المقالات بلغتها الأصلية Originaux Originals Originales

Affichage des articles dont le libellé est UErope. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est UErope. Afficher tous les articles

03/08/2025

GIDEON LEVY
Reconnaître la Palestine n'arrêtera pas le génocide à Gaza – Seules des sanctions contre Israël le feront

Gideon Levy, Haaretz, 3/8/2025
Traduit par Tlaxcala

La reconnaissance européenne de la Palestine est un geste creux qui permet à Israël de s'en tirer à bon compte. Sans sanctions pour mettre fin au massacre à Gaza, ce n'est pas de la diplomatie, c'est de la complicité.


La reconnaissance internationale d'un État palestinien récompense Israël, qui devrait remercier chaque pays qui le fait, car cette reconnaissance sert d'alternative trompeuse à ce qui doit réellement être fait : imposer des sanctions.

La reconnaissance est un substitut erroné aux boycotts et aux mesures punitives qui devraient être pris à l'encontre d'un pays qui perpétue un génocide. La reconnaissance est une déclaration creuse que les gouvernements européens hésitants et faibles utilisent pour montrer à leur opinion publique en colère qu'ils ne restent pas silencieux.

Reconnaître un État palestinien, qui n'existe pas et n'existera pas dans un avenir proche, voire jamais, est un silence honteux. Les habitants de Gaza meurent de faim, et la réaction de l'Europe est de reconnaître un État palestinien. Cela sauvera-t-il les Gazaouis affamés ? Israël peut ignorer ces déclarations avec le soutien des USA.


Eran Wolkowski, Haaretz

On parle d'un « tsunami » diplomatique en Israël, tout en sachant qu'il n'atteindra pas les côtes israéliennes tant que la reconnaissance ne s'accompagnera pas d'un prix à payer pour le génocide.

Le Premier ministre britannique Keir Starmer, l'un des premiers à reconnaître la Palestine dans la vague actuelle, après la France, s'est surpassé. Il s'est empressé de présenter sa décision comme une sanction (conditionnelle), remplissant ainsi son devoir. Si Israël se comporte bien, a-t-il promis, il retirera son index accusateur.

De quel genre de sanction s'agit-il, Monsieur le Premier ministre ? Si, selon vous, la reconnaissance de la Palestine favorise une solution, pourquoi la présenter comme une sanction ? Et s'il s'agit d'une mesure punitive, où est-elle ?

C'est ainsi que les choses se passent lorsque la peur de Donald Trump s'empare de l'Europe et la paralyse, lorsqu'il est clair que quiconque impose des sanctions à Israël en paiera le prix. Le monde préfère pour l'instant une fête verbale. Les sanctions sont bonnes quand il s'agit d'invasions russes, pas israéliennes.

La décision de Starmer a incité beaucoup d'autres à suivre son exemple, ce qui est présenté en Israël comme un raz-de-marée diplomatique, un tsunami. Cela n'arrêtera pas le génocide, qui ne sera pas stoppé sans mesures concrètes de la part de la communauté internationale. Celles-ci sont d'une urgence insupportable, car les tueries et la famine intense se poursuivent à Gaza.

La reconnaissance ne suffira pas non plus à créer un État. Comme l'a dit un jour la leader des colons Daniella Weiss, après une précédente vague de reconnaissances : « J'ouvre ma fenêtre et je ne vois pas d'État palestinien ». Elle n'en verra pas de sitôt.

À court terme, Israël tire profit de cette vague de reconnaissances, car elle remplace la sanction qu'il mérite. À long terme, la reconnaissance d'un État imaginaire pourrait présenter certains avantages, car elle soulève la nécessité de trouver une solution.

Mais il faut être d'un optimisme et d'une naïveté démesurés pour croire que la reconnaissance est encore pertinente. Il n'y a jamais eu de pire moment ; reconnaître maintenant, c'est comme siffler dans le noir. Les Palestiniens sont sans dirigeants, et les dirigeants israéliens ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour empêcher la création d'un tel État, et ils ont réussi.

C'est bien que le 10 Downing Street veuille un État palestinien, mais tant que Jérusalem ne le veut pas, avec la colonie extrémiste de Yitzhar qui s'emploie à détruire les biens palestiniens et qui se renforce grâce au soutien aveugle de Washington à Israël, cela n'arrivera pas.

Alors que la droite israélienne est au sommet de son pouvoir et que le centre israélien vote à la Knesset en faveur de l'annexion et contre la création d'un État palestinien, alors que le Hamas est la plus forte entité politique palestinienne et que les colons et leurs partisans constituent l'organisation la plus puissante en Israël, de quel État palestinien parlons-nous ? Où serait-il ?

Une tempête dans un verre d'eau. Le monde remplit son devoir tandis qu'Israël détruit et affame. Le plan de nettoyage ethnique prôné par le gouvernement israélien est d'abord mis en œuvre à Gaza. On ne peut imaginer pires conditions pour nourrir des rêves d'État.

Où serait-il établi ? Dans un tunnel creusé entre Yitzhar et Itamar ? Existe-t-il une force capable d'évacuer des centaines de milliers de colons ? Laquelle ?

Existe-t-il un camp politique qui se battrait pour cela ?

Il serait préférable de prendre d'abord des mesures punitives concrètes pour forcer Israël à mettre fin à la guerre – l'Europe en a les moyens – puis de mettre à l'ordre du jour la seule solution qui reste aujourd'hui : une démocratie entre la Méditerranée et le Jourdain, une personne, une voix. L'apartheid ou la démocratie. À notre grand effroi, il n'y a plus de troisième voie.

01/08/2025

LYNA AL TABAL
A hundred years of hell in Palestine

Dr Lyna Al Tabal, Rai Al Youm, 1/8/2025

Translated by Tlaxcala

France has finally decided to recognise the State of Palestine.

In the month when the leaves fall and lies blossom on the banks of the Seine, France has finally granted recognition — timid, belated, seven decades behind...


And UK, the very country that sold off land that did not belong to it, has decided in turn to make a gesture... But Resolution 67/19, adopted by 138 countries at the United Nations General Assembly in 2012, had already granted Palestine the status of ‘non-member observer state’, on the same footing as the Vatican. It was on this basis that Palestine was able to join international organisations and treaties, such as the International Criminal Court and UNESCO.

Okay, you Europeans number 450 million. Your economy is worth $20 trillion. You shine on the stock markets and dominate the markets... But tell me: can your governments weigh even a kilogram of justice? A handful of dignity? Recognition seventy years late – is that your offer? You call that a gesture? You are giving Palestine nothing. Nothing. Is that all you have to offer? Really?

Will this recognition stop a tank? Will it warm the cold bed of a murdered mother? Bring a child back to life? No.

Yes, Europe loves Palestine... but from afar. Like one loves a lost cause, an oriental myth, a poem by Mahmoud Darwish framed on the wall of a Parisian living room. And you know it: Israel will swallow this recognition like it swallows the West Bank — whole.

Enough talk.

The world doesn't need another declaration. It just needs you to stop arming the killer.

This recognition is a caricature. What Palestine needs is for this complicity to end. The UN condemns Israel every day. What has that changed? Gaza is dying of hunger, suffering genocide, crimes, misery...

Three colours dominate: the grey of the ruins, the red of the blood, and the bright gold of disaster – that of the markets thriving on the rubble. There is no need for further statements. Keep your ‘courageous’ gestures. Jeffrey Sachs is not a revolutionary. He is an expert, a man who simply tells the truth: ‘Stop supplying arms to Israel, and the war will end.’

The solution begins with one word: responsibility. The responsibility of Israel, but also of all those who support it. Imposing sanctions is the minimum. Their Prime Minister is accused? Then let him be taken to The Hague in handcuffs and let the trials begin – if you still believe in that word: peace.

The only measure that makes sense in this region is the disarmament of Israel.

But what can Europe do in the face of the great powers that dictate their laws and impose their will? The Trump administration has not even bothered to hide its imperialism: ‘We will do what we want, you are worthless,’ it has proclaimed.

All this is merely the logical consequence of a choice: that of the Western world, which has preferred unipolarity to justice.

Let's not waste our time today by condemning Abu Mazen (President of the Palestinian [In]Authority)... There's no point in shooting at a hearse: history will judge him in the end.

And for goodness' sake, stop shouting ‘Where are the Arabs?’ — that question no longer makes sense. It's a stupid question.

The Arabs, my friend, have disappeared...

All that's left is you, me, and a handful of believers, dreamers, who can be counted on the fingers of one hand.

They have disappeared, like ancient species. So don't ask where they are.

All this has happened because the Western world has decided to move towards a single empire that does not resemble it and does not respect it. Europe could have prevented this war or mitigated its violence... but it chose to fall in love!

Europe is like an old lady wearing a hat made of colourful peacock feathers, who believes that America loves her... She is blinded by her love for America. Since the late 1990s, Europe has not adopted an independent foreign policy, except for a policy of hostility towards Russia... Russia is a Soviet nightmare for her, when it should have been a trading partner, but she has decided to be Washington's unhappy mistress.

Ursula von der Leyen, the official spokesperson for the American empire within the European Commission, is a ridiculous woman! You know, of course, that it is American officials who run Europe, but you continue to pretend that Brussels is the capital of Europe.

You know very well that it is Washington that calls the shots...

And yet, despite everything, you smile and wave the European flag proudly.

There is no security for Ukraine, nor for Europe, nor even for your children's dreams, in this insane American adventure that you have joined and become the leaders of.

You are complicit in a million deaths. Yes, you knowingly participated in this massacre in Ukraine.

You have sown only death. And what has changed? Nothing.

Let's return to the American position. Trump, true to form, threatens: ‘America will enter Ukraine to finish the job.’

And Putin, also true to form, bursts out laughing: “Let him talk... He always does the opposite of what he says”.

In Palestine, the situation is very clear, Mike Huckabee says there is no possible solution in Palestine!

The US has abandoned its policy in the Mashreq and handed it over to Benjamin Netanyahu... It is the Israeli lobby that dominates US policy. It's a joke!

In 1996, at the height of the peace talks, while Israelis and Palestinians were sitting in the negotiating rooms, shaking hands in Madrid, negotiating in Oslo and placing Palestinian flags alongside United Nations flags, and while Yasser Arafat was modifying the pact in the hope of a state, Netanyahu and his USAmerican Zionist advisers were preparing a plan to replace the two-state solution with a ‘solution by force’: encircle Syria, strike Iraq and suffocate the Palestinians. And strike any alliance that formed to support Palestine, including Hezbollah and Hamas. They called this solution "A Clean Break " because they had decided to break away permanently and impose their reality.

Based on this document, the US waged seven wars in five years. General Wesley Clark carried out the instructions of the Israeli political bureau. You can listen to General Wesley Clark on the Internet, he talks about this subject. He was NATO's commander-in-chief in 1999... These are Netanyahu's wars, by the way: to eliminate the remnants of the Soviet allies, dismantle the system of every state, every alliance and organisation hostile to Israel, and sow chaos in the region.

And every time a war broke out, Netanyahu would flash that same smile — the smile of a man lighting a cigarette at the first sign of depression. For thirty years, he has tirelessly repeated his vision: there will be only one state, Israel.

‘And any dissenting voice will be crushed — not by us directly, but by our American friends,’ he said. That, in general, is the policy of the United States in the Mashreq, even today.

This policy did not begin with Trump, nor with Biden, and it was not invented by Clinton, Bush or Obama. It is the tedious game of U.S.  politics: if you are not with us, you are against us, and if you are against us, wait for your regime to collapse from within. Is this not the daily reality of U.S. politics? Since World War II, the US has constantly intervened directly in the affairs of other countries, under the guise of a fallacious discourse on democracy. Between 1945 and 1989, it brought about seventy regime changes. It accused the Soviets of wanting to conquer the world, then used this pretext to conquer the world itself...

Our destiny is already mapped out, set in stone for the next hundred years... But we have this habit of surprising them, of sabotaging their most sinister plans. They thought Gaza would collapse in a month. They dug our graves, pitched their tents in the Sinai and redrew the maps of the region.

What a grotesque illusion! They believed that Gaza was just an inconvenient detail to be swept away in a few weeks. But every massacre gave birth to a new missile: from the Qassam to the Yassin, then the Badr-3; from the Ayyash 250 to the R160, to the Al-Quds and the Asif al-Ghadab.

What impotence! Have you forgotten that Gaza defies even the laws of physics? Everything that is thrown at it... ends up bouncing back.

They gambled on the colonisation of the West Bank — and they won that gamble.

They believed that a military victory would signify the end of the conflict. But Gaza reminds them every moment: this is not a battle, it is an existence.

What victory can be claimed when the stability of an army depends on a box of Prozac? A state that can only stand with antidepressants is not a state: it is a patient.

This is not advice, but a warning — cold, clear — from an enemy who does not like you... but does not even wish you dead.

It is simply telling you: go home.

The further you extend the borders of Greater Israel, the closer you run to the wall of nothingness.

For the closer you get to this imperial dream, the more it loses its meaning.

You may have won a few battles, but you are wasting what matters most: time.

And history never forgets arrogance.

The more you expand, the more vulnerable you become. The further you go, the more you exhaust yourselves. Look at Ben Gvir: a sham minister, ranting like a simpleton — ‘Send bombs, not aid to Gaza!’ "

He believes that history is written by shouting. He thinks that missiles can replace memory.

But war is not won only on the battlefield. It is won — or lost — in books, in people's minds, in the mark you leave behind.

And history, my enemies, is not dictated by megaphones. It remembers. And it will consign you — you, your bombs, your buffoons — to the red margin of eternal shame.

Tell me how? Tell me, for God's sake, how can a state claim victory when it has already lost the story?

Because one day — soon — everyone will read that Israel was a fascist state, an apartheid regime that razed cities, annihilated peoples, brought down governments to survive... and then collapsed, suffocated by its own hatred.

And that history is not being written by Tel Aviv. It is being written by Gaza.

Gaza is writing it with its rockets, with its blood, with a will that neither bombs nor tanks can break.

You will read it in a few years. And your children will read it in their school textbooks.

And on that day, they will look at you... and they will feel ashamed.

 

 

07/06/2025

GABOR STEINGART
“Si tu veux la paix, parle à tes ennemis, pas à tes amis” : entretien avec Klaus von Dohnanyi

     NdT

“La plus grande menace pour l’Allemagne ne vient pas de Poutine, mais des conséquences sociales, humanitaires et démocratiques du changement climatique.”

Klaus von Dohnanyi, Hamburger Abendblatt, 23/6/2023

Klaus von Dohnanyi, 97 ans, est un dinosaure de la „bonne Allemagne”, celle qui n’a pas oublié l’histoire et qui a tout simplement une conscience. Il a de qui tenir : son père Hans fut un résistant, exécuté par les nazis en avril 1945 à Sachsenhausen, sa mère Christel échappa de peu à la pendaison, son oncle Dietrich, pasteur militant de l’Église confessante, fut lui aussi pendu, en avril 1945, au camp de concentration de Flossenburg. Klaus, militant du SPD depuis 1957, fut ministre de Willy Brandt et Premier maire de Hambourg de 1981 à 1988. Très critique à l’égard de la politique belliciste des dirigeants du SPD et des Verts, il a déclaré en juillet 2024 qu’il soutenait l’Alliance Sahra Wagenknecht pour ses positions sur la guerre d’Ukraine tout en restant membre du SPD. Ci-dessous un entretien avec von Dohnanyi, Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

 Gabor Steingart, The Pioneer, 7/6/2025

À 97 ans, Klaus von Dohnanyi est le témoin d’un siècle mouvementé. En tant qu’ancien membre du Bundestag, comment voit-il les événements mondiaux actuels ? Il s’entretient avec Gabor Steingart sur le pouvoir de la diplomatie, la sécurité de l’Europe dans l’ombre de la Russie et Donald Trump.

The Pioneer : Donald Trump affirme que l’UE a été fondée pour obtenir des avantages commerciaux vis-à-vis des USA. Les USAméricains, que nous avons connus comme des transatlantistes, sont-ils encore nos amis ?

Klaus von Dohnanyi : ça dépend des USAméricains auxquels vous faites référence. Dans l’ensemble, ils ne l’ont jamais été. Ils ont toujours eu leurs propres intérêts. L’USAmérique est toujours intervenue en Europe et nous a en réalité plus nui qu’aidé.

Mais au départ, l’Amérique nous a tout de même aidés – non seulement avec le plan Marshall, mais aussi plus tard avec l’OTAN, qui nous a énormément aidés à devenir le pays que nous sommes aujourd’hui. Ce ton hostile n’est apparu qu’avec Donald Trump. Ou diriez-vous plutôt que ce ton s’inscrit dans la continuité des intérêts ?

Il s’inscrit dans la continuité des intérêts, qui ont bien sûr évolué en fonction des circonstances. Pendant la guerre froide et après la chute du mur, c’était différent.

Devrions-nous donc nous imposer la sérénité et ne pas nous énerver autant ? Ou devrions-nous reconnaître nos intérêts, peut-être aussi européens, et répondre à la grossièreté par la grossièreté ?

Je trouve cette façon de penser trop euro-américaine. La Russie fait bien sûr partie de l’Europe et du reste du monde, d’une manière particulière. La Russie est voisine de l’Europe et n’est manifestement pas sans danger. Et plus un voisin est dangereux, plus il faut s’intéresser à lui et lui parler. J’ai lu récemment cette belle phrase : « Si tu veux la paix, parle à tes ennemis, pas à tes amis. »

C’est à mon avis un avertissement important. Nous nous sommes complètement laissé exclure de tout contact avec la Russie et continuons aujourd’hui encore à agir comme si les USAméricains étaient nos tuteurs – ils doivent tirer les marrons du feu pour nous, alors qu’ils ont en partie jeté eux-mêmes ces marrons dans le feu.

Ça veut dire que nous devons nous prendre en main et prendre notre destin en main, d’autant plus que l’homme à la Maison Blanche ne veut plus être notre tuteur.

C’est exact. Et pour ça, nous devons avoir le courage de faire deux choses : premièrement, parler nous-mêmes avec la Russie et Poutine. Et deuxièmement, expliquer aux USAméricains que c’est aussi notre devoir. Si nous suivons vraiment le principe « Si tu veux la paix, parle avec tes ennemis », je pense que nous avons plus de chances d’instaurer la paix en Europe que si nous attendons Trump.

Vladimir Poutine à Moscou le 26 mai 2025 © Imago

La Russie est-elle notre ennemie historique ?

Non, et la Russie ne doit pas être notre ennemie historique. Nous avons également connu de bonnes périodes et de bonnes formes de coopération, et le fait que nous n’y parvenions pas actuellement est d’ailleurs peut-être aussi un problème qui sert les intérêts des USA. Il existe un livre célèbre du politologue et conseiller à la sécurité du présidentus américain Jimmy Carter, Zbigniew Brzeziński, qui postule qu’une amitié entre la Russie et l’Allemagne serait dangereuse pour les USA. C’est pourquoi je pense que certains problèmes trouvent leur origine non seulement en Russie, mais sont également alimentés par les USA.

Vous voulez dire que USA ont intérêt à ce que nous ne nous engagions pas trop avec notre grand voisin géographique – qui nous surpasse à bien des égards, non seulement en termes de ressources naturelles, mais aussi en termes de superficie – du point de vue usaméricain ?

Tout à fait. Même en temps de paix, avant la guerre en Ukraine, les USAméricains sont intervenus dans le projet Nord Stream 1 et 2, car ils trouvaient que ça rapprochait trop l’Allemagne et la Russie. Cette relation historique, qui remonte à l’époque où le tsar a été l’un des libérateurs de l’Allemagne pendant la guerre napoléonienne, est une épine dans le pied des USAméricains. Brzeziński le décrit très intensément dans son ouvrage important intitulé Le grand échiquier.

Vous avez toutefois également constaté que vous vous étiez trompé dans votre évaluation des intérêts stratégiques de Poutine, d’où la réédition de votre livre. Comment le voyez-vous aujourd’hui ?

Lorsque j’ai écrit cela, je partais du principe que le président Joe Biden était un homme raisonnable et qu’il ne se laisserait pas entraîner à aller à l’encontre des intérêts des USA et de l’Europe en soulevant à nouveau la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Trump avait tout à fait raison lorsqu’il a déclaré récemment que nous étions d’accord, en USAmérique et en Occident, de ne pas accepter l’Ukraine dans l’OTAN. Pourquoi Biden doit-il revenir là-dessus en 2021, 2022 ? Lui et son secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, ont, à mon avis, une grande part de responsabilité dans cette affaire. C’était inutile et provocateur – et on peut comprendre que Poutine ne veuille pas de l’Ukraine dans l’OTAN et donc en Crimée.

Joe Biden, Olaf Scholz et Jens Stoltenberg (à droite) lors du sommet de l’OTAN le 10 juillet 2024 © dpa

Poutine a-t-il vraiment servi ses intérêts, même en gardant à l’esprit les exemples historiques, ou les a-t-il plutôt exagérés ? Même après trois ans de guerre, il n’a pas réussi.

Eh bien, que signifie « exagérés » ? Imaginez un peu : l’Ukraine conserve la Crimée. La Crimée décide de l’accès de la Russie à des eaux chaudes. Croyez-vous vraiment que Poutine serait resté les bras croisés jusqu’à ce que l’OTAN s’installe à Sébastopol ? Tout est lié.

Mais qu’est-ce que ça signifie pour la suite des événements ? Quel peut être notre intérêt, qu’avons-nous à lui offrir et qu’a-t-il à nous offrir ?

C’est très, très difficile à dire. Poutine veut une Ukraine faible qui ne se mette plus en travers de son chemin. Et l’Ukraine elle-même veut être forte et, si possible, récupérer tous les territoires conquis par la Russie. C’est une situation sans issue.

À l’époque, le SPD et le chancelier Helmut Schmidt, dont vous faisiez partie du cabinet, avaient organisé la situation grâce à toute une série d’accords et de négociations – par exemple la conférence d’Helsinki – sur la réorganisation de l’Europe et une coexistence fondée sur des règles entre le bloc communiste et le bloc capitaliste. Cela pourrait-il servir de modèle pour les négociations actuelles ?

Permettez-moi de revenir un peu en arrière : Lorsque Bismarck est parti en 1890, son successeur, le secrétaire d’État Holstein, a rompu le traité dit « de réassurance » deux ans plus tard, quelques années seulement après la démission de Bismarck. Plus tard, Willy Brandt – et j’en ai moi-même été témoin – a compris, avec Egon Bahr, au prix d’un travail minutieux, que la paix et la sécurité sont le fruit d’un travail quotidien. Ces efforts du gouvernement Brandt ont tout simplement été réduits à néant. Les gens disent que c’était une erreur, que c’était trop conciliant et que la politique de paix passe par le recours aux armes. C’est absurde. Bien sûr, la dissuasion peut garantir la sécurité, mais cela ne suffit pas. Il faut avoir la volonté d’instaurer la paix.

Congrès électoral du SPD en 1980 à Essen : Egon Bahr et Willy Brandt.  © Imago

C’est pourquoi, rétrospectivement, votre gouvernement de l’époque n’était pas pacifiste, mais a même investi une part plus importante du produit intérieur brut dans l’armement que le gouvernement actuel.

C’est vrai, Brandt n’était pas pacifiste. Brandt et Bahr étaient conscients de la nécessité de la force. Mais ils savaient aussi que cela ne suffisait pas. Si vous voulez la paix, vous devez respecter les intérêts de l’autre partie, même si vous ne les suivez pas toujours. Helmut Schmidt l’a très bien écrit dans son livre à l’époque : « S’il y a une réunification, nous devons d’abord veiller à ce qu’elle ne porte pas trop atteinte à la sécurité de l’Union soviétique. » Et malheureusement, nous ne l’avons pas fait. Dès la chute du mur, nous avons veillé à ce que les pays du côté soviétique soient admis dans l’OTAN. Ce fut une erreur fondamentale.

Beaucoup en Europe disent qu’il faut maintenant plus que jamais se réarmer pour montrer à Poutine où sont les limites. Ou diriez-vous qu’il faut abandonner l’Ukraine ?

Non, mais il faut discuter sérieusement avec l’Ukraine pour qu’elle rétablisse une situation qu’elle ne peut pas créer elle-même. Et les USAméricains disent actuellement que la patate est trop chaude pour eux. Il faut dire à Volodymyr Zelensky qu’il y a des choses sur lesquelles il ne peut pas insister. À mon avis, l’Ukraine n’a aucun droit sur la Crimée et le Donbass. Le Donbass est tellement russe dans sa structure que l’Ukraine doit comprendre que cette partie ne lui appartiendra pas à l’avenir. Et il va sans dire que la Crimée n’appartient pas à l’Ukraine. Elle appartient à la Russie depuis 1783.

Explosion en Crimée en août 2022. © Imago

Et l’Ukraine devrait se contenter de ce reste d’État amputé ? Pour garantir quoi ? Sa vie et sa survie à l’Ouest, dans l’UE et dans l’OTAN ?

Pas dans l’OTAN, mais dans l’UE. En ce qui concerne l’OTAN, je pense que la décision est prise depuis longtemps. Même les USAméricains ne le veulent plus, et ne l’ont d’ailleurs jamais voulu. Je ne comprends pas pourquoi Biden est revenu sur sa position. Je pense qu’il faut remonter plus loin que la période où il luttait pour la présidence pour comprendre l’état d’esprit de Biden.

L’Ukraine doit donc être pacifiée le plus rapidement possible – et après ?

L’Ukraine entrera dans l’UE, comme ça a été promis. Ce sera une situation très difficile pour l’UE, car il n’est pas facile d’avoir un membre qui est structurellement hostile à notre grand voisin. Mais c’est probablement la solution. L’Ukraine doit renoncer aux territoires qu’elle ne peut récupérer.

Si nous supposons un accord de paix sur cette base, que se passera-t-il ensuite ? Le commerce germano-russe reprendra-t-il là où il s’était arrêté avant les sanctions ?

Nous ne devons en aucun cas nous préparer à une hostilité permanente avec la Russie. La guerre en Ukraine, déclenchée par Poutine et la Russie, a considérablement compliqué la situation. Mais nous devons essayer de nous entendre à nouveau avec ce grand voisin. Il n’est pas nécessaire de viser immédiatement une amitié. Nous devons être prêts à parler nous-mêmes avec Poutine et ne pas laisser cette tâche à Trump. Nous ne sommes pas sous la tutelle de Washington.

Mais dans quel but ? La Russie a trouvé de nouveaux partenaires entre-temps.

Les relations commerciales ne seront plus ce qu’elles étaient avant la guerre en Ukraine, ni ce qu’elles étaient peut-être dans la grande tradition entre la Russie et l’Europe occidentale. Mais nous devons les relancer.

Le ministre-président de Saxe, Michael Kretschmer, se dit favorable à des discussions avec la Russie sur Nord Stream – les gazoducs pourraient être réactivés.

Les deux gazoducs ont en fait été abandonnés à cause des sanctions usaméricaines. Ces sanctions ont été mises en place par Biden et ses prédécesseurs, y compris Barack Obama. Elles pourraient être levées un jour avec Trump. Les USAméricains pourraient eux-mêmes avoir intérêt à rapprocher la Russie de l’Occident.

Friedrich Merz a trouvé votre point de vue sur l’USAmérique scandaleux. Pensez-vous être aujourd’hui plus proche de lui, ce qui pourrait être dû non seulement à sa candidature à la chancellerie, mais aussi à l’évolution de la situation avec l’USAmérique ?

Le président Trump reçoit le chancelier Merz à la Maison Blanche  © dpa

J’apprécie beaucoup Merz, c’est notre chancelier fédéral et je le soutiendrais partout si possible. Mais il s’est mis en travers de mon chemin et je pense qu’il ne le ferait plus aujourd’hui. Je pense qu’il doit reconnaître aujourd’hui que mon évaluation de l’égocentrisme des intérêts usaméricains s’est confirmée depuis lors et que je ne faisais pas fausse route.

Vous aviez déjà une attitude très, très critique envers les USA à l’époque. Depuis que Trump sévit, y compris envers ses amis allemands, on a l’impression que vous avez peut-être même minimisé les choses.

Un ancien Premier ministre anglais, Lord Palmerston, disait déjà au XVIIIe siècle : « En politique internationale, il n’y a pas d’amis, il n’y a que des intérêts. » C’est toujours vrai aujourd’hui. Si nos intérêts s’opposent, les USAméricains choisiront toujours les leurs – et je pense que l’Allemagne devrait en faire autant.

Votre livre s’intitule “Nationale Interessen” (Intérêts nationaux). Je ne fais pas partie de ceux qui veulent abandonner précipitamment l’État-nation. Néanmoins, sous la pression de l’USAmérique et de Moscou, quelque chose de nouveau est en train de se former. L’UE ne semble-t-elle pas heureusement se révéler être plus qu’une simple solution d’urgence après la guerre ?

Oui, c’est tout à fait vrai. Nous faisons également des progrès en matière de politique commerciale. En matière de politique étrangère, je ne pense pas que ce sera le cas, ne serait-ce que parce que les intérêts au sein de l’UE sont très divergents. Chacun est responsable de sa propre politique étrangère et il serait de notre devoir de diriger l’Europe en matière de politique étrangère.

Vous ne voyez donc pas de politique étrangère européenne, mais plutôt un rôle de leader pour l’Allemagne ? En matière de politique de défense, nous sommes déjà plus proches de la réalité paneuropéenne.

Je ne partage pas votre avis selon lequel nous sommes plus avancés en matière de politique de défense européenne. Essayez donc de trouver un point commun entre l’Espagne, la France et la Pologne. Je ne pense pas non plus que la bombe atomique française, ou même britannique, offre une quelconque protection à l’Europe.

L’Europe ne doit-elle pas alors se débrouiller seule et penser par elle-même, y compris en ce qui concerne l’OTAN ?

C’est une question très difficile. À l’heure actuelle, une stratégie de dissuasion sur le continent européen est inconcevable sans les USAméricains – et ils ne le souhaitent pas non plus. Car les USA savent que s’ils perdent leur domination en Europe, ils perdent aussi leur domination mondiale. La tête de pont est d’une importance cruciale pour la politique mondiale usaméricaine.

On ne peut pas être tout à fait sûr que Trump reconnaisse l’importance de cette tête de pont eurasienne pour la puissance mondiale usaméricaine.

Trump ne sera pas éternel. C’est pourquoi je pense que l’intérêt usaméricain pour l’Europe ne disparaîtra pas complètement.

Dans le même temps, on se demande où se situe votre parti, le SPD, dans ce débat stratégique sur l’Europe et les relations avec la Russie et les USA.

Vous me demandez où se situe le SPD en matière de politique étrangère et de sécurité ? Je vous réponds : nulle part.


Willy Brandt lors du congrès fédéral du SPD en 1972 © Imago

Comment est-ce possible ?

On a enterré l’héritage de Willy Brandt. On ne comprend toujours pas aujourd’hui l’importance qu’a eu cette tentative de maintenir et de développer un pont pendant la guerre froide.

Mais à qui revient-il de répondre à cette question aujourd’hui ? Le SPD occupe tout de même le poste de ministre de la Défense. Helmut Schmidt l’a également occupé pendant un certain temps – c’est une position qui permet, voire qui oblige à participer à ces débats.

Avez-vous déjà entendu le collègue Boris Pistorius [ministre SPD de la Défense, NdT] dire que la diplomatie est également un facteur de sécurité ? On ne l’entend parler que lorsqu’il s’agit de canons, de chars, de dépenses pour l’armement ou la Bundeswehr. Et c’est une erreur. La politique de sécurité dépend fortement de la diplomatie – et de la volonté de connaître son adversaire, de dialoguer avec lui et de le rallier à sa cause. Je trouve que c’est une véritable lacune de ce ministre de la Défense par ailleurs très estimé.

Lorsque le nouveau ministre des Affaires étrangères, Johann Wadephul, a récemment évoqué un budget de défense de 5 % du produit intérieur brut, soit le double, le ministre de la Défense du SPD s’est contenté de répondre qu’il était compétent en la matière. Cela ne m’a pas semblé être une réponse adéquate à cette demande. Que répondriez-vous ?

Je ne peux pas juger du montant nécessaire pour disposer d’une Bundeswehr dissuasive dans le cadre de la défense européenne. Mais je lierais toujours cela à la nécessité d’un dialogue diplomatique avec la Russie. Je n’ai jamais entendu Pistorius dire un mot à ce sujet. Et je trouve cela effrayant, car c’était toujours un thème central pour le ministre de la Défense Helmut Schmidt.

Le ministre des Finances Lars Klingbeil © dpa

Le président du SPD, Lars Klingbeil, aurait très bien pu briguer le poste de ministre des Affaires étrangères, qui avait servi de tremplin à Willy Brandt pour accéder à la chancellerie. Était-ce une erreur de se présenter au poste de ministre des Finances pour des raisons de politique intérieure ?

Si Klingbeil l’avait fait, cela n’aurait eu de sens qu’avec une autre politique étrangère. La politique étrangère doit reposer sur deux piliers : la sécurité, c’est-à-dire l’armement et le développement d’une capacité de défense, qui n’est toujours pas pleinement effective, et la tentative d’une politique de sécurité fondée sur la diplomatie, la conciliation des intérêts, etc. Tout l’héritage de Willy Brandt a été trahi, et ce dès l’époque d’Olaf Scholz.

Scholz sait ce que vous savez sur la politique étrangère, et il n’a fait aucune tentative sérieuse pour s’opposer aux souhaits de Washington en faveur d’un changement de régime à Moscou.

Je pense que c’est là que réside le grand échec du SPD. Le parti a toujours puisé sa grande force dans deux racines : la politique sociale et la politique de paix. On a trahi cette partie du SPD qui prônait la paix. On aurait peut-être dû s’armer davantage, en particulier à l’époque d’Angela Merkel. C’est possible, je n’y connais pas grand-chose. Mais on ne doit jamais renoncer à la nécessité de combiner l’armement avec le dialogue avec l’autre partie. On s’est laissé entraîner dans cette politique antirusse qui, à mon avis, n’était pas utile à la paix en Europe.

Conseilleriez-vous au nouveau chancelier de se rappeler la politique de détente de Brandt et Helmut Kohl et de ne pas se laisser mettre dans le pétrin ?

Je l’encouragerais principalement à poursuivre le développement des relations diplomatiques avec la Russie. D’après ce que je sais, l’ambassadeur allemand à Moscou, Alexander Graf Lambsdorff, est un ennemi déclaré de la Russie. Je ne sais pas si je le nommerais à ce poste, j’ai des doutes.

Avez-vous une meilleure nomination en tête ?

Non, mais il y a des gens intelligents qui pourraient éventuellement être recrutés. Les USA ont eu de grands ambassadeurs comme William Burns, qui est devenu plus tard le chef de la CIA sous Biden. Nous devons renouer avec cette tradition.

Aujourd’hui, de nombreux politiciens disent que c’est une image naïve et peut-être aussi romantique de Poutine. La situation a changé, l’homme n’est plus accessible par le dialogue.

Une chose est absolument certaine : si l’on n’engage pas les meilleurs diplomates pour traiter avec la Russie, on ne réussira pas.

The Pioneer : Il ne s’agit donc pas de simplifier l’adversaire, mais de laisser agir la diplomatie à long terme, avec une issue incertaine ?


Willy Brandt et Klaus von Dohnanyi, 1982. © Imago

Oui, tout est incertain dans la vie. Nous le savons bien. J’ai accompagné Willy Brandt pendant une grande partie de son travail, et lui aussi a connu des moments de désespoir où il pensait ne pas parvenir à ses fins dans les négociations avec l’Union soviétique. Et à la fin de sa carrière politique, il y avait aussi Mikhaïl Gorbatchev, si vous voulez. Du côté russe, une confiance s’est installée dans l’idée qu’il était vraiment possible de dialoguer et de traiter avec cette Allemagne. Le nouveau gouvernement fédéral doit comprendre que sa mission n’est pas de défendre le statu quo actuel, mais de le changer.

Vous avez vécu la Seconde Guerre mondiale, vous aviez dix ans au début du conflit. Sommes-nous à l’aube d’une nouvelle phase d’entente ou au début d’une situation guerrière dans toute l’Europe ?

Il n’est pas nécessaire qu’il y ait une grande guerre. Il existe des possibilités de concilier les intérêts et de parvenir à nouveau à une entente, y compris avec la Russie et la Chine. Mais si l’on veut absolument avoir raison, si l’on se moque des intérêts de l’autre partie et que l’on considère que cette autre partie a de toute façon tort et est mauvaise, alors on ne pourra peut-être pas éviter la guerre.

Monsieur von Dohnanyi, merci beaucoup pour cet entretien.

 

31/03/2025

MAURIZIO LAZZARATO
Armar-se para salvar o capitalismo financeiro!
A lição de Rosa Luxemburg, Kalecki, Baran e Sweezy

Maurizio Lazzarato, 26/3/2025
Charges de Enrico Bertuccioli
Traduzido por Tlaxcala, editado por Helga Heidrich

Maurizio Lazzarato (1955), exilado na França após a repressão desencadeada em 7 de abril de 1979 contra o movimento Autonomia Operária Organizada, do qual foi ativista na Universidade de Pádua, é um sociólogo e filósofo independente italiano que vive em Paris. É autor de vários livros e artigos sobre trabalho imaterial, capitalismo cognitivo, biopolítica e bioeconomia, dívida, guerra e o que ele chama de máquina capital-estado. Livros em português

"Por maior que seja uma nação, se ela amar a guerra, ela perecerá; por mais pacífico que seja o mundo, se ele se esquecer da guerra, estará em perigo."

                           "Wu Zi", antigo tratado militar chinês

"Quando dizemos sistema de guerra, queremos dizer um sistema como o que está em vigor, que assume a guerra, mesmo que apenas planejada e não combatida, como o fundamento e o ápice da ordem política, ou seja, da relação entre os povos e entre os homens. Um sistema em que a guerra não é um evento, mas uma instituição, não uma crise, mas uma função, não uma ruptura, mas uma pedra angular do sistema, uma guerra sempre depreciada e exorcizada, mas nunca abandonada como uma possibilidade real".

                                             Claudio Napoleoni, 1986


O advento de Trump é apocalíptico, no sentido original da palavra apocalipse, revelação. Sua agitação convulsiva tem o grande mérito de mostrar a natureza do capitalismo, a relação entre guerra, política e lucro, entre o capital e o Estado, geralmente encoberta pela democracia, pelos direitos humanos, pelos valores e pela missão da civilização ocidental. 

A mesma hipocrisia está no centro da narrativa construída para legitimar os 800 bilhões de euros para rearmamento que a UE está impondo por meio do uso do estado de exceção aos estados-membros. Armar-se não significa, como diz Draghi, defender "os valores que fundaram nossa sociedade europeia" e que "garantiram por décadas a paz, a solidariedade e, com nosso aliado americano, a segurança, a soberania e a independência de seus cidadãos", mas significa salvar o capitalismo financeiro.

Não há nem mesmo necessidade de grandes discursos e análises documentadas para mascarar a escassez dessas narrativas. Foi preciso apenas outro massacre de 400 civis palestinos para trazer à tona a verdade sobre a conversa indecente sobre a singularidade e a supremacia moral e cultural do Ocidente.

Trump não é um pacifista, ele apenas reconhece a derrota estratégica da OTAN na guerra da Ucrânia, enquanto as elites europeias rejeitam as evidências. Para elas, a paz significaria voltar ao estado catastrófico ao qual reduziram suas nações. A guerra deve continuar porque para eles, assim como para os democratas e o estado profundo dos EUA, é o meio de sair da crise que começou em 2008, como foi o caso da grande crise de 1929. Trump acha que pode resolvê-la priorizando a economia sem negar a violência, a chantagem, a intimidação e a guerra. É muito provável que nenhum dos dois tenha sucesso porque eles têm um problema enorme: o capitalismo, em sua forma financeira, está em crise profunda e é precisamente de seu centro, os EUA, que estão chegando sinais "dramáticos" para as elites que nos governam. Em vez de convergir para os EUA, o capital está fugindo para a Europa. Ótima notícia, um sintoma de grandes rupturas imprevisíveis que correm o risco de serem catastróficas

O capital financeiro não produz bens, mas bolhas que incham nos EUA e estouram em detrimento do resto do mundo, provando ser armas de destruição em massa. As finanças americanas sugam o valor (capital) de todo o mundo, investem-no em uma bolha que, mais cedo ou mais tarde, vai estourar, forçando os povos do planeta à austeridade, ao sacrifício para pagar por seus fracassos: primeiro a bolha da Internet, depois a bolha dos subprimes que causou uma das maiores crises financeiras da história do capitalismo, abrindo a porta para a guerra. Eles também tentaram a bolha do capitalismo verde que nunca decolou e, finalmente, a bolha incomparavelmente maior das empresas de alta tecnologia. A fim de tapar os buracos dos desastres da dívida privada descarregada sobre as dívidas públicas, o Federal Reserve e o banco europeu inundaram os mercados com liquidez que, em vez de "pingar" na economia real, serviu para alimentar a bolha da alta tecnologia e o desenvolvimento de fundos de investimento, conhecidos como os "Três Grandes", Vanguard, BlackRock e State Street (o maior monopólio da história do capitalismo, administrando US$ 50 trilhões, principal acionista de todas as empresas listadas mais importantes). Agora, até mesmo essa bolha está se esvaziando.

Se você dividir toda a capitalização da lista da Bolsa de Valores de Wall Street por dois, ainda estaremos muito longe do valor real das empresas de alta tecnologia, cujas ações foram infladas pelos próprios fundos para manter os dividendos altos para seus "poupadores" (os democratas também estavam contando com a substituição do bem-estar social por financiamento para todos, assim como haviam se iludido anteriormente sobre a moradia para todos os americanos).

Agora a farra está chegando ao fim. A bolha atingiu seu limite e os valores estão caindo com um risco real de colapso. Se acrescentarmos a isso a incerteza que as políticas de Trump, representante de uma finança que não é a dos fundos de investimento, introduzem em um sistema que este último conseguiu estabilizar com a ajuda dos democratas, entenderemos os temores dos "mercados". O capitalismo ocidental precisa de outra bolha porque não conhece nada além da reprodução do mesmo de sempre (a tentativa trumpiana de reconstruir a manufatura nos EUA está destinada a um fracasso certo). 


A identidade perfeita de "produção" e destruição

A Europa, que já gasta 386 bilhões de euros [UE: 326 bilhões; Reino Unido: 60 bilhões] em armamentos, ou seja, 2,64 vezes mais do que a Rússia [146 bilhões] (a OTAN é responsável por 55% dos gastos mundiais com armas e a Rússia, por 5%), decidiu fazer um grande plano de investimento de 800 bilhões de euros para aumentar ainda mais os gastos militares.

A guerra e a Europa, onde as redes políticas e econômicas ainda estão ativas, centros de poder que se referem à estratégia representada por Biden, que foi derrotado na última eleição presidencial, são a oportunidade de construir uma bolha baseada em armamentos para compensar as dificuldades crescentes dos "mercados" dos EUA. Desde dezembro, as ações das empresas de armamentos já são objeto de especulação, subindo de um lado para o outro e atuando como um porto seguro para o capital que vê a situação dos EUA como muito arriscada. No centro da operação estão os fundos de investimento, que também estão entre os maiores acionistas das principais empresas de armamentos. Eles detêm participações significativas na Boeing, Lockheed Martin e RTX, influenciando a administração e as estratégias dessas empresas. Na Europa, eles também estão presentes no complexo militar-industrial: a Rheinmetall, empresa alemã que produz Leopard e viu o preço de suas ações subir 100% nos últimos meses, tem como principais acionistas a Blackrock, Société Générale, Vanguard, etc. A Rheinmetall, a maior fabricante de munições da Europa, ultrapassou a maior montadora de automóveis do continente, a Volkswagen, em termos de capitalização, o mais recente sinal do crescente apetite dos investidores por ações relacionadas à defesa.

A União Europeia quer coletar e canalizar a poupança continental para armamentos, com consequências catastróficas para o proletariado e uma maior divisão da União. A corrida armamentista não poderá funcionar como "keynesianismo de guerra" porque o investimento em armas intervém em uma economia financeirizada e não mais industrial. Construído com dinheiro público, ele beneficiará uma pequena minoria de indivíduos privados, enquanto piora as condições da grande maioria da população.

A bolha armamentista só pode produzir os mesmos efeitos que a bolha de alta tecnologia dos EUA. Depois de 2008, as somas de dinheiro capturadas para investimento na bolha de alta tecnologia nunca "escorreram" para o proletariado dos EUA. Em vez disso, elas produziram uma desindustrialização cada vez maior, empregos precários e sem qualificação, baixos salários, pobreza desenfreada, a destruição do pouco bem-estar social herdado do New Deal e a subsequente privatização de todos os serviços. Isso é o que a bolha financeira europeia, sem dúvida, produzirá na Europa. A financeirização levará não apenas à destruição completa do estado de bem-estar social e à privatização total dos serviços, mas também à fragmentação política do que resta da União Europeia. As dívidas, contraídas por cada estado separadamente, terão de ser pagas e haverá enormes diferenças entre os estados europeus quanto à sua capacidade onerar os débitos contratados. 

O perigo real não são os russos, mas os alemães com seus 500 bilhões para rearmamento e outros 500 bilhões para infraestrutura, que foi um financiamento decisivo para a construção da bolha. Da última vez que eles se rearmaram, combinaram desastres mundiais (25 milhões de mortos somente na Rússia Soviética, a solução final etc.), daí a famosa declaração de Andreotti contra a unificação alemã: "Amo tanto a Alemanha que prefiro duas". À espera dos novos desenvolvimentos do nacionalismo e da extrema direita, já com 21%, que o "Deutschland ist zurück" inevitavelmente produzirá, a Alemanha imporá sua habitual hegemonia imperialista sobre os outros países europeus. Os alemães abandonaram rapidamente o credo ordo-liberal que não tinha base econômica, apenas política, e abraçaram a financeirização anglo-americana até o fim, mas com o mesmo objetivo: governar e explorar a Europa. O Financial Times fala de uma decisão tomada por Merz, homem da Blackrock, e Kukies, ministro do tesouro da Goldman Sachs, com o endosso dos partidos de "esquerda" SPD e Die Linke, que, como seus antecessores em 1914, estão mais uma vez assumindo a responsabilidade pela carnificina futura.

Se o imperialismo doméstico alemão anterior se baseava na austeridade, no mercantilismo das exportações, no congelamento de salários e na destruição do estado de bem-estar social, este se baseará no gerenciamento de uma economia de guerra europeia hierarquizada nos diferenciais de taxas de juros a serem pagos para quitar a dívida contraída.

Os países já altamente endividados (Itália, França, etc.) terão que encontrar quem comprará seus títulos emitidos para pagar a dívida, em um "mercado" europeu cada vez mais competitivo. Será melhor para os investidores comprarem títulos alemães, títulos emitidos por empresas de armamentos com especulação em alta e títulos da dívida pública europeia, que certamente são mais seguros e mais lucrativos do que os títulos de países superendividados. O famoso "spread" ainda desempenhará seu papel como em 2011. Os bilhões necessários para pagar os mercados não ficarão disponíveis para os estados de bem-estar social. O objetivo estratégico de todos os governos e oligarquias nos últimos cinquenta anos, a destruição dos gastos sociais para a reprodução do proletariado e sua privatização, será alcançado.

27 egoísmos nacionais lutarão entre si sem nada em jogo, porque a história, que "somos os únicos que sabemos o que realmente é", nos colocou em um canto, inútil e irrelevante após séculos de colonialismo, guerras e genocídios. 

A corrida armamentista é acompanhada por uma justificativa martelante de "estamos em guerra" contra todos (Rússia, China, Coreia do Norte, Irã, Brics) que não pode ser abandonada e que corre o risco de se concretizar porque essa quantidade delirante de armas ainda precisa "ser consumida". 

A lição de Rosa Luxemburgo, Kalecki, Baran e Sweezy

Somente os desinformados podem se surpreender com o que está acontecendo. Tudo está se repetindo, só que está acontecendo em um capitalismo financeiro e não mais em um capitalismo industrial como no século XX.

A guerra e os armamentos têm estado no centro da economia e da política desde que o capitalismo se tornou imperialista. Eles também estão no centro do processo de reprodução do capital e do proletariado, em uma competição feroz entre si.  Vamos reconstruir rapidamente a estrutura teórica fornecida por Rosa Luxemburgo, Kalecki, Baran e Sweezy, firmemente plantada, em contraste com as inúteis teorias críticas contemporâneas, nas categorias de imperialismo, monopólio e guerra, o que nos oferece um espelho da situação contemporânea.

Comecemos pela crise de 1929, que teve suas raízes na Primeira Guerra Mundial e na tentativa de sair dela ativando os gastos públicos por meio da intervenção estatal. De acordo com Baran e Sweezy (doravante B&S), a desvantagem dos gastos do governo na década de 1930 era seu volume, incapaz de neutralizar as forças depressivas da economia privada. 

"Visto como uma operação de resgate para a economia dos EUA como um todo, o New Deal foi, portanto, um fracasso flagrante. Até mesmo Galbraith, o profeta da prosperidade sem ordens de guerra, reconheceu que, na década de 1930 a 1940, 'a grande crise' nunca terminou".

Foi somente com a Segunda Guerra Mundial que isso chegou ao fim: "Então veio a guerra, e com a guerra veio a salvação (...) os gastos militares fizeram o que os gastos sociais não conseguiram fazer", porque os gastos do governo aumentaram de US$ 17,5 bilhões para US$ 103,1 bilhões.

B&S mostram que os gastos do governo não trouxeram os resultados que os gastos militares trouxeram porque foram limitados por um problema político que ainda é nosso. Por que o New Deal e seus gastos não conseguiram atingir uma meta que "estava ao alcance, como a guerra provou mais tarde"? Porque a natureza e a composição dos gastos públicos, ou seja, a reprodução do sistema e do proletariado, desencadeiam a luta de classes. 

"Dada a estrutura de poder do capitalismo monopolista dos EUA, o aumento dos gastos civis quase atingiu seus limites extremos. As forças que se opunham a uma expansão maior eram poderosas demais para serem superadas". 

Os gastos sociais competiam com as corporações e oligarquias ou as prejudicavam, tirando-lhes o poder econômico e político. "Como os interesses privados controlam o poder político, os limites dos gastos públicos são rigidamente estabelecidos sem qualquer preocupação com as necessidades sociais, por mais vergonhosas que sejam". E esses limites também se aplicavam aos gastos, à saúde e à educação, que na época, ao contrário de hoje, não estavam competindo diretamente com os interesses privados das oligarquias. 

A corrida armamentista permite o aumento dos gastos públicos do Estado, sem que isso se transforme em aumento dos salários e do consumo do proletariado. Como o dinheiro público pode ser gasto para evitar a depressão econômica que o monopólio traz e, ao mesmo tempo, evitar o fortalecimento do proletariado? "Com armamentos, com mais armamentos, com mais e mais armamentos".

Michael Kalecki, trabalhando no mesmo período, mas na Alemanha nazista, consegue elucidar outros aspectos do problema. Contra todo o economicismo, que sempre ameaça a compreensão do capitalismo por meio de teorias críticas, até mesmo marxistas, ele enfatiza a natureza política do ciclo do capital:   "A disciplina nas fábricas e a estabilidade política são mais importantes para os capitalistas do que os lucros atuais".

O ciclo político do capital, que agora só pode ser garantido pela intervenção do Estado, precisa recorrer aos gastos com armas e ao fascismo. Para Kalecki, o problema político também se manifesta na "direção e nos propósitos dos gastos públicos". A aversão ao "subsídio ao consumo de massa" é motivada pela destruição que ele causa "dos fundamentos da ética capitalista 'você ganhará seu pão com o suor do seu rosto' (a menos que viva da renda do capital)".

Como garantir que os gastos do Estado não se transformem em aumento de emprego, consumo e salários e, portanto, na força política do proletariado? O inconveniente para as oligarquias é superado com o fascismo, porque a máquina do Estado fica sob o controle do grande capital e da liderança fascista, com "a concentração dos gastos do Estado em armamentos", enquanto "a disciplina da fábrica e a estabilidade política são asseguradas pela dissolução dos sindicatos e dos campos de concentração. A pressão política substitui a pressão econômica do desemprego".

Daí o imenso sucesso dos nazistas com a maioria dos liberais britânicos e americanos.

A guerra e os gastos com armas são fundamentais para a política americana, mesmo após o fim da Segunda Guerra Mundial, porque uma estrutura política sem uma força armada, ou seja, sem o monopólio de seu exercício, é inconcebível. O volume do aparato militar de uma nação depende de sua posição na hierarquia mundial de exploração. "As nações mais importantes sempre precisarão de mais, e a extensão de suas necessidades (de força armada) variará de acordo com o fato de haver ou não uma luta acirrada pelo primeiro lugar entre elas". 

 Os gastos militares, portanto, continuaram a crescer no centro do imperialismo: "É claro que a maior parte da expansão dos gastos do governo ocorreu no setor militar, que subiu de menos de 1% para mais de 10% do PNB, e que foi responsável por cerca de dois terços do aumento total dos gastos do governo desde 1920. Essa absorção maciça do excedente em preparações limitadas tem sido o fato central da história americana do pós-guerra". 

Kalecki ressalta que, em 1966, "mais da metade do crescimento da renda nacional é resolvido pelo crescimento das despesas militares".

Agora, após a guerra, o capitalismo não podia mais contar com o fascismo para controlar os gastos sociais. O economista polonês, um "aluno" de Rosa Luxemburgo, ressalta: "Uma das funções fundamentais do hitlerismo era superar a aversão do grande capital à política anticapitalista de larga escala. A grande burguesia havia concordado com o abandono do laisser-faire e com o aumento radical do papel do Estado na economia nacional, com a condição de que o aparato estatal estivesse sob controle direto de sua aliança com a liderança fascista e que o destino e o conteúdo dos gastos públicos fossem determinados pelos armamentos. Nos Glorious Thirties, sem o fascismo garantindo a direção dos gastos públicos, os estados e os capitalistas foram forçados a um compromisso político. As relações de poder determinadas pelo século de revoluções forçam o Estado e os capitalistas a fazer concessões que, de qualquer forma, são compatíveis com lucros que atingem taxas de crescimento até então desconhecidas. Mas mesmo esse compromisso é demais porque, apesar dos grandes lucros, "os trabalhadores se tornam 'recalcitrantes' em tal situação e os 'capitães da indústria' ficam ansiosos para 'dar-lhes uma lição'".

A contrarrevolução, que se desenvolveu a partir do final da década de 1960, teve como centro a destruição dos gastos sociais e o desejo feroz de direcionar os gastos públicos para os interesses únicos e exclusivos das oligarquias. O problema, desde a República de Weimar, nunca foi uma intervenção genérica do Estado na economia, mas o fato de o Estado ter sido investido pela luta de classes e ter sido forçado a ceder às demandas das lutas dos trabalhadores e do proletariado.

Nos tempos "pacíficos" da Guerra Fria, sem a ajuda do fascismo, a explosão dos gastos militares precisa de legitimação, garantida pela propaganda capaz de evocar continuamente a ameaça de uma guerra iminente, de um inimigo às portas pronto para destruir os valores ocidentais: "Os criadores não oficiais e oficiais da opinião pública têm a resposta pronta: os Estados Unidos devem defender o mundo livre da ameaça de agressão soviética (ou chinesa)".

Kalecki, para o mesmo período, especifica: "Jornais, cinema, estações de rádio e televisão que trabalham sob a égide da classe dominante criam uma atmosfera que favorece a militarização da economia".

Os gastos com armamentos não têm apenas uma função econômica, mas também uma função de produzir subjetividades subjugadas. A guerra, ao exaltar a subordinação e o comando, "contribui para a criação de uma mentalidade conservadora".

"Enquanto os gastos públicos maciços com educação e bem-estar tendem a minar a posição privilegiada da oligarquia, os gastos militares fazem o oposto. A militarização favorece todas as forças reacionárias (...) um respeito cego pela autoridade é determinado; uma conduta de conformidade e submissão é ensinada e imposta; e a opinião contrária é considerada antipatriótica ou até mesmo traidora."

O capitalismo produz um capitalista que, precisamente por causa da forma política de seu ciclo, é um semeador de morte e destruição, em vez de um promotor do progresso. Richard B. Russell, um senador conservador do sul dos EUA na década de 1960, citado pela B&S, nos diz: "Há algo nos preparativos para a destruição que induz os homens a gastar dinheiro de forma mais descuidada do que se fosse para fins construtivos. Não sei por que isso acontece, mas durante os cerca de trinta anos em que estive no Senado, percebi que, ao comprar armas para matar, destruir, varrer cidades da face da Terra e eliminar grandes sistemas de transporte, há algo que faz com que os homens não calculem os gastos com o mesmo cuidado que têm quando se trata de pensar em moradia decente e assistência médica para os seres humanos.

A reprodução do capital e do proletariado tornou-se politizada por meio das revoluções do século XX. A luta de classes também gerou uma oposição radical entre a reprodução da vida e a reprodução de sua destruição, que só se aprofundou a partir da década de 1930.


Como funciona o capitalismo

A guerra e os armamentos, praticamente excluídos de todas as teorias críticas do capitalismo, funcionam como discriminadores na análise do capital e do Estado.

É muito difícil definir o capitalismo como um "modo de produção", como fez Marx, porque a economia, a guerra, a política, o Estado e a tecnologia são elementos intimamente interligados e inseparáveis. A "crítica da economia" não é suficiente para produzir uma teoria revolucionária. Já com o advento do imperialismo, produziu-se uma mudança radical no funcionamento do capitalismo e do Estado, o que ficou muito claro com Rosa Luxemburgo, para quem a acumulação tem duas expectativas. O primeiro "diz respeito à produção de mais-valia - na fábrica, na mina, na exploração agrícola - e à circulação de mercadorias no mercado. Visto desse ponto de vista, a acumulação é um processo econômico cuja fase mais importante é uma transação entre o capitalista e o assalariado". O segundo aspecto tem o mundo inteiro como seu teatro, uma dimensão mundial irredutível ao conceito de "mercado" e suas leis econômicas. "Aqui os métodos empregados são a política colonial, o sistema internacional de empréstimos, a política das esferas de interesse, a guerra. A violência, o engano, a opressão, a predação se desenvolvem abertamente, sem máscara, e é difícil reconhecer as leis estritas do processo econômico no entrelaçamento da violência econômica e da brutalidade política".

A guerra não é uma continuação da política, mas sempre coexistiu com ela, como mostra o funcionamento do mercado mundial. Aqui, onde a guerra, a fraude e a predação coexistem com a economia, a lei do valor nunca funcionou de fato. O mercado mundial parece muito diferente daquele esboçado por Marx. Suas considerações parecem não se aplicar mais, ou melhor, precisam ser especificadas: somente no mercado mundial o dinheiro e o trabalho se tornariam adequados ao seu conceito, concretizando sua abstração e universalidade. Pelo contrário, o que podemos ver é que o dinheiro, a forma mais abstrata e universal de capital, é sempre a moeda de um Estado. O dólar é a moeda dos Estados Unidos e reina somente como tal. A abstração do dinheiro e sua universalidade (e seus automatismos) são apropriados por uma "força subjetiva" e são gerenciados de acordo com uma estratégia que não está contida no dinheiro.  

Até mesmo as finanças, assim como a tecnologia, parecem ser objeto de apropriação por forças subjetivas "nacionais", muito pouco universais.  No mercado mundial, mesmo o trabalho abstrato não triunfa como tal, mas, em vez disso, encontra outro trabalho radicalmente diferente (trabalho servil, trabalho escravo etc.) e é objeto de estratégias.

A ação de Trump, ao deixar cair o véu hipócrita do capitalismo democrático, nos revela o segredo da economia: ela só pode funcionar a partir de uma divisão internacional de produção e reprodução que é politicamente definida e imposta, ou seja, por meio do uso da força, o que também implica guerra. 

A vontade de explorar e dominar, gerenciando relações políticas, econômicas e militares simultaneamente, constrói uma totalidade que nunca pode se fechar em si mesma, mas sempre permanece aberta, dividida por conflitos, guerras e predações. Nessa totalidade dividida, todas as relações de poder convergem e governam a si mesmas. Trump intervém no uso das palavras, mas também nas teorias de gênero, ao mesmo tempo em que gostaria de impor um novo posicionamento global, tanto político quanto econômico, dos EUA. Do micro ao macro, uma ação política na qual os movimentos contemporâneos estão longe de sequer pensar.

A construção da bolha financeira, um processo que podemos acompanhar passo a passo, ocorre da mesma forma. Há muitos atores envolvidos em sua produção: a União Europeia, os Estados que precisam se endividar, o Banco Europeu de Investimento, os partidos políticos, a mídia e a opinião pública, os grandes fundos de investimento (todos dos Estados Unidos) que organizam o transporte de capital de uma bolsa de valores para outra e as grandes empresas. Somente depois que o choque/cooperação entre esses centros de poder der seu veredicto é que a bolha econômica e seus automatismos poderão funcionar. Há toda uma ideologia sobre o funcionamento automático que deve ser desmascarada. O "piloto automático", especialmente em nível financeiro, existe e funciona somente depois de ter sido politicamente estabelecido. Ele não existia na década de 1930 porque foi decidido politicamente; ele está funcionando desde o final da década de 1970, por vontade política explícita.

Essa multiplicidade de atores que vêm se agitando há meses é mantida unida por uma estratégia. Portanto, há um elemento subjetivo que intervém de maneira fundamental. Na verdade, dois. Do ponto de vista capitalista, há uma luta feroz entre o "fator subjetivo" Trump e o "fator subjetivo" das elites que foram derrotadas nas eleições presidenciais, mas que ainda têm forte presença nos centros de poder nos EUA e na Europa. 

Mas para que o capitalismo funcione, devemos considerar também um fator proletário subjetivo. Ele desempenha um papel decisivo porque ou se tornará o portador passivo do novo processo de produção/reprodução de capital ou tenderá a rejeitá-lo e destruí-lo. Dada a incapacidade do proletariado contemporâneo, o mais fraco, o mais desorientado, o menos autônomo e independente da história do capitalismo, a primeira opção parece ser a mais provável. Mas se ele não conseguir opor sua própria estratégia às contínuas inovações estratégicas do inimigo, capazes de se renovar continuamente, cairemos em uma assimetria de relações de poder que nos levará de volta ao período anterior à revolução francesa, a um novo/já visto "ancien régime".