Pillage, surveillance extrême et blocage de l’information... Telle est la réalité de Dakhla, l’ancienne Villa Cisneros. Le Maroc utilise des influenceurs espagnols pour blanchir son image.
Sara S. Bas et Francisco Carrión, El Independiente, 8/2/2025
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane, Tlaxcala
Ces
dernières semaines, deux journalistes espagnols ont été expulsés de Dakhla. Ce
mercredi, le Maroc
a refusé l’entrée dans la ville à Francisco Carrión, reporter d’El
Independiente. Il y a une semaine et demie, José Carmona, de Público,
a été expulsé. Depuis janvier, en revanche, le régime de Mohamed VI a invité
des dizaines d’influenceurs espagnols dans le but de promouvoir Dakhla comme
une destination de vacances économique et proche de la péninsule, à seulement
trois heures de vol. Selon nos informations, le gouvernement marocain organise
des voyages pour promouvoir l’image de cette ville, située au sud du Sahara
occidental. Dans le cadre du premier vol direct reliant Madrid à Dakhla,
plusieurs influenceurs, se désignant eux-mêmes comme « créateurs de contenu »,
et des journalistes de voyage ont pu se rendre sur place et visiter la ville
pendant plusieurs jours.
Une centaine
de personnes - parmi lesquelles des agents de voyage, des journalistes et des
influenceurs d’Espagne et du Portugal - ont été invitées à Dakhla par l’Office
national marocain du tourisme (ONMT). Le « voyage de familiarisation » - «
Fam Trip », comme on l’appelle dans le jargon des agents et des journalistes du
tourisme - s’est déroulé du 8 au 11 janvier et avait pour objectif de «
promouvoir Dakhla comme destination principale pour les marchés ibériques » en
pleine offensive du régime alaouite pour obtenir un soutien international à sa
revendication de marocanité de l’ancienne colonie espagnole, un territoire non
autonome en attente de décolonisation, selon l’ONU.
Huîtres et dunes : un voyage royal
« Le Fam
Trip offre une introduction complète au potentiel touristique de Dakhla, en
mettant en avant ses atouts culturels, ses paysages naturels et ses
opportunités d’investissement », expliquent les autorités touristiques
marocaines. Selon le programme, les participants ont visité les principales
attractions touristiques de l’enclave, ont assisté à des « sessions de
réseautage » et à des « présentations conçues pour montrer l’attrait croissant
de la région pour les visiteurs internationaux ». Rabat ne cache pas que son
objectif est de positionner Dakhla comme « une porte d’entrée pour les
touristes latino-américains via le centre d’opérations de Madrid ». Ryanair
a rejoint trois autres compagnies aériennes proposant des liaisons
internationales avec Dakhla : Royal Air Maroc (RAM), Binter Canarias et
Transavia. Toutes opèrent sur des routes subventionnées par l’État marocain.
« Visit
Morocco nous a contactés par l’intermédiaire de Bushido Talent, une agence
d’influenceurs et de marketing digital basée à La Corogne, pour réunir un certain
nombre de personnes et faire ce voyage », a expliqué à El Independiente
l’une des personnes qui s’est rendue à Dakhla et qui préfère garder l’anonymat.
Visit Morocco est la marque sous laquelle opère l’autorité touristique du pays
voisin. L’objectif, détaille cette source, est de dissocier Dakhla du conflit
découlant de l’occupation par le Maroc du Sahara occidental et d’en faire
une destination touristique. « Je n’avais aucune idée de l’endroit où se
trouvait Dakhla ni de ce à quoi elle ressemblait avant de voyager », admet-il.
Depuis que le Front Polisario a rompu le cessez-le-feu en vigueur depuis 1991
en novembre 2020, les hostilités ont repris le long du mur de 2 720 kilomètres de
long qui sépare le territoire occupé par Rabat de celui libéré par le
Polisario.