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23/09/2025

JOSHUA LEIFER
La vision de Netanyahou pour l’avenir d’Israël n’est pas Sparte, c’est pire

En tant que Premier ministre, Benjamin Netanyahou a toujours rêvé d’un Israël affranchi des contraintes et conditions imposées par les USA.

Joshua Leifer, Haaretz, 21/9/2025
Traduit par Tlaxcala


Joshua Leifer (New Jersey, 1994) est journaliste et historien. Il est chroniqueur pour Haaretz. Ses essais et reportages ont également paru dans The New York Times, The New York Review of Books, The Guardian, et ailleurs. Son premier livre, Tablets Shattered: The End of an American Jewish Century and the Future of Jewish Life (2024), a remporté un National Jewish Book Award. Il est actuellement doctorant en histoire à l’université Yale, où ses recherches se situent à l’intersection de l’histoire intellectuelle moderne, de la politique juive contemporaine, de la politique étrangère usaméricaine et de la mémoire de la Shoah. Sa thèse porte sur la politique de l’antisémitisme et la crise de l’ordre libéral.

La nuit où les forces terrestres israéliennes ont commencé leur invasion de Gaza, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a prononcé un discours au ministère des Finances dans lequel il a exposé sa sombre vision de l’avenir du pays comme un État voyou isolé. Face à l’intensification des sanctions internationales – le lendemain, l’Union européenne annonçait la suspension de composantes clés de son accord commercial avec Israël – Israël devrait devenir une « Super-Sparte », a-t-il déclaré.


Ancien consultant en management qui avait contribué à mener la révolution du marché libre en Israël, Netanyahou a expliqué que l’économie du pays devrait adopter des « marqueurs d’autarcie » et sortir « très vite » du Consensus de Washington qui régissait les affaires économiques mondiales. En d’autres termes, il s’agissait de se rapprocher du modèle de Moscou et de Pyongyang.

Pourtant, ce discours de Netanyahou esquissait non seulement une nouvelle vision pour Israël, mais aussi un tableau du nouvel ordre mondial émergent et de la place d’Israël en son sein. « Le monde s’est divisé en deux blocs », dit-il. « Et nous ne faisons partie d’aucun bloc. »

Sur scène ce soir-là, Netanyahu semblait presque encouragé par la possibilité que ce supposé non-alignement offrirait à Israël une plus grande marge de manœuvre dans son assaut contre Gaza. Mais un isolement à long terme est bien plus susceptible de menacer Israël que de le sécuriser. Chaque grand homme d’État israélien avait compris ce principe de base – du moins jusqu’à présent.

Ennemi des valeurs de l’Europe

Depuis sa première campagne pour devenir Premier ministre, Netanyahou a rêvé de se libérer des conditions et contraintes imposées à Israël par les USA, aussi minimales fussent-elles. Dans une note de 1996 intitulée A Clean Break: A New Strategy for Securing the Realm, un groupe de stratèges néoconservateurs et de conseillers de Netanyahou appelaient Israël à établir une nouvelle relation avec l’USAmérique « fondée sur l’autonomie ». Si Israël n’avait plus besoin d’une aide usaméricaine substantielle, pensaient-ils, Washington aurait moins de leviers pour forcer Israël à des compromis avec les Palestiniens.

Pourtant, Netanyahou a toujours imaginé Israël comme faisant partie du bloc occidental dirigé par les USA. Dans son livre de 1998, A Place Among the Nations, il soutenait qu’avec la fin de la guerre froide, Israël devait agir comme le chien de garde du nouvel ordre unipolaire, le policier de l’Occident au Moyen-Orient. « Avec personne dans la région pour contrôler en permanence leurs ambitions ou leurs plans obsessionnels d’armement », écrivait-il au sujet des « régimes militants » du Moyen-Orient, le rôle d’Israël était désormais de « sauvegarder l’intérêt plus large de la paix ». Tacitement, et parfois explicitement, les dirigeants usaméricains et européens ont adopté ce rôle pour Israël et l’ont soutenu en conséquence.

La destruction de la bande de Gaza par Israël – et la crise régionale prolongée qu’elle a déclenchée – a changé cela.

Après des mois d’inaction, alors que les forces israéliennes rendaient Gaza inhabitable, les États européens ont commencé à imposer des conséquences à Israël. Les dirigeants européens reconsidèrent également ce que sera leur relation avec Israël à l’avenir. Et ce n’est pas seulement, ni même principalement, parce que les protestations contre la guerre israélienne ont transformé la destruction de Gaza en un problème politique intérieur explosif dans les capitales européennes. C’est plutôt parce que l’Israël de Netanyahou s’est déclaré ennemi des valeurs dont la nouvelle Europe est fière : la paix, la démocratie et les droits de l’homme.

Aux USA, Israël n’a pas seulement perdu la gauche – cela est ancien – mais il a aussi commencé à perdre la droite. Sur les réseaux sociaux, des comptes et influenceurs d’extrême droite, appartenant au monde MAGA, diffusent des théories du complot antisémites délirantes sur des sujets allant des antibiotiques à l’assassinat de l’influenceur conservateur Charlie Kirk. L’ancien animateur de Fox, Tucker Carlson, a gagné en popularité en synthétisant le sentiment anti-israélien croissant dans son nationalisme « America First ». La nouvelle droite usaméricaine ne verse aucune larme pour les musulmans morts, mais se réjouit de la nouvelle image d’Israël comme une force démoniaque et sinistre.

En 2021, Ron Dermer, alors ancien ambassadeur d’Israël aux USA, avait provoqué un tollé en suggérant qu’Israël devrait privilégier le soutien des chrétiens usaméricains plutôt que celui des juifs usaméricains. Sur ses propres termes – obtenir un soutien pour les guerres d’Israël – cette stratégie a manifestement échoué. Contrairement aux évangéliques plus âgés, généralement de fervents partisans d’Israël, les jeunes chrétiens usaméricains commencent déjà à se détourner. Comme l’a récemment dit Megyn Kelly, ancienne présentatrice conservatrice de Fox, à Carlson : « Tous les moins de 30 ans détestent Israël. »

Rupture avec la politique étrangère sioniste

La démolition intentionnelle du consensus bipartisan aux USA par Netanyahou et son entourage a toujours été un pari orgueilleux. Comme une grenade mal chronométrée, elle leur a explosé au visage. Bien qu’ils n’aient pas eu tort de constater que la droite usaméricaine était en train de monter, le bureau du Premier ministre a manqué le fait que cette nouvelle droite tirait sa force de la promesse d’isolement, alimentée par la colère contre le paradigme interventionniste que les alliés les plus proches d’Israël à Washington représentaient. Formés à l’apogée du néoconservatisme, ces hommes n’avaient guère réfléchi à la perspective d’un monde post-usaméricain.

Face aux condamnations croissantes et aux sanctions internationales imminentes, Netanyahou a refusé d’arrêter l’assaut israélien. Désormais, pour poursuivre la guerre – que ce soit par survie politique étroite, messianisme mégalomaniaque ou une combinaison des deux – il propose rien de moins qu’une rupture totale avec le principe le plus fondamental de la politique étrangère sioniste.

Dès ses premières années, lorsque Theodor Herzl chercha à obtenir une audience avec le sultan ottoman, le sionisme a travaillé à obtenir et à compter sur le soutien des grandes puissances. Il réussit non par intervention divine ou plan providentiel, mais parce que les premiers dirigeants sionistes recherchaient activement de telles alliances. Ils comprenaient que pour les Juifs, comme pour d’autres petites nations, l’isolement était un piège mortel. Au cours du dernier siècle, de vieux empires sont tombés, de nouvelles puissances les ont remplacés, mais le principe est resté le même.

Après la fondation d’Israël, ses premiers dirigeants craignaient énormément que sans alliances avec des puissances régionales et mondiales plus fortes, le projet sioniste échoue. En 1949, Moshe Sharrett, alors ministre des Affaires étrangères, se lamentait : « Nous vivons dans un état d’isolement malveillant au Moyen-Orient. » David Ben-Gourion rêvait d’un accord de défense mutuelle avec les USA. Avec le temps, Israël réussit à obtenir le soutien usaméricain ; c’est sans doute l’une des raisons de sa survie.

Peut-être que l’un des aspects les plus incohérents, voire délirants, de la vision de Netanyahou est qu’il a proclamé la non-appartenance présumée d’Israël à tout bloc mondial au moment même où Israël apparaît comme le factotum capricieux de l’USAmérique. Les deux dernières années ont démontré la dépendance totale d’Israël envers les USA pour tout, des munitions au partage du renseignement. La guerre de 12 jours contre l’Iran a révélé Israël comme une sorte d’État vassal, implorant l’aide du seigneur féodal.

Il y a toutefois une chose que le récent discours de Netanyahou a bien identifié. L’ordre unipolaire post-1989 est terminé. La transition vers le siècle post-usaméricain a également menacé de faire s’effondrer le système de normes et d’institutions internationales qui s’était formé sous l’hégémonie hémisphérique, puis mondiale, des USA. Israël doit sa prospérité actuelle, sinon son existence même, à ce système.

Et pourtant, tout au long des deux dernières années de guerre acharnée, les dirigeants israéliens, Netanyahou en tête, ont semblé vouloir abattre ce système. Les actions d’Israël à Gaza ont gravement terni sa légitimité. À long terme, cependant, Israël sera voué à l’échec sans lui.

Dans son discours cette semaine, Netanyahou a puisé dans la tradition grecque, mais peut-être que la référence la plus pertinente se trouve dans la Bible hébraïque. Ce que Netanyahou propose n’est pas Sparte, mais Samson.

Mort de Samson, par Gustave Doré, 1866

18/09/2025

ZVI BAR’EL
La survie d’une Sparte israélienne dépend d’un état de guerre permanent

Zvi Bar'el , Haaretz, 16/9/2025
Traduit par Tlaxcala

La conquête de la ville de Gaza est censée offrir à l’État d’Israël l’image de la victoire totale. Ce n’est pas l’Iran, ni la Syrie, ni le Liban et certainement pas les Houthis au Yémen qui sont l’ennemi ultime que Benjamin Netanyahou n’a pas réussi à vaincre, mais bien le Hamas, l’organisation qu’il a entretenue pendant des années comme un atout stratégique et idéologique. Le Hamas était censé être la charge explosive au bord de la route qui ferait disparaître la caractérisation de l’Organisation de libération de la Palestine et de l’Autorité palestinienne comme seuls représentants du peuple palestinien et, de ce fait, empêcher la reconnaissance internationale d’un État palestinien.

Ce fut un partenariat merveilleux qui a duré de nombreuses années, qui a conféré au Hamas un mini-État à Gaza et qui a remis à Netanyahou l’accomplissement du rêve d’un Grand Israël. Jusqu’au moment où le Hamas a trahi son partenaire et n’a pas rempli sa mission.


Une manifestation exigeant la libération immédiate des otages israéliens, près de la résidence du Premier ministre Benjamin Netanyahou à Jérusalem, mardi 16 septembre 2025. Photo Ammar Awad/REUTERS

Le Hamas a apparemment mis fin à son rôle de proxy de Netanyahou et doit maintenant être anéanti en punition pour avoir saboté la stratégie messianique qui combattait la solution à deux États. Mais prendre le contrôle de la ville de Gaza n’est pas seulement une histoire de vengeance de plus. Israël a depuis longtemps vengé le massacre que, par son abandon total, Netanyahou a permis que le Hamas commette le 7 octobre 2023. Les Palestiniens ont payé trente fois ou plus pour chaque Israélien tué, et pour chaque maison incendiée au kibboutz Nir Oz ou à Sderot, des quartiers entiers et des villes ont été effacés. La mort de 10 000 ou 20 000 Palestiniens supplémentaires dans la rafale actuelle de destruction n’ajoutera rien à la douceur de la vengeance.

Elle est remplacée par le besoin de rester au pouvoir, même si cela signifie la destruction du pays-mère, qui sera remplacé par un État de toutes ses colonies — à Gaza, en Cisjordanie, dans le sud du Liban et dans l’ouest de la Syrie.

Cette destruction n’apparaît pas seulement sur les champs de massacre de Gaza, qui ont anéanti toute valeur humaine et morale, qui ont poussé la puissance de l’armée israélienne à ses limites, qui imposent et continueront d’imposer un fardeau économique insupportable et ont transformé Israël en État paria. L’architecte de cette destruction nationale a eu la décence de la définir clairement lorsqu’il a comparé Israël à Sparte. Sparte n’est pas seulement un symbole de puissance militaire, de survie et de courage. Ce fut un modèle jugé digne d’imitation par Adolf Hitler et Benito Mussolini.

Dans le livre clandestin qu’Hitler a écrit en 1928, et qui a reçu le titre « Le deuxième livre d’Hitler », publié seulement après la Seconde Guerre mondiale, il a écrit : « Le contrôle de six mille Spartiates sur 350 000 Hilotes n’a été possible que grâce à leur supériorité raciale... Ils ont créé le premier État racial. »

Cette Sparte, qui fut détruite et ne laissa derrière elle qu’un héritage symbolique, est maintenant revenue à la vie en Israël. Si jusqu’à présent nous avions identifié le début de processus métamorphosant Israël en un État fasciste fondé sur la supériorité raciale, la guerre à Gaza achèvera le travail. Elle a déjà enregistré des succès idéologiques impressionnants.

Elle a sapé la plupart des mécanismes qui défendaient la démocratie israélienne. Elle a transformé le système judiciaire en paillasson intimidé et a enrôlé le système éducatif pour dispenser un endoctrinement national-religieux. Elle dicte le récit idéologique « approprié » aux médias, au cinéma et au théâtre, et a étiqueté comme traître quiconque ne rend pas hommage au chef. Elle a aussi fait de l’espoir de remplacer le gouvernement par des élections une perspective incertaine.

Et contrairement aux régimes dictatoriaux « traditionnels » qui persécutent et répriment leurs rivaux politiques, le gouvernement israélien peut même se servir de l’opposition comme d’un ornement qu’il exhibe pour préserver son image d’administration démocratique qui représente « la volonté du peuple ».

Le problème, c’est que lorsqu’une bande prend le contrôle d’un pays, ce n’est pas comme une opération militaire qui se termine par la défaite de l’ennemi. Le maintien du régime exige une lutte incessante contre des rivaux domestiques potentiels et, surtout, requiert une légitimation publique constante. C’est là que la nouvelle mission impliquant Gaza et le Hamas entre en jeu. Parce que la survie de la Sparte israélienne dépend d’un état de guerre permanent.

La bonne nouvelle, c’est que même si le dernier membre du Hamas est tué, il restera plus de 2 millions de Gazaouis qui feront en sorte que la conquête de Gaza soit seulement un avant-goût de la guerre éternelle qui perpétuera la soumission et l’obéissance du public israélien au régime de gangs qui le contrôle.