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30/08/2025

SARAH B.
L’IA qui a déclenché une guerre : comment Palantir et l’AIEA ont alimenté l’attaque d’Israël contre l’Iran


Un logiciel à 50 millions de dollars conçu pour la contre-insurrection oriente désormais la diplomatie nucléaire... et pourrait avoir mis le feu aux poudres d’une guerre régionale.

Sarah B., DD Geopolitics, 19/6/2025
Traduit par Tlaxcala

Le 12 juin 2025, Israël a lancé l’opération “Réveil du Lion”, une campagne aérienne de grande envergure qui a bombardé l’installation nucléaire iranienne de Natanz, ravagé Ispahan et tenté de percer le bunker fortifié de Fordow. Des centaines de personnes ont trouvé la mort, parmi lesquelles le commandant du Corps des gardiens de la révolution islamique Hossein Salami, le scientifique nucléaire Fereydoun Abbasi et de nombreux civils. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a qualifié cette frappe de « coup porté au cœur » des ambitions nucléaires de l’Iran. Le président Donald Trump, soutenu par le général Michael Kurilla du CENTCOM, a mis en garde contre des conséquences « brutales », citant un rapport de l’AIEA du 31 mai qui signalait la présence de 409 kg d’uranium enrichi à 60 %, soit une quantité suffisante pour fabriquer neuf bombes si elle était raffinée.

« La résolution de l’AIEA a donné à Israël un prétexte pour attaquer nos installations. » — Abbas Araqchi, ministre iranien des Affaires étrangères

Mais que se passerait-il si les renseignements à l’origine de cette guerre ne provenaient pas des satellites du Mossad ou du Pentagone, mais du logiciel d’une agence des Nations unies ? Depuis 2015, l’AIEA s’appuie sur la plateforme Mosaic de Palantir, un système d’intelligence artificielle à 50 millions de dollars qui passe au crible 400 millions de points de données (images satellites, réseaux sociaux, registres du personnel) afin de prédire les menaces nucléaires. Le 12 juin, l’Iran a divulgué des documents qui, selon lui, prouvaient que le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, avait partagé les résultats de Mosaic avec Israël, transformant ainsi l’agence en un « outil d’agression ». Cette accusation fait écho à une tendance : avant 2025, les données de Mosaic ont contribué à façonner les sanctions et même les décisions d’aide de l’ONU, malgré les risques de partialité.


Palantir, cofondée par Peter Thiel, un allié de Trump, alimente le ciblage de l’armée israélienne à Gaza et l’IA sur le champ de bataille en Ukraine. Son rôle au sein de l’AIEA, qui était de garantir la conformité, tend désormais vers la militarisation. Alors que l’Iran suspend la surveillance et menace de révéler les secrets nucléaires d’Israël à Soreq, les enjeux sont apocalyptiques. Cette enquête cherche à comprendre comment Mosaic est devenu un prétexte à la guerre, pourquoi Israël avait besoin d’une couverture et si l’IA privatisée menace désormais la paix mondiale.

 Infographie de l’AIEA, 2016

L’intégration discrète de Palantir au sein de l’AIEA

Depuis 2015, l’AIEA utilise discrètement la plateforme Mosaic de Palantir pour surveiller les activités nucléaires en Iran. Ce logiciel, initialement conçu pour la contre-insurrection usaméricaine, ingère des centaines de millions de points de données, notamment des images satellites, des réseaux sociaux, des flux commerciaux et des métadonnées, afin de cartographier des sites, d’identifier des liens entre des personnes et de déduire des « intentions » nucléaires. En 2018, Mosaic avait traité plus de 400 millions d’objets de données distincts et contribué à faciliter plus de 60 inspections inopinées de sites iraniens dans le cadre du Plan d’action global conjoint (JCPOA). Ces résultats ont été intégrés dans les rapports officiels de l’AIEA sur les garanties et largement acceptés par les États membres de l’ONU et les régimes de non-prolifération comme des évaluations crédibles et fondées sur des preuves.

L’AIEA n’a jamais débattu publiquement de la participation de Palantir. En 2018, elle a discrètement renouvelé un contrat de 50 millions de dollars pour Mosaic, consolidant ainsi le rôle de l’entreprise en tant qu’outil clé de la surveillance nucléaire mondiale. L’entreprise elle-même vante ce partenariat sur son site web, qualifiant Mosaic de « pierre angulaire des garanties nucléaires internationales ». Mais contrairement aux outils de surveillance traditionnels, Mosaic n’est pas un système passif. Il effectue des analyses prédictives, évaluant non seulement ce qu’un État a fait, mais aussi ce qu’il pourrait faire, sur la base de modèles comportementaux dérivés de la doctrine antiterroriste. Cette fonctionnalité a été conçue pour le ciblage sur le champ de bataille, et non pour la conformité juridique.

«C’est comme Minority Report pour l’uranium », a ironisé un responsable de l’AIEA, décrivant le pouvoir prédictif de Mosaic.

Cette distinction s’est estompée. Le logiciel de Palantir a joué un rôle central dans l’identification des installations iraniennes suspectes à Turquzabad et Marivan, sites cités par la suite dans les délibérations de l’ONU et les accusations publiques israéliennes. Ces évaluations, dérivées d’un logiciel conçu pour les zones de guerre, ont été présentées par un organisme neutre de l’ONU comme des renseignements fiables. Certains experts nucléaires ont tiré la sonnette d’alarme. « L’IA prédictive et les garanties ne font pas bon ménage », a déclaré en 2023 un ancien analyste senior de l’AIEA. « Cela transforme la surveillance en prétexte. »

Le problème ? La généalogie de Mosaic crie au parti pris. Financé par In-Q-Tel, la branche venture capital de la CIA, Palantir alimente le ciblage de l’armée israélienne à Gaza et les frappes de drones en Ukraine. Les algorithmes opaques de Mosaic, non vérifiables et propriétaires, risquent de transformer l’AIEA d’inspecteur neutre en proxy de données pour une guerre préventive. Comme nous le verrons avec le rôle de Fordow, ce logiciel a peut-être déjà franchi cette ligne, menaçant le Traité de non-prolifération qu’il était censé défendre.

Mosaic n’est pas seulement une base de données, c’est une arme stratégique. Les supports promotionnels de Palantir vantent sa capacité à « visualiser et préparer les escalades », en cartographiant les sites, en identifiant les experts nucléaires et en analysant les menaces régionales. Ce pouvoir s’est concrétisé dans le rapport de l’AIEA du 31 mai 2025, qui déclarait que les 408,6 kg d’uranium enrichi à 60 % détenus par l’Iran constituaient une violation des règles de conformité sur des sites tels que Lavisan-Shian et Turquzabad. Le 6 juin, une résolution de l’AIEA initiée par les USA  a censuré l’Iran par 19 voix contre 3, une première en 20 ans, ce qui a poussé Téhéran à crier au « théâtre politique ». Six jours plus tard, Israël a frappé.

La « menace Fordow » et le discours sur le danger imminent

Lorsque les avions de l’opération « Réveil du Lion » d’Israël ont survolé le bunker montagneux de Fordow le 12 juin, ils ont pris pour cible le cœur du défi nucléaire iranienne, du moins selon le discours officiel. Le rapport de l’AIEA du 31 mai 2025 avait tiré la sonnette d’alarme : les 408,6 kg d’uranium enrichi à 60 % de l’Iran, dont 166,6 kg à Fordow, pouvaient permettre de fabriquer « neuf bombes nucléaires » s’ils étaient raffinés, ce qui faisait craindre un « détournement » vers des sites non déclarés comme Turquzabad. Ce rapport, alimenté par la plateforme Mosaic de Palantir, a alimenté une censure le 6 juin et les frappes israéliennes, tuant des centaines de personnes, dont le scientifique Fereydoun Abbasi. Mais la menace de Fordow était-elle réelle ou s’agissait-il d’un prétexte généré par un logiciel ?


Victimes de l’agression israélienne : le professeur Mohammad-Mehdi Tehranchi, le Dr Fereydoun Abbasi, le général de division Gholam Ali Rashid, le général de division Hossein Salami

L’AIEA a donné à Israël un prétexte pour attaquer nos installations. — Abbas Araqchi, ministre iranien des Affaires étrangères

Mosaic, qui a traité 400 millions de points de données depuis 2015, a cartographié les cascades de centrifugeuses de Fordow et les images satellites, signalant les anomalies comme des menaces. Son intelligence artificielle, conçue pour la contre-insurrection, prédit les intentions, ce qui est parfait pour élaborer un récit de « neuf bombes ». Le rapport du 31 mai citait des traces non déclarées à Lavisan-Shian et Turquzabad, faisant écho à 2018, lorsque les conclusions de Mosaic avaient déclenché des sanctions malgré les allégations iraniennes de « sabotage . Le chef du programme nucléaire iranien, Behrouz Kamalvandi, a affirmé en 2025 que les coordonnées de Turquzabad avaient été « plantées », suggérant ainsi l’existence de preuves fabriquées. La fuite iranienne du 12 juin, affirmant que Rafael Grossi avait partagé les données de Mosaic avec Israël, a renforcé les soupçons.

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Documents de l’AIEA divulgués

Les aveux de Grossi à CNN le 18juin (« aucune preuve d’un programme d’armement systématique ») ont sapé l’urgence, laissant entendre que les résultats de Mosaic étaient exagérés. Avant 2025, les données de Mosaic sur Turquzabad pour 2016-2018 ont motivé les sanctions de l’ONU, considérées comme des preuves fiables malgré leurs lacunes. Le Programme alimentaire mondial des Nations unies s’est également appuyé sur Mosaic pour prendre ses décisions d’aide pour 2019-2023, ce qui montre l’influence de Palantir. En 2025, Israël s’est emparé des alertes de Mosaic concernant Fordow, Netanyahou affirmant que l’Iran était « à quelques mois de la bombe ». Pourtant, les stocks de Fordow ont augmenté de manière régulière, et non soudaine, ce qui suggère une crise fabriquée de toutes pièces.

Les algorithmes de la boîte noire de Mosaic, sujets aux faux positifs comme l’avait averti Ali Vaez, risquent de transformer le bruit en guerre. Son rôle à Gaza et en Ukraine, à l’image de son utilisation par l’AIEA, brouille la frontière entre conformité et combat. Si Israël a exploité les données de Mosaic, comme le prétend la fuite iranienne, l’AIEA est devenue un vecteur de guerre involontaire.

De la conformité au casus belli

Lorsque les avions israéliens ont survolé Natanz, tentant de détruire les centrifugeuses dans le cadre de l’opération « Réveil du Lion », les yeux du monde se sont tournés vers un rapport de l’ONU qui a mis le feu aux poudres. Le rapport de l’AIEA du 31 mai 2025 (GOV/2025/25) déclarait que les 409 kg d’uranium enrichi à 60 % détenus par l’Iran suffisaient pour fabriquer « neuf bombes nucléaires » s’ils étaient raffinés, citant des traces non déclarées à Lavisan-Shian, Turquzabad et deux autres sites. Bien qu’aucun programme d’armement n’ait été prouvé, l’avertissement du rapport concernant un « détournement potentiel » a déclenché une tempête diplomatique.

« La résolution de l’AIEA a fourni à Israël un prétexte pour attaquer », a déclaré le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araqchi.

Le rapport de l’AIEA du 31 mai s’appuyait sur les données de la plateforme Mosaic de Palantir. Installée au siège de l’AIEA à Vienne depuis 2015, l’IA de Mosaic analyse plus de 400 millions de points de données pour produire des modèles prédictifs du comportement nucléaire. Cela comprend des simulations de la capacité des centrifugeuses, des registres de expéditions signalés, du personnel identifié et des images satellites recoupées. Ses évaluations ont directement influencé la résolution de censure adoptée par 19 voix contre 3 le 6 juin, la première réprimande officielle de l’Iran depuis l’ère du JCPOA.

L’Iran a immédiatement dénoncé cette résolution comme étant du « théâtre politique ». Le 12 juin, alors que les missiles tombaient, les médias d’État iraniens ont publié des documents affirmant que le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, avait partagé les résultats de Mosaic avec les responsables de la sécurité israéliens. La fuite citait un « panel pro-israélien » basé aux USA qui aurait reçu des données préalables sur Fordow et Turquzabad. Bien que non vérifiés, ces documents faisaient écho à la plainte déposée par l’Iran en 2018, selon laquelle les conclusions tirées grâce à Mosaic, alors concernant Turquzabad, étaient tombées entre les mains des Israéliens.


"Le supermarché atomique secret de l'Iran à Turquzabad" : Netanyahou à l’AG des NU, le 27 septembre 2018

Les déclarations publiques de Grossi ont brouillé les pistes. Dans une interview accordée à CNN le 18 juin, il a précisé : « Nous n’avions aucune preuve d’un programme d’armement systématique. » Cette admission, quelques jours après les frappes israéliennes, a sapé le ton alarmiste du rapport du 31 mai. Elle a soulevé une question cruciale : s’il n’y avait aucune preuve de l’existence d’une bombe, pourquoi l’AIEA semblait-elle agir comme une agence de renseignement ?

La réponse réside dans la conception de Mosaic. Conçu à l’origine pour identifier les activités insurgées en Irak et en Afghanistan, Mosaic déduit les intentions hostiles à partir d’indicateurs indirects (métadonnées, modèles comportementaux, trafic de signaux) et non à partir de preuves confirmées. Lorsqu’il est réutilisé pour la surveillance nucléaire, ce raisonnement transforme la corrélation en alerte. Le fait que Mosaic alimente également les systèmes de ciblage de l’armée israélienne à Gaza et en Ukraine rend sa présence au sein de l’AIEA d’autant plus explosive.

Les algorithmes privatisés ne sont pas soumis à la Charte des Nations unies ni au Traité de non-prolifération. Ils produisent des conclusions sans transparence, et leurs erreurs ont des conséquences. Dans ce cas précis, ils ont contribué à provoquer une rupture diplomatique, voire une guerre.

Le 19 juin, l’Iran a intensifié ses efforts : il a publié une lettre accusant Grossi de violer le droit international, d’aider à l’agression et d’alimenter une guerre préventive. Il a cité les données de Mosaic comme étant à l’origine de cette situation et a menacé d’intenter une action en justice en vertu des Conventions de Genève. Avec l’arrêt des inspections depuis le 14 juin et la menace de l’Iran de révéler le programme nucléaire israélien à Soreq, le régime de garanties est en train de s’effondrer.

Pourquoi Israël avait besoin d’une couverture

Lorsque l’opération « Rising Lion » d’Israël a pris pour cible des sites iraniens en juin, il ne s’agissait pas seulement d’uranium. Les frappes israéliennes, justifiées par un rapport de l’AIEA signalant que les 409 kg d’uranium enrichi à 60 % de l’Iran constituaient une menace équivalente à « neuf bombes », visaient un objectif plus profond : l’avenir technologique de l’Iran, fusionnant le potentiel nucléaire avec la modernisation militaire basée sur l’IA. Mais pourquoi dissimuler cette action préventive derrière les données d’une agence des Nations unies ?

« Le programme nucléaire iranien est une menace existentielle », a déclaré Benjamin Netanyahu, reprenant ce qu’il a répété des centaines de fois au fil des ans.

La motivation d’Israël n’était pas nouvelle. Depuis 2018, les discours de Netanyahu à l’ONU sur « l’entrepôt secret » de l’Iran poussaient à des frappes préventives, présentant les ambitions nucléaires de l’Iran comme apocalyptiques. Pourtant, le stock, qui augmentait depuis des mois, ne présentait pas d’urgence soudaine. Le changement est survenu avec le rapport de l’AIEA et la censure du 6 juin, soutenue par 19 voix contre 3 par les USA et leurs alliés, qui a donné à Israël une façade « défensive » pour « r2VEIL DU Lion ». L’IA de Mosaic, qui passe au crible des millions de points de données, a signalé des sites non déclarés comme Turquzabad, alimentant les craintes de « détournement » exprimées dans le rapport, faisant écho aux sanctions de 2018 motivées par des résultats similaires de Mosaic.

L’urgence semblait dépendre du timing. Les stocks de l’Iran augmentaient régulièrement depuis des mois, mais le discours sur une percée imminente n’a pris de l’ampleur qu’après la censure de l’AIEA le 6 juin 2025. Cette résolution, adoptée par 19 voix contre 3, a fourni à Israël la couverture diplomatique dont il avait besoin. La plateforme Mosaic de Palantir a joué un rôle essentiel dans ce revirement. Ses données ont façonné le rapport du 31 mai, signalant des anomalies à Fordow et Lavisan-Shian, et reprenant les allégations antérieures sur Turquzabad, malgré les dénégations et les accusations de sabotage de l’Iran depuis des années.

L’histoire de Une s’est rapidement effondrée. Le 18 juin, Rafael Grossi a déclaré à CNN : « Nous n’avions aucune preuve d’un programme d’armement systématique. » Ses réserves (« les inspecteurs ont peut-être manqué certaines activités ») n’ont fait qu’accroître les soupçons. Et lorsque l’Iran a divulgué des documents le 12 juin alléguant que Grossi avait partagé les résultats de Mosaic avec ses homologues israéliens lors d’un forum parrainé par les USA, la neutralité de l’AIEA a été remise en question. Le ministère des Affaires étrangères de Téhéran a accusé l’agence de devenir un « canal de données » pour l’agression israélienne.

L’histoire antérieure à 2025 renforce ces soupçons. Les résultats de Mosaic avaient déjà été utilisés pour justifier des mesures punitives en 2018 et influencer la distribution de l’aide par le Programme alimentaire mondial des Nations unies entre 2019 et 2023. Dans les deux cas, le logiciel « boîte noire » de Palantir a été considéré comme faisant autorité, malgré les questions soulevées quant à son impartialité et son caractère invérifiable.

Mosaic n’a pas été conçu pour vérifier le respect des traités, mais pour gagner des guerres. Il cartographie les réseaux de menaces, déduit les intentions et signale les dangers émergents, comme il le fait aujourd’hui à Gaza et en Ukraine. Lorsque cet état d’esprit contamine le contrôle des armements, la prévention devient prophétie.

De la surveillance à l’ingérence

Ce qui a commencé comme un projet de données post-11 septembre visant à suivre les insurgés en Irak s’est transformé en un mastodonte de surveillance opaque intégré à la gouvernance mondiale. La plateforme Mosaic de Palantir, initialement développée avec le soutien de la CIA et de la DARPA, se situe désormais à la frontière entre la surveillance et la guerre, en particulier dans des institutions telles que l’AIEA.

L’AIEA n’a jamais été conçue pour fonctionner comme une agence de renseignement. Son mandat est la vérification, pas la prédiction ; la diplomatie, pas la dissuasion. Mais Mosaic renverse cette logique. Elle transforme les images satellites, les données de géolocalisation, les mouvements de personnel et les réseaux sociaux en ce que Palantir appelle la « connaissance du domaine » [domain awareness], un concept emprunté non pas aux traités de désarmement, mais à la doctrine du champ de bataille. Lorsqu’elles sont utilisées de manière non transparente, les informations fournies par Mosaic ne se contentent pas d’informer, elles prescrivent. Et lorsqu’elles sont associées à des alliés militaires, elles peuvent devenir des déclencheurs.

Frappes israéliennes sur Téhéran

Les frappes de 2025 contre l’Iran illustrent cette évolution. Selon des documents iraniens divulgués, Rafael Grossi et le personnel affilié à l’AIEA ont été exposés à des messages filtrés par Israël lors d’événements universitaires occidentaux et de briefings « techniques » organisés avec des universitaires pro-israéliens spécialisés dans le nucléaire. Les services de renseignement iraniens affirment désormais que certains points de discussion dérivés de Mosaic, notamment ceux concernant Lavisan et Turquzabad, proviennent de clusters de données gérés par Israël. L’AIEA n’a pas nié ces échanges, mais insiste sur le caractère indépendant de ses rapports.

«Mosaic est comme Minority Report pour l’uranium », a ironisé un responsable de l’AIEA, soulignant son pouvoir prédictif.

Même si cela était vrai, la structure même de Mosaic sape la confiance. L’architecture centrale de la plateforme est fermée. Ses déductions ne sont pas reproductibles. Les résultats ne peuvent pas être retracés jusqu’aux données brutes fournies par des tiers, en particulier les États soumis à inspection. Lorsque les soupçons sont codifiés dans les rapports de garanties de l’ONU, cela donne lieu à des prétextes de violence déguisés en vérification et en analyses précises.

Les juristes ont tiré la sonnette d’alarme. Bien qu’aucun traité officiel n’interdise l’utilisation de l’analyse prédictive dans le contrôle des armements, l’introduction d’algorithmes de qualité militaire non vérifiables dans les structures de vérification civiles viole l’esprit, sinon la lettre, du Traité de non-prolifération nucléaire. L’utilisation de Mosaic pour éclairer les décisions de conformité au JCPOA, par exemple, a donné un poids disproportionné aux résultats de la surveillance usaméricaine, alignée sur Israël, dans l’élaboration de la politique multilatérale.

Il en résulte une dérive silencieuse mais décisive de la surveillance vers l’ingérence. L’AIEA, autrefois garante de la retenue, est aujourd’hui accusée de blanchir la logique du renseignement militaire à travers le langage de la diplomatie. Ce faisant, elle a peut-être permis précisément ce qu’elle était censée empêcher : une guerre unilatérale justifiée par des données qui ne souffrent pas de contestation.

Un dangereux précédent

Le fait que l’AIEA s’appuie sur Mosaic pour justifier l’opération israélienne crée un précédent aux conséquences considérables. Autrefois garante neutre de la non-prolifération, l’agence externalise désormais les vérifications critiques et les évaluations des menaces à un système d’IA privé, conçu pour la guerre et non pour la surveillance.

Ce n’est pas la première fois que Mosaic influence les résultats géopolitiques. En 2018, les conclusions de Mosaic à Turquzabad ont été utilisées pour justifier les sanctions de l’ONU contre l’Iran, malgré les protestations de ce dernier qui affirmait que le site avait été saboté. Entre 2019 et 2023, le Programme alimentaire mondial des Nations unies a utilisé les résultats de Mosaic pour allouer l’aide humanitaire, conditionnant l’aide aux prévisions comportementales générées par un sous-traitant usaméricain du secteur de la défense. INTERPOL a également intégré les outils Palantir dans ses processus de lutte contre le terrorisme, ancrant ainsi la logique de Mosaic au cœur des institutions internationales.

Ces précédents sont importants. Mosaic est un système d’IA opaque : ses algorithmes sont propriétaires, non vérifiables et conçus pour la contre-insurrection. Le rapport de l’AIEA du 31 mai 2025, qui fait état de 409 kg d’uranium enrichi à 60 % (dont 166,6 kg à Fordow), a déclenché une condamnation initiée par les USA et a ouvert la voie aux frappes aériennes israéliennes, qui ont tué plus de 220 personnes. L’aveu ultérieur du directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi (« Nous n’avions aucune preuve d’un programme d’armement systématique ») n’a guère contribué à réparer les dégâts. Dans le brouillard de l’analyse prédictive, Mosaic avait déjà réécrit les règles en matière de preuve.

Majid Tajan Jari, éminent expert iranien en IA et professeur, assassiné par Israël

Plus inquiétant encore est le fait que ce logiciel, qui trace les métadonnées, les affiliations professionnelles et les tendances comportementales, ait pu contribuer à cibler des individus, et pas seulement des installations. La frappe israélienne du 15 juin 2025 qui a tué Majid Tajan Jari, un éminent scientifique spécialisé dans l’IA à l’université de Téhéran, suggère une convergence entre le signalement comportemental de Mosaic, la liste noire d’Israël et l’ambition de Palantir de dominer l’infrastructure militaire de l’IA. Jari n’avait aucun lien connu avec le programme nucléaire iranien. Mais son importance dans le domaine de l’intelligence artificielle, notamment ses recherches publiées sur les systèmes à double usage, faisaient de lui une cible idéale pour un système conçu pour signaler les « menaces futures ».

Si les données de Mosaic ont été utilisées pour localiser et éliminer des scientifiques civils, alors la frontière entre surveillance et guerre s’est effondrée. Le résultat n’est pas seulement un crime de guerre, c’est une transformation des institutions internationales en vecteurs d’agression privatisée. Aucun cadre juridique ne régit actuellement l’utilisation de l’IA militaire privée dans l’application des traités. Pourtant, des décisions qui faisaient autrefois l’objet de débats diplomatiques, telles que celle de déterminer qui représente une menace, sont désormais prises par des algorithmes optimisés pour la préemption.

Alors que l’Iran suspend les inspections et menace de révéler les activités nucléaires non déclarées d’Israël à Soreq, les conséquences de ce précédent se répercutent à l’extérieur. Mosaic, commercialisé comme un outil de conformité réglementaire, est devenu un instrument d’escalade. Sa simple présence dans la structure de l’AIEA invite à la manipulation stratégique, à l’opacité et à l’érosion de la confiance dans les institutions mondiales. Si la guerre peut être déclenchée par les résultats d’un logiciel, sans responsabilité, transparence ou recours, alors le régime du Traité de non-prolifération est peut-être déjà obsolète.

30/07/2025

MOSTAFA GHAHREMANI
« La bombe atomique iranienne » ! - Sans aucun doute, je serais très heureux d’entendre une telle nouvelle

Mostafa Gahremani,  30/7/2025

John Mearsheimer, professeur renommé de relations internationales à l’université de Chicago et théoricien du « réalisme offensif » en politique étrangère :

« Je suis prêt à parier que l’Iran développe probablement une arme nucléaire en secret, et que ni les USA ni Israël ne sont en mesure de l’en empêcher. Non seulement ils n’ont pas réussi à dissuader l’Iran de ses ambitions nucléaires, mais ils ont en fait aggravé la situation. Je ne serais pas du tout surpris si l’Iran finissait par construire une arme nucléaire. »

Ceux qui qualifient l’attaque terroriste contre l’Iran, le massacre de plus d’un millier d’innocents et le génocide ouvert à Gaza de « sale boulot nécessaire » mené par un régime belliciste et violent (Israël) au service de « l’Occident et de ses intérêts » ne méritent aucune confiance morale ou juridique.

Pour cet Occident sans freins culturels, le vieil adage reste d’actualité : « Le seul bon Indien est un Indien mort. »

Le seul moyen efficace de dissuasion et de sauvegarde de l’indépendance et de la sécurité nationales est l’établissement d’un équilibre de la terreur.

Et il faut enfin reconnaître que cet équilibre ne peut être atteint sans capacités de dissuasion fondées sur des armes non conventionnelles.

Cet ordre mondial impitoyable et sans compassion, dominé par les valeurs et les systèmes de connaissance occidentaux, n’est pas une œuvre de charité.

Les droits ne sont pas accordés, ils doivent être conquis. Et l’Occident ne les cède jamais sans résistance.

La logique déshumanisante et autoritaire de l’Occident ne reconnaît aucune limite morale lorsqu’il s’agit de détruire des États ou des peuples qui résistent à l’exploitation de leurs ressources, à la violation de leur souveraineté ou à leur assujettissement aux structures de pouvoir occidentales.

Ni le droit international ni l’autorité morale et philosophique prétendument universelle – revendiquée principalement par l’Occident européen – ne sont en mesure de l’arrêter.

Dans ce contexte, même l’impératif catégorique de Kant, autrefois salué comme le plus haut accomplissement moral et philosophique de la civilisation occidentale, n’est aujourd’hui qu’une variante banalisée de la « raison pure » entièrement mise au service de la domination.

Et cette « raison pure » est, surtout en ce qui concerne l’être humain non occidental, essentiellement intouchable et donc immunisée contre toute critique.

Dans sa fonction réelle, la philosophie occidentale n’est pas une voie vers la justice, mais plutôt une construction idéologique utilisée pour légitimer la domination, la discrimination et le pouvoir hégémonique.

Ni plus, ni moins.

Au final, une seule question subsiste : l’Occident sait-il encore ce qu’est la moralité ?

24/07/2025

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Que se passe-t-il en Syrie… et en Asie occidentale ?

   Sergio Rodríguez Gelfenstein, 24/7/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

À Carlos Pereyra Mele, professeur et maître.

L’un des plus aigus et brillants analystes en géopolitique
qui nous a quittés hier, trop tôt.
Adieu, Maestro !

Comme cela devient habituel, , les médias transnationaux à but lucratif, censés informer, se consacrent paradoxalement à la désinformation. On peut le constater de manière particulièrement aberrante lorsqu’il s’agit des événements en Asie occidentale. Bien que la déformation des faits soit une pratique quotidienne, la situation est aujourd’hui atroce lorsqu’on tente de reconstruire les péripéties et les actions qui se déroulent dans cette région depuis deux ans et demi.

Ces derniers jours, ce sont les faits en Syrie dominent l’actualité régionale. Comme si le génocide en Palestine, l’agression permanente contre le Liban et la rhétorique belliciste contre les voisins s’étaient arrêtés, la falsification des faits cache la véritable toile de fond de l’affaire.


La situation géographique de la Syrie, située au carrefour des peuples et des civilisations, en a fait, tout au long de l’histoire, un joyau inestimable pour ceux qui aspiraient à contrôler la région. La présence de peuples différenciés dans certaines zones du pays a créé des aires d’influence traditionnelles d’idéologies, de leaders et de tribus ayant leur propre identité, culture et histoire. Par exemple, les Kurdes se trouvent au nord, les Druzes au sud-est, les Alaouites sur la côte méditerranéenne, et les Sunnites dans la zone centrale.

Cette situation, stabilisée sans grands conflits [sic] sous le gouvernement de Bachar Al Assad, a été détruite par une intervention étrangère qui, en attisant les différences sectaires et religieuses à son avantage, a engendré la division et la disparition de la sécurité fondée sur l’équilibre.

Au-delà de la dynamique interne syrienne, trois puissances étrangères ont joué un rôle déterminant dans la situation actuelle : Israël, les USA (avec la France en appendice), et la Turquie.

Comme je l’ai écrit à d’autres occasions, il est presque impossible aujourd’hui d’analyser un scénario de manière isolée. De même, tout événement international doit être compris dans ses trois dimensions — locale, régionale et globale — si l’on veut réellement en cerner les fondements et les implications.

Ce texte tente donc d’analyser ce scénario complexe sous une vision holistique, seule capable de fournir des pistes pour sa compréhension. Malgré l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Liban conclu en novembre dernier, l’entité sioniste l’a violé à de multiples reprises. Les USA et la France, garants de cet accord, ont trahi leur engagement en permettant que l’agression — qui a déjà causé la mort de près de 400 Libanais — se poursuive en toute impunité.



Cet accord était censé prolonger la résolution 1701 de 2006 du Conseil de sécurité de l’ONU, signée après 34 jours de guerre suite à l’invasion du Liban par Israël. L’accord établissait un cessez-le-feu total et le retrait des troupes israéliennes. Israël n’avait pas atteint ses objectifs à l’époque : détruire le mouvement chiite libanais Hezbollah et « démilitariser » le Liban.

Ce non-respect de la résolution 1701 reste une épée de Damoclès suspendue au-dessus de toute tentative de stabilisation. Dans le contexte actuel, Thomas Barrack, envoyé spécial du président Donald Trump pour la Syrie, a insisté sur l’obligation du gouvernement libanais de désarmer le Hezbollah, menaçant Beyrouth de détruire le Liban pour l’annexer à la Syrie si cela n’était pas fait. En réalité, si cet ultimatum était mis à exécution, il signifierait la fin des Accords Sykes-Picot de 1916, qui avaient organisé le contrôle de la région selon les intérêts européens sous le couvert d’une stabilité jamais atteinte.

L’instabilité nécessaire au maintien des intérêts occidentaux s’est poursuivie ces dernières années. De la première guerre du Golfe (1990–1991), à celle d’Irak (2003–2011), en passant par l’Afghanistan (2001–2021), le prétendu Printemps arabe débuté en 2011, la guerre au Yémen commencée en 2015, le génocide permanent contre le peuple palestinien, les attaques israéliennes intermittentes contre le Liban, l’intervention turque en Syrie, ou encore les guerres contre le terrorisme d’Al-Qaïda et de Daech en Irak et Syrie, toutes ont pour objectif le maintien de l’instabilité, pour affaiblir, fragmenter, dominer et contrôler la région.

Pour les USA, la priorité stratégique est d’assurer leur sécurité énergétique. Les centres de production pétrolière sont donc constamment dans leur viseur, ce qui explique leur présence active en Asie occidentale — région possédant les plus grandes réserves mondiales. Cela explique aussi leur implication dans le conflit ukrainien. Dans ce cadre, le Venezuela est également concerné, mais en tant que pays d’Amérique latine — « l’arrière-cour » de Washington — sa dynamique est différente et ne sera pas abordée ici.

Rassemblant tous ces éléments, on peut commencer à répondre à la question : Pourquoi la Syrie ? Bien avant le conflit actuel, même avant la guerre du Golfe, des projets de construction d’oléoducs existaient déjà. L’un devait partir du Golfe Persique, traverser l’Irak et la Syrie jusqu’à la Turquie pour approvisionner l’Europe. Le second a motivé le coup d’État de 1953 en Iran contre le Premier ministre Mossadegh, après qu’il eut nationalisé le pétrole [jusque-là “british”]. Ce projet fut définitivement écarté après la révolution islamique de 1979. Aujourd’hui, plusieurs projets d’oléogazoducs partant du Golfe Arabo-Persique vers l’Europe passent par la Syrie.

C’est dans la continuité de ces projets que, presque en même temps que le Printemps arabe de 2011, une grande conspiration occidentale a vu le jour pour affaiblir la région et s’emparer de ses ressources. Les USA et l’OTAN ont ainsi conçu, financé et mis en œuvre un coup d’État en Ukraine pour atteindre le même but : éliminer la Russie comme fournisseur énergétique de l’Europe. Il s’agissait de faire venir l’énergie du Golfe Arabo-Persique, région dominée par des monarchies conservatrices aisément contrôlables.

Dans un premier temps, après la chute de l’URSS et devant la faiblesse de la Russie sous Eltsine, l’Occident a tenté d’exciter les minorités nationales et religieuses russes. Cette tentative ayant échoué, il a reporté leurs efforts sur l’Asie occidentale.

Bachar Al Assad a été pressé par l’Occident d’approuver les projets d’oléoducs. Il a toujours refusé. C’est ce qui explique pourquoi, après avoir renversé Kadhafi en Libye, le Printemps arabe a « atterri » en Syrie. Ce refus d’Al Assad est l’une des raisons du coup d’État en Ukraine en 2014, et de l’implication directe de la Russie : Moscou avait compris que la cible stratégique de cette guerre était la Russie, pas la Syrie.

Aujourd’hui, après la chute de Bachar Al Assad et le génocide à Gaza, le plan des oléoducs a été relancé. Le terroriste Ahmed Al Charaa alias Al Joulani, devenu président de la Syrie, agit comme instrument des USA et d’Israël. Sur leurs ordres, il a attaqué la province de Soueïda, peuplée majoritairement de Druzes. Bien qu’ils ne représentent que 3 % de la population, les Druzes ne sont pas monolithiques et sont divisés politiquement — ce qui « facilite » l’action des terroristes devenus gouvernement. Une faction soutient Al Joulani, une autre Israël, menée par Hikmat al Hijri, né au Venezuela comme beaucoup d’habitants de Soueïda [surnommé « le peitit Venezuela », ce dernier étant appelé « Venesueida », NdT]. Une troisième est nationaliste et avait de bonnes relations avec Al Assad.

MBS, Trump et Al Charaa, mai 2025

Al Joulani ne gouverne pas vraiment. Sa coalition est pleine de contradictions ethniques, religieuses, et politiques. Il se maintient au pouvoir grâce aux USA, à Israël et à la Turquie, et se consacre au massacre des minorités : d’abord les Kurdes au nord, puis les Alaouites sur la côte, et maintenant les Druzes au sud.

Pour attaquer Soueïda, Al Joulani utilise des sunnites de Daraa (frontalière avec la Jordanie), des tribus bédouines locales, et une armée composée à 40 % de terroristes étrangers (principalement ouïghours de Chine et du Pakistan, mais aussi Afghans, Tchétchènes, Daguestanais…), 40 % de terroristes syriens loyaux à Al Joulani, et 20 % de membres de diverses tribus et courants musulmans. Ensemble, ils forment une force de 60 000 hommes.

Les attaques visent à justifier l’intervention israélienne en Syrie sous prétexte que les tribus bédouines menacent la sécurité du pays. Mais en réalité, c’est Al Joulani qui orchestre cette instabilité sur ordre de Washington et Tel-Aviv. Le gouvernement syrien actuel n’a pris aucune mesure contre l’intervention militaire sioniste.

Al-Charaa, vu par Kamal Sharaf, Yémen

Soueïda est devenue la pierre angulaire des intérêts internationaux. Israël veut y créer un “Corridor de David” sécurisant le territoire syrien qu’il occupe [le Golan]. Les USA visent les gisements pétroliers. La Turquie veut des oléogazoducs qui traverseraient son territoire, ce qui lui rapporterait d’énormes revenus.



Mais les ambitions vont plus loin : les USA et Israël veulent démembrer la Syrie en quatre micro-États ethnico-confessionnels, pour justifier l'existence raciste de l'entité sioniste. Ces mini-États, dirigés par des marionnettes comme Al Joulani, permettraient la réalisation du plan du “Grand Israël” et la création d’un nouveau Moyen-Orient.

Ainsi, la Syrie serait divisée en :

  • un secteur kurde au nord sous influence turque,
  • une région alaouite sur la côte (Lattaquié et Tartous),
  • un émirat islamique contrôlé par Al Joulani au centre,
  • un corridor israélo-druze au sud-est, aux frontières jordanienne et irakienne.

Si ce plan est mis en œuvre, toute la région serait morcelée, permettant à l’Occident de s’approprier les ressources énergétiques et d’écarter la Russie du marché européen. Le Golfe Arabo-Persique, via la Syrie et la Turquie, deviendrait le nouveau fournisseur.

Erdoğan le marionettiste, par Adnan Al Mahakri,Yémen

La Turquie cherche à devenir ce pont énergétique vers l’Europe. Cela explique son rôle dans la chute d’Al Assad. Le projet des Frères musulmans, dont Erdogan est issu, vise à devenir le porte-parole des musulmans du monde. Mais cela nécessite un Iran affaibli, ce qu’ils n’ont pas réussi à obtenir.

Les événements de Soueïda doivent donc être compris dans une perspective plus large :

  • Les USA veulent nuire à la Russie et s’approprier le pétrole.
  • Israël veut construire son corridor pour fragmenter davantage le monde arabe.
  • La Turquie veut des bénéfices énergétiques et un rôle de leader.

Ce plan n’a pas abouti à cause de la résistance de l’Iran et de ses alliés (Irak, Liban, Yémen…). Les prochaines cibles pourraient être la Jordanie et surtout l’Égypte, qui possède une des plus grandes armées du monde et un fort sentiment national. Un rapprochement Iran-Égypte serait un obstacle majeur aux projets impérialistes.

Le journaliste égyptien Mohamed Hassanein Heikal (sunnite et panarabiste) affirmait que seule une alliance stratégique Iran-Égypte pouvait sauver le monde arabe. C’est la plus grande peur de l’Occident.

Des erreurs égyptiennes ont empiré les choses : la cession des îles de Tiran et Sanafir à l’Arabie saoudite en 2017, puis leur probable transformation en bases militaires usaméricaines, a provoqué une vive opposition au sein de l’armée égyptienne.

De même, les pressions usaméricaines sur les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) pour réduire leur aide à l’Égypte après qu’elle les eut pourtant défendus, ont été mal vues.

Une alliance Iran-Égypte créerait un bloc de 200 millions d’habitants et une armée de plus de 2,5 millions de soldats, contrôlant le détroit d’Ormuz, le canal de Suez et Bab el-Mandeb — les trois nœuds clés de la circulation énergétique mondiale.

Dans ce contexte, la désintégration de la Syrie et de l’Asie occidentale, et la construction d’oléogazoducs passant par ces territoires, devient un enjeu stratégique majeur.

Voici les acteurs en jeu. Le reste — même l’Arabie saoudite — compte peu. Les monarchies médiévales ne cherchent qu’à conserver leur richesse, maintenir leur pouvoir, et apaiser leur population au strict minimum. La cause palestinienne, arabe ou musulmane ne les intéresse que si elle ne menace pas le statu quo ni ne dérange les puissances occidentales qui garantissent leur contrôle sur leurs peuples.