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03/02/2023

GIDEON LEVY
La femme soldat “modèle” d'Israël

Gideon Levy, Haaretz, 1/2/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Orna Barbivai est une générale de réserve de Tsahal, une ancienne ministre de l'économie et le deuxième membre le plus important de Yesh Atid [Il y a un futur, le parti de Yair Lapid, de “centre-gauche”, NdT]. Dans un parti où une seule personne prend les décisions, il n'est pas très important d'être le numéro 2, mais quoi qu'il en soit, elle est la cheffe adjointe, une voix importante dans son parti et dans le camp de centre-gauche qui, malheureusement, est la seule alternative à la droite.

Orna Barbivai lors d'une réunion du cabinet à Jérusalem, l'année dernière

Cette semaine, Orna Barbivai a publié un clip vidéo sur Twitter, montrant une femme lieutenant-colonel participant à la mise sous scellés honteuse de la maison de la famille d'un terroriste à Shuafat. Notre générale de réserve a écrit : « Une femme officier participant à la mise sous scellés de la maison d'un terroriste est une réponse puissante à un gouvernement qui dévalorise, ségrègue et exclut les femmes uniquement parce qu'elles sont des femmes ».

Puissante ou non, c'est effectivement une réponse appropriée à la droite : il n'y a pas de différence entre vous et nous. C'est la réponse féministe de l'opposition, qui a déclaré la guerre au gouvernement. Si quelqu'un essayait de se consoler en croyant qu'il existe une certaine opposition en Israël aux crimes de guerre, à l'occupation et à l'apartheid, Barbivai est arrivée et a prouvé qu'il n'y en avait pas. Quand il s'agit de crimes de guerre, nous sommes une nation unie.

Au début, je pensais que c'était une déclaration ironique faisant référence au féminisme. Mais la Barbie de Barbivai s'est vite avérée être réelle. Une femme officier qui commet un crime de guerre est pour elle une source de fierté et un sujet à utiliser dans une campagne féministe. Hier, elles brûlaient des soutien-gorge et aujourd'hui, elles scellent des maisons. Hier, elles avaient honte de ces crimes et tentaient de les cacher, aujourd'hui elles les brandissent comme une source de fierté. Il suffit de faire venir davantage de femmes scelleuses de maisons pour que les femmes se tiennent debout. Que diraient Shulamit Aloni, Eleanor Roosevelt et Betty Friedan ?

Ce n'est pas seulement le féminisme tordu et malade qui croit que l'égalité dans l'exécution des meurtres et des démolitions est un objectif désiré, c'est le blanchiment et même l'applaudissement au crime. Le fait que les femmes ne soient pas encore pleinement complices de la rapacité exhibée dans les territoires est tout à leur honneur. Le fait qu'elles ne participent pas aux bombardements et aux tirs d'obus comme le font les hommes à la guerre est pour elles une marque d'honneur. Ce qui est condamnable, c'est l'ambition de nombreuses femmes d'atteindre l'égalité dans l'armée, avec toute la violence qu'elle comporte. Elles n'auront de cesse d'avoir un chef d'état-major féminin, ou au moins une cheffe de commando. Et si cela s'applique à l'armée, pourquoi pas aux organisations criminelles ? Là aussi, les hommes sont les seuls à commander.

Barbivai estime que sceller la maison d'une famille innocente est une source de fierté, un grand héroïsme, et que la participation d'une femme officier à une telle opération attache un grand honneur aux femmes. Regardez comment, dans la vidéo, l'officière caresse doucement la feuille de métal, vérifiant qu'elle scelle complètement la maison. Ce n'est pas seulement une maison qui est scellée, c'est la vie des parents, des enfants et des personnes âgées qui y vivent, la maison étant tout leur monde et la seule chose qu'ils possèdent. Comment peut-on avoir le cœur froid pour participer à la réalisation de cette action cruelle, et comment peut-on être à ce point insensible qu’on peut en être fier ? Que sait Barbivai de la terrible tragédie qui a frappé les occupants de la maison, qui n'ont rien fait de mal, et dont le monde s'est soudainement effondré autour d'eux ? Que sait-elle du droit international, ce bourdonnement embêtant pour la plupart des Israéliens, qui interdit les punitions collectives ? Y a-t-il une punition plus collective que de demander aux parents, aux grands-parents et aux enfants de rendre compte des actions d'un fils ? Existe-t-il un acte plus terrible et discriminatoire à l'égard des femmes que la démolition d'une famille comptant de nombreuses femmes, uniquement parce qu'un fils a péché ? Y a-t-il une preuve plus définitive du suprémacisme juif lorsque cette peine horrible est imposée uniquement aux Palestiniens et jamais aux terroristes juifs, y compris les plus meurtriers d'entre eux, comme Baruch Goldstein ?

Barbivai n'est pas une aberration dans son camp. Elle a juste dit ce que la plupart de ses membres, hommes et femmes, pensent. Le chemin de l'égalité passe par les bulldozers de l'armée et les champs de bataille des hommes. Si c'est ça le féminisme, peut-être que le chauvinisme est préférable ? Au moins, ce n'est pas hypocrite. Et si c'est le centre, qu'est-ce qu'il y a de si mal avec la droite ? Quand on a Barbivai, on n'a pas besoin de députés extrémistes comme Almog Cohen [député de Otzma Yehudit, Force juive, le parti kahaniste d’Itamar Ben Gvir, qui a vu son compte twitter suspendu pendant 11 heures pour avoir gazouillé après le massacre de Jénine : « Bon travail professionnel des soldats de Jénine, continuez à les tuer », NdT]