le monde arabe que le programme iranien ne l’est aujourd’hui. Si un Israël atomique n’a pas déclenché de course aux armements à l’époque, il n’y a aucune raison pour qu’un Iran nucléaire le fasse aujourd’hui.

LE REPOS ASSURÉ

En 1991, l’Inde et le Pakistan, rivaux historiques, ont signé un traité par lequel ils s’engageaient à ne pas prendre pour cible leurs installations nucléaires respectives. Ils ont compris que l’instabilité engendrée par les défis lancés à la dissuasion nucléaire de leur adversaire était bien plus inquiétante que cette dernière. Depuis lors, même face à de fortes tensions et à des provocations risquées, les deux pays ont maintenu la paix. Israël et l’Iran feraient bien de tenir compte de ce précédent. Si l’Iran se dote de l’arme nucléaire, Israël et l’Iran se dissuaderont mutuellement, comme l’ont toujours fait les puissances nucléaires. Il n’y a jamais eu de guerre totale entre deux États dotés de l’arme nucléaire. Une fois que l’Iran aura franchi le seuil nucléaire, la dissuasion s’appliquera, même si l’arsenal iranien est relativement petit. Aucun autre pays de la région ne sera incité à acquérir sa propre capacité nucléaire, et la crise actuelle se dissipera enfin, conduisant à un Moyen-Orient plus stable qu’il ne l’est aujourd’hui.

C’est pourquoi les USA et leurs alliés ne doivent pas se donner tant de mal pour empêcher les Iraniens de développer une arme nucléaire. La diplomatie entre l’Iran et les grandes puissances doit se poursuivre, car des lignes de communication ouvertes permettront aux pays occidentaux de mieux s’accommoder d’un Iran nucléaire. Mais les sanctions actuelles contre l’Iran peuvent être abandonnées : elles nuisent principalement aux Iraniens ordinaires et ne servent pas à grand-chose.

Plus important encore, les décideurs politiques et les citoyens du monde arabe, de l’Europe, d’Israël et des USA devraient être rassurés par le fait que l’histoire a montré que l’émergence de capacités nucléaires s’accompagne d’une stabilité accrue. En matière d’armes nucléaires, aujourd’hui comme hier, le plus peut être le mieux.

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26/06/2025

GIDEON LEVY
Rendons à César ce qui est à César : Netanyahou a mis fin à la guerre contre l’Iran lorsque Trump lui a ordonné de le faire

Gideon LevyHaaretz, 26/6/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

Pouvons-nous dire du bien de Benjamin Netanyahou ? Le Premier ministre savait comment et quand mettre fin à la guerre contre l’Iran.

Pouvons-nous également dire quelque chose de positif à propos de Donald Trump ? Sans l’intervention précise et puissante du président usaméricain, ce conflit se serait transformé en une guerre d’usure démoralisante et sans fin qui aurait dévasté Israël encore plus qu’elle n’aurait dévasté l’Iran, qui a beaucoup plus d’expérience en matière de guerre prolongée.

 
Netanyahou sur les lieux d’une frappe de missile iranien à Rehovot la semaine dernière. Photo Itai Ron

 Il est très douteux que les prédécesseurs de Trump, Barack Obama et Joe Biden, tous deux hésitants, auraient osé ordonner à Netanyahou de mettre fin à la guerre comme l’a fait leur successeur.

Comme il s’agissait d’une guerre d’une dangerosité sans précédent, il est impératif d’exprimer notre gratitude à ceux qui y ont mis fin. Il est facile de dire que la crainte de Netanyahou envers Trump l’a conduit à mettre fin à la guerre, mais on peut supposer qu’il avait également la possibilité de la poursuivre, ne serait-ce que pour une brève période, et de s’attirer des ennuis.

Netanyahou a fait preuve de leadership et de détermination, quelques instants après que son grotesque ministre de la Défense eut gazouillé : « J’ai donné instruction à l’armée israélienne de répondre avec force à la violation du cessez-le-feu par l’Iran. » Sur les questions les plus importantes, Israël a le plus petit gouvernement de son histoire : un gouvernement composé d’un seul homme.

Israël est divisé en deux camps. L’un est convaincu que tout ce que fait Netanyahou est un acte de Dieu ; l’autre, que tout ce qu’il fait est un acte de Satan. Netanyahu n’est ni l’un ni l’autre.

Le principal responsable du massacre du 7 octobre, et en particulier de la guerre sanglante que mène Israël contre Gaza depuis lors, fait parfois des choses qui peuvent et doivent être saluées. La conclusion rapide de la guerre avec l’Iran en est un exemple. Netanyahou mérite d’être salué, car s’il ne l’avait pas terminée rapidement, nous nous serions retrouvés dans une situation terriblement compliquée.

Il aurait été facile de céder à la tentation de continuer à envahir le ciel iranien et à semer davantage de destruction sous les acclamations des médias israéliens, qui sont fascinés par chaque sortie et s’inclinent devant chaque communiqué de presse du porte-parole militaire. Netanyahou a mis fin à la fête alors même que la droite sanguinaire en voulait davantage. Ce fut la sortie de sa vie, même si elle fut motivée par la pression de Trump. Il est regrettable que Trump et Netanyahou refusent depuis des mois de faire la même sortie à Gaza.

La nécessité de cette guerre, dont les résultats sont tout à fait incertains, est très douteuse. La plupart, sinon la totalité, des résultats auraient pu être obtenus par la voie diplomatique. Seul le temps dira s’il s’agissait d’une guerre trompeuse, qui n’a pas réussi à éliminer l’option nucléaire de l’Iran et l’a peut-être même fait progresser, ou d’une guerre qui a mis fin au rêve nucléaire de Téhéran pour de nombreuses années au moins. Il faut également des preuves supplémentaires pour déterminer l’étendue des dommages causés aux mandataires de l’Iran à Gaza et au Liban. Peut-être un Moyen-Orient meilleur, peut-être pas.

On peut s’incliner devant le Mossad et s’émerveiller des capacités démontrées par l’armée de l’air, mais sans pouvoir citer de résultats significatifs et durables, ça n’a aucune valeur, si ce n’est pour faire saliver les fans du genre et pour la performance embarrassante de Yossi Cohen [chef du Mossad de 2016 à 2021, NdT] sur Channel 12 news, qui cherche à s’attribuer le mérite de cette opération.

Nos James Bond tant vantés ont-ils rendu Israël plus sûr ? Seul le temps le dira. Au moins, cette guerre n’était pas génocidaire : en Israël, l’amputation massive s’appelle « Opération Bipeurs » et les gens regardent avec des yeux d’enfants chaque tuerie pyrotechnique et cinématographique sans s’interroger sur sa véritable valeur.

Netanyahou a lancé et gagné cette guerre, et tous ceux qui pensent qu’elle était bonne pour Israël doivent l’admirer pour cela, même s’ils le considèrent comme « le Juif le plus méprisable de l’histoire », comme c’est souvent le cas dans le camp « tout sauf Bibi ». D’un autre côté, ses partisans stupides devraient comprendre à présent qu’il est responsable d’horribles crimes de guerre à Gaza, crimes qui n’ont fait que s’intensifier sous le couvert de la guerre avec l’Iran.

Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu, dit le Nouveau Testament. ça s’applique aussi bien à un César cruel comme Netanyahu qu’à un dieu matamore comme Trump.

 

“Si rien d’autre ne marche, yaka bombarder le comité Nobel norvégien et piquer le prix !”
Sajith Kumar, Inde

22/06/2025

GIDEON LEVY
Est-il légitime de tuer un chef d’État ?

Gideon LevyHaaretz, 22/6/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

Est-il légitime de discuter de l’assassinat du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei ? Est-il légitime de tuer un chef d’État, sauf dans de très rares cas ? Si oui, quels chefs d’État sont des cibles légitimes et lesquels ne le sont pas, et qui en décide ? Qui peut affirmer que Khamenei peut être assassiné, mais pas Benjamin Netanyahou ? Que Vladimir Poutine peut être tué, mais pas Donald Trump ? Lequel de ces deux hommes représente le plus grand danger pour le monde ? Tout dépend du point de vue de chacun.

Rick McKee


Quels scientifiques peuvent être tués ? Les scientifiques nucléaires iraniens, oui, les scientifiques nucléaires israéliens, non ? Sur quelle base ? Les deux groupes sont des scientifiques au service de l’industrie la plus monstrueuse qui soit, celle du meurtre. Cela conduit naturellement à la question de savoir si un pays a le droit de posséder des armes nucléaires alors qu’un autre ne l’a pas.

Après tout, le niveau de dangerosité d’un pays peut changer. L’Iran n’a pas toujours été un pays dangereux, et Israël ne sera pas toujours un pays sans danger. Il y a déjà beaucoup de politiciens fous en Israël qui représentent un risque pour toute la région. Serait-il légitime de leur confier le code secret ? Serait-il légitime de les assassiner ?

Ces questions sont extrêmement sensibles ; Israël évite d’en discuter et élude les réponses, invoquant l’argument sacré : « Comment pouvez-vous même comparer ? » Israël ne peut être comparé à aucune autre entité dans le monde. Yigal Amir, qui a assassiné l’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin en 1995, estimait que Rabin représentait une menace existentielle pour l’État d’Israël. Peu d’Israéliens pensent que cela donnait à Amir le droit d’assassiner le Premier ministre.

Aujourd’hui, Israël considère que Khamenei représente une menace existentielle et qu’il est donc permis de l’assassiner : « assassiner » est le mot correct ici, le plus précis. Si l’on met de côté l’hypothèse qu’Israël s’est inventée, selon laquelle il est permis de faire ce qui est interdit au reste du monde, il est très difficile de répondre à ces questions. L’argument selon lequel Israël est un cas particulier, parce que tout nous est permis, parce que nous sommes les survivants de l’Holocauste et du massacre du 7 octobre, ne tient pas la route. Le monde commence également à s’en lasser. La réponse à ces questions doit être universelle.

Israël invoque une comparaison entre Khamenei et Hitler pour justifier l’assassinat imminent. Il est clair qu’Hitler devait être éliminé, mais Khamenei n’est pas Hitler. Israël affirme qu’il s’abstient de nuire aux civils. Khamenei est un civil, pas le chef d’état-major ou un général. Nous pouvons également mettre de côté momentanément la question de la légitimité et nous demander s’il est sage de le tuer.

La guerre en Iran est sur le point de se compliquer. Yaniv Kubovich a rapporté que les responsables militaires israéliens affirment soudainement qu’Israël ne peut être soumis à un délai. C’est ainsi que l’on commence à s’enfoncer dans le marécage. Assassiner Khamenei ne ferait qu’empirer les choses.

Pendant ce temps, le ministre de la Défense joue à Dieu. À ce titre, Isrel Katz a annoncé que Khamenei ne pouvait pas être autorisé à « continuer d’exister ». Quels sont les critères de Katz pour être autorisé à « exister » ? Décide-t-il qui doit vivre et qui doit mourir ? Une cour céleste dirigée par un membre ridicule du cabinet israélien ? Le ministre iranien de la Défense est-il autorisé à menacer son homologue israélien de mort ?

Les commentateurs des studios d’information israéliens parlent de la « chasse aux scientifiques » en Iran, faisant peut-être allusion à la chasse aux scientifiques allemands menée par le Mossad en Égypte dans les années 1960. La terminologie a son importance, et elle est aussi ignoble que les propos du ministre de la Défense. On ne « chasse » pas les scientifiques, car ce ne sont pas des animaux (dont la chasse est également horrible), même s’ils sont iraniens.

Les appels à l’assassinat de chefs d’État ne sont légitimes de la part d’aucune partie. Notre Netanyahou est désormais responsable du meurtre de dizaines de milliers de personnes à Gaza. Est-il permis d’appeler à son assassinat afin de sauver ce qui reste de la nation là-bas ? De nombreux Israéliens pensent également qu’il est un tyran, qu’il détruit le pays et ruine la démocratie israélienne, qu’il est le Juif le plus méprisable de l’histoire et lui adressent une foule d’autres insultes – mais personne, espérons-le, n’imagine même discuter de son assassinat.

Le débat sur l’élimination de Khamenei ouvre la voie à la légitimité : désormais, il est permis d’assassiner des chefs d’État. La seule question qui reste à débattre est de savoir qui est une cible légitime et qui ne l’est pas. Les Israéliens ne le sont pas.

Le plan de bataille initial pour une nouvelle guerre contre l’Iran
Ce que des “sources fiables” à Washington ont murmuré à l’oreille de Seymour Hersh

Cet article, publié par  son auteur le 19 juin, a vu ses prévisions confirmées - FG, Tlaxcala

Seymour Hersh, 19/6/2025

Le guide suprême iranien Ali Khamenei assiste à une cérémonie marquant le trente-sixième anniversaire de la mort de Ruhollah Khomeini au mausolée Khomeini à Téhéran, le 4 juin. Photo Bureau de presse du guide iranien

Voici un rapport sur ce qui va très probablement se passer en Iran, dès ce week-end, selon des initiés israéliens et des responsables usaméricains qui ont été des sources fiables depuis des décennies. Cela impliquera de lourds bombardements usaméricains. J’ai vérifié ce rapport auprès d’un fonctionnaire usaméricain de longue date à Washington, qui m’a dit que tout serait « sous contrôle » si le guide suprême iranien Ali Khamenei « disparaissait ». On ne sait pas exactement comment cela pourrait se produire, à moins qu’il ne soit assassiné. On a beaucoup parlé de la puissance de feu usaméricaine et des cibles en Iran, mais, pour autant que je sache, peu de réflexions pratiques ont été menées sur la manière de se débarrasser d’un chef religieux vénéré qui compte d’énormes partisans.

Je couvre à distance la politique nucléaire et étrangère d’Israël depuis des décennies. Mon livre publié en 1991, The Samson Option, raconte l’histoire de la fabrication de la bombe nucléaire israélienne et la volonté des USA de garder ce projet secret. La question la plus importante qui reste sans réponse concernant la situation actuelle est la réaction du monde, y compris celle de Vladimir Poutine, le président russe qui est un allié des dirigeants iraniens.

Les USA restent le plus important allié d’Israël, même si beaucoup de personnes ici aux USA et dans le monde entier abhorrent la guerre meurtrière que mène Israël à Gaza. L’administration Trump soutient pleinement le plan actuel d’Israël visant à éliminer toute trace de programme d’armement nucléaire en Iran, tout en espérant que le gouvernement dirigé par les ayatollahs à Téhéran sera renversé.

On m’a dit que la Maison Blanche avait donné son feu vert à une campagne de bombardements intensifs sur l’Iran, mais les cibles ultimes, les centrifugeuses enfouies à au moins quatre-vingts mètres sous terre à Fordow, ne seront pas frappées avant le week-end, à l’heure où j’écris ces lignes. Ce report est dû à l’insistance de Trump, car le président souhaite que le choc du bombardement soit atténué autant que possible à l’ouverture de la Bourse de Wall Street lundi. (Trump a contesté ce matin sur les réseaux sociaux un article du Wall Street Journal affirmant qu’il avait décidé d’attaquer l’Iran, écrivant qu’il n’avait pas encore pris de décision quant à la marche à suivre).

Fordow abrite la majorité des centrifugeuses les plus avancées d’Iran qui, selon les derniers rapports de l’Agence internationale de l’énergie atomique, dont l’Iran est signataire, ont produit 900 livres [=408 kg.] d’uranium enrichi à 60 %, soit un peu moins que le niveau requis pour la fabrication d’armes nucléaires.

Les dernières frappes aériennes israéliennes sur l’Iran n’ont pas cherché à détruire les centrifugeuses de Fordow, qui sont stockées à au moins 80 mètres sous terre. Il a été convenu, mercredi, que des bombardiers usaméricains équipés de bombes capables de pénétrer à cette profondeur commenceront à attaquer les installations de Fordow ce week-end.

Ce délai permettra aux forces militaires usaméricaines présentes au Moyen-Orient et en Méditerranée orientale (il y a plus d’une vingtaine de bases aériennes et navales usaméricaines dans la région) de se préparer à d’éventuelles représailles iraniennes. On suppose que l’Iran dispose encore de certaines capacités en matière de missiles et d’aviation qui figureront sur les listes de bombardement usaméricaines. « C’est l’occasion de se débarrasser une fois pour toutes de ce régime », m’a déclaré aujourd’hui un responsable bien informé, « alors autant voir les choses en grand ». Il a toutefois précisé qu’il ne s’agirait pas d’un bombardement intensif.

Les bombardements prévus ce week-end auront également de nouvelles cibles : les bases des Gardiens de la révolution, qui ont contré ceux qui faisaient campagne contre les dirigeants révolutionnaires depuis le renversement violent du shah d’Iran au début de 1979.

Les dirigeants israéliens, sous la houlette du Premier ministre Benjamin Netanyaohu, espèrent que les bombardements fourniront « les moyens de créer un soulèvement » contre le régime iranien actuel, qui a montré peu de tolérance envers ceux qui défient les dirigeants religieux et leurs édits. Les commissariats de police iraniens seront frappés. Les bureaux gouvernementaux qui abritent les dossiers des dissidents présumés en Iran seront également attaqués.

Les Israéliens espèrent apparemment aussi, si j’ai bien compris, que Khamenei fuira le pays et ne tiendra pas bon jusqu’au bout. On m’a dit que son avion personnel avait quitté l’aéroport de Téhéran tôt mercredi matin à destination d’Oman, accompagné de deux avions de chasse, mais on ne sait pas s’il était à bord.

Seuls deux tiers des 90 millions d’Iraniens sont persans. Les plus grands groupes minoritaires comprennent les Azéris, dont beaucoup ont depuis longtemps des liens secrets avec la CIA, les Kurdes, les Arabes et les Baloutches. Les Juifs constituent également une petite minorité dans ce pays. (L’Azerbaïdjan abrite une grande base secrète de la CIA pour ses opérations en Iran).

Le retour du fils du shah, qui vit actuellement en exil près de Washington, n’a jamais été envisagé par les stratèges usaméricains et israéliens, m’a-t-on dit. Mais il a été question, au sein du groupe de planification de la Maison Blanche dont fait partie le vice-président J.D. Vance, d’installer un leader religieux modéré à la tête du pays si Khamenei était destitué. Les Israéliens se sont vivement opposés à cette idée. « Ils se fichent complètement de la question religieuse, mais exigent une marionnette politique à contrôler », a déclaré ce fonctionnaire usaméricain de longue date. « Nous sommes en désaccord avec les Izzies [Israéliens en argot washingtonien] sur ce point. Il en résulterait une hostilité permanente et des conflits futurs à perpétuité, Bibi essayant désespérément d’attirer les USA comme allié contre tout ce qui est musulman, en utilisant le sort des citoyens comme appât propagandiste. »

On m’a dit que les services de renseignement usaméricains et israéliens espèrent que des éléments de la communauté azérie se joindront à une révolte populaire contre le régime au pouvoir, si celle-ci venait à se développer pendant les bombardements israéliens. On pense également que certains membres des Gardiens de la révolution se joindraient à ce qui pourrait être, selon mes informations, « un soulèvement démocratique contre les ayatollahs », une aspiration de longue date du gouvernement usaméricain. Le renversement soudain et réussi de Bachar al-Assad en Syrie a été cité comme un modèle potentiel, bien que la chute d’Assad soit survenue après une longue guerre civile.

Il est possible que les bombardements massifs israéliens et usaméricains plongent l’Iran dans un état d’échec permanent, comme cela s’est produit après l’intervention occidentale en Libye en 2011. Cette révolte a abouti au meurtre brutal de Mouammar Kadhafi, qui maintenait sous contrôle les tribus disparates du pays. L’avenir de la Syrie, de l’Irak et du Liban, tous victimes d’attaques extérieures répétées, est loin d’être réglé.

Donald Trump souhaite clairement remporter une victoire internationale qu’il pourra exploiter. Pour y parvenir, lui et Netanyahou mènent les USA vers des horizons inédits.

19/06/2025

GIDEON LEVY
Guerre avec l’Iran, poursuite des massacres à Gaza : Israël est un lion malade, pas un lion debout

Gideon LevyHaaretz, 18/6/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 
Versión española

Le sort de la guerre dépend désormais des caprices d’un président yankee jacassier et imprévisible. S’il bombarde l’Iran, il pourrait remporter la victoire. S’il ne bombarde pas, Israël se sera lancé dans une autre guerre futile, plus superflue et dangereuse que toutes les précédentes.


Chappatte, Le Temps, Genève

La participation des USA aurait dû être garantie à l’avance. Cela aurait dû être une condition préalable à l’entrée en guerre. En attendant, Donald Trump se livre à ses jeux infantiles consistant à humilier l’Iran et à exiger sa reddition totale, détruisant par ses paroles toute chance restante d’accord, la seule chance d’un happy end.

Si les bombardiers lourds restent dans les hangars – la question restait en suspens mercredi –, alors la guerre d’usure se poursuivra, son issue et sa durée étant impossibles à prévoir. Israël ne pourra pas la supporter longtemps, socialement, économiquement et peut-être même militairement. Si, en revanche, les bombardiers décollent, cela pourrait mettre fin à la guerre et conduire à une guerre beaucoup plus importante.

Dans le brouillard de la bataille, Israël s’unit derrière la guerre et son leader, célébrant, se vantant et s’émerveillant, sans aucun débat public. Toute discussion qui s’est brièvement enflammée parmi les commentateurs dans les studios de télévision a tourné autour de la question du mérite. Le mérite de quoi ? Des performances inspirantes des pilotes, qui tournent au-dessus de Téhéran comme ils le font au-dessus de Gaza ou de la base aérienne de Hatzerim ? Amit Segal dit que le mérite revient au Premier ministre ; Nir Dvori, à l’establishment de la défense : un dialogue philosophique profond sur la peau de l’ours entre deux géants intellectuels, bien avant qu’on l’ai tué.

À Gaza, le massacre non seulement n’a pas cessé, mais il prend des proportions génocidaires. La file d’attente pour la nourriture est devenue une file d’attente pour la mort. « Qui est le prochain dans la file et qui est dans la file suivante. / Bonsoir désespoir et bonne nuit espoir » (Yehuda Poliker et Yaakov Gilad). Le compteur mesure le sang palestinien qui coule comme un débitmètre sur une pompe à essence mesure le carburant qui coule dans une voiture.

Jusqu’à présent, 400 personnes ont été tuées en attendant un sac de farine et une bouteille d’huile de cuisson. Quel péché ont-elles commis ? Qui a la capacité mentale pour cela maintenant, entre les courses vers l’abri anti-bombes - notre nouvelle normalité. La destruction dans les rues est également devenue normale. Il y a des rues en Israël qui ressemblent à Kharkiv après la dernière attaque russe, et cela nous convient. Un lion malade, pas un lion debout.

C’est comme si tout était tombé du ciel, une catastrophe naturelle, un décret divin. Les réalisations sont toutes les nôtres, seul le coût est un cas de force majeure. Comme s’il n’y avait pas d’autre choix que cette réalité folle, nous avons choisi pour nous-mêmes.

Il y a environ une semaine, Israël a choisi d’entrer en guerre avec l’Iran, après 20 mois d’attaques sauvages contre Gaza qui n’ont encore donné aucun résultat durable. Le coût de la guerre dans la bande de Gaza dépassera les résultats qu’elle pourrait encore obtenir. Demandez au monde ce qu’il pense d’Israël, parlez aux Israéliens du monde – une corruption morale incurable. Et alors que Gaza saigne et qu’Israël est corrompu, nous entrons à nouveau en guerre, avec nos forces et nos otages toujours dans la bande de Gaza.

Et Israël se réjouit : effrayé, épuisé, mais se réjouissant. « Téhéran brûle », titrait cette semaine le journal Yedioth Ahronoth, alors que quelques centaines de mètres à l’ouest de chez moi, des bâtiments brûlaient. Un lion malade.

Où allons-nous ? Ou plus précisément, où sommes-nous conduits ? Comme un agneau à l’abattoir, ou un troupeau vers une fausse victoire.

L’Iran ne se rendra pas, certainement pas après la campagne d’arrogance usaméricano-israélienne. Le meilleur résultat possible sera un nouvel accord nucléaire, et même cela ne sera pas une fin heureuse.

Qu’y aura-t-il de joyeux dans un pays qui a été marqué pendant 20 mois à Gaza, et qui sait combien de temps dans les abris anti-bombes ? Qu’y aura-t-il de bon, même si l’Iran renonce pour l’instant à ses ambitions nucléaires ? Une société et une économie en ruines, avec des milliers de criminels de guerre de Gaza qui se promènent parmi nous, un camp qui n’est pas uni mais qui est effroyablement uniforme, et un leader qui accorde des interviews à ses partisans dans une déformation grotesque du véritable journalisme. Ce qui compte, c’est que nous avons assassiné deux chefs d’état-major iraniens en une semaine.

Un lion malade.    

17/06/2025

RICH WILLED
Le miroir du tyran : ce que Netanyahou ne dira pas sur l’Iran et la démocratie

Rich Willed, 16/6/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


S’il y a une chose qui commence vraiment à m’agacer ces derniers temps, c’est la façon dont les Occidentaux privilégiés regardent avec mépris les Palestiniens ou les Iraniens « non civilisés », sans la moindre goutte d’introspection.

Nous parlons de ces personnes en termes binaires. Antisémites. Théocratie. Axe du mal.

 

Pas d’histoire. Pas de contexte. Aucune reconnaissance de notre propre rôle dans cette histoire.

 

En écoutant Netanyahou expliquer ces derniers jours les raisons qui le poussent à attaquer l’Iran, je ne peux m’empêcher de penser qu’il existe une forme particulière d’hypocrisie réservée aux puissants. Une hypocrisie qui ne se nourrit pas du silence, mais des discours.

 

Elle se dissimule derrière le langage de la démocratie, de la liberté et de la moralité, tout en commettant les crimes qu’elle prétend condamner. Peu de personnalités illustrent mieux cette inversion que Benjamin Netanyahou. Ces derniers temps, je me surprends à inverser le sens de ses propos en temps réel. Ce serait presque drôle s’il ne traînait pas le monde au bord de la guerre nucléaire.

 

Le titre d’aujourd’hui en est un parfait exemple : « L’Iran a tenté d’assassiner Trump – à deux reprises ». Aucune preuve. Aucun détail. Juste : « Faites-moi confiance ».

 

Comme s’il allait de soi que nous devions croire un homme qui a menti plus de fois qu’on ne peut compter. Un homme actuellement jugé pour corruption dans son propre pays. Un homme sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale.

 

Et pourtant, Netanyahou monte sans cesse sur la scène internationale pour dépeindre l’Iran comme un régime tyrannique. Une théocratie brutale qui menace la stabilité régionale, la paix mondiale et l’ordre moral des nations « civilisées ». Il parle de répression, d’autoritarisme religieux, d’ambitions nucléaires...

 

Et pourtant, pendant qu’il parle, des enfants palestiniens gisent sous les décombres israéliens. Dans son propre pays, les juges sont privés de leur indépendance. Les manifestants envahissent Tel-Aviv pour mettre en garde contre la descente d’Israël vers l’autocratie. Et pourtant, les médias et les politiciens occidentaux répètent ses paroles comme s’ils n’en voyaient pas la fausseté.

 

C’est l’astuce séculaire de l’empire : présenter la résistance comme un danger et la domination comme la paix. Traiter son ennemi de tyran tout en larguant des bombes, en construisant des murs et en réduisant au silence toute dissidence. Il s’agit d’un renversement psychologique si profondément ancré dans la psyché occidentale que nous ne le remarquons même plus.

 

Mais que se passerait-il si nous inversions les rôles ?

 

Et si la vraie question n’était pas de savoir ce qui ne va pas en Iran, mais ce qui s’est passé la dernière fois que l’Iran a tenté de se libérer ?

 

Car derrière chaque accusation portée contre l’Iran se cache une histoire que nous ne sommes pas censés nous rappeler. Une histoire qui n’est pas celle du fanatisme, mais celle de la démocratie. Non pas celle de l’extrémisme, mais celle de l’autodétermination nationale. Et c’est cette histoire, et non les missiles ou les milices, que des hommes comme Netanyahou redoutent le plus.

 

Il est révélateur que si peu de gens connaissent cette histoire. Mais je suppose que c’est le but recherché.

 

Car si le monde se souvenait de ce qui s’est passé en Iran en 1953, le discours de Netanyahou commencerait à s’effriter. Toute la supériorité morale de l’Occident commencerait à s’écrouler.



Il y a soixante-dix ans, l’Iran n’était pas une théocratie. C’était une démocratie. Et son Premier ministre, Mohammad Mossadegh, n’était pas un religieux extrémiste ou un fanatique anti-occidental. C’était un réformateur laïc et instruit, largement respecté dans tout l’Iran et même dans certaines régions d’Europe.

 

Il était également profondément attaché à une idée révolutionnaire : les ressources naturelles de l’Iran devaient profiter à son propre peuple.

 

À l’époque, les entreprises britanniques contrôlaient le pétrole iranien, notamment l’Anglo-Iranian Oil Company (BP). Les travailleurs iraniens vivaient dans la pauvreté tandis que les élites britanniques engrangeaient les profits. Mossadegh voyait cela pour ce que c’était : un vol colonial. C’est pourquoi, en 1951, il a fait ce que tout dirigeant qui se respecte aurait dû faire. Il a nationalisé le pétrole iranien.

 

Cet acte a scellé son destin.



Mossadegh porté en triomphe par la foule après la nationalisation de l'Anglo-Iranian

 

Les Britanniques étaient furieux. Mais leur empire déclinant, ils avaient besoin d’aide. Ils se sont donc tournés vers leur partenaire d’après-guerre dans le contrôle mondial : les USA. Ensemble, la CIA et le MI6 ont lancé l’opération Ajax, un coup d’État secret qui a renversé Mossadegh et rétabli le Shah, un monarque aligné sur l’Occident qui a dirigé l’Iran d’une main de fer pendant les 26 années qui ont suivi.

 

Oui, vous avez bien entendu. Et non, ce ne sont pas des rumeurs. Tout cela est accessible à quiconque souhaite s’informer.

 

Dans les années 1950, l’Iran était une démocratie qui fonctionnait. Son dirigeant était élu au suffrage universel. Ce dirigeant agissait dans l’intérêt de son peuple. Et pour cela, l’Occident l’a écrasé.

 

Pourquoi ? Pas à cause de la tyrannie. Mais à cause de la souveraineté.

 

Parce qu’un Iran libre qui contrôlait son propre pétrole était bien plus dangereux pour les intérêts occidentaux qu’un régime brutal qui se pliait aux règles de l’empire.

 

Avant de juger ces pays comme arriérés ou mauvais, nous devrions peut-être prendre le temps de réfléchir. Et faire un peu d’introspection.

 

Car l’Iran n’était pas le seul.

 

Le renversement de Mossadegh n’était pas une anomalie. C’était un modèle. Un coup de semonce à toute nation, en particulier celles riches en ressources, qui osait imaginer l’indépendance. Au cours des décennies qui ont suivi, le schéma est devenu indéniable : chaque fois qu’un pays du Sud tentait d’affirmer sa souveraineté, en particulier sur ses propres ressources, les puissances occidentales intervenaient. Non pas pour défendre la démocratie, mais pour la démanteler.

 

Au Chili, ce fut Salvador Allende. Élu démocratiquement en 1970, il entreprit de nationaliser l’industrie du cuivre, contrôlée en grande partie par des sociétés usaméricaines. Trois ans plus tard, avec le soutien de la CIA, l’armée chilienne organisa un coup d’État violent. Allende fut tué. À sa place, le dictateur Pinochet prit le pouvoir, torturant et faisant disparaître des milliers de personnes. Washington qualifia cela de victoire pour la stabilité.

 

Au Congo, c’était Patrice Lumumba. Jeune, charismatique et déterminé à se libérer de l’exploitation belge, il a été élu Premier ministre en 1960. En quelques mois, il a été renversé puis exécuté, son assassinat ayant été orchestré avec la complicité de la CIA. Le pays a été livré à Mobutu, un homme fort corrompu qui l’a saigné à blanc pendant des décennies.

 

En Irak, Saddam Hussein a été armé et soutenu par les USA jusqu’à ce qu’il se retourne contre les intérêts de l’empire. Lorsqu’il a osé vendre du pétrole en dehors du système pétrodollar et laissé entendre qu’il souhaitait exercer un leadership régional échappant au contrôle usaméricain, le mensonge des armes de destruction massive a vu le jour. La guerre a été présentée comme une libération. Elle s’est transformée en occupation, en chaos et en mort.

 

En Libye, Mouammar Kadhafi était peut-être un personnage complexe, mais une chose est sûre : sa proposition d’une monnaie panafricaine adossée à l’or constituait une menace directe pour la domination des systèmes financiers occidentaux. Quelques mois après avoir lancé cette idée, il a été pris pour cible, bombardé et brutalement exécuté. Son pays n’a plus connu la paix depuis.

 

Et ce ne sont là que quelques exemples parmi les plus connus.

 

Le scénario de l’empire se répète sans cesse. Les dirigeants qui servent les intérêts occidentaux, aussi brutaux soient-ils, sont tolérés, voire soutenus. Mais ceux qui remettent en cause l’ordre économique, qui revendiquent le contrôle de leur pétrole, de leur eau, de leurs terres ou de leur monnaie, sont qualifiés de fous, d’extrémistes ou de terroristes. Leurs démocraties sont déstabilisées. Leurs pays sont sanctionnés, envahis ou réduits en ruines.

 

Il ne s’agit pas de liberté. Cela n’a jamais été le cas.

 

Il s’agit d’obéissance.

 

Et nous revoilà dans le présent, où le scénario continue de se dérouler, presque mot pour mot. Même si, peut-être enfin, il commence à s’effriter.

 

L’Iran est une fois de plus présenté comme le grand méchant. Netanyahou, Trump, les politiciens occidentaux et les médias parlent d’une voix presque unanime. L’Iran est un État voyou, une force déstabilisatrice, le premier sponsor mondial du terrorisme. Israël a mené une « frappe préventive ». Il a le droit de se défendre. Le monde doit défendre Israël contre la théocratie vicieuse qui ne vit que pour le détruire. Le langage est clinique. Répété. Incontesté.

 

Mais arrêtons-nous un instant.

 

Qu’a fait exactement l’Iran ? A-t-il envahi un voisin ? Renversé des gouvernements ? Commis des assassinats ciblés sur le sol étranger ? Posé des bombes dans des hôpitaux et des écoles ?

 

Ou son véritable crime est-il tout autre, bien plus familier et bien moins pardonnable ?

 

L’Iran soutient la résistance palestinienne. Il était l’un des sept pays cités dans le désormais tristement célèbre plan du Pentagone visant à « éliminer » certains pays après le 11 septembre. Le seul qui soit encore debout...

 

L’Iran refuse de s’incliner devant Israël. Il ne se soumettra pas aux USA. Il détient d’immenses réserves de pétrole et de gaz et a insisté, à maintes reprises, pour tracer sa propre voie. Et pour cela, il est présenté comme un grand danger pour la paix mondiale.

 

Pendant ce temps, Israël, un régime d’apartheid doté de l’arme nucléaire et se livrant à un génocide sans vergogne, est en quelque sorte considéré comme l’acteur responsable.

 

Il s’agit là d’un renversement d’une ampleur presque incompréhensible.

 

C’est la tyrannie vendue comme démocratie. La résistance qualifiée de terrorisme.

 

Posez-vous la question suivante : si la guerre nucléaire était vraiment la préoccupation qui motive les actions d’Israël, pourquoi personne ne s’inquiète-t-il du pacte de défense conclu entre l’Iran et l’une des deux plus grandes puissances nucléaires de la planète, la Russie ?

 

Ou peut-être que les menaces nucléaires ne sont des menaces que lorsqu’elles proviennent de ceux qui ne suivent pas les ordres ?

 

Et pendant ce temps, Netanyahou, qui a passé des décennies à démanteler les institutions démocratiques d’Israël, à inciter à la haine raciale et à entraîner son peuple dans un état de guerre sans fin, se tient à la tribune et donne des leçons de liberté au monde entier.

 

Ce serait risible si ce n’était pas aussi mortel.

 

La vérité profonde est la suivante : l’Occident ne craint pas l’extrémisme religieux. Il ne craint pas l’autoritarisme. S’il le craignait, il aurait sanctionné Israël depuis longtemps. Ce qu’il craint, ce qu’il a toujours craint, c’est l’indépendance. Une nation qui pense par elle-même, défend sa dignité et refuse de vendre son âme à l’empire.

 

C’est là la véritable menace.

 

Et peut-être que la question la plus importante que nous devons nous poser est la suivante : qui a le droit d’être libre ?

 

Car c’est là le cœur du problème. Pas seulement en Iran, à Gaza ou en Libye, mais partout où le joug de l’empire a écrasé ceux qui ont osé rêver d’autre chose.

 

Qui a le droit de revendiquer sa souveraineté ? Qui a le droit de nationaliser son pétrole, son eau, ses terres ? Qui a le droit de répondre aux puissances qui dominent le monde ?

 

Est-ce que je vis vraiment dans un pays démocratique si le simple fait de poser ces questions me met en danger ? Est-ce cela que nous prétendons être la liberté ?

 

Car les preuves sont claires : l’Occident applaudira une dictature tant qu’elle respectera ses règles. Et il écrasera une démocratie dès qu’elle sortira du rang.

 

L’Iran n’est pas devenu une dictature parce qu’il était tyrannique. Il est devenu ce qu’il est parce qu’il a osé être libre. La théocratie est née des cendres d’un rêve qui n’a jamais pu se réaliser.

Il ne s’agit pas ici de romancer le régime actuel de l’Iran. Il est brutalement répressif. Les dissidents sont réduits au silence, les femmes sont asservies et la violence d’État est bien réelle. Mais si nous nous arrêtons là, si nous isolons cette vérité du contexte qui l’a fait naître, nous ne nous livrons pas à une réflexion honnête. Nous nous livrons à une morale sélective.

 

La République islamique n’est pas apparue dans le vide. Elle s’est élevée des décombres d’une démocratie écrasée par l’Occident, comme beaucoup de dictatures qui l’ont suivie. Et tant que nous ne serons pas prêts à nous demander comment nous en sommes arrivés là, nous continuerons à commettre la même erreur : réagir aux flammes tout en ignorant l’étincelle.

 

Il en va de même pour le 7 octobre. Cette journée a été horrible. Des vies innocentes ont été perdues. Mais l’isoler, le traiter comme une explosion inexplicable du mal, c’est participer à une amnésie narrative. Car l’horreur ne survient jamais de manière isolée. Elle éclate sous la pression. Et si nous parlons du sang versé ce jour-là sans parler du siège, de l’occupation, de la dépossession, des décennies de déshumanisation qui l’ont précédé, nous ne recherchons pas la vérité. Nous préservons le pouvoir.

 

Netanyahou peut parler de menaces autant qu’il veut. Il peut battre les tambours de guerre, se draper dans le langage de la liberté et appeler au feu au nom de la civilisation.

 

Mais il ne craint pas l’Iran parce que c’est une théocratie. Il le craint parce que c’est une mauvaise théocratie, une théocratie qui ne se plie pas à ses règles et ne se soumet pas à son agenda.

 

Et au final, tout semble toujours revenir à la Palestine.

 

En 2001, sept pays de la région soutenaient ouvertement la cause palestinienne. Aujourd’hui, il n’en reste plus qu’un, qui est désormais dans le collimateur d’Israël.

 

Il est difficile de ne pas se poser la question suivante : si le monde avait agi plus tôt, s’il avait combattu l’injustice au cœur du conflit israélo-palestinien au lieu de la laisser perdurer pendant des décennies, en serions-nous là aujourd’hui ? Cette guerre serait-elle également nécessaire ?

 

Car peut-être, juste peut-être, que résoudre la blessure la plus ancienne du Moyen-Orient pourrait commencer à en guérir d’autres.

 

L’histoire jugera ce moment avec beaucoup plus de clarté que nous ne pouvons le faire aujourd’hui.

 

Mais je ne peux m’empêcher de penser que nous avons peut-être le luxe du recul.

L’avenir de l’humanité exige peut-être que nous allions droit au cœur du problème, dès maintenant.

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