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05/06/2021

Centenaire du massacre de Tulsa : Les rituels de la commémoration

Victor Luckerson, Run It Back, 5/6/2021

Traduit par Fausto Giudice

Le souvenir aide les individus à surmonter les traumatismes, mais les responsables gouvernementaux ne devraient s'y adonner que s'ils sont également prêts à faire le dur travail de réparation.

Au lieu du feu, le 31 mai 2021 a apporté la pluie. La matinée du centenaire du Massacre raciste de Tulsa a commencé par un temps gris et maussade, sous un ciel déjà rempli de larmes. Mais l'averse s'est arrêtée suffisamment longtemps pour que les dirigeants de la communauté de Greenwood puissent organiser une cérémonie de collecte de terre à Standpipe Hill, le site où les membres de la Garde nationale ont pointé une mitrailleuse sur la communauté lors de l'attaque de 1921. « Vous vous trouvez sur une terre sacrée. Absorbez l'énergie de cet espace », a déclaré Kristi Williams, activiste communautaire et présidente de la Commission des affaires afro-américaines du Grand Tulsa. Elle se tenait sous une arche de fleurs décoratives qu'elle et d'autres personnes avaient érigée comme point d'entrée dans ce lieu généralement désolé. « J'appelle aussi ce lieu la vallée des ossements secs, et ces ossements crient depuis très longtemps », a déclaré Mme Williams. « Aujourd'hui, nous allons leur rendre hommage ».

02/06/2021

Aux origines de la présence noire en Oklahoma
Un aspect peu connu de la "Conquête de l'Ouest"

Victor Luckerson, Run It Back, 22/1/2020

Traduit par Fausto Giudice

Le centenaire du massacre raciste de Tulsa est une occasion de revenir sur l’histoire des communautés noires en Oklahoma. L’auteur explique comment deux groupes totalement différents ont été traités comme un seul et même groupe.

Pour Eliza Whitmire, le voyage vers l'Oklahoma était un souvenir amer. Elle était née esclave dans la nation Cherokee, sur une grande plantation dans les montagnes de Géorgie. Lorsque les milices yankees ont forcé le peuple cherokee à quitter sa terre natale en 1838 - une atrocité aujourd'hui connue sous le nom de «  Piste des larmes » - Eliza Whitmire et de nombreux autres esclaves de la tribu ont  participé à cette marche éreintante. Ils et elles ont servi de chasseurs, d'infirmières et de cuisinier·ères tout au long du voyage hivernal brutal à travers le sud-est. Ils s'occupaient du bétail pendant la journée et menaient patrouille de sécurité la nuit. Ils et elles ont défriché la piste elle-même, traversant les étendues sauvages du sud vers l'inconnu. Whitmire survécut au voyage, mais de nombreux·ses esclaves furent parmi les milliers qui moururent au cours d'un voyage vers l'Ouest qu'ils et elles n'avaient jamais demandé.

Pour De'Leslaine Davis, le voyage vers l'Oklahoma était une opportunité. Ce natif de Caroline du Sud occupait des emplois subalternes au Kansas lorsqu'un ami l'a convaincu de s'aventurer au sud, dans le Territoire indien. Le 22 avril 1889, le gouvernement usaméricain ouvrait près de deux millions d'acres [810 000 hectares] de terre à la colonisation publique. Premier arrivé, avec un piquet en bois et une carabine Winchester, premier servi. Davis et son compagnon étaient là à midi, tenant les rênes de leurs chevaux derrière une ligne invisible qui séparait des milliers de futurs colons des « terres non attribuées » (les terres avaient été « attribuées » aux Amérindiens dans le cadre de leur déportation vers l'Oklahoma, mesure annulée après la guerre civile). Les deux hommes étaient probablement les seuls visages noirs en vue. Mais lorsqu'un coup de feu retentit, le groupe entier se transforma en une avalanche de sabots et de chariots au galop et de jambes lancées dans une course désespérée.

Davis obtint une centaine d'acres [40 hectares] près de la rivière Canadian, juste à l'ouest de l'actuelle Oklahoma City. Au cours des années suivantes, des milliers d'autres Afro-USAméricains participeront à d'autres courses à la terre, rejoignant Davis en tant que colons dans une région déjà peuplée d'autochtones et de Noirs.

Whitmire et Davis sont partis vers l'Ouest pour des raisons différentes - l'une sous la contrainte, l'autre de son plein gré. Pendant de nombreuses années, ils auraient eu des raisons de se méfier les uns des autres. Ils auraient même pu ne pas se considérer comme étant de la même race. Mais lorsque les historiens blancs ont finalement décidé de cataloguer les souvenirs de ces pionniers de l'Ouest dans les années 1930, ils furent considérés comme un seul peuple : Nègres. De couleur. Noirs.

Nunna daul Isunyi,  la Piste des larmes, au cours de laquelle le peuple Cherokee fut déporté en 1838 du Tennessee, de la Géorgie, de la Caroline du Nord et de l'Alabama vers le "Territoire indien" -aujourd'hui l'Oklahoma. L'opération fit 8 000 morts

30/05/2021

Las mujeres que preservaron la historia de la masacre racista de Tulsa (31 de mayo-1° de junio de 1921)

Victor Luckerson , The New Yorker, 28/5/2021
Traducido por Sinfo Fernández y Fausto Giudice
   

Victor Luckerson es un periodista y escritor nacido en Alabama que lleva investigando hechos ignorados de la historia de USA desde su primer año de universidad, cuando escribió sobre la turba blanca que atacó al primer estudiante negro de la Universidad de Alabama en 1956. Desde entonces ha viajado a Richmond (Virginia) para explicar la historia del monumento a Robert E. Lee y la Causa Perdida, ha visitado los institutos de Selma (Alabama) para relatar el papel que desempeñaron los adolescentes en el Movimiento por los Derechos Civiles y se ha sentado con los descendientes de la violencia racista en Rosewood (Florida), que figuran entre los únicos negros de la historia de USA que han recibido indemnizaciones. Ahora su trabajo le ha llevado a Tulsa para investigar, más allá de la mitología de "Black Wall Street", a la gente que prosperó y luchó en el barrio de Greenwood. En junio de 2019, se trasladó a Tulsa, para investigar más allá del mito del “Black Wall Street Negro”, sobre las personas que prosperaron y lucharon en el barrio de Greenwood. Su investigación se publica en un boletín, Run it back, y será objeto de un libro, Built from the Fire, que se publicará en 2022.

El trabajo de Victor se basa en sus años como periodista de tecnología y economía para la revista Time y The Ringer. En ese puesto criticó el papel que desempeñan las megacorporaciones en la remodelación de nuestros entornos urbanos y cómo la mercantilización de la cultura se está acelerando gracias a plataformas como Instagram y Airbnb. Estas tendencias afectan a las comunidades negras en el mundo real, que a menudo están en el lado perdedor de la gentrificación y el aumento de los precios de la vivienda. Su trabajo actual en esta área está explorando cómo las consecuencias económicas causadas por el coronavirus, y los compromisos con la justicia racista por parte de las corporaciones tras el asesinato de George Floyd, tendrán un impacto en las comunidades negras.

Victor fue durante dos años redactor jefe del diario de la Universidad de Alabama y cofundador de una revista en línea dedicada a tratar temas importantes del campus. Durante su etapa como periodista estudiantil, se encargó de la cobertura del racismo estructural en el sistema de las universidades blancas, la presencia de monumentos confederados en el campus y la corrupción en las elecciones del gobierno estudiantil. A medida que estos temas han llegado a dominar el diálogo nacional, ha recurrido a experiencias de hace una década para conformar mejor sus reportajes y perspectivas. @VLuck

Dos escritoras negras pioneras no han recibido el reconocimiento que merecen por la crónica de uno de los crímenes más graves vividos en el país.


En 1921, la masacre racista de Tulsa devastó la comunidad negra de Greenwood al causar la muerte de 300 personas. Foto Biblioteca del Congreso

Después de dar una clase nocturna de mecanografía, Mary E. Jones Parrish se sumía en la lectura de un buen libro cuando su hija Florence Mary notó algo extraño fuera. “Madre”, dijo Florence, “veo hombres con armas”. Era el 31 de mayo de 1921, en Tulsa. Un grupo grande de hombres negros armados se había congregado debajo del apartamento de Parrish, situado en el próspero distrito comercial negro de la ciudad conocido como Greenwood. Al salir, Parrish se enteró de que un adolescente negro llamado Dick Rowland había sido arrestado por una falsa acusación de intento de violación, y que sus vecinos planeaban marchar al juzgado para intentar protegerlo.

 

Poco después de que los hombres se fueran, Parrish oyó disparos. Luego, los incendios iluminaron el cielo nocturno cuando los edificios situados al oeste de su casa comenzaron a arder. El intento de proteger a Rowland había salido terriblemente mal y acabó en un caótico tiroteo en el juzgado. Ahora, una turba blanca fuertemente armada se dedicaba a atemorizar todo Greenwood, empeñada en una violenta venganza. Parrish, que vivía justo al norte de las vías del tren que dividían los dos mundos segregados de Tulsa, pudo ver desde la ventana de su apartamento cómo crecía la turba. Observó una escaramuza campal entre tiradores blancos y negros al otro lado de las vías del tren, y luego vio cómo varios hombres blancos subían una ametralladora a lo alto de un molino de grano y hacían llover balas sobre su barrio. En lugar de huir, Parrish se quedó en Greenwood y documentó lo que vio, oyó y sintió. “No tenía ningún deseo de huir”, recuerda. “Me olvidé de la seguridad personal y me embargó un deseo incontrolable de ver el resultado de la refriega”.

 

La joven de treinta años fue testigo presencial de la masacre racista de Tulsa, que mató a 300 personas y dejó más de mil hogares destruidos. Aunque Parrish ya había tenido éxito en Tulsa como educadora y empresaria, la masacre la obligó a convertirse en periodista y autora para escribir sus propias experiencias y recoger los relatos de muchos otros. Su libro “Events of the Tulsa Disaster [Acontecimientos del desastre de Tulsa], publicado en 1923, fue el primer relato detallado, y el más visceral, de cómo los residentes de Greenwood vivieron la masacre.

 

Cuando el atentado se desvaneció en la oscuridad en las décadas siguientes, también lo hicieron Parrish y su pequeño libro rojo. Pero, a partir de los años setenta, cuando el suceso fue ganando poco a poco la atención nacional, la obra de Parrish se convirtió en una fuente primaria vital para los escritos de otras personas. Sin embargo, su vida siguió siendo desconocida, incluso cuando los hechos que había reunido -como varios relatos de primera mano sobre el uso de aviones para vigilar o atacar Greenwood- se convirtieron en la base de la comprensión de la nación sobre la masacre. Sin embargo, ella fue, literalmente, relegada a las notas a pie de página de la historia.

Les femmes qui ont préservé l'histoire du massacre raciste de Tulsa (31 mai-1er juin 1921)

 

VictorLuckerson , The New Yorker, 28/5/2021

Traduit par Fausto Giudice

Victor Luckerson est un journaliste et un écrivain originaire de l’Alabama qui se penche sur les pages inédites de l'histoire des USA depuis sa première année d'université, lorsqu'il a écrit sur la foule blanche qui a attaqué le premier étudiant noir de l'université d'Alabama en 1956. Depuis lors, il s'est rendu à Richmond, en Virginie, pour expliquer l'histoire du monument à Robert E. Lee et de la Cause perdue, a visité les lycées de Selma, en Alabama, pour relater le rôle joué par les adolescents dans le mouvement des droits civiques, et s'est assis avec les descendants des victimes de la violence raciste à Rosewood, en Floride, qui sont parmi les seuls Noirs de l'histoire des USA à avoir reçu des réparations. En juin 2019, il s’est établi à Tulsa, pour faire des recherches au-delà du mythe du « Wall Street Noir », sur les personnes qui ont prospéré et lutté dans le quartier de Greenwood. Ses recherches sont publiées dans une lettre d’information, Run it back, et feront l’objet d’un livre, Built from the Fire, à paraître en 2022.

Le travail de Victor s'inspire de ses années en tant que journaliste spécialisé dans la technologie et les affaires pour le magazine Time et The Ringer. À ce titre, il a critiqué le rôle que jouent les méga-entreprises dans le remodelage de nos environnements urbains et la façon dont la marchandisation de la culture est accélérée par des plateformes comme Instagram et Airbnb. Ces tendances ont des effets concrets sur les communautés noires, qui sont souvent du côté des perdants de la gentrification et de la montée en flèche des prix du logement. Son travail actuel dans ce domaine consiste à explorer les retombées économiques causées par le coronavirus et l’impact sur les communautés noires des engagements en faveur de la justice raciale pris par les entreprises après le meurtre de George Floyd.

Victor a été pendant deux ans le rédacteur en chef du quotidien de l'université d'Alabama et le cofondateur d'un magazine en ligne consacré aux problèmes importants du campus. En tant que journaliste étudiant, il a dirigé la couverture du racisme structurel dans le système de fraternité des universités blanches, de la présence de monuments confédérés sur le campus et de la corruption dans les élections du gouvernement étudiant. Ces questions ayant pris une place prépondérante dans le débat national, il s'est inspiré d'expériences vécues il y a dix ans pour façonner ses reportages et son point de vue. @VLuck

Deux écrivaines noires pionnières n'ont pas reçu la reconnaissance qu'elles méritaient pour avoir relaté l'un des crimes les plus graves du pays.

En 1921, le massacre raciste de Tulsa a dévasté la communauté noire de Greenwood, faisant jusqu'à trois cents morts. Photographie Bibliothèque du Congrès

Après avoir donné un cours du soir de dactylographie, Mary E. Jones Parrish était plongée dans un bon livre lorsque sa fille Florence Mary a remarqué quelque chose d'étrange à l'extérieur. « Mère »,  dit Florence, « Je vois des hommes avec des armes à feu ».  C'était le 31 mai 1921, à Tulsa. Un groupe important d'hommes noirs armés s'était rassemblé sous l'appartement de Parrish, situé dans le quartier d'affaires noir prospère de la ville, connu sous le nom de Greenwood. En sortant, Parrish a appris qu'un adolescent noir nommé Dick Rowland avait été arrêté sur la base d'une fausse allégation de tentative de viol, et que ses voisins prévoyaient de se rendre au palais de justice pour tenter de le protéger.


Peu après le départ des hommes, Parrish a entendu des coups de feu. Puis des incendies ont illuminé le ciel nocturne lorsque les bâtiments situés à l'ouest de sa maison ont commencé à brûler. La tentative de protéger Rowland avait terriblement mal tourné, aboutissant à une fusillade chaotique devant le palais de justice. Maintenant, une foule blanche lourdement armée s'abattait sur tout Greenwood, prête à se venger violemment. Parrish, qui vivait juste au nord de la voie ferrée séparant les deux mondes ségrégués de Tulsa, observait de la fenêtre de son appartement la progression de la foule. Elle a observé une escarmouche entre des tireurs blancs et noirs de l'autre côté de la voie ferrée, puis a vu des hommes blancs hisser une mitrailleuse au sommet d'un moulin à grains et faire pleuvoir des balles sur son quartier. Au lieu de s'enfuir, Parrish est restée à Greenwood et a consigné ce qu'elle a vu, entendu et ressenti. « Je n'avais aucune envie de fuir », se souvenait-elle. « J'ai oublié ma sécurité personnelle et j'ai été saisie d'un désir incontrôlable de voir l'issue de la mêlée ».

 

Cette jeune femme de 31 ans a été un témoin oculaire du massacre raciste de Tulsa, qui a fait 300 morts et détruit plus de mille maisons. Bien que Mme Parrish ait déjà connu le succès à Tulsa en tant qu'éducatrice et chef d'entreprise, le massacre l'a poussée à devenir journaliste et auteure, à consigner ses propres expériences et à recueillir les récits de nombreuses autres personnes. Son livre Events of the Tulsa Disaster (Evénements de la catastrophe de Tulsa), publié en 1923, a été le premier et le plus viscéral récit détaillé sur la façon dont les habitants de Greenwood ont vécu le massacre.