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19/10/2024

ALAN MACLEOD
‘Beurk Rabid’ & Co.: ces espions israéliens qui écrivent les “news” aux USA

 Alan Macleod, MintPress News, 16/10/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

« Un an après les attentats du 7 octobre, Netanyahou est sur une lancée victorieuse » : tel est le titre d’un récent article d’ Axios décrivant le Premier ministre israélien sur une vague imbattable de triomphes. Ces « succès » militaires stupéfiants, note l’auteur Barak Ravid, comprennent le bombardement du Yémen, l’assassinat du chef du Hamas Ismail Haniyeh et du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, ainsi que les attentats aux bipeurs contre le Liban.


Le même auteur est récemment devenu viral pour un article affirmant que les attaques israéliennes contre le Hezbollah « n’ont pas pour but de mener à la guerre mais sont une tentative de “désescalade par l’escalade” ». Les utilisateurs des médias sociaux se sont moqués de Ravid pour ce raisonnement bizarre et orwellien. Mais ce qui a échappé à presque tout le monde, c’est que Barak Ravid est un espion israélien - ou du moins il l’était  jusqu’à récemment. Ravid [né en 1980] est un ancien analyste de l’agence d’espionnage israélienne Unité 8200. Jusqu’en mars 2023, il était réserviste des Forces de défense israéliennes.

L’Unité 8200 est l’organisation d’espionnage la plus importante et peut-être la plus controversée d’Israël. Elle est responsable de nombreuses opérations d’espionnage et de terreur très médiatisées, dont le récent attentat aux bipeurs qui a blessé des milliers de civils libanais. Comme le révélera cette enquête, Ravid est loin d’être le seul ancien espion israélien à travailler dans les principaux médias usaméricains, s’efforçant de susciter le soutien de l’Occident aux actions de son pays.

L’initié de la Maison Blanche

Ravid est rapidement devenu l’une des personnalités les plus influentes du corps de presse du Capitole. En avril, il a remporté le prestigieux prix des correspondants de presse de la Maison-Blanche « pour l’excellence globale de sa couverture de la Maison-Blanche », l’une des plus hautes distinctions du journalisme usaméricain. Les juges ont été impressionnés par ce qu’ils ont décrit comme « des niveaux profonds, presque intimes, d’approvisionnement en sources aux USA et à l’étranger » et ont sélectionné six articles comme étant des travaux journalistiques exemplaires.

La plupart de ces articles consistaient simplement à publier des sources anonymes de la Maison Blanche ou du gouvernement israélien, à les mettre en valeur et à distancier le président Biden des horreurs de l’attaque israélienne contre la Palestine. Ainsi, il n’y avait pratiquement aucune différence entre ces articles et les communiqués de presse de la Maison Blanche. Par exemple, l’un des articles retenus par les juges était intitulé « Scoop : Biden dit à Bibi qu’une pause de trois jours dans les combats pourrait aider à obtenir la libération de certains otages », et présentait le 46e président des USA comme un humanitaire dévoué, déterminé à réduire les souffrances. Un autre article décrivait la « frustration » de Biden à l’égard de Netanyahou et du gouvernement israélien.

Des protestataires avaient appelé les journalistes à bouder l’événement par solidarité avec leurs confrères tombés à Gaza (ce qui, à l’heure où nous écrivons ces lignes, représente au moins 128 journalistes). Non seulement l’événement n’a pas été boycotté, mais les organisateurs ont décerné leur prix le plus prestigieux à un fonctionnaire des services de renseignement israéliens devenu reporter, qui s’est forgé la réputation d’être peut-être le sténographe le plus consciencieux du pouvoir à Washington.

Ravid s’est vu remettre personnellement le prix par le président Biden, qui l’a embrassé comme un frère. Le fait qu’un (ancien) espion israélien connu puisse serrer Biden dans ses bras de cette manière en dit long non seulement sur les relations intimes entre les USA et Israël, mais aussi sur la mesure dans laquelle les médias de l’establishment sont redevables au pouvoir politique.


Ravid s’est fait un nom en publiant sans esprit critique des informations flatteuses qui lui sont communiquées par le gouvernement usaméricain ou israélien et en les faisant passer pour des scoops. En avril, il a écrit que « le président Biden a lancé un ultimatum au premier ministre israélien Benjamin Netanyahou lors de leur conversation téléphonique de jeudi : Si Israël ne change pas de cap à Gaza, « nous ne serons pas en mesure de vous soutenir » », et qu’il “ exerçait sa plus forte pression pour mettre fin aux combats à Gaza après six mois de guerre, et avertissait pour la première fois que la politique américaine sur la guerre dépendrait de l’adhésion d’Israël à ses demandes”, qui incluaient “un cessez-le-feu immédiat”. En juillet, il a répété que des sources anonymes lui avaient dit que Netanyahou et Israël s’efforçaient de trouver « une solution diplomatique »,  une autre affirmation très douteuse.

D’autres articles de Ravid suivent le même schéma :

Cet acharnement à blanchir l’administration Biden a suscité de nombreuses moqueries en ligne.

« AXIOS EXCLUSIF : Après avoir vendu à Netanyahou des millions de dollars d’armes, Biden a joué - à haute voix – ‘Bad Blood’ de Taylor Swift. Tout le monde pouvait l’entendre, dit une source proche de Biden », a tweeté l’ utilisateur X David Grossman. « Je continue à donner des tas d’argent et d’armes, mais je secoue la tête pour que tout le monde sache que je ne suis pas d’accord », a écrit le comédien Hussein Kesvani, en réponse au dernier article de Ravid suggérant que Joe Biden est devenu “de plus en plus méfiant” à l’égard du gouvernement israélien.

Tout au long de cette prétendue rupture entre les USA et Israël, l’administration Biden a continué à soutenir avec enthousiasme les offensives israéliennes, à bloquer les résolutions de cessez-le-feu et la création d’un État palestinien à l’ONU, et a envoyé pour 18 milliards de dollars d’armes à Israël au cours des 12 derniers mois. Ainsi, aussi discutables que soient les rapports d’Axios, ils jouent un rôle vital pour Washington, en permettant à l’administration Biden de se distancier de ce que les organismes internationaux ont qualifié de génocide. La fonction de Ravid a été de fabriquer un consentement pour le gouvernement parmi les élites libérales qui lisent Axios, leur permettant de continuer à croire que les USA sont un honnête courtier pour la paix au Machrek plutôt qu’un complice clé d’Israël.

Ravid ne cache pas son mépris affiché pour les Palestiniens. En septembre, il a retweeté un message dans lequel on pouvait lire : « C’est le PaliNazi : C’est la méthode des PaliNazis... ils empochent des concessions sans rien donner en retour et utilisent ensuite ces concessions comme base de référence pour le prochain cycle de négociations. Les PaliNazis ne savent pas dire la vérité ».

Moins d’une semaine plus tard, il a fait la promotion de l’ affirmation très douteuse du ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, selon laquelle les forces de défense israéliennes avaient trouvé une photo des enfants du chef des Brigades al-Qassam, Mohammed Sinwar, célébrant devant une immense photo d’avions frappant le World Trade Center. Gallant a déclaré qu’ils avaient trouvé cette photo - essayant clairement d’associer faussement les Palestiniens au 11 septembre - dans un tunnel « où les frères Sinwar se cachaient comme des rats ».

Une agence d’espionnage tristement célèbre

Fondée en 1952, l’Unité 8200 est la division la plus importante et la plus controversée de l’armée israélienne.

Responsable des opérations secrètes, de l’espionnage, de la surveillance et de la cyberguerre, le groupe est au centre de l’attention mondiale depuis le 7 octobre 2023. Il est largement identifié comme l’organisation à l’origine du tristement célèbre attentat aux bipeurs au Liban, qui a fait au moins neuf morts et environ 3 000 blessés. Alors que beaucoup en Israël (et Ravid lui-même) ont salué l’opération comme un succès, elle a été condamnée dans le monde entier comme un acte de terrorisme flagrant, y compris par l’ancien directeur de la CIA, Leon Panetta.

L’Unité 8200 a également établi une liste de personnes à abattre pour Gaza, alimentée par l’intelligence artificielle, suggérant des dizaines de milliers d’individus (y compris des femmes et des enfants) à assassiner. Ce logiciel a été le principal mécanisme de ciblage utilisé par les FDI au cours des premiers mois de leur attaque contre cette bande densément peuplée.

Décrite comme le Harvard israélien, l’Unité 8200 est l’une des institutions les plus prestigieuses du pays. Les parents dépensent des fortunes pour que leurs enfants suivent des cours de sciences et de mathématiques, dans l’espoir qu’ils soient choisis pour y servir, ce qui leur ouvrirait les portes d’une carrière lucrative dans le secteur florissant de la haute technologie en Israël.

L’unité sert également de pièce maîtresse à l’appareil d’État répressif futuriste d’Israël. En utilisant des quantités gigantesques de données compilées sur les Palestiniens en suivant leurs moindres mouvements grâce à des caméras de reconnaissance faciale, en surveillant leurs appels, leurs messages, leurs courriels et leurs données personnelles, l’Unité 8200 a créé un filet dystopique qu’elle utilise pour surveiller, harceler et réprimer les Palestiniens.

L’Unité 8200 constitue des dossiers sur chaque Palestinien, y compris ses antécédents médicaux, sa vie sexuelle et ses recherches, afin que ces informations puissent être utilisées ultérieurement à des fins d’extorsion ou de chantage. Si, par exemple, un individu trompe son conjoint, a désespérément besoin d’une opération médicale ou est secrètement homosexuel, ces informations peuvent être utilisées pour transformer des civils en informateurs et en espions pour le compte d’Israël. Un ancien agent de l’Unité 8200 a déclaré que, dans le cadre de sa formation, il devait mémoriser différents mots arabes pour « gay » afin de pouvoir les repérer dans les conversations.

Les agents de l’Unité 8200 ont ensuite créé certaines des applications les plus téléchargées au monde et un grand nombre des programmes d’espionnage les plus tristement célèbres, dont Pegasus. Pegasus a été utilisé pour surveiller des dizaines de dirigeants politiques dans le monde entier, dont Emmanuel Macron en France, Cyril Ramaphosa en Afrique du Sud et Imran Khan au Pakistan.

Le gouvernement israélien a autorisé la vente de Pegasus à la Central Intelligence Agency, ainsi qu’à certains des gouvernements les plus autoritaires de la planète. L’Arabie saoudite, notamment, a utilisé le logiciel pour surveiller le journaliste du Washington Post Jamal Khashoggi avant qu’il ne soit assassiné par des agents saoudiens en Turquie.

Une récente enquête de MintPress News a révélé qu’une grande partie du marché mondial des VPN est détenue et exploitée par une société israélienne dirigée et cofondée par un ancien élève de l’Unité 8200.

En 2014, 43 réservistes de l’Unité 8200 ont rédigé une déclaration commune dans laquelle ils déclaraient ne plus vouloir servir dans cette unité en raison de ses pratiques contraires à l’éthique, qui consistaient notamment à ne pas faire de distinction entre les citoyens palestiniens ordinaires et les terroristes. La lettre indiquait également que leurs renseignements étaient transmis à des politiciens locaux puissants, qui les utilisaient comme bon leur semblait.

Cette déclaration publique a hérissé Ravid de colère à l’égard de ses collègues. À la suite de ce scandale, Ravid s’est rendu à la radio de l’armée israélienne pour attaquer les dénonciateurs. Il a déclaré que s’opposer à l’occupation de la Palestine revenait à s’opposer à Israël lui-même, l’occupation étant une « partie » fondamentale d’Israël. « Si le problème est vraiment l’occupation, a-t-il dit, alors vos impôts sont aussi un problème - ils financent le soldat au poste de contrôle, le système éducatif... et 8200 est une belle blague ».

Si l’on met de côté les commentaires de Ravid, une question se pose : est-il vraiment acceptable que des membres d’un groupe conçu pour infiltrer, surveiller et cibler des populations étrangères, qui a produit un grand nombre des technologies d’espionnage les plus dangereuses et les plus invasives de la planète, et qui est largement considéré comme étant à l’origine d’attaques terroristes internationales sophistiquées, écrivent les news des USAméricains sur Israël et la Palestine ? Quelle serait la réaction si des personnalités des médias usaméricains s’avéraient être des agents de renseignement du Hezbollah, du Hamas ou du FSB russe ?

Nouvelles d’Israël, livrées par Israël

Ravid est loin d’être le seul journaliste influent aux USA à entretenir des liens étroits avec l’État israélien. Shachar Peled a passé trois ans en tant qu’officier de l’unité 8200, à la tête d’une équipe d’analystes spécialisés dans la surveillance, le renseignement et la cyberguerre. Elle a également travaillé comme analyste technologique pour le Shin Bet, le service de renseignement israélien. En 2017, elle a été engagée comme productrice et rédactrice par CNN et a passé trois ans à préparer des segments pour les émissions de Fareed Zakaria et Christiane Amanpour. Google l’a ensuite engagée pour devenir sa spécialiste principale des médias.


L’ancienne espionne israélienne Shachar Peled a travaillé pour la chaîne israélienne i24 News avant d’être embauchée par CNN, puis par Google.

Tal Heinrich est un autre agent de l’Unité 8200 qui a travaillé pour CNN. Heinrich a passé trois ans en tant qu’agent de l’Unité 8200. Entre 2014 et 2017, elle a été productrice sur le terrain et à la rédaction du bureau de CNN à Jérusalem, notoirement pro-israélien, où elle a été l’une des principales journalistes à façonner la compréhension par l’USAmérique de l’opération « Bordure protectrice », le bombardement israélien de Gaza qui a tué plus de 2 000 personnes et laissé des centaines de milliers de personnes déplacées. Heinrich a ensuite quitté CNN et est aujourd’hui la porte-parole officielle du Premier ministre Benjamin Netanyahu.


La tendance de CNN à l’embauche de personnalités de l’État israélien se poursuit encore aujourd’hui. Tamar Michaelis, par exemple, travaille actuellement pour la chaîne et produit une grande partie de son contenu sur Israël et la Palestine. Elle a pourtant
été porte-parole officielle des Forces de défense israéliennes (FDI).

Anat Schwartz avait liké un gazouillis d'un autre sioniste appelant à "transformer la bande de Gaza en abattoir", exemple cité par l'Afrique du Sud dans sa plainte à la CIJ contre Israël pour génocide. Elle a finalement été virée par le New York Times

Le New York Times, quant à lui, a embauché Anat Schwartz, une ancienne officière de renseignement de l’armée de l’air israélienne sans aucune expérience journalistique. Schwartz a coécrit le fameux article« Screams Without Words », aujourd’hui discrédité, qui affirmait que des combattants du Hamas avaient systématiquement violé des Israéliennes le 7 octobre. Le personnel du Times lui-même s’est révolté devant l’absence de preuves et de vérification des faits dans l’article.

Plusieurs employés du New York Times, dont l’éditorialiste vedette David Brooks, ont des enfants qui servent dans les forces de défense israéliennes ; alors même qu’ils font des reportages ou émettent des opinions sur la région, le Times n’a jamais révélé ces conflits d’intérêts flagrants à ses lecteurs. Il n’a pas non plus révélé qu’il avait acheté pour sa cheffe de bureau Jodi Rudoren une maison à Jérusalem qui avait été volée à la famille de l’intellectuelle palestinienne Ghada Karmi en 1948.

"Comment réussir dans le journalisme sans vraiment prendre un diplôme" : BD à la gloire de Jeff Goldberg sur le site ouèbe de l'Université de Pennsylvanie

MintPress News a interviewé Ghada Karmi l’année dernière à propos de son dernier livre et des tentatives israéliennes de la faire taire. Jeffrey Goldberg (un USAméricain), ancien rédacteur du New York Times Magazine et actuel rédacteur en chef de The Atlantic, avait abandonné ses études à l’université de Pennsylvanie pour se porter volontaire en tant que gardien de prison des FDI pendant la première Intifada (soulèvement) palestinienne. Dans ses mémoires, Goldberg a révélé que, lorsqu’il servait dans les FDI, il a aidé à dissimuler les mauvais traitements infligés aux prisonniers palestiniens.

Les entreprises de médias sociaux sont elles aussi remplies d’anciens agents de l’Unité 8200. Une étude réalisée par MintPress en 2022 a révélé que pas moins de 99 anciens agents de l’Unité 8200 travaillaient pour Google.


Marine Le Pen jeune ? Non, Emi Palmor

Facebook emploie également des dizaines d’anciens espions de cette unité controversée. C’est le cas d’Emi Palmor, qui siège au conseil de surveillance de Meta. Ce comité de 21 personnes décide en dernier ressort de l’orientation de Facebook, d’Instagram et des autres offres de Meta, en se prononçant sur les contenus à autoriser, à promouvoir et à supprimer. Human Rights Watch a formellement condamné Meta pour sa suppression systématique des voix palestiniennes sur ses plateformes. L’organisation a recensé plus de 1 000 cas de censure ouvertement anti-palestinienne pour les seuls mois d’octobre et de novembre 2023. Une mesure de cette partialité est mise en évidence par le fait que, à un moment donné, Instagram a automatiquement inséré le mot « terroriste » dans les profils des utilisateurs qui se disaient palestiniens.


Malgré les affirmations répandues par des politiciens usaméricains selon lesquelles elle est un foyer de racisme anti-israélien et antisémite, TikTok emploie également de nombreux anciens agents de l’Unité 8200 à des postes clés de son organisation. Par exemple, en 2021, elle a embauché Asaf Hochman en tant que responsable mondial de la stratégie des produits et des opérations. Avant de rejoindre TikTok, Hochman a passé plus de cinq ans en tant qu’espion israélien. Il travaille aujourd’hui pour Meta.

Censure pro-israélienne de haut en bas

Lorsqu’il s’agit de l’attaque d’Israël contre ses voisins, les médias capitalistes ont toujours fait preuve d’un parti pris pro-israélien. Le New York Times, par exemple, s’abstient régulièrement d’identifier l’auteur des violences lorsqu’il s’agit de l’armée israélienne et décrit le génocide de 750 000 Palestiniens en 1948 comme une simple « migration ». Une étude de la couverture du journal a révélé que des mots tels que « massacre » et « horrible » apparaissent 22 fois plus souvent lorsqu’il est question des morts israéliens que des morts palestiniens, malgré la disparité gigantesque du nombre de personnes tuées dans les deux camps.

Pendant ce temps, dans un reportage sur la façon dont les soldats israéliens ont tiré 335 balles sur une voiture dans laquelle se trouvait une enfant palestinienne et ont ensuite tiré sur les secouristes venus la sauver, CNN a imprimé le titre « Five-year-old Palestinian girl found dead after being trapped in car with dead relatives » (une fillette palestinienne de cinq ans retrouvée morte après avoir été piégée dans une voiture avec des parents décédés) - un titre qui pourrait être interprété comme signifiant que sa mort était un accident tragique.

Ce type de reportage n’est pas le fruit du hasard. En fait, il vient directement du sommet de la hiérarchie. Une note de service du New York Times datant de novembre et ayant fait l’objet d’une fuite révèle que la direction de l’entreprise a explicitement demandé à ses journalistes de ne pas utiliser des mots tels que « génocide », « massacre » et « nettoyage ethnique » lorsqu’ils évoquent des actions d’Israël. Le personnel du Times doit s’abstenir d’utiliser des mots tels que « camp de réfugiés », « territoire occupé » ou même « Palestine » dans ses reportages, ce qui rend presque impossible la transmission de certains des faits les plus élémentaires à son public.

Le personnel de CNN est soumis à des pressions similaires. En octobre dernier, le nouveau directeur général Mark Thompson a envoyé une note de service à l’ensemble du personnel, lui demandant de veiller à ce que le Hamas (et non Israël) soit présenté comme responsable de la violence, de toujours utiliser l’expression « contrôlé par le Hamas » lorsqu’il est question du ministère de la santé de Gaza et de ses chiffres de mortalité civile, et lui interdisant de rendre compte du point de vue du Hamas, dont le directeur principal des normes et pratiques en matière d’information a déclaré au personnel qu’il n’était « pas digne d’intérêt » et qu’il s’agissait de « rhétorique incendiaire et de propagande ».

Le Times et CNN ont tous deux licencié de nombreux journalistes en raison de leur opposition aux actions israéliennes ou de leur soutien à la libération de la Palestine. En novembre, Jazmine Hughes, du Times, a été renvoyée après avoir signé une lettre ouverte s’opposant au génocide en Palestine. L’année précédente, le journal avait mis fin au contrat de Hosam Salem à la suite d’une campagne de pression menée par le groupe pro-israélien Honest Reporting. Et le présentateur de CNN Marc Lamont Hill a été brusquement licencié en 2018 pour avoir appelé à la libération de la Palestine dans un discours aux Nations unies.

Les grandes organisations comme Axios, CNN et le New York Times savent évidemment qui elles embauchent. Il s’agit de certains des emplois les plus recherchés dans le journalisme, et des centaines de candidats postulent probablement pour chaque poste. Le fait que ces organisations choisissent de sélectionner des espions israéliens avant tout autre candidat soulève de sérieuses questions quant à leur crédibilité journalistique et leur objectif.

Engager des agents de l’unité 8200 pour produire des news usaméricaines devrait être aussi impensable que d’employer des combattants du Hamas ou du Hezbollah comme reporters. Pourtant, d’anciens espions israéliens sont chargés d’informer le public usaméricain sur les offensives en cours de leur pays contre la Palestine, le Liban, le Yémen, l’Iran et la Syrie. Qu’en est-il de la crédibilité et de la partialité de nos médias ?

Étant donné qu’Israël ne pourrait pas poursuivre cette guerre sans l’aide des USA, la bataille pour le contrôle des cerveaux yankees est aussi importante que les actions sur le terrain. Et au fur et à mesure que la guerre de propagande se poursuit, la frontière entre journaliste et combattant s’estompe. Le fait que nombre des principaux journalistes qui nous fournissent des informations sur Israël et la Palestine soient littéralement d’anciens agents des services de renseignement israéliens ne fait que le souligner.


Le Prix Pulitzer au New York Times pour sa couverture du génocide de Gaza: une grosse farce

24/05/2024

ALAN MACLEOD
Suivez l’argent : Comment des milliardaires liés à Israël ont fait taire les manifestations sur les campus usaméricains

Alan Macleod, Mint Press News, 22/5/2024
Traduit par Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
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Les universités usaméricaines sont en feu. Un mouvement de protestation contre la violence à Gaza et la complicité des universités usaméricaines a déferlé sur le pays, avec des campements sur les campus universitaires dans 45 des 50 États. La répression a été rapide : des milliers d’étudiants ont été arrêtés, inculpés, condamnés à des amendes, ont perdu leur diplôme ou ont même été expulsés. Alors que les médias capitalistes réclament un “Kent State 2.0”, la police anti-émeute, les véhicules blindés et les tireurs d’élite ont été déployés dans tout le pays pour terrifier et réduire au silence ceux qui militent pour la justice.


Pourquoi des manifestations pacifiques à une écrasante majorité contre les actions d’une puissance étrangère ont-elles été accueillies par une réponse aussi musclée ? Une enquête de MintPress News révèle que ces mêmes institutions d’élite ont des liens financiers et idéologiques profonds avec l’État d’Israël, sont financées par des milliardaires pro-israéliens qui leur ont demandé de prendre des mesures pour écraser le mouvement étudiant, sont partiellement financées par le gouvernement israélien et existent dans un climat où Washington a clairement fait savoir que les manifestations ne devaient pas être tolérées.

Les milliardaires qui soutiennent Israël

Le mouvement a débuté le 17 avril à l’université de Columbia, où un modeste campement de solidarité avec Gaza a été établi. Les manifestants ne s’attendaient guère à être accueillis par les autorités universitaires, mais ils ont été choqués lorsque la présidente de l’université, Minouche Shafik, a immédiatement fait appel à la police de New York. C’était la première fois que l’université autorisait la police à réprimer la dissidence sur le campus depuis les célèbres manifestations de 1968 contre la guerre du Viêt Nam.

La décision de Mme Shafik a sans aucun doute été influencée par l’énorme pression exercée sur elle par les principaux donateurs de l’université, dont beaucoup ont des liens étroits avec l’État israélien et son armée.


Bob et Bibi


Robert Kraft

L’homme d’affaires milliardaire et dirigeant sportif Robert Kraft, par exemple, a annoncé publiquement qu’il privait l’université de son généreux financement parce qu’elle n’avait pas su réprimer les manifestations avec suffisamment d’efficacité. « Je suis profondément attristé par la haine virulente qui continue à se développer sur le campus et dans tout notre pays », a-t-il déclaré dans un communiqué, affirmant que Columbia ne protégeait pas ses étudiants juifs.

Le tournant, selon M. Kraft, est arrivé lorsqu’il a regardé un coup de publicité de Shai Davidai, un universitaire israélo-usaméricain de Columbia, qui a prétendu que son accès au campus avait été révoqué. M. Davidai avait auparavant qualifié les étudiants protestataires de “nazis” et de “terroristes” et demandé que la Garde nationale se rende au campement, faisant ainsi indirectement référence au massacre de l’université d’État de Kent.

Kraft est l’un des plus importants donateurs de Columbia. Il a donné à l’institution des millions de dollars, dont 3 millions pour financer le Centre Kraft pour la vie étudiante juive.

Il entretient également des liens étroits avec Israël, où il s’est rendu plus de 100 fois, notamment pour un déjeuner privé avec son ami, le Premier ministre Benjamin Netanyahou, qui a déclaré : « Israël n’a pas d’ami plus loyal que Robert Kraft ».

Netanyahou a raison. Kraft est l’un des principaux bienfaiteurs du lobby israélien, faisant don de millions à des groupes tels que l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), The Israel Project et StandWithUs. Il s’est engagé à verser la somme énorme de 100 millions de dollars à sa propre Fondation pour la lutte contre l’antisémitisme, un groupe qui accuse les détracteurs de la politique israélienne de racisme antijuif. Il a également financé une multitude de politiciens pro-israéliens dans des élections face à des adversaires progressistes et anti-guerre. Une récente enquête de MintPress News a examiné de plus près la façon dont Kraft est un acteur clé dans la tentative de blanchir l’image d’Israël en Amérique (article ici).


Leon Cooperman

Leon Cooperman est un autre bienfaiteur milliardaire qui a cessé de financer Columbia. Le gestionnaire de fonds spéculatifs a suspendu ses dons en octobre, invoquant le soutien des étudiants à la Palestine. « Ces jeunes sont complètement fous. Ils ne comprennent pas ce qu’ils font ou ce dont ils parlent », a-t-il fulminé, ajoutant qu’ils « doivent être contrôlés ». Une personne qui sait de quoi elle parle sur cette question est le professeur de politique arabe moderne et d’histoire intellectuelle de Columbia, Joseph Massad. Pourtant, Cooperman a exigé que Massad soit licencié après que l’universitaire a pris des positions sur la Palestine qu’il désapprouvait.

Cooperman a une énorme influence à Columbia, précisément parce qu’il est l’une de ses principales sources de revenus. En 2012, par exemple, il a fait don de 25 millions de dollars pour soutenir la construction du nouveau campus de l’université à Manhattanville.

Cependant, Columbia est loin d’être la seule organisation à recevoir de l’argent de Cooperman. Il est également un donateur régulier des Amis des forces de défense israéliennes (FIDF), un groupe qui collecte de l’argent pour acheter des fournitures, des équipements et du soutien pour les soldats israéliens en service actif. En outre, il a été le premier à fournir une dotation à Birthright Israel, une organisation qui propose des voyages de propagande gratuits en Israël pour les jeunes juifs.


Len Blavatnik

L’oligarque d’origine soviétique Len Blavatnik, qui a exigé que les manifestants de l’université « rendent des comptes », est un troisième bailleur de fonds milliardaire qui a utilisé son influence financière pour faire pression sur Columbia. Des messages divulgués révèlent que pour Blavatnik, cela signifiait utiliser tout le poids de la loi contre les manifestants.

M. Blavatnik était membre d’un groupe WhatsApp secret créé en octobre 2023, qui comprenait de nombreuses personnalités usaméricaines, les anciens premiers ministres israéliens Naftali Bennett et Benny Gantz, ainsi que l’ambassadeur d’Israël aux USA, Michael Herzog. Sa mission était, selon ses propres termes, de « changer le récit » en faveur d’Israël et d’ »aider à gagner la guerre » pour l’opinion publique usaméricaine. Il a notamment fait des dons à des candidats politiques pro-israéliens et tenté de faire pression sur des célébrités noires telles qu’Alicia Keys, Jay-Z et LeBron James pour qu’elles « condamnent publiquement l’antisémitisme », c’est-à-dire pour qu’elles fassent l’amalgame entre les manifestants et les racistes.

Blavatnik finance également Birthright et l’association britannique Friends of the Association for the Wellbeing of Israel’s Soldiers et a financé au moins 120 bourses d’études pour d’anciens soldats de Tsahal. Ensemble, Kraft, Cooperman et Blavatnik auraient donné près de 100 millions de dollars à Columbia.


Idan Ofer

À partir de Columbia, les manifestations se sont rapidement propagées dans toute l’USAmérique, y compris dans les institutions les plus prestigieuses du pays, dont Harvard.

Dès le début, l’université s’est montrée activement hostile au mouvement de protestation et a suspendu des dizaines de manifestants, les empêchant ainsi d’obtenir leur diplôme. Cette hostilité est sans doute en partie due au fait que les grands donateurs de l’université se sont retirés en masse depuis le 7 octobre. Le principal d’entre eux est le magnat israélien du transport maritime Idan Ofer, qui a cité ce qu’il a appelé « l’absence de preuves claires du soutien de la direction de l’université au peuple d’Israël » et a exprimé sa consternation quant au fait que l’université du Massachusetts ne condamnait pas le Hamas avec suffisamment de fermeté.

Ofer est un acteur crucial du renseignement israélien. Comme l’a révélé une précédente enquête de MintPress News, les cargos Zodiac Maritime de sa famille ont régulièrement été utilisés pour transporter secrètement des commandos israéliens au Moyen-Orient dans le cadre d’opérations d’assassinat. C’est ainsi que Mahmoud al-Mabhouh, représentant du Hamas, a été tué à Dubaï et Khalil al-Wazir, dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine, en Tunisie.


Leslie Wexner

Leslie Wexner, ancien PDG de Victoria’s Secret, est un autre milliardaire apparemment « stupéfait et écœuré » par les positions pro-Hamas de Harvard. Outre les liens exceptionnellement étroits et très médiatisés de Wexner avec les trafiquants d’enfants et l’agent de renseignement israélien Jeffrey Epstein, Wexner est l’un des principaux donateurs pour les causes israéliennes.

Une liste de 2007 de donateurs politiques potentiels compilée par Benjamin Netanyahou inclut Wexner de manière proéminente. (Le frère d’Ofer, Eyal, Blavtnik et Donald Trump y figurent également). En 2023, Wexner a fait don d’une somme à six chiffres à l’AIPAC, la principale force pro-israélienne dans la politique usaméricaine.


Marc Rowan

Nulle part, cependant, la réaction de l’élite aux manifestations étudiantes n’a été aussi forte qu’à l’université de Pennsylvanie (UPenn). C’est Marc Rowan qui a mené la charge pour supprimer le sentiment pro-palestinien sur le campus. L’investisseur milliardaire a exigé que son camp « fasse payer le prix » aux étudiants qui expriment leur solidarité avec la Palestine. « Ces jeunes qui défilent n’y pensent pas parce qu’il n’y a pas de prix à payer », a-t-il expliqué, suggérant qu’ils ne devraient plus jamais être autorisés à travailler : « Je ne vous embaucherais pas si vous étiez anti-Noirs. Je ne vous embaucherais pas si vous étiez anti-homosexuels. Je ne vous embaucherais pas si vous étiez contre quoi que ce soit. Pourquoi embaucherais-je un antisémite ? », a-t-il déclaré, faisant l’amalgame entre l’antisémitisme et la critique du gouvernement israélien.

M. Rowan s’est fermement opposé à l’organisation par UPenn d’un festival de littérature palestinienne en 2023, exigeant que la présidente de l’université, Liz Magill, et le président du conseil d’administration d’UPenn, Scott Bok, soient licenciés. Après le 7 octobre, M. Rowan et ses alliés ont réussi à les forcer à quitter leur poste.

Rowan a une influence considérable sur son alma mater, principalement en raison de ses poches extraordinairement profondes. En 2018, par exemple, il a fait don de 50 millions de dollars à la Wharton School of Business de Pennsylvanie. Mais à l’instar des bienfaiteurs de Columbia et de Harvard, il est loin d’être un acteur neutre sur la question d’Israël et de la Palestine. En fait, il a des intérêts commerciaux considérables en Israël. Il s’est décrit comme quelqu’un qui a un « engagement fort et massif » envers le pays et qui « se tourne vers les Forces de défense israéliennes et ce que fait Israël » pour se guider.

M. Rowan et d’autres oligarques, Jonathon Jacobson et Ronald Lauder, ont aidé à organiser une grève du financement des universités jusqu’à ce que leurs demandes soient satisfaites. M. Jacobson, qui a affirmé que l’université refusait de défendre les valeurs usaméricaines, est le président de l’Institut des études de sécurité nationale, un groupe de réflexion israélien dont le directeur actuel est l’ancien chef des services de renseignement de Tsahal, Amos Yadlin. Il n’est donc pas surprenant que, pour un homme de ce milieu, il fasse depuis longtemps des dons à des groupes pro-israéliens aux USA.

Lauder, quant à lui, est encore plus lié à l’establishment israélien que Jacobson. Proche confident et partisan de Netanyahou, il a été nommé négociateur d’Israël avec le gouvernement syrien en 1998. Sa présence à un rassemblement « One Jerusalem » devant des extrémistes religieux et nationalistes en 2001 a conduit à un boycott de la marque Estée Lauder dans le monde musulman.

 Collaboration universitaire

Outre la pression exercée par les donateurs, les universités usaméricaines d’élite entretiennent des liens académiques et commerciaux étroits avec Israël. Par exemple, Columbia a annoncé l’année dernière qu’elle ouvrirait un “centre mondial” à Tel Aviv, qui servirait de centre de recherche pour les universitaires et les étudiants de troisième cycle. Cela permettrait à l'université d'étendre ses activités en Israël, où les étudiants peuvent déjà obtenir un diplôme conjoint avec l'université de Tel-Aviv ou étudier à l'étranger à Tel-Aviv ou Jérusalem. Cette évolution ne profitera toutefois qu'aux Israéliens, car les Palestiniens de Cisjordanie, de Gaza et d'ailleurs sont généralement interdits d'entrée en Israël.

Le projet de nouveau centre mondial a suscité de vives critiques de la part des enseignants de Columbia, dont près de 100 ont signé une lettre demandant à l’université de reconsidérer sa décision, compte tenu du bilan d’Israël en matière de droits humains. En outre, ces dernières années, de nombreux universitaires de Columbia se sont vu interdire l’entrée en Israël, probablement en raison de leurs opinions politiques. Il s’agit notamment de Rashid Kalidi, professeur d’études arabes modernes Edward Saïd, et de Katherine M. Franke, professeure de droit, qui a été détenue et interrogée par les autorités israéliennes pendant 14 heures avant d’être expulsée.

Pourtant, en ce qui concerne les établissements d’enseignement usaméricains, la collaboration israélienne de Columbia n’est pas inhabituelle. En 2003, l’université Cornell et le Fonds binational israélo-américain de recherche et de développement agricoles ont mis en place un programme de recherche agricole conjoint. En 2014, la Woodrow Wilson School of Public and International Affairs de l’université de Princeton a annoncé un programme commun avec la Lauder School of Government, Diplomacy and Strategy de l’IDC Herzliya en Israël. (L’école Lauder porte le nom de son fondateur et bienfaiteur, Ronald Lauder, défenseur de longue date de la cause sioniste). L’université de Californie a signé un protocole d’accord avec l’autorité nationale israélienne pour l’innovation technologique afin de renforcer la coopération entre les deux organisations.

Malgré le mouvement croissant appelant au boycott académique des institutions israéliennes, la collaboration intellectuelle entre les universitaires usaméricains et israéliens s’est développée. Entre 2006 et 2015, le nombre d’articles publiés dans des revues universitaires et dont les auteurs étaient des chercheurs affiliés à des universités usaméricaines et israéliennes a augmenté de 45 %.

Cette collaboration s’est surtout manifestée au sein d’institutions d’élite. En tête de liste des écoles, le Massachusetts Institute of Technology (Institut de technologie du Massachusetts, MIT), qui, entre 2006 et 2015, a publié 1 835 articles en collaboration avec des chercheurs d’institutions israéliennes. Le MIT est suivi par l’Université de Californie, Berkeley, Columbia, Harvard et Stanford, respectivement. Les domaines de recherche les plus courants sont la médecine, la physique et l’astronomie, la biochimie et la biologie. L’université de Tel Aviv est le collaborateur israélien le plus fréquent.

La police réprime les manifestations des étudiants propalestiniens sur le campus de l’UCLA, à Los Angeles, le 2 mai 2024. Photo Jae C. Hong | AP

Payés par Israël

Cependant, le financement direct d’établissements d’enseignement usaméricains par le gouvernement israélien est plus controversé que la collaboration universitaire. Le MIT, par exemple, est inondé d’argent israélien. Scientists Against Genocide (Scientifiques contre le génocide), un groupe du MIT, rapporte que, depuis 2015, l’université a reçu plus de 11 millions de dollars de financement autorisé pour la recherche de la part du ministère israélien de la Défense. Cet argent a atteint divers départements, notamment le génie électrique et l’informatique, le génie biologique, la physique, l’aéronautique et l’astronautique, la science et l’ingénierie des matériaux, ainsi que le génie civil et environnemental.

Les laboratoires et centres du MIT qui ont reçu des fonds comprennent le laboratoire des systèmes d’information et de décision, le laboratoire d’informatique et d’intelligence artificielle et le laboratoire de recherche en électronique.

L’argent a servi à financer des recherches qui profitent directement à l’armée israélienne et l’aident dans ses campagnes contre la population civile de Palestine. Par exemple, un projet du MIT financé par Israël depuis 2022 s’intitule « Essaims robotiques autonomes : Coordination et perception distribuées ». Selon Scientists Against Genocide, ces recherches ont aidé Tsahal à effectuer des bombardements aériens par drone, à surveiller les manifestants et à lancer des gaz lacrymogènes sur les Palestiniens. On sait qu’Israël met au point des volées de petits drones autonomes guidés par l’intelligence artificielle pour localiser des cibles, diriger des frappes aériennes et faciliter les avancées militaires.

Dans le cadre d’un autre projet, intitulé « Planning and Sensing Algorithms for Underwater Persistent Monitoring » (Algorithmes de planification et de détection pour la surveillance sous-marine persistante), le ministère israélien de la défense a accordé au MIT 1,5 million de dollars pour développer une technologie destinée à l’aider à surveiller la mer Méditerranée. Scientists Against Genocide a suggéré que cela a aidé Israël à mettre en œuvre un blocus naval contre Gaza, notamment en ciblant les navires de pêche pour empêcher les habitants de Gaza de se nourrir.

Israël a longtemps limité la quantité de nourriture entrant dans la bande de Gaza, maintenant les habitants au « régime ». Toutefois, au cours des sept mois qu’a duré l’assaut contre cette bande de terre densément peuplée, la crise alimentaire a atteint un niveau critique. Les Nations unies ont prévenu que la famine était imminente et leur haut-commissaire aux droits humains, Volker Türk, a suggéré qu’Israël commettait un crime de guerre en utilisant la famine comme arme.

Liens avec le complexe militaro-industriel

On pourrait faire valoir que le MIT peut raisonnablement être accusé d’être directement complice d’un génocide à Gaza. Toutefois, le MIT et d’autres institutions d’élite subissent d’énormes pressions gouvernementales de la part de l’autre camp. Sa présidente, Sally Kornbluth, ainsi que Claudine Gay, présidente de Harvard, et Magill, de Pennsylvanie, ont été traduites devant le Congrès et interrogées sur le soutien présumé de leurs universités au Hamas et sur leur indifférence à l’égard de l’antisémitisme. L’affaire a fait la une des journaux nationaux et a suscité des vagues de pression sur les universités du pays.

Les USA entretiennent bien entendu des relations extrêmement étroites avec Israël, qu’ils utilisent comme avant-poste de leur puissance au Moyen-Orient. Washington a opposéson veto à plusieurs projets de résolutions aux Nations unies qui tentaient de remédier à la situation désastreuse, y compris ceux qui appelaient à un cessez-le-feu et à la création d’un État palestinien à part entière. Les USA fournissent chaque année à Tel-Aviv une aide militaire d’une valeur de près de 4 milliards de dollars et, en avril, le Congrès a voté l’envoi de 17 milliards de dollars supplémentaires provenant de l’argent des contribuables uséricains. Les critiques ont dénoncé cette aide comme étant, au mieux, inutile et, au pire, le soutien à un génocide. Mais le président Biden maintient que chaque centime donné à Israël est de l’argent bien dépensé et a déclaré que si Israël n’existait pas, les USA devraient l’ inventer.

Le soutien usaméricain à Israël n’a pas qu’un coût monétaire. La réputation internationale des USA est en train de sombrer. Un récent sondage montre qu’une majorité de personnes en Asie du Sud-Est choisiraient désormais la Chine plutôt que les USA si elles étaient obligées de choisir, le soutien continu de Washington à Israël étant un facteur essentiel de ce changement. Un certain nombre de fonctionnaires usaméricains ont également démissionné publiquement de leurs fonctions en signe de protestation. Lily Greenberg Call, la première personnalité juive nommée par M. Biden à démissionner publiquement à propos de Gaza, a quitté son poste d’assistante spéciale du chef de cabinet du ministère de l’intérieur. Expliquant sa décision, Lily Greenberg Call a écrit :   

« Le président a le pouvoir d'appeler à un cessez-le-feu durable, de cesser d'envoyer des armes à Israël et de conditionner l'aide. Au cours des huit derniers mois, les États-Unis n'ont pratiquement pas utilisé de moyens de pression pour demander des comptes à Israël, bien au contraire. Nous avons permis et légitimé les actions d'Israël en opposant notre veto aux résolutions de l'ONU destinées à lui demander des comptes. Le président Biden a le sang d'innocents sur les mains.

Les États-Unis ont longtemps permis les crimes de guerre israéliens et le statu quo de l'apartheid et de l'occupation. Ce statu quo n'assure pas la sécurité des Israéliens, ni celle des Juifs du monde entier ».

 Chaque manifestation sur un campus est différente. Mais elles partagent généralement le même objectif : faire pression sur leurs universités pour qu’elles désinvestissent leurs dotations d’Israël et des entreprises liées à l’occupation israélienne en cours. Certains ont appelé à couper les liens académiques avec les universités israéliennes, tandis que d’autres, comme Cornell et Yale, ont demandé à leurs écoles de cesser d’investir dans les entreprises d’armement qui tirent profit de l’effusion de sang.

Ces demandes ont un précédent. Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, une multitude d’institutions usaméricaines ont interrompu leur collaboration avec la Russie presque du jour au lendemain. Plus loin dans le temps, les manifestations étudiantes ont contraint de nombreuses universités usaméricaines à rompre leurs liens financiers avec l’Afrique du Sud de l’apartheid.

Mais Israël et le complexe militaro-industriel sont tellement imbriqués dans l’économie usaméricaine qu’un boycott à grande échelle pourrait s’avérer difficile, surtout si l’on considère les liens étroits qu’entretiennent les universités d’élite usaméricaines avec l’industrie de la défense. Le MIT, par exemple, a conclu des partenariats à long terme avec un grand nombre de fabricants d’armes de premier plan, dont RTX (anciennement Raytheon), Lockheed Martin et Boeing, qui a loué 100 000 mètres carrés d’espace de recherche et de laboratoire dans le nouveau bâtiment à usage mixte du MIT à Kendall Square, à Cambridge (MA).

Alors que les médias ont diabolisé les étudiants en les qualifiant de partisans du terrorisme, ceux-ci jouissent d’un large soutien de la part de leurs pairs. Les étudiants ont approuvé une résolution demandant au MIT de rompre toute recherche et tout lien financier avec l’armée israélienne, 63,7 % des étudiants de premier cycle et 70,5 % des diplômés ayant voté en faveur de cette résolution. Les adultes usaméricains âgés de 18 à 44 ans soutiennent les manifestations nationales dans une proportion de 4:3.

 

Un manifestant est arrêté sur la 34e  rue près du campus de l’université de Pennsylvanie à Philadelphie, le 17 mai 2024. Steven M. Falk | AP

 La répression

Les autorités, cependant, ne sont guère disposées à négocier, et les images de la police anti-émeute vêtue de noir frappant et traînant des étudiants et des membres de la faculté sont devenues virales dans le monde entier.

MintPress s’est entretenu avec Bryce Greene, un étudiant organisateur à l’université d’Indiana Bloomington, qui nous a expliqué comment l’administration a collaboré avec la police pour réprimer le mouvement qui prenait de l’ampleur :

« La nuit précédant l’installation de notre campement, l’administration a modifié les règles de l’espace que nous utilisions et s’en est servie pour lancer un assaut policier de niveau militaire contre des manifestants pacifiques. L’université a autorisé des véhicules blindés, des troupes anti-émeutes, des armes d’assaut, des fusils de chasse, des lance-grenades, un hélicoptère qui tournait au-dessus de nous, un drone de surveillance et même un tireur d’élite sur le toit ».

« Le premier jour, la police militarisée a envahi le camp et arrêté des dizaines de personnes », a déclaré  Greene. Sans se décourager, les manifestants sont revenus deux jours plus tard et ont été accueillis par une force similaire. Greene a été arrêté et s’est vu interdire l’accès au campus pendant cinq ans, ce qu’il attribue à sa longue activité d’organisateur étudiant.

L’histoire de l’Indiana est loin d’être unique. Au MIT, plus de 200 policiers anti-émeute armés ont pris d’assaut le camp de protestation à 4 heures du matin le 11 mai, détruisant le campement et arrêtant les manifestants pacifiques. Harvard a suspendu le comité de solidarité avec la Palestine de l’université et a pris des mesures à l’encontre de certains étudiants. Nombre d’entre eux risquent à présent d’être expulsés de leur logement étudiant, voire d’être expulsés du pays. De son côté, l’université UPenn a bloqué l’accès au campus aux leaders de la contestation. Les étudiants seniors pensent que cela affectera leur capacité à obtenir leur diplôme. Depuis le 22 mai, plus de 3 000 arrestations ont eu lieu dans tout le pays.

Le premier amendement réduit en miettes

Après une attaque surprise du Hamas, Israël a entamé sa campagne de violence à Gaza le 7 octobre. Les bombardements incessants de cette bande de terre exiguë ont fait des dizaines de milliers de morts et entraîné le déplacement de près de 2 millions de personnes dans ce qui constitue le pire épisode de violence génocidaire en Palestine depuis la Nakba de 1948, lorsque trois quarts de million de Palestiniens ont été chassés de chez eux sous la menace des armes pour préparer le terrain à la création d’un État juif. De nombreux organismes internationaux, dont les Nations unies, la Cour pénale internationale et Amnesty International, ont utilisé le terme « génocide » pour qualifier les actions israéliennes à Gaza. Le président Biden a toutefois rejeté cette interprétation et a apporté son soutien total à Israël.

Ce soutien inconditionnel nuit gravement à la cote de M. Biden dans les sondages. Une majorité d’électeurs démocrates considèrent que les actions d’Israël constituent un génocide, et les jeunes USAméricains abandonnent massivement leur soutien à M. Biden.

Ces groupes, en particulier, se tournent vers d’autres sources d’information sur Israël et la Palestine. Les sondages montrent que les jeunes qui s’informent sur TikTok et d’autres médias sociaux (et non à travers le filtre de l’information institutionnelle) sont les plus susceptibles d’avoir une opinion négative des actions d’Israël. La réponse de l’administration Biden a consisté à menacer de fermer complètement TikTok aux USA. Mais il est loin d’être évident que cette mesure autoritaire parviendra à endiguer la vague croissante de solidarité palestinienne qui se développe depuis des années, en partie grâce au travail inlassable des activistes sur les campus à travers le pays.

Bien que les manifestations sur les campus soient majoritairement pacifiques, les autorités ont choisi de les réprimer sévèrement, bafouant au passage le premier amendement. Pourquoi les universités et le gouvernement ont-ils fait preuve d’une tolérance quasi nulle à l’égard de ceux qui protestent contre le génocide ? Tout d’abord, parce que de nombreux bienfaiteurs universitaires très riches sont eux-mêmes des sionistes convaincus et entretiennent des liens étroits avec l’État israélien.

Cela soulève la question de savoir si ces dons soi-disant caritatifs sont si caritatifs que cela. D’une part, les grandes fortunes usaméricaines bénéficient souvent de déductions fiscales pour leurs contributions. D’autre part, cela leur donne un pouvoir excessif pour contrôler les orientations des institutions qu’ils financent. Les riches devraient-ils pouvoir dicter la politique universitaire à des dizaines de milliers de personnes ? Beaucoup diront que c’est profondément antidémocratique.

Comme nous l’avons vu, les universités elles-mêmes ont des liens académiques et même financiers étroits avec l’État d’Israël, ce qui rend les demandes de désinvestissement des étudiants particulièrement sensibles. Tout cela se produit dans un contexte où le gouvernement continue de s’engager à soutenir pleinement Israël et ses objectifs de guerre et a pris des mesures pour réprimer le discours anti-israélien, en essayant de rendre fonctionnellement illégal le fait de s’opposer ouvertement aux politiques expansionnistes d’Israël. Israël est depuis longtemps un troisième rail politique aux USA. Les milliers d’étudiants arrêtés l’apprennent en temps réel.

Alan MacLeod est rédacteur principal pour MintPress News. Après avoir obtenu son doctorat en 2017, il a publié deux livres : Bad News From Venezuela : Twenty Years of Fake News et Misreporting et Propaganda in the Information Age : Still Manufacturing Consent, ainsi qu’un certain nombre d’articles universitaires. Il a également contribué à FAIR.org, The Guardian, Salon, The Grayzone, Jacobin Magazine et Common Dreams.